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3 L’INTÉGRATION DES EXIGENCES PROCÉDURALES DE LA

3.1 Le régime juridique de l’accès à l’information forestière

3.2.1 L’évaluation environnementale des projets forestiers

3.2.1.2 L’enquête publique au Burkina Faso

Au Burkina Faso, contrairement au Québec, la période d’information et de consultation du public en ce qui concerne la procédure de l’évaluation environnementale est menée par des enquêteurs ad hoc, c’est-à-dire qui sont nommés pour les besoins de la circonstance. Il n’existe pas une institution comme le BAPE chargée de diriger la période d’information et de consultation du public. Nous analyserons dans un premier temps le déroulement de l’enquête publique avant de relever les insuffisances liées à la participation du public.

a. Le processus de participation du public dans la procédure de l’évaluation environnementale

Le Décret n°2001-342/PRES/PM/MEE portant champ d’application, contenu et procédure

de l’étude et de la notice d’impact sur l’environnement dispose en son article 5 que les

activités susceptibles d’avoir des incidences significatives, directes ou indirectes sur l’environnement sont soumises à l’avis préalable du ministre de l’environnement, lequel avis est établi sur la base d’une étude d’impact sur l’environnement (EIE) ou d’une notice d’impact sur l’environnement (NIE), cette dernière se définissant comme une étude d’impact sur l’environnement simplifiée337. Le Code de l’environnement précise que «

l’étude d’impact sur l’environnement est complétée par une enquête publique dont le but est de recueillir les avis des parties concernées par rapport à l’étude d’impact sur l’environnement qui est présentée »338. Les activités faisant l’objet d’une étude ou d’une

notice d’impact sur l’environnement font l’objet d’un classement en deux catégories : la Catégorie A pour les activités soumises à une étude d’impact sur l’environnement et la catégorie B pour les activités soumises à une notice d’impact sur l’environnement.

336 Pour plus de précision sur la médiation environnementale, consulter le site internet du BAPE à l’adresse

suivante : <http://www.bape.gouv.qc.ca/sections/participer/>.

337 Décret n°2001-342/PRES/PM/MEE portant champ d’application, contenu et procédure de l’étude et de la

notice d’impact sur l’environnement, J.O n°31 du 02 Août 2001, art. 2 (2).

338Loi n°006-2013/AN portant code de l’environnement au Burkina Faso, J.O n°40 du 03 octobre 2013, art.

S’agissant des activités forestières, sont classés dans la catégorie A, les plantations industrielles, le déclassement des forêts classées et le défrichement de la cuvette des grands barrages. Relèvent de la catégorie B les activités forestières suivantes : plan d’aménagement forestier, défrichements autorisés par le code forestier, défrichement de la cuvette des petits barrages, concession d’exploitation forestière339.

La prise en compte de la participation du public dans la procédure de l’évaluation environnementale intervient très tôt au Burkina Faso par rapport à la procédure au Québec. En effet, avant de réaliser son étude d’impact, le promoteur doit élaborer un projet de termes de référence et le transmettre au ministre de l’environnement et au ministre chargé du domaine d’activité concerné par le projet. Ce projet de termes de référence comporte une description sommaire du projet ainsi que le plan de consultation du public. Ainsi, les préoccupations quant à la participation du public interviennent très en amont de la procédure. À la réception du projet de termes de référence, le ministre de l’environnement entame la phase de cadrage qui vise en fait à « identifier les éléments de l’environnement qui peuvent être affectés par le projet et pour lesquels une préoccupation publique, professionnelle ou légale se manifeste […] [et] à vérifier que les modalités d’information et de participation du public sont clairement définies »340. La loi fait obligation au promoteur

d’informer, pendant la phase de cadrage, l’autorité administrative locale et la population du lieu d’implantation du projet de la réalisation future d’une étude d’impact sur l’environnement341. A la différence de la procédure d’évaluation environnementale au

Québec, l’information et la participation du public sont réalisées pendant l’exécution de l’étude d’impact sur l’environnement à travers notamment des réunions de présentation du projet avec les autorités locales, les populations, les ONG et associations écologistes, l’ouverture d’un registre accessible aux populations où sont consignées les appréciations, les observations et suggestions formulées relativement au projet342.

