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3 L’INTÉGRATION DES EXIGENCES PROCÉDURALES DE LA

3.1 Le régime juridique de l’accès à l’information forestière

3.2.3 La participation du public à l’élaboration d’instruments juridiquement

démocratie participative au Québec et une préséance de la démocratie représentative au Burkina Faso

La Convention d’Aarhus prévoit en son article 8 que les États doivent promouvoir la participation du public durant la phase d’élaboration des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes ayant un impact important sur l’environnement. En rappel, les instruments visés par la Convention d’Aarhus concernent les instruments émanant du pouvoir exécutif, les instruments élaborés par les organes législatifs étant exclus pour les raisons mentionnées au chapitre 2. Néanmoins, comme nous l’avions déjà souligné, la Convention d’Aarhus invite dans son préambule les organes législatifs à

397 Pour plus de détail sur les droits et devoirs des GGF dans la gestion des chantiers d’aménagement forestier,

voir Annexe 5 au Guide méthodologique d’aménagement des forêts au Burkina Faso, p. 204. Voir aussi Annexe 6 portant sur le contrat de gestion du chantier d’aménagement forestier, p. 214.

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appliquer les principes de la Convention dans leurs travaux afin que règne la transparence dans toutes les branches de l’administration publique.

À travers la disposition de l’article 8, la Convention prône la démocratie participative. Le système québécois de prise de décision repose sur une cohabitation entre démocratie représentative et démocratie participative. La démocratie représentative se conçoit comme un processus par lequel les décisions sont prises par les dépositaires du pouvoir, c’est-à-dire les élus. Quant à la démocratie participative, elle suppose l’implication du citoyen dans les différents processus de prise de décisions. Celle-ci se matérialise au Québec par l’opportunité offerte au public de formuler des observations sur les projets de règlements. Le projet de règlement est défini dans la Loi sur les règlements comme « le texte qu'une autorité veut édicter comme règlement, lorsque la loi n'en exige pas l'approbation par une autre autorité, ou, dans le cas contraire, le texte qui doit être soumis pour approbation »398.

La loi dispose que tout projet de règlement doit être publié à la Gazette officielle du Québec et « accompagné d'un avis qui indique notamment le délai avant l'expiration duquel le projet ne pourra être édicté ou soumis pour approbation et le fait que tout intéressé peut, durant ce délai, transmettre des commentaires à la personne qui y est désignée »399. Cette

publication est désignée dans la pratique sous le vocable de « prépublication ». Le délai visé est en général de 45 jours, à moins que l’avis n’indique un délai différent. La loi prévoit qu’un projet de règlement peut être édicté ou approuvé à l'expiration d'un délai plus court que celui qui lui est applicable ou même sans avoir fait l'objet d'une publication en cas d’urgence ou lorsque le projet vise à établir, modifier ou abroger des normes de nature fiscale400. Dans ce cas, « le motif justifiant un délai de publication plus court doit être

publié avec le projet de règlement et celui justifiant l'absence d'une telle publication doit être publié avec le règlement »401. La loi dispose que le défaut de respecter ces obligations

invalide le règlement402. Cela montre à quel point la prise en compte de l’avis du citoyen

est fondamentale dans le processus décisionnel.

398 Loi sur les règlements, RLRQ c R-18.1, art. 1. 399 Ibid., art. 10.

400 Ibid., art. 12. 401 Ibid., art. 13. 402 Ibid., art. 25.

En matière environnementale, la législation québécoise prévoit des dispositions spécifiques pour les règlements adoptés en vertu de la Loi sur la qualité de l’environnement (LQE). Ces dispositions sont plus avantageuses pour la participation du public que celles prévues par la Loi sur les Règlements précitée. L’article 124 de la LQE stipule en effet que :

Le ministre publie à la Gazette officielle du Québec tout projet de règlement élaboré en vertu de la présente loi, avec un avis indiquant qu'il pourra être adopté avec ou sans modification par le gouvernement, à l'expiration d'un délai de 60 jours à compter de cette publication.

Le ministre doit entendre toute objection écrite qui lui est adressée avant l'expiration du délai de 60 jours.

