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3 L’INTÉGRATION DES EXIGENCES PROCÉDURALES DE LA

3.1 Le régime juridique de l’accès à l’information forestière

3.2.1 L’évaluation environnementale des projets forestiers

3.2.1.1 Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) au Québec

Nous verrons dans un premier temps le déroulement de la procédure avant de relever quelques insuffisances liées à la participation du public.

a. Le processus de participation du public dans la procédure de l’évaluation environnementale

L’article 31.1 de la LQE stipule que :

Nul ne peut entreprendre une construction, un ouvrage, une activité ou une exploitation ou exécuter des travaux suivant un plan ou un programme, dans les cas prévus par règlement du gouvernement, sans suivre la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement […].

La liste des activités devant faire l’objet d’une évaluation environnementale est déterminée dans le Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement en son article 2. Le paragraphe f de cet article vise particulièrement les projets ayant des impacts sur les forêts. Ainsi les activités de construction, de reconstruction ou d’élargissement sur une longueur de plus de 2 km de toute route ou autre infrastructure routière destinée à des fins d'exploitation forestière, minière ou énergétique, dont la durée d'utilisation est prévue

pour 15 ans ou plus et qui entraîne un déboisement sur une largeur moyenne de 35 m ou plus, sont soumises à la procédure d’évaluation environnementale.

Toute personne désirant entreprendre l’une ou l’autre des activités visées à l’article 2 du Règlement précité doit aviser par écrit le ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. Ce dernier prépare alors une directive où il indique à l’initiateur du projet la nature, la portée et l’étendue de l’étude d’impact sur l’environnement qu’il doit préparer319. De manière circonscrite, l’étude d’impact doit

comporter les éléments suivants : une description du projet, un inventaire qualitatif et quantitatif des composantes de l’environnement susceptibles d’être touchées par le projet, une énumération et une évaluation des répercussions positives, négatives et résiduelles du projet sur l'environnement, un exposé des différentes options au projet, notamment quant à son emplacement, aux procédés et méthodes de réalisation et d'exploitation et à toutes options du projet ainsi que les raisons justifiant le choix de l'option retenue, une énumération et une description des mesures à prendre pour prévenir, réduire ou mitiger la détérioration de l'environnement320. De plus, le Règlement précise que toute

étude d’impact sur l’environnement préparée en vertu de la loi doit être accompagnée d’un résumé vulgarisé qui sera publié séparément de l’étude d’impact321.

Après avoir réalisé son étude, le promoteur la transmet au ministre qui la publie lorsqu’il la juge recevable et l’informe de la procédure d’information et de consultations publiques qu’il doit réaliser. Il existe deux phases à ce niveau: la phase d’information et de consultation du dossier par le public, et la phase d’audiences publiques lors desquelles le public peut soumettre ses préoccupations et propositions et participer aux débats relatifs au projet.

Au niveau de la phase d’information et de consultation du dossier par le public, le promoteur doit publier un premier avis « dans un quotidien et un hebdomadaire distribués dans la région où le projet est susceptible d'être réalisé ainsi que dans un quotidien de Montréal et un quotidien de Québec »322, et ce dans un délai de 15 jours suivant la

319 Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, art. 31.2.

320 Pour plus de détail sur les éléments que doit contenir l’étude d’impact, voir art.3 du Règlement sur

l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, RLRQ c Q-2, r 23.

321Règlement sur l’évaluation et l’examen des impacts sur l’environnement, op.cit., note 320, art. 4. 322 Ibid., art. 6 (1)

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notification qui lui est faite par le ministre en ce qui a trait à la procédure d’information et de consultation du public. Cet avis vise en fait à informer le public de l’existence du projet, de la possibilité qui lui est offerte de consulter tous les documents y afférant ainsi que la possibilité de demander au ministre une audience publique relativement au projet. En outre, le promoteur doit publier dans un délai de 21 jours suivant la publication du premier avis, un second avis dans un hebdomadaire distribué dans la même région323. De plus, une copie

du résumé de l’étude d’impact doit être transmise aux municipalités locales concernées par le projet. Ces modes de publicité, il faut le reconnaître, participent d’un souci d’informer le plus grand nombre de personnes possible. Par ailleurs, le fait que l’avis soit aussi publié dans des quotidiens de Montréal et de Québec démontre que la phase d’information vise tant le public touché directement par le projet que le public de manière large.