339 Annexe 1 au Décret n°2001-342/PRES/PM/MEE portant champ d’application, contenu et procédure de

l’étude et de la notice d’impact sur l’environnement, op.cit., note 337.

340 Décret n°2001-342/PRES/PM/MEE portant champ d’application, contenu et procédure de l’étude et de la

notice d’impact sur l’environnement, op.cit., note 337, art. 12.

341 Ibid., art. 10. 342 Ibid., art. 15.

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L’étude d’impact sur l’environnement au Burkina Faso comporte à peu près les mêmes éléments que celle du Québec : une analyse de l’état initial du site et de son environnement, une présentation du projet et des aménagements à réaliser, une analyse des impacts négatifs et positifs, directs et indirects sur le site et son environnement, une indication sur les risques pour l’environnement d’un État voisin résultant de l’activité projetée, une indication des lacunes relatives aux connaissances ainsi que des incertitudes rencontrées dans la mise au point de l’information nécessaire, les mesures nécessaires prévues ou non pour supprimer, réduire et compenser les conséquences dommageables du projet pour l’environnement, un résumé non technique résumant tous les éléments précités pour les besoins de l’information du public343. L’inclusion d’une disposition sur les éventuels dommages transfrontaliers

participe sans doute d’un souci de respecter le principe 2 de la Déclaration de Rio qui a trait au devoir des États de faire en sorte que les activités exercées dans les limites de leur juridiction ne causent pas de dommages à l’environnement d’autres États.

Après la réalisation de l’étude d’impact, vient la phase de l’enquête publique qui vise à mettre à la disposition du public les résultats de l’étude d’impact et à recueillir leurs différentes observations et les demandes d’audiences si le besoin se manifeste. Cette étape correspond à la phase de consultations publiques au Québec. L’enquête publique est commandée par le ministre chargé de l’environnement et le public du lieu d’implantation du projet en est informé par voie d’affichage, par des avis insérés dans deux journaux quotidiens et par radio344. La loi donne la latitude aux autorités locales d’informer le public

par tout autre moyen approprié en tenant compte des circonstances sociales et de lieu345.

L’enquête publique au Burkina Faso est réalisée, comme nous l’avions souligné, par des enquêteurs nommés de manière ad hoc par le ministre de l’environnement, à la différence du Québec où c’est le BAPE qui est l’organe permanent chargé de mener les consultations publiques. L’enquête publique a une durée de 30 jours à compter de l’insertion de l’avis dans les journaux346. Pendant ce délai, le public prend connaissance de l’étude d’impact

réalisée et fait ses observations. A l’expiration du délai de 30 jours, les enquêteurs peuvent entendre en audience publique les déclarations de toute personne qui en manifeste le besoin

343Ibid., art. 7. 344 Ibid., art. 18. 345 Ibid. 346 Ibid., art. 20.

ainsi que les explications du promoteur, et ce dans un délai maximum de 7 jours347. C’est à

l’issu de ce dernier délai que l’enquête est clôturée. Les enquêteurs disposent alors d’un délai de 15 jours contrairement au Québec où ce délai est de 4 mois pour rédiger leur rapport, consigner dans un document distinct leurs conclusions motivées qui indiquent s’ils sont favorables à la réalisation de l’opération, et transmettre lesdits documents aux ministres de l’environnement et du secteur d’activité concerné par le projet348. Lesdits

documents sont mis à la disposition du public du lieu d’implantation du projet.

