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CHAPITRE II CADRE THÉORIQUE

2.1 La production de mots écrits en français

2.1.4 L’évaluation orthopédagogique de la lecture et de l’écriture

L’évaluation orthopédagogique de la lecture et de l’écriture auprès d’élèves en difficulté d’apprentissage, dont les élèves ayant une dyslexie-dysorthographie, s’inscrit en continuité et en complémentarité avec celle de l’enseignant et des intervenants œuvrant auprès de l’élève (ADOQ, 2014; Allard et Boudreau, 2015; Brodeur et al., 2015; Desrochers et Stanké, 2017; OPQ, 2014) et s’appuie notamment sur les recherches empiriques. Selon ces auteurs, bien que l’évaluation orthopédagogique puisse contribuer à identifier la nature des difficultés de l’élève en lecture et en écriture, incluant la dysorthographie, elle est avant tout au service de l’apprentissage et de l’intervention afin que celle-ci favorise au maximum sa progression Ainsi, afin d’optimiser et de réguler l’intervention implantée auprès de l’élève en difficulté d’apprentissage, l’évaluation s’inspire de recherches au regard de l’évaluation des apprentissages en lecture et en écriture ainsi que des difficultés et se vit en étroite collaboration avec les acteurs impliqués auprès de l’élève (parents, enseignants, intervenants). En conséquence, celle-ci prend en compte l’ensemble des contraintes auquel l’apprenant est confronté dans ses contextes de vie.

Compte tenu de ces caractéristiques, l’évaluation orthopédagogique de la lecture et de l’écriture peut prendre différentes formes (Brodeur et al., 2015; Desrochers et Stanké, 2017; Écalle et Magnan, 2015; Shapiro, 2004, Valencia et Buly, 2004). Selon ces auteurs, elle se traduit notamment par la réalisation de tâches qui permettent d’évaluer dans quelle mesure l’élève parvient à contextualiser ses apprentissages et à faire des liens entre l’oral et l’écrit dans ses contextes de vie. Ainsi, afin de tenir compte des interactions entre les processus et de la spécificité de chacun, ces tâches peuvent être situées dans un continuum, allant de tâches décontextualisées à des tâches contextualisées, la tâche ultime étant la situation authentique de compréhension ou de production textuelle. À titre d’exemple, pour évaluer la production de mots écrits, des tâches décontextualisées qui consistent en la manipulation d’unités orales constituant les mots (p. ex. : des syllabes, des phonèmes ou des morphèmes) ou en la production de mots isolés peuvent être proposées. Des tâches contextualisées favorisant la production de mots écrits dans des unités linguistiques plus complexes que les mots (p. ex. : des phrases ou des textes de plus en plus élaborés) peuvent aussi être administrées (Shapiro, 2004; Nelson, 2016). À leur tour, ces tâches décontextualisées ou contextualisées peuvent être réalisées avec différents supports à la lecture et à l’écriture que l’élève en difficulté d’apprentissage utilise au quotidien, soit des supports non technologiques ou technologiques, incluant l’écriture manuscrite et l’écriture au clavier, dont celle en écrivant au traitement de texte avec des aides technologiques (Federici et Scherer, 2017). Selon ces auteurs, cette stratégie d’évaluation est des plus pertinente pour évaluer dans quelle mesure l’élève actualise ses processus de lecture ou d’écriture avec chacun des supports proposés et ainsi, arrive à pallier ou à compenser ses difficultés en se référant outils conçus à cette fin. À titre d’exemple, pour évaluer la production de mots écrits en français et, plus spécifiquement, le traitement alphabétique, une tâche de production de non-mots peut être administrée en contexte d’écriture manuscrite, puis avec la synthèse vocale qui supporte ce traitement déficitaire chez l’élève. De cette façon, il est possible d’évaluer si l’élève parvient à corriger ses erreurs

