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CHAPITRE 3 : LA MÉTHODOLOGIE

3.4. La perspective analytique

La perspective analytique privilégiée est sémantique et structurale (Houle, 1979 et 1987 ; Sabourin, 2007 ; Bourgeois et Piret, 2006). Elle se distingue de l’analyse thématique dans la mesure où elle entend dégager les usages sociaux du langage en tenant compte du caractère irréductiblement polysémique du sens commun. L’analyse thématique quant à elle considère ses objets en substance, c’est-à-dire pouvant être décrits en eux-mêmes sans tenir compte des relations sociales de communications dont ils sont issus. Les techniques de l’analyse thématique permettent de dégager les catégories endogènes d’un discours, décrire leur fréquence et leur volume. L’analyse sémantique structurale questionnera plutôt le degré de significativité des éléments du discours réductible à l’univers social dans lequel se déroule et se construit ledit discours. Pour reprendre un exemple de Paul Sabourin, un participant peut parler longuement d’éléments plus ou moins significatifs, mais chuchoter ou évoquer faiblement un autre qui apparait comme une clé heuristique à l’analyse (Sabourin, 2007 : 8). La démarche d’analyse sémantique structurale permet de dégager les articulations et clivages des règles implicites du discours (Houle, 1979 et 1987 ; Sabourin, 2007 : 20) qui, en tant que construction sociale contextuelle à un univers spécifique, entend rendre compte des différents paramètres structurant et organisant les configurations de ces univers. C’est d’ailleurs en ce sens, que l’étude vise une représentativité socio-logique du travail musical, c’est-à-dire rendre compte des logiques sociales sous-jacentes au phénomène et qui le structurent. Puisque l’analyste est impliqué de façon dynamique dans la relation sociale de communication

(producteur – discours – récepteur), il ne prétend pas produire un savoir objectif ou inversement une lecture épisodique, anodine et partiale, mais bien une lecture problématisée parmi d’autre qui s’appuie sur des opérations d’objectivation.

Ce qui caractérise donc les démarches d’analyse de contenu contemporaine c’est d’établir différents niveaux de lecture des documents et de les mettre en relation comme autant de postures qu’adopte le chercheur pour décrire et analyser le document (Sabourin, 2003 : 15).

Concrètement, la démarche d’analyse s’appuie sur un mouvement itératif qui s’élabore dans la rétroaction entre trois opérations : « la segmentation des extraits, la définition des catégories descriptives et leur schématisation dans une classification de ces catégories » (Ibid. : 18). Suite à la transcription des entretiens, l’analyse débute par une segmentation des extraits pertinents au regard de l’objet d’étude. Cette catégorisation permet de définir d’un point de vue endogène et selon une théorie explicative l’objet d’étude. La schématisation permet alors d’adopter un point de vue global en contrôlant la cohérence des segmentations et de leur définition (Idem.). L’analyse prend fin suite à une série de rétroaction entre ces trois niveaux de lecture, lorsque les catégories sont mutuellement exclusives et collectivement exhaustives, et que les schémas de classifications sont cohérents et rendent compte des règles implicites du discours. En d’autres mots, lorsqu’il y a saturation à l’aune des données.

Si l’on prend garde à la médiation de cet outil dans le processus analytique (Bandeira de Mello et Garreau, 2011), les logiciels d’analyse qualitative sont des outils précieux qui permettent de faciliter et systématiser le codage, la catégorisation et la visualisation des catégories codées (Lejeune, 2010). La posture de recherche et la nature des matériaux ont écarté les logiciels automatiques pour privilégier Atlas.ti qui est un strictement manuel. En définissant la méthodologie comme « étant l’explicitation des opérations réalisées pour comprendre le texte et son organisation » (Sabourin, 2007 : 20), les logiciels permettent de clarifier ce travail. L’activité interprétative en sociologie est une « prise de risque » où les mésinterprétations, les sous interprétations ou les sur interprétations représentent de fréquents glissements (Sardan, 2008 et Lahire, 1996). Devant ces risques, comme le suggère Jacques Hamel, le logiciel permet d’expliciter les opérations mentales de l’analyste et ainsi de baliser l’activité interprétative : « si en sociologie décrire, comprendre et expliquer ne font qu’un, pour

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reprendre la formule de Bourdieu, c’est-à-dire jouent simultanément dans le feu de l’analyse, les logiciels d’analyse qualitative obligent à énoncer et préciser ce que recouvre chacun de ces trois mots » (Hamel, 2010 : 178).

Conclusion

La recherche adopte une méthodologie qualitative qui entend « décrire, comprendre et expliquer » ce qu’est le travail musical. Quelles sont les épreuves qui font sa spécificité ? Quelles règles implicites (épreuve-type) structurent le travail musical ? Et dans quelle mesure la construction d’une identité musicienne est-elle incontournable afin de persévérer dans le métier ? Deux matériaux sont privilégiés et correspondent à des moments distincts de l’enquête. D’une part, 21 portraits de musiciens de la revue syndicale Entracte permettent de définir la représentation journalistique du travail musical et ainsi alimenter la construction opératoire de l’objet de recherche. Ceci a permis d’affiner le guide d’entretien et d’arriver sur le terrain mieux préparé. D’autre part, 16 entretiens ont permis d’identifier et de définir les principales épreuves que les musiciens ont à affronter afin de persévérer et comment celles-ci sont structurées par une épreuve-type spécifique au travail musical.

Avant de passer aux chapitres d’analyse, quelques mots sur l’écriture du présent mémoire. L’écriture sociologique peut être extrêmement ardue et opaque, mais elle se présente aussi à l’occasion en toute simplicité et de façon limpide. Sans glisser vers la littérature, nous avons tenté de prendre le second parti, soit une écriture certes dense, mais accessible et agréable à lire. Espérons avoir réussi le pari. De plus, afin de dynamiser la lecture, une technique de Jean- Claude Kaufmann fut empruntée pour présenter le discours des participants. L’annexe II présente une courte biographie de chacun des participants, « ce qui permet au lecteur de reconstituer, s’il le veut, leur portrait » afin d’offrir une lecture qui à trait plus spécifiquement aux différentes trajectoires individualisées (Singly et Martuccelli, 2012 : 110).

CHAPITRE 4 : DES REPRÉSENTATIONS