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CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE

2.1 La production de mots écrits en français

2.1.2 La production de mots écrits

Apprendre à produire des mots écrits est essentiel pour écrire de manière efficace en utilisant différents supports (Moreau et al., 2013). Au fil de l’histoire, cet apprentissage et, plus largement, la compétence en écriture, ont fait l’objet de différents modèles et théories, en contexte de recherche théorique. Ainsi, dans cette section, des modèles traitant de la production de mots écrits sont d’abord exposés pour ensuite présenter des cadres de référence de la compétence en écriture qui synthétisent de modèles théoriques élaborés dans le domaine de l’enseignement-apprentissage de l’écriture.

2.1.2.1 Les modèles traitant de la production de mots écrits

Afin de rendre compte du développement de la production de mots écrits dans la langue d’apprentissage et des difficultés qui y sont associées, plusieurs auteurs ont élaboré des modèles théoriques au cours des dernières décennies (p. ex. : Barry, 1994; Ehri et

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Roberts, 1997, 2014; Ferreiro et Gomez-Palacio, 1988; Frith, 1985; Gentry, 1982; Henderson et Beers, 1980; Harm et Seiderberg, 2004; Seymour, 2008). Ces modèles, validés en contexte d’écriture manuscrite, attestent de ce développement dans des tâches qui se complexifient, qui impliquent une production orthographique (p. ex. : production de mots isolés et de textes) et qui peuvent être réalisées avec différents supports. Ils font tous référence à la capacité à produire avec précision et fluidité des mots écrits dans la réalisation de ces tâches. Dans le cadre de ces modèles, la précision réfère à l’exactitude avec laquelle les mots sont produits, alors que la fluidité implique à la fois la précision et la vitesse de production; elle suppose une automatisation. Ainsi, en étant centrés sur la production de mots écrits, ces modèles renvoient à la fluidité en tant qu’indicateur du développement d’un processus en particulier, sachant que, plus largement, la fluidité en écriture est un construit complexe, qui peut référer à plusieurs indicateurs, reliés à bien d’autres processus (Kim et al., 2017; Van Waes et Leijten, 2015). Selon ces auteurs, dans la mesure où la fluidité en écriture est considérée comme le médiateur entre plusieurs processus, que son rôle dans l’apprentissage de l’écriture se doit être étudié de manière importante au plan théorique dans le futur et qu’il s’agit d’un concept distinct de celui traité dans cette thèse, seuls des modèles théoriques centrés sur le processus visé sont présentés. Parmi les modèles traitant de la production de mots écrits, certains sont incontournables dans le cadre d’une recherche sur l’effet d’un programme de rééducation sur la production de mots écrits en français d’élèves ayant une dyslexie-dysorthographie âgés de neuf-douze ans : soit le modèle à double voie (Barry, 1994) et les modèles développementaux (Frith, 1985; Seymour, 2008).

2.1.2.1.1 Le modèle à double voie (Barry, 1994)

Les premiers modèles cognitivistes de l’apprentissage des processus spécifiques en lecture et en écriture sont issus de recherches effectuées en neuropsychologie auprès d’individus ayant eu des accidents cérébraux, principalement des adultes, présentant une dyslexie-dysorthographie acquise (Ehri, 2006; Laplante, 2011). Ces modèles

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(p. ex. : Barry, 1994; Coltheart, 1978; Ellis, Young et Anderson, 1988) validés en anglais ont d’abord tenté de rendre compte de l’identification de mots écrits chez le lecteur expert ou présentant des troubles d’apprentissage acquis ou développementaux pour ensuite être adaptés à la production de mots écrits (Barry, 1994). Comme ces modèles, le modèle de Barry (1994) postule que ce processus s’effectue selon deux voies principales qui fonctionneraient indépendamment l’une de l’autre (Bégin, 2008; St-Pierre et al., 2011) (voir figure 2.1). Ainsi, une atteinte de l’une n’aurait aucune incidence sur l’autre chez des scripteurs en difficulté, dont les élèves ayant une dyslexie-dysorthographie. Ces deux voies sont la voie indirecte et la voie directe.