La consultation des documents relatifs au projet par le public débute dès que le ministre rend publique l’étude d’impact réalisée par le promoteur. Ces documents sont disponibles pendant une durée de 45 jours aux centres de documentation de Québec et de Montréal, ainsi que dans un centre de consultation dans la région concernée par le projet. Ils doivent comprendre l'étude d'impact sur l'environnement, tous les documents présentés par le requérant à l'appui de sa demande de certificat d'autorisation, tout renseignement, étude ou recherche effectuée à la demande du ministre en vertu de l'article 31.4 de la LQE et disponible à ce moment-là, l'avis déposé par l'initiateur du projet auprès du ministre en vertu de l'article 31.2 de la LQE et la directive rendue par le ministre, toute étude ou commentaire effectué par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs relativement à cette demande de certificat d'autorisation et disponible à ce moment-là324.

Pendant le délai de 45 jours, toute personne ou municipalité peut demander au ministre la tenue d’une audience publique. Cette demande doit être faite par écrit et être motivée325.

Lorsque le ministre donne une suite favorable à la demande d’audience publique, le BAPE doit publier un avis de la tenue de l’audience dans un quotidien et un hebdomadaire distribués dans la région où le projet doit d'être réalisé de même que dans un quotidien de

323 Ibid., art. 6 (2). 324 Ibid., art. 12. 325 Ibid., art. 13.

Québec et de Montréal326. Le BAPE dispose d’un délai de 4 mois pour tenir l’audience

publique et en faire rapport au ministre. Cependant, le ministre peut également refuser la tenue d’une audience publique s’il juge la demande frivole327. À ce sujet, dans l’affaire

3766063 Canada inc. c. Québec (Ministre de l'Environnement), la Cour supérieure a

considéré que la demande d’audiences publiques de la demanderesse, relative à un projet d’agrandissement du lieu d’enfouissement sanitaire de la MRC de La Vallée-de-l’Or, avait un caractère non sérieux et frivole et que le ministre était en droit de refuser la demande328.

Au terme de cette analyse, nous pouvons relever que le Québec prévoit des modalités assez satisfaisantes de participation du public dans la procédure d’évaluation environnementale des projets. Néanmoins, des insuffisances sont à relever.

b. Les insuffisances liées à la participation du public

Il pourrait être reproché au système québécois un élément essentiel dans le processus de participation du public à l’évaluation environnementale des projets : il s’agit du caractère insuffisamment en amont de la participation du public. En effet, contrairement au système burkinabè où le public intervient très tôt dans la procédure, au Québec, le public n’intervient que lorsque l’étude d’impact a été réalisée, donc à un stade déjà avancé de la procédure. Le rapport du comité de révision de la procédure d’évaluation environnementale communément appelé rapport Lacoste, avait déjà en 1988, soulevé le fait que la participation du public dans la procédure d’évaluation environnementale au Québec intervient un peu tardivement. Selon le rapport, la procédure :

[P]résente […] le défaut majeur d’associer le public aux dernières étapes de l’évaluation. Quand le promoteur a terminé son étude d’impact, son projet est prêt et ses choix sont arrêtés, alors que les préoccupations des citoyens portent souvent sur la planification environnementale du projet. Comme les véritables enjeux d’un projet se jouent lors de la planification, au moment de la justification et des choix d’options, il devient difficile pour la population, sinon même impossible, de discuter ces enjeux329.

Dans ses recommandations, le rapport mentionnait que le public devrait être informé dès l’instant où le promoteur dépose auprès du ministre l’avis de projet, et ce avec le

326 Ibid., art. 15.

327 Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, art.31.3 al. 2.

328 3766063 Canada inc. c. Québec (Ministre de l'Environnement), 2006 QCCS 5434 (CanLII) au para.109 al.

7, 8 et 9.

329 Paul LACOSTE, L'évaluation environnementale : une procédure à généraliser, une procédure d'examen à

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consentement du promoteur. Michel PRIEUR va dans le même sens en affirmant que le public doit être informé dès que l’administration a connaissance d’un projet, « bien avant qu’aucune décision ne soit prise »330. De plus, selon le rapport, il faudrait instaurer une

consultation publique au moment de la préparation de la directive du ministre.

Cette nouvelle étape de consultation s’apparenterait à celle du scoping dans les procédures américaine et canadienne. Il s’agit d’un mécanisme d’information et de consultation du public sur la directive et qui vise à préciser l’étendue de l’étude d’impact devant être réalisée et à assurer que les problèmes soient identifiés tôt dans le processus décisionnel. Avec cette consultation, les enjeux mineurs ne devraient plus accaparer inutilement l’attention et certains délais dus au caractère inadéquat des études pourraient être évités331.

