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La question du ravitaillement

ambitions d’envergure et changements ratés

Paragraphe 3 Les secours organisés

A. La question du ravitaillement

1. La Commission d’alimentation de Beyrouth-Liban

La première réponse apportée par les autorités publiques (Turcs) était la mise en place des commissions temporaires d’alimentations dans chaque vilayet.

Ces commissions étaient chargées de la réglementation de l’achat, de la vente et de la répartition des vivres389.

On installa le bureau central de la commission de «Beyrouth-Liban» dans le village de Hadet tout près de

Beyrouth, et pour faciliter le ravitaillement de la population, on créa des «succursales» dans plusieurs

cantons du Liban et du Vilayet de Beyrouth390.

Ces commissions provoquèrent des abus criants. La répartition des denrées alimentaires étant concentrée entre les mains de certains employés de peu de confiance, ceux-ci distribuaient le dixième des vivres et vendaient le reste aux marchands, et à des prix exorbitants391.

Comme la commission de «Beyrouth-Liban» ne pouvait nullement subvenir aux besoins de la population, la municipalité de Beyrouth, sur l’ordre des autorités militaires et civiles, procéda à la mainmise sur les

388 Idem, p. 51.

389 Idem, p. 21. 390 Idem, pp. 21-22.

391 Antoine Yammine, contemporain de cette époque, donne l’exemple d’un certain «Georges Mezher» de «Bsalime» (Liban) à qui on avait confié la distribution des denrées alimentaires dans le Caza du Meten put, en quelques mois, au préjudice de la population, enfouir dans ses poches la sommes de 100 mille francs en or, Idem, p. 22.

moulins et les fours, moyennant indemnité équitable. On s’occupa exclusivement de la question du pain que l’on distribuait à un prix raisonnable, mais par ration minime392.

2. La Société anonyme libanaise de ravitaillement

Suite à l’échec de la Commission d’alimentation de Beyrouth-Liban, Le gouverneur de Mont-Liban, Ali

Munif, réussit à la remplacer par une société de droit privé, la «Société anonyme libanaise de

ravitaillement». Il ordonna à tous les caïmacans des cazas de la Montagne de lui présenter, sans aucun délai, des listes où seraient inscrits les noms des personnes riches pouvant contribuer à former le capital de la société393.

Cette société entra en fonction le 8 juin 1916, et s’occupa d’abord de la question des céréales. Ayant installé des dépôts dans diverses contrées du Liban, le gouverneur et deux des actionnaires de la société, firent un voyage dans l’intérieur de la Syrie, pour y acheter les vivres nécessaires à l’alimentation de la Montagne394.

De retour au Liban, le gouverneur prescrivit le mode de vente et de distribution de denrées.

Dans les premiers temps on vendait le rothol395 de blé à raison de 5 piastres (l’équivalant de 1 Fr. 25 ct.),

le rothol d’orge, de mais, de lentilles, de pois, à raison de 4 piastres396. Malheureusement les

fonctionnaires de la société répartissaient les vivres d’une façon très inégale entre classe riche et classe pauvre ou moyenne397. Et il était impossible d’acheter des vivres chez les marchands de céréales: Les

autorités militaires et civiles avaient annihilé le commerce indépendant de vivres et empêchaient les particuliers d’acheter pour leur compte les denrées alimentaires dans les vilayets et de les faire transporter dans le Liban. Débarrassés ainsi de toute concurrence, les fonctionnaires de la Société s’entendirent en vue de voler les grosses quantités de céréales, destinées à la population, et de les vendre ouvertement à quelques Libanais ou à quelques Beyrouthins, et aux prix les plus exorbitants398.

392 Tout d’abord on donnait journellement, et par tête, une miche de pain de 250 grammes. Bientôt après, cette miche était accordée trois fois par semaine. A 40 jours de là, on n’autorisa plus cette misérable miche que pour la durée d’une semaine entière. Idem, p. 22, 49-50.

393 Idem, p. 43. 394 Idem, p. 44.

395 rothol = 2 Kg. et 2/3 du Kg. 396 Yammine, op. cit, p. 44.

397 Antoine Yammine cite qu’on fournissait par exemple 100 rothol à un notable ou à une personne influente, tandis que le malheureux libanais ne pouvait toucher que trois ou quatre rothol, Idem, p. 44.

En gros, entre juin et septembre 1916, la Société fit quatre ou cinq répartitions de vivres totalisant une quantité de 20 rothol en moyen, pour chaque famille, une quantité qui ne peut suffire que pour vingt jours ! 399.

Entre septembre et octobre 1916, le gouverneur Ali Munif décida de restituer aux actionnaires leurs capitaux, plus un intérêt de 5%, «Et la société travailla dès lors pour le compte du gouverneur et de quelques-uns de ses amis intimes, qui formèrent aussitôt une véritable bande d’accapareurs officiels.»400.

Et vers mi-Octobre, on arrêta toute répartition, et la Société ne fournissait plus de vivres qu’aux fonctionnaires civils et militaires du gouvernement du Liban401.

Il s’ensuivit une situation très lamentable. Le pain se vendait alors, dans le Liban, à raison de 25 piastres (l’équivalent de 5 Fr. 80 ct.) la miche de 125 grammes. «Les riches seuls pouvaient payer ce prix»402.

Au début de l’année 1917 les prix des denrées alimentaires ont atteint un niveau exorbitant comme l’indique le tableau 16403. 399 Idem, p. 45. 400 Idem, p. 45. 401 Idem, p. 45. 402 Idem, p. 46.

Le prix d’un Kilo

Le produit Piastre Franc

Pain 45 10,9 Riz 60 14,6 Viande 135 33 Haricots secs 135 33 Sucre 112 27,3 Café 225 54,8 Thé 200 48,7 Huile d’olive 112 27,3 Beurre de cuisine 145 35,3

Table 16 : Prix des denrées alimentaires au début de 1917.

Cette situation fut bientôt aggravée quand le gouvernement déclara officiellement que l’exportation était, dès lors, concentrée entre les mains des Allemands:«On supprima toute commission d’alimentation, in interdit tout transport de denrées alimentaires d’un vilayet à l’autre, et l’on ferma définitivement tous les fours où l’on faisait le pain pour l’entretien de la population civile.»404.