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5.1 Constat 1 : la nécessité d’une compréhension commune de la collaboration

5.1.1 La nécessité d’un cadre de la collaboration interprofessionnelle

Un cadre de collaboration suppose des règles claires de fonctionnement et l’officialisation des pratiques souhaitables, lesquelles incluent pour l’Alliance la clarification des rôles et des responsabilités des comités et des partenaires, la recherche d’équilibre entre les actions individuelles, les micros-collaborations et les objectifs communs, l’accessibilité à de la formation ou de l’accompagnement ainsi que la détermination du partage des responsabilités et la reddition de compte en contexte de collaboration.

L’ajout d’un tel outil permettrait de formaliser les pratiques et de clarifier les attentes dans le but de permettre une compréhension commune du travail en collaboration à l’Alliance. Dans cet esprit, Sicotte, D’Amour et Moreault (2002) ont d’ailleurs souligné que le fonctionnement des pratiques collaboratives officielles reposaient en partie sur deux grandes conditions :

« Premièrement, un cadre interdisciplinaire ou interprofessionnel articulé et opérationnel pouvant contrecarrer les effets du cadre traditionnel d’exercice des pratiques et deuxièmement des règles concrètes aidant à promouvoir les valeurs de l’interdisciplinarité et de la collaboration interprofessionnelle. » (Sicotte et al.2002)

L’analyse de l’Alliance démontre qu’un cadre interprofessionnel bien intégré permettrait aux participants de mieux saisir la démarche collaborative. En effet, il est manifeste que les attentes et la perception du travail collaboratif varient d'un répondant à l'autre et influencent leur niveau d'engagement. Ainsi, une personne déçue se désengage peu à peu puisque le milieu correspond plus ou moins à sa vision d’une collaboration efficace.

Afin de bien cibler le contenu d’un éventuel cadre interprofessionnel, il convient de revenir sur chacune de ses composantes identifiées précédemment.

5.1.1.1 L’importance de la clarification des rôles et des responsabilités de chacun

À l’évidence, « la connaissance et la compréhension du rôle de chacun sont nécessaires pour développer une vision commune. » (McDanie et Hepworth, 2004). En ce sens, la clarification des rôles impliquent autant les rôles des comités que ceux des organisations partenaires de l’Alliance et de leurs représentants au sein des comités. Rappelons que les membres qui participent à l’Alliance ont des attentes implicites. Suite aux entrevues, il faut conclure que ces attentes ne sont pas toutes comblées puisque les individus éprouvent de la difficulté à nommer et à préciser leurs besoins au sein du processus collaboratif. Dans cette optique, il convient de recadrer les limites des rôles de chacun d’autant plus que la collaboration inter-organisationnelle demande que les gestionnaires tolèrent un fonctionnement différent de celui en place dans leur organisation

chez les participants qui peuvent avoir l’impression de contourner les politiques de leur organisation.

5.1.1.2 L’atteinte d’un équilibre entre les actions individuelles, les micro-collaborations et les grands objectifs communs

Les aléas de l’administration quotidienne de la collaboration inter-organisationnelle exigent de trouver un point d’équilibre entre la poursuite des objectifs communs et les actions individuelles. Cela est d’autant plus vrai que l’un des grands objectifs de l’Alliance est justement de favoriser la prise en charge des problématiques par les milieux, ce qui encourage les actions individuelles. Dans ce contexte, l’Alliance se veut une collaboratrice des milieux et elle doit donc favoriser la collaboration et le partage d’information tout en préservant les initiatives sur le terrain. Cet exercice nécessite toutefois une grande finesse afin de maintenir l’ambiance appropriée ainsi que l’engagement des troupes. Il n’existe pas de recette parfaite afin de relever ce défi mais l’évaluation des progrès et le suivi des perceptions du groupe sont primordiaux afin de procéder rapidement aux ajustements nécessaires le cas échéant.