L’information et la consultation du public dès le stade du dépôt de l’avis et de la préparation de la directive permettraient ainsi au public d’être informé au plus tôt, au lieu d’attendre la période de consultation de 45 jours qui peut être insuffisante par moment, et lui permettraient également de murir dès lors des réflexions sur les retombées sociales, économiques et environnementales du projet, notamment pour le public directement concerné. Pour ce faire, il faudrait bien entendu donner à ces deux nouvelles procédures une assise légale. C’est ce que prévoit le rapport en soulevant « l’hypothèse d’une modification au règlement pour institutionnaliser l’information sur l’avis de projet et la consultation sur la directive […] »332.

Le rapport Lacoste fait également état de la nécessité de généraliser la pratique de l’évaluation environnementale notamment aux programmes, plans et politiques gouvernementales. Selon le rapport :

L’évaluation d’un projet qui s’inscrirait dans une politique ou un programme n’ayant jamais fait l’objet d’une évaluation environnementale risquerait fort d’aboutir à une remise en cause de l’ensemble de cette politique ou de ce programme […]. Par ailleurs, la remise en question d’un projet est susceptible d’être beaucoup moins litigieuse, beaucoup moins génératrice de conflits, si l’élaboration de la politique ou du programme dans lequel il s’inscrit a déjà pris en considération les facteurs environnementaux333.

330 Michel PRIEUR (dir.), Les enquêtes publiques, quel avenir ? Environnement et information des citoyens,

Paris : Documentation française, 1990, p. 12.

331 Paul LACOSTE, L'évaluation environnementale : une procédure à généraliser, une procédure d'examen à

parfaire, op.cit., note 329, pp. 56-57.

332 Ibid., p. 71. 333 Ibid., p. 110.

Ce type d’évaluation est appelé évaluation environnementale stratégique (ÉES). En rappel, « l'évaluation environnementale stratégique (ÉES) est l'évaluation systématique et complète des effets d'une politique, d'un plan ou d'un programme et des solutions de rechange »334.

Le rapport Lacoste mentionne qu’une évaluation environnementale doit être faite pour toutes les activités stratégiques gouvernementales ayant une incidence sur la qualité de l’environnement telles que les politiques sectorielles, les plans d’action, les programmes de subvention, les activités d’aménagement forestier, de reboisement, d’exploitation forestière, de défrichage, etc. Bien entendu, l’ÉES doit s’accompagner d’une procédure de consultation du public adéquate, sinon elle n’aurait pas sa raison d’être.

Au Québec, l’ÉES ne bénéficie pas d’une assise législative, c’est-à-dire qu’elle n’est pas encadrée juridiquement contrairement au Burkina Faso où l’ÉES est inscrite dans le Code de l’environnement. La mise en œuvre d’une ÉES au Québec relève surtout du pouvoir discrétionnaire des autorités compétentes, comme ce fut le cas avec l’ÉES sur l’industrie du gaz de schiste. Pour Jean BARIL, il est important :

[D]’insister pour que la société civile et les différents milieux qui la composent s’unissent pour réclamer l’intégration dans la Loi sur la qualité de l’environnement d’un cadre formel pour l’évaluation environnementale stratégique des politiques, plans et programmes gouvernementaux, à l’instar de ce qui existe pour l’évaluation de projets particuliers. Cela permettrait à tous de connaître quand, comment et sur quels sujets de telles évaluations seraient obligatoirement entreprises et s’y préparer en conséquence335.

En résumé, la procédure d’information du public sur l’avis de projet, la consultation du public au moment de l’élaboration de la directive du ministre et la procédure de l’ÉES sont autant de recommandations faites par le rapport Lacoste depuis 1988, mais que le Québec tarde à mettre en œuvre, alors qu’elles visent toutes à favoriser une participation du public plus en amont dans les procédures d’évaluation environnementale. Néanmoins, il faut reconnaître que la procédure actuelle d’évaluation environnementale prévoit la possibilité

334 Gouvernement du Canada, Guide de l’évaluation environnementale stratégique des projets de politiques,

de plans ou de programmes du gouvernement canadien, op.cit., note 239.

335 Jean BARIL, « Évaluation environnementale stratégique et Loi sur la qualité de l’environnement »,

Gaiapresse (22 Août 2011), [en ligne] : Gaiapresse<http://gaiapresse.ca/analyses/evaluation-

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de la médiation environnementale336 qui fait partie des recommandations du rapport

Lacoste.

Quid du processus de participation du public à l’évaluation environnementale des projets

forestiers au Burkina Faso ?