Figure 2.1 Modèle à double voie

(Barry, 1994)

Mot dit oralement

boucle phonologique

reconnaissance phonologique

production du mot

à l’oral

signification du mot

VOIE INDIRECTE

Épellation

Conversion phonographémique

Lexique orthographique

VOIE DIRECTE

Production du mot écrit

Écriture

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D’abord, la voie indirecte, nommée aussi voie d’assemblage, requiert la conversion phonographémique pour produire avec précision et fluidité des mots écrits. Ainsi, à l’oral, le mot est d’abord reconnu au plan phonologique, puis segmenté en unités linguistiques, soit les syllabes et les phonèmes. Les phonèmes à l’intérieur de chaque syllabe sont alors associés un à un à des graphèmes, ce qui est utile pour produire des mots réguliers contenant majoritairement des graphèmes consistants acontextuels, des mots rares ou des non-mots, soit des mots inventés (p. ex. : batru) (Ehri, 2006). L’apprenant gagne donc en fluidité lorsqu’il arrive à procéder efficacement phonème par phonème puis syllabe par syllabe (écriture sous-syllabique puis syllabique). Ensuite, la voie directe, nommée aussi voie d’adressage, favorise la production directe du mot écrit à partir d’une représentation lexicale stockée en mémoire de manière permanente, et donc, sans médiation phonologique. Ainsi, le mot peut être produit oralement en faisant le lien avec sa signification, permettant d’accéder directement au lexique orthographique. Donc, seule cette voie permettrait d’accéder directement aux mots connus par le scripteur afin d’écrire avec précision et fluidité un nombre considérable de mots écrits, dont des mots irréguliers (p. ex. : monsieur et femme), contenant majoritairement des graphèmes inconsistants contextuels. C’est donc l’aisance avec laquelle l’apprenant accède à ce lexique, constitué d’un nombre de plus en plus important de mots, qui favorise la fluidité de la production de mots écrits.

Bien que les modèles à double voie aient marqué de manière importante les pratiques et les recherches dans ce domaine, plusieurs auteurs les ont remis en question pour rendre compte de la dynamique du développement de la lecture et de l’écriture et des difficultés dans cet apprentissage (Frith, 1985; Richards et al., 2006; Sprenger- Charolles, 2012; Seymour, 2008). Selon ces derniers auteurs, ces modèles basés sur les procédures d’adultes qui perdent l’utilisation de l’une d’entre elles après un accident cérébral peuvent difficilement se comparer au fait de développer ces dernières et de vivre des difficultés dans cet apprentissage. D’ailleurs, ces auteurs soulèvent le fait que

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la majorité des apprenants ayant une dyslexie-dysorthographie ont des difficultés dans l’apprentissage de ces deux voies, ce qui indique que leur dynamique de développement pourrait être différente de celle postulée dans les modèles à double voie.

2.1.2.1.2 Les modèles développementaux

Les modèles développementaux visent justement à expliquer la dynamique de développement des procédures d’identification et de production de mots écrits (Ehri, 2006; Laplante, 2011; St-Pierre et al., 2011). Selon ces auteurs, ces modèles cognitivistes postulent que ce développement se fait en passant par différents stades ou phases qui sont marqués par l’utilisation d’une procédure en particulier. De plus, certains privilégient une séquence développementale stricte et donc, par stades, alors que d’autres optent pour des phases pouvant se chevaucher. Considérant leurs similitudes et divergences, seulement deux modèles qui constituent une référence dans le domaine de l’orthodidactique sont présentés : le modèle développemental intégratif de Frith (1985) et le modèle développemental structural de Seymour (2008).

2.1.2.1.2.1 Le modèle développemental intégratif de Frith (1985)

Afin d’expliquer les liens de réciprocité entre le développement de l’identification et de la production de mots écrits, Frith (1985) a proposé un modèle qui rend compte de la dynamique entre ces processus (voir figure 2.2). Son modèle développemental intégratif suit des stades successifs que l’apprenant ne franchit pas au même moment en lecture et en écriture, mais bien en décalage, puisque l’atteinte d’un stade dans une de ces activités donnerait la stimulation nécessaire pour qu’émerge le stade suivant. Dans ce modèle, chacun de ces trois stades, les stades logographique, alphabétique et orthographique, présents dans la plupart des modèles développementaux, ont pour

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particularité de se scinder en deux étapes comportant des habiletés de niveaux différents (1985), d’où le fait qu’il est également appelé « Le modèle à six pas ».

