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La nouvelle vague des multinationales émergentes

1.1. Les multinationales du tiers monde (TWMNC)

1.2. La nouvelle vague des multinationales émergentes

Durant les années 2000, les IDE émis par les multinationales en provenance des économies émergentes se sont multipliés, donnant naissance à la troisième vague des IDE sortants. Durant ces quinze dernière années, l’internationalisation des entreprises émergentes a été quantitativement et qualitativement différente des phases précédentes. La nouvelle vague d’internationalisation s’est accompagnée par une croissance rapide des acquisitions internationales, une diversification des marchés cibles et une internationalisation « agressive » des EMNE. En effet, les IDE des économies émergentes sont passés de 65 milliards de dollars en 1980 à 468 milliards de dollars en 2014, ce qui représente 35 % des IDE sortants dans le monde2.

Durant ces années, plusieurs EMNE, essentiellement indiennes et sud-américaines, ont effectué des investissements sur les marchés des pays développés. Le nombre de ces entreprises et le volume de leur acquisition transfrontalière ont suffisamment cru. A titre d’exemple, Lenovo, premier fabricant chinois d’ordinateurs personnels, a racheté en 2004 la division PC d’IBM, pour un montant total de 1,75 milliard de dollars, Nanjing Automobile achète MG Rover à BMW en 2005, Geely a acheté Volvo à Ford pour 1,8 milliards de dollars.

La vitesse croissante des investissements internationaux conjuguée aux stratégies de croissance des EMNE a inspiré les chercheurs en management international. Ces dix dernières années, de nombreuses définitions des EMNE ont été proposées. Luo et Tung (2007) définissent les EMNE comme : des entreprises internationales, originaires d’économies émergentes qui réalisent des IDE où elles exercent un contrôle efficace et entreprennent des activités à valeur ajoutée dans un ou plusieurs pays étrangers3. Cette définition repose sur trois éléments clés :

1 AULAKH, P.S., 2007. Emerging multinationals from developing economies : motivations, paths and performance. Journal of International Management. Vol. 13 (3). PP 235–240.

2 CNUCED, 2015. Rapport sur l’investissement dans le monde 2015 : Réformer la gouvernance de l’investissement international.

3 LUO, Y., TUNG, R. L., 2007. International expansion of emerging market enterprises : A springboard perspective. Journal of International Business Studies. Vol. 38(4). PP. 481_498.

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 Les entreprises doivent s’engager dans des IDE sortants. Ces investissements prennent la forme, soit de filiales de production et de recherche et développement, soit de filiales commerciales, soit de filiales de production dans certains pays et de filiales commerciales dans d’autres pays.

 L’entreprise doit contrôler efficacement ses filiales à l’étranger et ses activités internationales ;

 Le développement international doit se concentrer sur les activités à valeur ajoutée.

2. Performance des EMNE

Les activités étrangères des principales EMNE ont considérablement évolué entre 1994 et 2011. Par exemple, les actifs étrangers détenus par ces entreprises ont doublé 52 fois pour atteindre 474 milliards de dollars, contre 9,2 milliards de dollars en 1994. Ils ont également considérablement accru leurs ventes et leur emploi à l’étranger, soit 55 et 8 fois respectivement.

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Tableau 11 : L’évolution des actifs, des ventes et de l’emploi à l’étranger de 1994 à 2011

Année Actif étranger (milliard $) Ventes étrangères (milliard $) Emploi à l’étranger (en milliers) 1994 9.2 9.4 46.8 1995 19.7 14.8 84.9 1998 42.5 30.4 56.6 1999 26.0 14.7 53.9 2000 42.9 50.2 94.9 2002 56.7 32.1 138.2 2003 77.0 58.8 68.6 2004 84.4 76.8 174.6 2005 107.4 88.3 153.9 2006 130.7 131.4 152.7 2007 247.8 195.3 256.4 2008 298.9 359.3 304.9 2011 473.9 519.9 363.8

Source : statistiques UNCTAD

Ce tableau ci-dessus résume la croissance des actifs, des ventes et de l’emploi à l’étranger des plus grandes EMNE de 1994 à 2011. Parallèlement à l’expansion remarquable des activités étrangères des EMNE, les flux des IDE en provenance des pays émergents ont considérablement augmenté au cours des dernières décennies. Au cours de la période allant de 1990 à 2012, les flux d’IDE sortant des marchés émergents ont augmenté près de 24 fois plus vite que la moyenne mondiale.

Les flux des IDE sortant des pays émergent ont représenté 245 milliards de dollars en 2012, contre moins de 2,1 milliards de dollars en 1990. L’investissement mondial est passé de 241 milliards de dollars à environ 1, 4 billion de dollars au cours de la même période. Les EMNE suivent un processus d’internationalisation dénommé leap-frogging qui n’est autre qu’une forme d’implication au marché mondial à un rythme accéléré. Cette conclusion est soutenue par l’évolution des actifs et des ventes à l’étranger des EMNE. D’après les statistiques de la CNUCED, les marchés étrangers ont absorbé en 2011 40% des ventes totales des EMNE, contre 17% en 1994. On constate que 18% des actifs totaux des EMNE existent désormais en dehors de leurs frontières

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nationales, contre 12% en 1994. Apparemment, la légère baisse du taux de l’emploi étranger par rapport au total de l’emploi n’a pas empêché l’indice de transnationalité (TNI) des EMNE d’augmenter qui est passée de 14 à 23% entre 1994 et 2011.

