• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE III : Etude de la redistribution du B dans le Si monocristallin

III.6 Discussion

III.6.1 La précipitation dans le silicium monocristallin

Nous allons discuter maintenant sur le comportement du bore à l’ambiante, ainsi que durant les traitements thermiques (600°C/1h, 800°C/1h et 900°C/1h). Plus précisément, est-ce que ces germes de bore apparaissent dès l’ambiante ou après recuit thermique ? De plus, nous allons comprendre comment la concentration en bore dans les amas ou dans la matrice varie en fonction de la profondeur. Est-ce que cette variation suit le profil d’implantation de B ?

Dans la littérature, une sorte de confusion terminologique existe entre les défauts BIC’s et les petits germes formés dans les systèmes sursaturés. Nous reconnaissons qu’il est difficile d’établir un critère de distinction entre les BIC’s et les germes. La présence du silicium interstitiel n’est pas un bon critère car les deux, BIC’s et germes, contient probablement des auto-interstitiels de silicium. Bien évidemment, nous gardons à l’esprit qu’il est difficile de démontrer expérimentalement l’existence d’auto-interstitiels de silicium dans les germes. Ceci s’explique par le fait que la SAT est incapable de faire la distinction entre le silicium interstitiel et celui substitutionnel. Nous savons que la SAT est l’unique technique capable de donner une image tridimensionnelle à l’échelle atomique du champ de concentration. Néanmoins, à cause de la résolution latérale limitée, cette technique n’apporte

et donc il est impossible d’estimer la quantité des atomes interstitiels. En conséquence, même si la SAT permet de mettre en évidence des amas enrichis en bore, l’identification rigoureuse des BIC’s ne peut pas être réalisée.

Tout de même, nous pensons que la taille est le seul critère possible. Dans la littérature, il a été reporté que les BIC’s contiennent seulement quelques atomes (19), tandis que les germes, ayant une taille à l’échelle nanométrique, peuvent contenir une centaine d’atomes. Ainsi, nous considérons par la suite que les germes sont formés durant les tous premiers stades de germination. De plus, à cause des défauts ponctuels (interstitiels et lacunes) formés pendant l’implantation ionique, nous considérons que les BIC’s et les germes enrichis en bore peuvent se former simultanément, même quand le contenu en bore est inférieure à la limite de solubilité du bore dans le silicium prévue par le diagramme de phase Si-B.

• L’état après implantation ionique

La reconstruction 3D de la Figure 37.a montre la redistribution des atomes de bore après implantation ionique, dans une zone sélectionnée du volume total analysé à l’aide de la LaWaTAP (25x10x25 nm3). Dans ce volume, nous n’observons pas d‘amas de bore. Néanmoins, nous remarquons que le bore ne se distribue pas de façon totalement aléatoire. Est-ce une tendance réelle du point de vue statistique ? Pour détecter l’existence éventuelle d’amas ou d’un ordre à courte distance (tendance à l’amas), nous avons appliqué la méthode appelée 1NN (acronyme de « First Nearest Neighbour »- le premier plus proche voisin), développée récemment par T. Philippe et al. (20). Cette méthode a été détaillée dans l’Annexe 1. T. Philippe et al. (21) ont amélioré ce modèle prenant en compte l’existence possible d’interfaces amas-matrice diffuses. Nous appliquerons la méthode 1NN à deux phases en négligeant l’influence des interfaces, puisqu’il s’agit ici simplement de détecter un effet subtil de corrélation (tendance à l’amas). Aucun amas n’est visible de façon évidente (Figure 37.a). Nous notons que la méthode 1NN ne fait pas de différence entre amas et la corrélation entre paires B-B.

Dans la Figure 37.b, nous avons comparé la distribution observée, obtenue grâce aux données de sonde, avec la distribution théorique pour une phase, ainsi qu’avec celle pour deux phases. Le meilleur fit est obtenu pour le modèle à deux « phases ». Donc nous pouvons conclure sur le fait que le bore ne se distribue pas de façon homogène dans le volume de

sonde, mais une tendance subtile à l’amas existe. Bien que la méthode 1NN détecte cette tendance subtile à l’amas, elle n’identifie pas des amas individuels dans le volume reconstruit.