Figure 2.2

Modèle développemental intégratif (Frith, 1985)

Dans un premier temps, lors du stade logographique, le jeune enfant identifie certains mots familiers à partir de traits visuels saillants et du contexte extralinguistique (p. ex. : lire des logos publicitaires tels que McDonald’s et Coca-Cola). À ce moment, l’ordre

IDENTIFICATION DE MOTS ÉCRITS PRODUCTION DE MOTS ÉCRITS 1a 1b 2a 2b Logographique 1 3a 3b Logographique 3 Logographique 2 Alphabétique 3 Logographique 2 Symbolique Alphabétique 2 Orthographique 2 Phases Orthographique 2 Logographique 1 Logographique 2 Orthographique 1

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des graphèmes et l’association phonèmes-graphèmes ne sont pas pris en compte. Cette procédure d’abord développée en lecture amène ensuite l’enfant à écrire quelques mots (p. ex. : son prénom, maman, papa), un peu comme s’il reproduisait un dessin qu’il avait vu à maintes reprises. Or, l’existence de ce stade en écriture est remise en question, puisque la production de mots écrits solliciterait des procédures plus évoluées, dont la procédure alphabétique (Borchardt, Fayol et Pacton, 2012; Ehri, 2005; Laplante, 2011). Par la suite, le stade alphabétique s’amorce au moment où l’apprenant comprend le principe alphabétique. Ainsi, une fois qu’il saisit que les unités orales (les principales étant les phonèmes) peuvent être transcrites à l’écrit au moyen de graphèmes, il commence à utiliser la procédure alphabétique. Cette procédure séquentielle d’association entre les phonèmes et les graphèmes, également décrite dans le modèle à double voie, serait d’abord utilisée en écriture puis en lecture, pour identifier un nombre plus important de mots écrits. Elle s’automatiserait progressivement, de manière à ce que l’apprenant procède phonème par phonème puis syllabe par syllabe. Celle-ci serait fondamentale en début de développement pour ensuite donner place à une procédure plus évoluée : la procédure orthographique.

Enfin, Frith (1985) propose un dernier stade caractérisé par l’utilisation de la procédure orthographique; le stade orthographique. Cette procédure, utilisée d’abord en lecture puis en écriture, permettrait d’accéder aux représentations lexicales stockées en mémoire, en analysant les mots en unités orthographiques de plus en plus larges (p. ex. : phonèmes, graphèmes, morphèmes). C’est donc en faisant des liens entre les unités linguistiques formant les mots que l’enfant arrive à en identifier de nouveaux, pour ensuite en produire (p. ex. : en connaissant l’orthographe du mot « pomme », l’enfant peut faire une analogie et produire « gomme »). Pour gagner en fluidité, cette procédure implique un traitement linguistique de ces unités et non un accès direct au mot entier se distingue de la voie directe proposée dans le modèle à double voie (Barry, 1994).

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En somme, selon Frith (1985), l’apprentissage de l’identification et de la production de mots écrits se fait en trois stades successifs permettant une installation séquentielle de différentes procédures qui se complexifient en lecture et en écriture et qui permet à l’apprenant de gagner en précision et en fluidité : logographique, alphabétique, orthographique. Ainsi, selon Frith (1985), la dyslexie-dysorthographie pourrait résulter d’une difficulté à passer d’un stade à l’autre et non d’une atteinte à une voie en particulier comme le postule le modèle à double voie (Barry, 1994). Certes, le modèle de Frith (1985) a contribué de manière importante au domaine, puisque ce dernier a été le premier à faire part des liens de réciprocité entre la lecture et l’écriture, tout en proposant des stades présents dans la majorité des modèles développementaux. Or, dans celui-ci, la présence de stades successifs qui ne peuvent être franchis qu’une fois la procédure du stade antérieure bien maîtrisées est vivement critiquée (Ehri, 2006; St- Pierre et al., 2011). C’est pourquoi des modèles développementaux structuraux dans lesquels les procédures servant à identifier et à produire des mots écrits se développent en phases qui se chevauchent sont élaborés. Cette argumentation est proposée dans le modèle développemental structural de Seymour (2008).

2.1.2.1.2.2 Le modèle développemental structural de Seymour (2008)

Seymour (2008) propose un modèle développemental structural qui a pour hypothèse que la production de mots écrits résulte de l’interaction entre le développement de la conscience linguistique (conscience des unités qui forment les mots à l’oral) et du système orthographique (compréhension du système d’écriture) (voir figure 2.3). Ainsi, les apprenants, dont l’élève dysorthographique, saisissent que les structures orales sont transcrites à l’écrit. Ces derniers s’approprient donc des structures linguistiques de plus en plus larges et complexes (p. ex. : phonèmes, morphèmes) pour gagner en précision et en fluidité dans des tâches qui se complexifient (p. ex. : production de mots isolés, production textuelle) et qui peuvent être réalisées avec différents supports. Selon Seymour (2008), ce développement se ferait en quatre phases qui se chevauchent, mais

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chacune est caractérisée par l’utilisation de traitements spécifiques permettant de produire des mots écrits dans la langue d’apprentissage, dont le français. En français, ce développement implique donc de prendre en compte les caractéristiques de l’orthographe lexicale, incluant les niveaux linguistiques et les différents types de graphèmes/items (voir tableau 2.2).