Un règlement adopté par le gouvernement en vertu de la présente loi entre en vigueur lors de sa publication à la Gazette officielle du Québec ou à une date ultérieure indiquée dans le règlement ou sur décret du gouvernement.

Ces règlements, de même que les normes fixées en application du deuxième alinéa de l'article 31.5, prévalent sur tout règlement municipal portant sur le même objet, à moins que le règlement municipal ne soit approuvé par le ministre auquel cas ce dernier prévaut dans la mesure que détermine le ministre. Avis de cette approbation est publié sans délai à la Gazette officielle du Québec. Le présent alinéa s'applique malgré l'article 3 de la Loi sur les compétences municipales (chapitre C-47.1) […].

Il ressort de cette disposition que la période de prépublication des projets de règlement adoptés en vertu de la LQE est de 60 jours, donc une période plus longue que celle prévue par la Loi sur les règlements (45 jours). De plus, bien souvent, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs procède à des consultations du public préalablement à la prépublication du projet de règlement403, ce qui favorise une

meilleure implication du public dans le processus décisionnel car ce dernier dispose de beaucoup plus de temps pour préparer ses mémoires.

En outre, il existe au Québec trois types de consultations publiquespar lesquelles le public peut exprimer sa volonté ou son opinion: les consultations du gouvernement, les consultations de l’Assemblée nationale et les consultations du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE)404. Les consultations du gouvernement visent

principalement la réalisation des projets d’intérêt public importants. Les consultations du BAPE visent les projets susceptibles d’avoir des impacts majeurs sur l’environnement.

403 Voir à ce sujet : JurisClasseur Québec droit de l’environnement, Fascicule 6, « Participation du public à

l’élaboration des textes règlementaires » par MERCURE Pierre-François, 2013, aux para 22, 23 et 24.

404 Pour plus de détails sur les différents types de consultations publiques au Québec, consulter :

Gouvernement du Québec, « Consultations publiques », [en ligne] : Gouvernement Québec<http://www.gouv.qc.ca/portail/quebec/pgs/commun/asurveiller/consultations/?lang=fr > (consulté le 16 mai 2014).

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L’article 6.3 de la LQE dispose que le BAPE doit tenir des audiences publiques dans les cas où le ministre le requiert. Quant aux consultations de l’Assemblée nationale, elles ont pour objectif de recueillir l’opinion publique sur certains projets de loi. Ces consultations peuvent prendre la forme de consultations générales qui s’adressent à l’ensemble de la population ou de consultations particulièresqui s’adressent à une catégorie de personnes ou d’organismes ayant une expérience particulière du domaine soumis à la consultation405.

Dans le domaine forestier plus précisément, il faut noter l’existence de procédures de participation du public pour la création des parcs et des aires protégées, lesquelles permettent au public de participer aux mesures de conservation des forêts. Ainsi, l’article 4 de la Loi sur les pars met à la charge du ministre de l’environnement l’obligation de publier un avis sur toute décision de création, d’abolition ou de modification des limites d’un parc dans la Gazette officielle du Québec, ainsi que dans un ou deux journaux publiés dans la région concernée, ou à défaut, dans un ou deux journaux publiés dans la région la plus voisine406. Le public intéressé dispose alors d’un délai de 60 jours à compter de la

publication de l’avis pour faire ses commentaires écrits407. La loi prévoit en outre la

possibilité pour le public d’adresser ses réclamations par le biais d’une audience publique408. Des mesures de consultation du public sont aussi prévues dans le cadre de la

création des aires protégées409.

Par ailleurs, la Politique de consultation sur les orientations du Québec en matière de

gestion et de mise en valeur du milieu forestier, abordée dans les développements

antérieurs, indique les différents sujets soumis à des consultations du public. Il en ressort que le public est consulté tout aussi bien en matière d’élaboration de politiques ou de programmes forestiers qu’en matière d’édiction d’instruments normatifs contraignants dans le domaine forestier. La politique prévoit en effet la consultation du public lors de toute modification importante à la Loi sur les forêts, maintenant Loi sur l’aménagement durable

du territoire forestier et au Règlement sur les normes d’intervention dans les forêts du

405 Voir à ce propos : Québec, Assemblée nationale, Règlement et autres règles de procédure, 41e lég, 15e

édition, édition provisoire, juin 2014, art. 166 et svts. Visiter aussi le site de l’Assemblée nationale du Québec au lien suivant : < http://www.assnat.qc.ca/fr/lien/10901.html >.