Figure 37 : a) Redistribution 3D des atomes de bore dans une partie du volume analysé (25x10x25 nm3) pour l’échantillon m-Si(B)_TA. b) La distribution de distances entre les plus proches voisins (ligne continue fine) observée lors des données de SAT. Comparaison avec la distribution théorique pour deux phases (ligne continue, en gras) et pour une phase (ligne pointillée, en gras). Nous avons représenté notamment la distribution caractéristique aux phases α (P(r)α− le pic à droite) et β (P(r)β− le pic à gauche).

La Figure 37.b montre la distribution du bore caractéristique pour la phase α-matrice (pic à droite) et celle caractéristique pour la phase β-amas (pic à gauche). Les distances les plus probables (r) reliées aux deux phases sont très proches l’une de l’autre (rα = 0,6 nm et rβ

= 0,9 nm). La composition du bore dans la phase α et dans la phase β (Xα = 0,82% et Xβ = 2,7%) peut être déterminée à l’aide de l’équation suivante : 3

, , 2 1 β α β α πQX r = (voir l’Annexe 1).

Compte tenu de l’invisibilité des amas dans le volume reconstruit (Figure 37.a), cette déviation subtile d’une solution solide aléatoire détectée par la méthode 1NN peut être interprétée comme un ordre à courte distance des atomes de bore (tendance à l’amas). Si ces amas de bore existent, ils sont si petits qu’il est impossible de les observer sur la reconstruction 3D de sonde (amas composé par quelques atomes seulement). Nous nous sommes posés la question si ces petits amas observes après implantation ionique, sans recuit thermique, peuvent être des petits BIC’s ? Même si ces études de SAT nous n’ont pas permis de répondre à cette question, plusieurs auteurs, comme Collart et al. (22) ont affirmé que ces BIC’s peuvent se former à l’ambiante, après une implantation ionique.

De plus, compte tenu de ces remarques, dans la section III.6.2 nous allons faire l’hypothèse selon laquelle la germination n’apparaît qu’au cours du recuit thermique.

• Evolution de la CB dans les amas à 600°C, 800°C et 900°C

Les données de sonde atomique tomographique obtenues à 600°C, 800°C et 900°C ont été divisées en tranches de 10 nm épaisseur (z), afin d’étudier la composition des amas (Xβ) et de la matrice (Xα) dans chaque tranche. De cette manière, la concentration moyenne du bore (X0) peut-être considérée quasiment constante dans chaque tranche. Comme la force motrice de germination dépend de la concentration X0, alors on peut considérer que la force motrice est aussi constante dans chaque tranche.

Le but de cette étude est de déterminer la tendance générale de ces deux compositions, Xα et Xβ en fonction de la profondeur (z), connaissant la composition moyenne en B (X0). Pour déterminer les fractions Xα et Xβ, nous avons appliqué la méthode 1NN étendue (21), c’est-à-dire en tenant compte des interfaces diffuses amas-matrice (voir l’Annexe 1). Notons que Xβ est une concentration moyennée sur tous les amas contenus dans la tranche considérée.

La Figure 38 donne l’évolution de la concentration en bore dans les phases α et β, déterminée à partir de la méthode 1NN, en fonction de la profondeur d’analyse. Ces compositions ont été calculées pour les trois échantillons : m-Si(B)_600°C1h (Figure 38.a), m-Si(B)_800°C1h (Figure 38.b) et m-Si(B)_900°C1h (Figure 38.c).

Pour tous les échantillons, les compositions X0, Xα et Xβ varient globalement de la même manière que le profil d’implantation (X0(z), voir aussi les profils d’implantation de la section III.2, III.3 et III.4).

A 600°C (Figure 38.a), la concentration maximale du bore dans les amas (8,9 %) et dans la matrice (1,3 %) est observée à une distance de 30-40 nm, distance qui correspond au pic d’implantation. Ces concentrations sont très semblables à celles données par la cartographie 3D de concentration en bore (Figure 19). Loin du pic d’implantation, la concentration en bore dans la matrice descend à une valeur de 0,3 %. Cette valeur est largement supérieure à la solubilité limite du bore dans le silicium à 600°C (5x1017 at/cm3), représentée sur la Figure 38.a par une ligne pointillée.