en vérifiant la plausibilité phonologique des mots écrits avec cet outil. Ces tâches, réalisées avec différents supports, peuvent être normalisées ou non normalisées. Elles peuvent donc permettre ou non de comparer la performance de l’élève à lui-même ou à celle d’un nombre important d’élèves du même âge soumis à un enseignement similaire (Shapiro, 2011). Selon ces auteurs, en évaluant dans quelle mesure la performance de l’élève est semblable à celle attendue dans une épreuve normalisée, la prise de décision sur les interventions à privilégier peut s’en voir facilitée, quoique rarement, ces épreuves ont été normalisées avec d’autres supports que l’écriture manuscrite. Or, ces auteurs soulignent que puisqu’elles sont moins formelles, les tâches non normalisées peuvent offrir plus de flexibilité pour la passation et pour l’interprétation et être liées à l’intervention offerte à un élève en particulier. À titre d’exemple, en administrant une tâche similaire à celle proposée en contexte d’intervention, l’examinateur peut modifier les consignes et déterminer des critères de réussite, ce qui ne peut être fait avec une épreuve normalisée. Il peut aussi choisir le support avec lequel l’élève fait la tâche, ce qui est possible, sans toutefois utiliser les normes (Fuchs et al., 2005). En outre, selon le processus évalué, différents indicateurs du développement peuvent être pris en compte dans ces tâches, dont la précision et la fluidité (Abdel Latif, 2013; Kim et al., 2018; Masterson et Apel, 2014).

Par ailleurs, qu’elles soient décontextualisées ou contextualisées, réalisées avec un support ou un autre, normalisées ou non normalisées, les tâches d’évaluation de la lecture et de l’écriture sont choisies et mises en œuvre selon l’intention, tout en tenant compte du niveau scolaire et de l’ordre d’enseignement concerné (Brodeur et al., 2015; Desrochers et Stanké, 2017; Écalle et Magnan, 2015). Puisqu’elles peuvent servir à identifier les élèves susceptibles de bénéficier d’une aide supplémentaire pour réaliser les apprentissages prévus à leur niveau scolaire (dépistage), à faire le suivi de leur progrès au cours de l’implantation d’une intervention (pistage des progrès) ou à faire une évaluation approfondie du profil d’apprenants dont les difficultés persistent à des

moments-clés de leur cheminement (évaluation diagnostique), ces épreuves diffèrent quelque peu ainsi que leurs modalités d’administration (Ardoin, Wagner et Bangs, 2016; Coolong-Chaffin et McComas, 2016; Deno, 2016; Fletcher et al., 2019; Hosp et

al., 2016; Jung et al., 2018; Schulte et al., 2016; Stecker, Fuchs et Fuchs, 2005).

Ainsi, dans le cas du dépistage, les épreuves réalisées avant l’intervention sont généralement rapides et faciles à administrer auprès d’un nombre important d’élèves et sont donc généralement administrées en contexte classe. Préférablement, elles offrent aussi la possibilité de comparer la performance d’un élève à celui d’élèves du même âge soumis à une intervention similaire et peuvent donc être normalisées. Quant au pistage des progrès, les tâches sont de courtes épreuves permettant d’évaluer avec précision le processus développé chez un élève au cours de l’implantation d’une intervention en traçant un graphique de son évolution. Ces épreuves, administrées de manière répétée sur une période prolongée, sont déterminées non pas à partir de ce qui est prévu pour un nombre important d’élèves, mais bien pour l’élève en particulier. Elles peuvent donc consister en des épreuves non normalisées et être réalisées dans différents contextes d’intervention, soit en classe ou en orthopédagogie. En faisant le suivi des progrès des élèves et en identifiant ceux qui n’atteignent pas les cibles préétablies à des moments prédéterminés, dont les élèves ayant une dyslexie- dysorthographie, l’analyse des résultats aux épreuves servant au pistage des progrès guide la planification et la régulation des interventions implantées. Puisqu’une planification et une régulation plus importante des interventions s’imposent en contexte de rééducation auprès de ces élèves, ces épreuves se doivent d’être administrées de manière continue, tout en consignant des observations qui permettent de documenter la fidélité de l’implantation des interventions. De plus, elles gagnent à être analysées en équipe d’intervenants, dans un contexte de collaboration et d’accompagnement individualisés qui permet de faire des liens avec les observations recueillies par différents acteurs (p. ex. : intervenants et accompagnants).