406 Loi sur les parcs, RLRQ c P-9, art. 4. a. 407 Ibid., art 4.b.

408 Ibid., art.4.c.

domaine public410. À ce propos, des consultations publiques ont été réalisées avant

l’adoption de l’ancienne Loi sur les forêts et de la nouvelle Loi sur l’aménagement durable

du territoire forestier, ainsi que pour l’adoption du futur Règlement sur l’aménagement durable des forêts prévu pour être adopté en avril 2015, en remplacement du Règlement sur les normes d’intervention dans les forêts du domaine public. D’autres consultations ont été

également réalisées afin d’impliquer le citoyen dans le processus d’élaboration de certains instruments normatifs en matière de gestion forestière.

Il existe donc au Québec une cohabitation satisfaisante entre la démocratie représentative et la démocratie participative, laquelle tend même à avoir préséance et va jusqu’à permettre aux citoyens d’être impliqués dans l’élaboration des lois à travers les consultations du public sur certains projets de loi411.

Au Burkina Faso, la démocratie représentative a une préséance sur la démocratie participative. Dans cet État, le processus de prise de décision au niveau national relève des dépositaires du pouvoir, ceux-ci étant considérés comme les représentants du peuple. Tout comme au Québec, les lois et règlements doivent être publiés au Journal officiel du Burkina

Faso pour être opposables aux citoyens. Mais leur élaboration n’est pas soumise au

processus participatif qui entoure l’élaboration des projets de règlements et de certains projets de loi au Québec. La démocratie participative se reflète surtout au niveau local avec la décentralisation qui a pour objectif de susciter le développement local participatif. À cet échelon, les autorités locales ont l’obligation de faire participer le public aux prises de décisions. Ainsi, des rencontres de concertation ou des consultations publiques sont très souvent organisées avec les populations locales pour recueillir leurs opinions afin d’en tenir compte lors des délibérations des différents conseils régionaux et municipaux. Mais il faut relever que ce n’est pas toujours le cas dans toutes les collectivités territoriales. Ainsi, la démocratie représentative conserve une préséance sur la démocratie participative. Le

410 Gouvernement du Québec, Ministère des ressources naturelles, Politique de consultation sur les

orientations du Québec en matière de gestion et de mise en valeur du milieu forestier, février 2003, p. 10, [en

ligne] : Ressources naturelles Québec<http://www.mern.gouv.qc.ca/publications/forets/consultation/Politique- consultation.pdf > (consulté le 13 mars 2014) ; Voir les pp. 9-10 du document pour plus d’informations sur les différents sujets en lien avec la gestion forestière soumis aux consultations publiques.

411 Pour plus d’informations sur les consultations publiques de l’Assemblée Nationale, visiter : Assemblée

Nationale du Québec, « Participer à une consultation publique », [en ligne] : Assemblée Nationale Québec< http://www.assnat.qc.ca/fr/exprimez-votre-opinion/participer-consultation-publique/index.html > (consulté le 17 septembre 2014).

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Burkina Faso devrait, à l’instar du Québec, adopter le système de consultations publiques à l’échelon national pour l’élaboration de certains actes règlementaires et de certaines lois ayant un impact important sur l’environnement, notamment dans le domaine forestier. La démocratie représentative et la démocratie participative devraient, à notre sens, cohabiter plus harmonieusement car les décisions les plus légitimes et les plus socialement acceptées sont celles prises sur une base participative.

En résumé, l’analyse que nous venons de faire sur le régime juridique forestier du Québec et du Burkina Faso montre tantôt des insuffisances, tantôt des satisfactions quant au degré d’intégration des deux exigences procédurales de la participation du public que sont l’accès à l’information et la participation du public aux processus décisionnels. La troisième exigence procédurale de la participation du public qui ressort de la Convention d’Aarhus est l’accès à la justice comme garantie de respect des droits à l’information et à la participation.