Au terme de cette analyse, nous pouvons affirmer que la participation du public dans la procédure d’évaluation environnementale au Burkina Faso intervient au début du processus, donc en amont de la procédure, comme le recommande la Convention d’Aarhus en son article 6 (4). De plus, un des points positifs pour le Burkina Faso est que l’évaluation environnementale stratégique est codifiée à la différence du Québec. Le Code de l’environnement prévoit en effet que les plans, programmes et politiques susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement doivent être soumis à une évaluation environnementale stratégique349. Cela favorise une meilleure acceptabilité sociale des

projets gouvernementaux. Néanmoins, des insuffisances peuvent être relevées quant au processus de participation du public dans la procédure d’évaluation environnementale.

b. Les insuffisances liées à la participation du public

Au Burkina Faso, les consultations du public sur le rapport de l’étude d’impact d’une durée de 30 jours, y compris la tenue des audiences publiques (7 jours) et la production du rapport des enquêteurs (15 jours), doivent être contenues dans un délai maximum de 52 jours, contrairement au Québec où la même procédure tient sur environ 165 jours : 45 jours pour les consultations du public et environ 120 jours (4 mois) pour les audiences publiques et la production du rapport final du BAPE.

Certes, au Burkina Faso, le public est informé très tôt, dès la tenue de l’étude d’impact sur l’environnement contrairement au Québec. En outre, la consultation et la participation du public commencent dès le début de la procédure, pendant la réalisation même de l’étude

347 Ibid., art. 21(3). 348 Ibid., art. 23 et 24.

349 Loi n°006-2013/AN portant code de l’environnement au Burkina Faso, J.O n°40 du 03 octobre 2013, art.

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d’impact, contrairement au Québec où le public n’est informé et consulté qu’après la réalisation de l’étude d’impact. De ce fait, il serait justifié que le public québécois ait besoin de délais plus longs pendant la phase de consultation et d’audiences publiques puisqu’il n’a pas eu, comme son homologue burkinabè, la possibilité d’être consulté et de participer plus tôt dans la procédure. Néanmoins, nous pensons que le délai appliqué au Burkina Faso pour l’enquête publique demeure court relativement à celui appliqué au Québec et pourrait être prorogé pour permettre une participation plus efficace du public. Il est important de mentionner que dans la pratique, il arrive dans bien des cas que le ministre rende sa décision avant que le rapport de l’enquête publique ne lui parvienne. Cela entache substantiellement la procédure de participation du public puisque les textes imposent au ministre de l’environnement de tenir compte des résultats de l’enquête publique dans l’examen du dossier d’étude d’impact350. D’ailleurs, la Convention d’Aarhus

dispose en son article 6 (8) que chaque Partie veille à ce que les résultats de la procédure de participation du public soient dûment pris en considération au moment de prendre la décision. Lorsque surviennent ces situations, c’est le processus de l’évaluation environnementale qui est carrément faussé et qui perd de sa crédibilité.

Il faut noter en dernier lieu qu’au Québec, l’information et les consultations du public visent certes le public du lieu de réalisation du projet, mais également le public des régions de Montréal et de Québec. Au Burkina Faso, seul est pris en compte le public du lieu d’implantation du projet, donc le public directement touché par le projet351. Les phases

d’information et de consultation pourraient s’étendre à un public plus large comme au Québec. Comme l’affirme Michel PRIEUR, « la protection de l’environnement est une exigence globale qui ne peut être monopolisée par les seules personnes qui seraient localement et directement plus intéressées que les autres »352.

350 Décret n°2001-342/PRES/PM/MEE portant champ d’application, contenu et procédure de l’étude et de la

notice d’impact sur l’environnement, op.cit., note 337, art. 25 (3).

351 Voir la définition de la notion de « public directement touché » dans le chapitre 2 au niveau de la section

consacrée aux créanciers de l’information forestière (2.2.1.1, section b.)

352 Michel PRIEUR, Évaluation des impacts sur l’environnement pour un développement rural durable :

En résumé, nous pouvons affirmer que le Québec et le Burkina Faso prévoient des modalités juridiques assez satisfaisantes de participation du public à l’évaluation environnementale des projets forestiers, bien qu’il reste des insuffisances à combler.

La deuxième modalité de la participation du public aux processus décisionnels prévue dans la Convention d’Aarhus est la participation à l’élaboration des plans, programmes et politiques relatifs à l’environnement. Dans le cadre de ce mémoire, notre intérêt portera sur la participation du public à l’élaboration des plans, notamment les plans d’aménagement