Figure 2.3

Modèle développemental structural (Seymour, 2008)

Dans une première phase de prélittératie (0-1), l’apprenant développe une conscience implicite de certaines unités linguistiques (p. ex. : syllabes et rimes) et produit certains

Connaissance linguistique

Connaissance

graphème-phonème

Reconnaissance

logographique

Procédure

alphabétique

Structure

orthographique

Structure

morphographique

Petites unités Phonèmes Grandes unités Attaque Noyau Coda Attaque-rime Grandes unités Morphèmes

0

1

2

3

Mémoire

lexigraphique

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mots écrits (p. ex. : son prénom). Lors d’une deuxième phase de prélittératie (0), il développe des connaissances des relations entre les graphèmes-phonèmes (p. ex. : il apprend certaines lettres). Ainsi, selon Seymour (2008), en contexte de prélittératie, c’est essentiellement la capacité à produire des lettres dans un temps donné qui favorise la fluidité du processus de production de mots écrits.

Ensuite, une deuxième phase de littératie, comprend les traitements logographique et alphabétique, fondations de ce modèle. Le traitement logographique permet d’écrire de manière directe un nombre limité de mots fréquents (p. ex. : maman), ce qui est habituellement fait avec précison et fluidité avant la fin de la première année scolaire tant en production de mots isolés que de textes. Or, ce traitement est différent du stade logographique proposé par Frith (1985), car il ne requiert pas une procédure visuelle, mais bien une prise en compte de l’ensemble des lettres et de leur position relative dans le mot. Il est également distinct de la voie directe proposée par Barry (1994), puisqu’il permet seulement la production de quelques mots. Pour sa part, le traitement alphabétique sollicite l’association entre les phonèmes et les graphèmes, comme proposé par Frith (1985) (stade alphabétique) et par Barry (1994) (voie indirecte). Plus précisément, selon Seymour (2008), il se fait de manière séquentielle et implique d’être conscient des plus petites unités sonores dans les mots, les phonèmes pour tenir compte du niveau phonologique. Il permet donc de produire des mots réguliers et contenant des graphèmes acontextuels, ce qui est généralement automatisé avant la fin de la deuxième année tant en production de mots isolés que de textes. Par exemple, pour écrire « moto », l’apprenant segmente le mot en syllabes, puis en phonèmes, afin de sélectionner les graphèmes et de les transcrire en ordre, pour ensuite vérifier la plausibilité phonologique du mot écrit.

Par la suite, lors d’une troisième phase, le traitement orthographique permet d’écrire avec précision et fluidité des mots comprenant des structures de plus en plus complexes (p. ex. : « br », « et ») et constituées de grandes unités (p. ex. : « truc ») de même que

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des mots irréguliers (p. ex. : monsieur) et des logogrammes (p. ex. : sont/son; compter/conter), en restructurant les connaissances acquises par l’application des traitements antérieurs. Cette phase favorise aussi la production des mots comportant des règles et des régularités orthographiques, en aidant à choisir le bon graphème associé au phonème dans des mots comportant des graphèmes consistants contextuels et inconsistants contextuels. Puisqu’elle implique un traitement linguistique des mots au plan orthographique, elle se distingue de la voie directe décrite par Barry (1994), mais se rapproche du stade orthographique du modèle de Frith (1985), en précisant le type de graphèmes/items traités. Or, contrairement à ces auteurs, Seymour (2008) ajoute une dernière phase favorisant l’utilisation du traitement morphographique.

Par après, durant la troisième phase, l’apprenant développe le traitement morphographique, en apprenant à écrire des mots plurimorphémiques constitués d’un mot de base et d’un affixe. Il devient alors conscient des plus petites unités porteuses de sens, les morphèmes et peut donc produire des mots comportant des graphèmes dérivables par la morphologie (lettres muettes, p. ex. : dent, chocolat).

Enfin, d’après ce modèle, le développement des traitements logographique, alphabétique, orthographique et morphographique permet de stocker en mémoire lexigraphique des représentations alphabétiques, orthographiques et morphographiques utiles pour produire des mots écrits en français, en les associant aux représentations sémantiques des mots. Ces dernières permettent de traiter des unités linguistiques de plus en plus larges et complexes pour produire des mots avec précision et fluidité dans différents types de tâches qui visent une contextualisation progressive des apprentissages, en faisant des liens entre l’oral et l’écrit avec différents supports. Elles sont favorisées par la lecture et l’exposition à la bonne orthographe lexicale.