A 800°C (Figure 38.b), la concentration maximale du bore dans les amas (12 %) et dans la matrice (1,48 %) est observée à une distance de 20-30 nm, distance qui correspond au pic d’implantation du bore dans le silicium. Les concentrations de 12 % et de 1,3 % pour Xβ

et respectivement Xα sont très proches des observations expérimentales en SAT (Figure 27). De la même manière qu’auparavant, la concentration en bore dans la matrice est bien supérieure à la limite de solubilité du bore dans le silicium à 800°C (3x1019 at/cm3), même en se plaçant loin du pic d’implantation.

Les résultats obtenus pour l’échantillon recuit à 900°C/1h sont représentés dans la Figure 38.c. Ici, nous avons présenté la composition du bore dans les amas (maximum de 21 % pour une profondeur de 10-20 nm) et dans la matrice (maximum 1,5 % pour une profondeur de 30-40 nm), pour l’analyse de sonde atomique où nous avons observé des amas de bore et non pas des précipités. Dans ce cas, la concentration en bore dans les amas est très proche de celle donnée par la cartographie 3D en concentration en bore (Figure 32).

Figure 38 : La variation de la composition de bore dans les amas (Xβ) et dans la matrice (Xα) en fonction de la distance pour les échantillons a) m-Si(B)_600°C1h, b) m-Si(B)_800°C1h et c) m-Si(B)_900°C1h. X0 représente la composition moyenne du bore, calculée à partir des données de sonde atomique (23).

La fraction molaire de la phase β à 600°C, 800°C et 900°C, calculée à partir de la règle des leviers (voir Annexe 1), est donnée dans la Figure 39.a. Comme attendu, la fraction molaire est plus élevée au niveau du pic d’implantation. Nous constatons que la fraction molaire présente une légère augmentation à une profondeur d’environ 50-60 nm.

Connaissant la fraction molaire (fm), nous pouvons calculer la fraction des paires B-B

dans la phase β (f) à l’aide de l’expression fm X X f 0 β = . La variation de f en fonction de la distance à 600°C, 800°C et 900°C est donnée dans la Figure 39.b. Nous remarquons, que la fraction des paires B-B dans les amas augmente avec la température de recuit, c’est-à-dire la fraction moyenne des paires B-B dans les amas passe de 35% pour 600°C à 55% pour 900°C.

Figure 39 : a) La variation de la fraction molaire de la phase β en fonction de la profondeur

à 600°C, 800°C et 900°C. b) La variation de la fraction des paires B-B dans la phase β en

fonction de la profondeur à 600°C, 800°C et 900°C.

La dose inactive de bore, c’est-à-dire la quantité de bore piégé dans les amas, est donnée en multipliant f avec la dose initiale (5x1015 at/cm2). Nous obtenons ainsi une dose inactive de bore de 1,75x1015 at/cm2 à 600°C, de 2,25x1015 at/cm2 à 800°C et de 2,75x1015 at/cm2 à 900°C.

Un amas est généralement représenté comme étant formé par un cœur et par une interface très diffuse. Sachant qu’une partie des paires B-B appartiennent à l’interface cœur/matrice, nous utilisons le paramètre k (%) (21) comme étant le ratio des paires B-B

appartenant à cette interface. Dans le Tableau 2 nous représentons les valeurs de k pour chaque tranche de 10 nm épaisseur et pour chaque échantillon.

k 0-10 10-20 20-30 30-40 40-50 50-60 60-80

600°C 0,1 63 60 75 60,5 63,8 76,1

800°C 0,1 60 67 66 61 62 65

900°C 50 53 55 55 53 48 46

Tableau 2 : La variation de k en fonction de la profondeur d’analyse à 600°C, 800°C et 900°C.

Si on regarde la tranche de profondeur 30-40 nm, nous constatons que le paramètre k diminue avec la température de recuit. Ainsi, plus la température de recuit est grande, plus l’interface cœur/matrice est appauvrie en paires B-B ou plus le cœur de l’amas est enrichie en paires B-B. Les interfaces deviennent de moins en moins diffuses ce qui est cohérent avec la thermodynamique du système : quand T augmente, on s’approche de la composition d’équilibre SiB3 et les interfaces deviennent de plus en plus abruptes. Ces remarques sont en accord avec les résultats de SAT où nous avons observé que l’interface coeur/matrice devient de moins en moins diffuse quand la température de recuit augmente.