Soulignons de plus que l’Alliance intervient également par le biais d’actions sectorielles et intersectorielles issues de différentes micro-collaborations entre les acteurs du comité d’actions concertées. Bien que ce fonctionnement ad hoc génère plusieurs retombées positives, un plan global avec des orientations stratégiques collectives et préalablement discutées augmenterait sensiblement la perception d’efficacité collective. En effet, la multitude d’actions émanant de discussions en périphérie des travaux officiels de l’Alliance favorise une perception d’éparpillement et de travail en silos, perception présente dans la majorité des entrevues.

Au surplus, ce fonctionnement ad hoc fait en sorte qu’une fois le micro-projet réalisé, l’engagement peut s’estomper. Bref, l’Alliance doit trouver un juste équilibre entre le travail par projet sans toutefois négliger de rattacher les individus au projet central collectif afin de maintenir l’intérêt et l’engagement à plus long terme.

Rappelons finalement que le travail d’équipe ne passe pas obligatoirement par les projets. Il peut se manifester par des échanges lors des rencontres ou encore par un processus de consultation et d’échanges quant aux enjeux de certains milieux. Il n’existe donc pas une seule manière de créer des occasions pour le travail d’équipe mais la collaboration exige toutefois un niveau d’interdépendance. Une mise en commun est nécessaire afin de répondre au besoin du groupe. Heureusement, les répondants ont majoritairement exprimé le souhait de faire davantage de co- construction, d'échanger davantage d'idées et de travailler en équipe ce qui facilite l’implantation d’un cadre de collaboration.

5.1.1.3 Outils et formation sur la collaboration inter-organisationnelle

Le travail collaboratif exige de revoir les façons de faire et de développer des moyens et des outils efficaces afin de traiter l’information en équipe. Tel que mentionné lors de la présentation des résultats d’entrevues, la collaboration demande un effort supplémentaire puisqu’il faut traiter les idées des différents acteurs et convenir de solutions communes acceptables. Ces différentes étapes peuvent toutefois aboutir à la multiplication des versions ce qui crée une impression de lourdeur par les participants. Heureusement, l’arrivée massive de nouvelles méthodes de travail en collaboration dans les entreprises privées et publiques a entraîné la création de nouveaux outils de travail. Par exemple, il existe de nouvelles applications informatiques qui permettent de travailler de manière synchrone ou asynchrone sur des projets collectifs. Ces outils permettent entre autres d’accéder à un projet en temps réel et de voir l’évolution de celui-ci, chaque participant pouvant ajouter de l’information sur le projet à distance ou faire des demandes particulières aux coéquipiers, ce qui vient simplifier la gestion du projet puisque les modifications s’opèrent en cours de route dans un processus dynamique plutôt que de requérir des approbations de chaque partenaire. L’usage des avancées technologiques permet donc une épargne de temps ainsi qu’un meilleur contrôle et une diffusion plus efficace de l’information dans le cadre des projets en cours. Bref, l’innovation et les nouvelles technologies sont de précieuses alliées pour les nouvelles pratiques de travail en collaboration.

5.1.1.4 Responsabilisation et reddition de comptes en contexte de collaboration inter- organisationnelle

Les notions de responsabilité et de reddition de compte nécessitent un effort supplémentaire en contexte de collaboration inter-organisationnelle puisque la responsabilité de résultats et des actions n’incombe pas à une seule organisation mais à l’ensemble (Barr et al. 2008). De plus, la collaboration est un processus volontaire et son efficacité passe donc par un niveau d’engagement élevé de l’ensemble des participants qui doivent s’approprier une portion de la responsabilité et des résultats :

« Une attention particulière est accordée à la reddition des comptes employée dans la gouvernance intersectorielle, puisque le partage des responsabilités qui la caractérise induit une responsabilité diffuse, d’où l’importance d’établir un cadre de responsabilité clair. » (Australian National Audit Officie, 2003 ;Barr et al., 2008 ; Geneau et al. 2009) cité dans (St-Pierre et Gauvin, 2010 p.4)12