Ainsi, bien que le modèle développemental structural de Seymour (2008) s’apparente aux modèles développementaux en stades, comme le modèle développemental

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intégratif de Frith (1985), il s’en distingue également. En effet, il établit que l’apprenant développe dans des phases qui se chevauchent des procédures différentes pour produire les mots écrits en faisant des liens entre l’oral et l’écrit. En outre, il se distingue fortement des modèles à double voie qui postulent une indépendance entre les voies d’accès à la lecture et à l’écriture (Chapleau, 2013; Fejzo, 2012; St-Pierre et al., 2011). Conséquemment, selon Seymour (2008), les élèves ayant une dyslexie- dysorthographie ont des difficultés à développer ces principaux traitements, non pas parce qu’ils ont de la difficulté à passer d’une phase à l’autre comme le postulait Frith, (1985) ou en raison d’une atteinte à l’une des voies d’accès comme le suggère Barry (1994), mais bien parce que ces traitements se développent de manière interactive.

Tableau 2.2

Traitements servant à produire des mots écrits en français

Traitements

Caractéristiques

de l’orthographe lexicale française

Types de

traitements

(Seymour, 2008)

Niveaux

linguistiques

(Fayol et Jaffré, 2008)

Types de graphèmes/items

(Mousty et al., 1994)

Alphabétique Phonologique Graphèmes consistants acontextuels p. ex :

✓ Consonnes simples (b, f) ✓ Semi-consonnes (gn) ✓ Groupes consonantiques (pr) ✓ Voyelles complexes (ou) Mots réguliers

p. ex : ✓ Ami

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Orthographique Orthographique Graphèmes consistants contextuels p. ex :

✓ m/p, b (chambre)

Graphèmes inconsistants contextuels p. ex :

✓ /s/ e, i (sirène)

Mots comprenant des structures complexes p. ex. :

✓ « br » (branche) Mots irréguliers p. ex. :

✓ monsieur

Morphographique Morphologique Graphèmes dérivables par la morphologie p. ex :

✓ dent

Graphèmes non dérivables par la morphologie p. ex : ✓ velours Mots plurimorphémiques p. ex : ✓ enracinement

2.1.2.3 L’analyse critique de modèles traitant de la production de mots écrits

L’analyse critique de trois principaux modèles traitant de la production de mots écrits (Barry, 1994; Frith, 1985; Seymour, 2008) met en évidence que ces derniers comportent des similitudes et des divergences pour expliquer la dynamique développementale entre les procédures cognitives de production des mots écrits (Bosse et Pacton, 2008; Chapleau, 2013; Ehri, 2006; Laplante, 2011). Afin d’en arriver à en prioriser un en particulier, cette section propose une comparaison entre ces modèles qui ont de grandes implications pour développer et pour évaluer un programme d’intervention orthopédagogique qui favorise cet apprentissage chez les élèves ciblés.

D’abord, chacun des modèles étudiés suggère que le développement de la production de mots écrits est complexe et évolutif et donc, qu’il nécessite l’utilisation de

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procédures distinctes permettant de développer des représentations lexicales pour produire avec précision et fluidité des mots écrits (Bosse et Pacton, 2008; Dalpé et al., 2011; Laplante, 2011). À ce propos, ces modèles décrivent tous une procédure pour produire directement des mots familiers. Or, selon le modèle étudié, celle-ci requiert des traitements distincts : 1) la voie directe implique de se familiariser avec les mots écrits (Barry, 1994); 2) la procédure logographique exige un traitement visuel (Frith, 1985); 3) le traitement logographique implique un traitement linguistique (Seymour, 2008). Hormis ces divergences, tous les auteurs consultés proposent une procédure favorisant l’association entre les phonèmes et les graphèmes, décrite dans les modèles développementaux (Bégin, 2008; Chapleau, 2013; Fejzo, 2012). Une fois cette procédure maîtrisée, Frith (1985) et Seymour (2008) indiquent qu’une procédure orthographique permet de produire un nombre grandissant de mots, en faisant des liens entre les constituantes des mots grâce à un traitement linguistique d’unités linguistiques de plus en plus complexes et larges; ils font alors référence à la précision et la fluidité de la production. Or, seul Seymour (2008) attribue une phase distincte pour produire des mots contenant des morphèmes dérivationnels, omniprésents en français : le traitement morphographique (Bégin, Giasson, Saint-Laurent, 2010; Casalis, Deacon et Pacton, 2011; Sénéchal, Basque, Leclaire, 2006). Selon Seymour (2008), ce traitement, tout comme l’ensemble des traitements dans son modèle, se développerait de manière