Il convient de souligner que cette conclusion contredit le fait que la plupart des théories portant sur l’évolution des EMNE supposent qu’une entreprise émergente connaîtra probablement un processus d'internationalisation lent et progressif. Cependant, l’internationalisation par saut d’étapes (leapfrogging) pourrait être observée dans certaines circonstances. Selon le modèle d’Uppsala, le processus d’internationalisation des grandes entreprises pourrait connaître un saut en avant en raison des vastes ressources et de la connaissance du marché, représentant la principale source d’avantages concurrentiels pour ces entreprises1.

L’internationalisation accélérée est perçue par les autres théories comme un motif plutôt qu’une conséquence de leur croissance. Les théories fondées sur les facteurs d’attractivité supposent que les avantages du pays d’accueil sont le déclencheur clé pour inciter les entreprises étrangères à opérer sur un certain marché, car les EMNE n’ont souvent pas l’avantage concurrentiel nécessaire pour initier le processus d’internationalisation2.

À cet égard, Bonaglia, Goldstein et Mathews (2006)3, en étudiant trois des plus grandes EMNE opérant dans le secteur des produits blancs, ont conclu que les EMNE avaient tendance à frapper les marchés internationaux pour trouver des opportunités de croissance. Parallèlement aux divers facteurs mis en avant par les théories des EMNE pour expliquer leur expansion extraordinaire, il a été prouvé que le taux de croissance rapide des économies émergentes avait joué un rôle accélérateur dans la promotion de leurs IDE. Suite à leur croissance économique rapide, les pays émergents et en développement ont accueilli les deux tiers des réserves de change mondiales en 2010, contre 37% en 2000. Les fonds souverains sont devenus la principale source d’investissements sortants des marchés émergents. En outre, l’accès croissant des EMNE sur les marchés financiers régionaux et internationaux leur a permis de financer leur expansion à l’étranger.

1

JOHANSON, J et VAHLNE, J E., 1977. Op. Cit.

2ANDREFF, W. AND GIOVANNI BALCET, G., 2013. Emerging countries’ multinational companies in developed countries : at odds with the HOSparadigm ? european journal of comparative economics. Vol. 10 (1). PP. 3-26

3

BONAGLIA, F., GOLDSTEIN, A., MATHEWS, J., 2006. Accelerated Internationalisation by Emerging Multinationals : the Case of White Goods Sector. Working Papers 270, Universita’ Politecnica delle Marche (I), Dipartimento di Scienze Economiche e Sociali.

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Il existe une autre perspective à partir de laquelle les EMNE occupent une place prépondérante dans le paysage des affaires mondial. Bien qu’en 1994 aucune EMNE ne figuré dans le classement des 100 plus grandes multinationales non financières publiées par la CNUCED, en 2013 ces entreprises représentaient près de 8% du total des actifs des 100 plus grande entreprises mondiales évaluées à 1 billion de dollars. Cependant, il convient de noter que le classement des plus grande EMNE varie considérablement d’une année à l’autre, près de 42% des EMNE (71 entreprises) sont apparues qu’une seule fois dans toutes les listes de la CNUCED (13 listes) publiées de 1994 à 2011, et 24 % de ces entreprises (27 entreprises) ont été reconnues à deux reprises par la CNUCED en tant que grandes entreprises. Seulement deux entreprises ont été classées parmi les plus grande EMNE chaque année. Ces entreprises sont : Cemex (Mexique) et Petroleo Brasileiro (Brésil).

Les EMNE apparaissent également dans la liste du Financial Times Global 500. Alors qu’elles représentaient que 6.5% (33 entreprises) des 500 premières entreprises mondiales, en 2014, elles ont représenté 11% (56 entreprises). La valeur des EMNE figurant dans le Financial Times Global 500 a triplé de 2006 à 2014 pour atteindre 3 billions de dollars, ce qui représente 10% de la valeur totale des 500 premières entreprises mondiales, contre seulement 5% en 2006. Un changement important est observé dans le paysage des IDES ces deux dernières décennies, la part des flux d’IED en provenance des pays émergents sur le marché mondial a connu une croissance spectaculaire au détriment des pays développés. Les pays émergents ont généré près de 18% des flux mondiaux d’investissements en 2012, contre moins de 1% en 1990. En contrepartie, les pays développés ont perdu des parts de marché. Bien qu’ils dominaient le paysage mondial de l’investissement au début des années 90, les pays développés ne représentaient que 65,4% des flux mondiaux d’investissements en 2012.

De même, les investisseurs des pays émergents ont réussi à doubler leur part dans le stock mondial d’IDE 27 fois entre 1990 et 2012, pour atteindre 2 billion de dollars, contre 73 milliards en 1990. En conséquence, les pays émergents représentaient 8,5% du stock mondial d’IDE en 2012. Au cours de la même période, la part des pays développés à fortement diminué passant de 93% à 79%. Cette tendance est soutenue par le fait que le classement mondial des principaux investisseurs reflète clairement la progression continue des pays émergents. En 2012, pour la

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première fois, quatre investisseurs des 20 plus grands investisseurs mondiaux appartenaient aux pays émergents, à savoir la Chine, la Fédération de Russie, le Mexique et le Chili1.

L’augmentation des EMNE devrait se poursuivre à l’avenir. La Banque mondiale prévoit que la valeur et le nombre annuels des transactions de fusions-acquisitions transfrontalières émis par les EMNE augmenteront de plus de trois fois d’ici 2025. Par conséquent, les flux nets d’IDE des pays émergent vont enregistrer un excédent supérieur à 15,2 billions de dollars au cours de la même période. D’ici 2025, les pays émergents seront les principaux moteurs de la croissance économique mondiale, tout comme les pays développés.