Quant à l’évaluation diagnostique, celle-ci est réalisée à des moments-clés du cheminement d’élèves, lorsque les difficultés persistent en dépit d’interventions initiales, dont les élèves ayant une dyslexie-dysorthographie. Puisqu’elle sert généralement à évaluer de manière approfondie les forces et les besoins de l’élève en lecture et en écriture et spécifique sa progression individuelle lors des interventions, une variété d’épreuves peuvent être utilisées, soit des épreuves décontextualisées ou contextualisées, normalisées ou non normalisées. Dans tous les cas, afin de créer un contexte des plus propices aux observations et à la discussion avec l’élève sur ses processus ainsi que les stratégies et les ressources qu’il mobilisent pour atteindre ses buts, ces évaluations sont utilisées en contexte d’accompagnement individualisé, tel qu’en contexte orthopédagogique. À propos de l’évaluation diagnostique, considérant sa fonction et son caractère individualisé, de nombreux auteurs (Boudreau et Deslauriers, 2012; Écalle et Magnan, 2015; Laplante, 1998, 2011; OPQ, 2014; Saint- Pierre et al., 2011; Nelson, 2014; Wixson et Valencia, 2011) sont d’avis qu’elle s’inscrit dans une démarche de résolution de problèmes qui est guidée par les hypothèses de l’évaluateur quant aux processus de lecture et d’écriture en cause dans les difficultés de l’élève et à la dynamique qui les interrelie, tout en étant pondérée par les contraintes auxquelles il est confronté dans ses différents contextes de vie. Du coup, auprès de l’élève ayant une dyslexie-dysorthographie (ou manifestant des indices de ce trouble), l’évaluation diagnostique s’inscrit dans une approche plus large d’évaluation- intervention préventive des difficultés en lecture et en écriture.

Depuis 2000, l’évolution des données de la recherche sur l’évaluation et l’intervention orthopédagogique en lecture et en écriture a mené à mettre en place une approche préventive des difficultés dans cet apprentissage, dont la réponse à l’intervention. Selon différents auteurs (Allard et Boudreau, 2015; Brodeur et al., 2015; Deno, 2016; Fuchs et Deshler, 2007; Hale et al., 2010; Scanlon, 2011), cette approche, qui est de plus en plus adoptée dans les écoles québécoises, consiste à évaluer de manière continue les

progrès de l’élève alors que l’enseignement et les interventions basées sur les données de recherches sont différenciés et implantés de manière à répondre aux besoins de l’ensemble des élèves. Elle implique donc de faire le dépistage des difficultés, le pistage des progrès et l’évaluation diagnostique, tout en documentant la fidélité d’implantation des interventions offertes. En évaluant ainsi la réponse à l’intervention, elle permet de planifier et de réguler les interventions, de même que d’identifier les élèves dont le rendement dévie de la trajectoire d’apprentissage prévue en lecture et en écriture, dont celle au regard de la production de mots écrits en français.

Au terme de cette section consacrée à la production des mots écrits en français, il importe de clarifier que quand il est question de ce processus, il est considéré dans cette thèse qu’il s’agit des processus spécifiques qui permettent d’orthographier des mots écrits conformément à l’orthographe lexicale française (Catach, 2008; Daigle et Montésinos-Gelet, 2013) comme l’entend Laplante (2011; 2013) dans la représentation schématique des principaux processus d’écriture privilégiée dans cette étude. En cohérence avec cette représentation, ces processus impliquent le développement progressif et interactif de traitements qui gagnent en complexité, comme l’indique Seymour (2008) dans le modèle développemental structural retenu dans cette thèse. Tel que précisé par Laplante (2011; 2013) et Seymour (2008), ces traitements permettent de produire des mots écrits avec précision et fluidité dans des tâches pouvant être réalisées avec différents supports. Il est donc entendu qu’en contexte orthopédagogique, selon l’intention, ce processus peut être évalué dans des tâches décontextualisées ou contextualisées, normalisées ou non normalisées, avec des supports technologiques ou non technologiques, alors que l’apprenant, dont l’élève ayant une dyslexie- dysorthographie, utilise différents supports (Federici et Scherer, 2017; Nelson, 2016).