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Chapitre I. La Macroforme entre compacité et étalement morphologique : quel paradigme

I.4. La macroforme comme échelle d’analyse de l’étalement urbain

L’étude de la macroforme est une manière faisable pour caractériser l’étalement ou la compacité d’une ville. À ce niveau d’analyse, l’échelle de lecture est celle de la tache urbaine dont l’allure du périmètre urbain et des limites du bâti sont mis en avant (Guérois, 2003). En matière d’occupation du sol, l’intensité et le niveau d’agrégation des surfaces bâties peuvent ainsi être abordés. À ce niveau aussi, la forme urbaine peut être caractérisée par la description de la configuration spatiale en mettant en valeur le rapport entre formes d’utilisation du sol et configuration du réseau de transport.

L’interaction entre la ville et son environnement physique et naturel peut être, dans une autre perspective, étudiée et évaluée. Le suivie de l’évolution historique de la tache urbaine permet de comprendre les transformations spatiotemporelles accompagnant cette évolution. Le paysage, ici, est une notion basique présentant le support sur lequel se développe les interactions spatiales et fonctionnelles entres les différentes taches composant le territoire. L’étude de la macroforme urbaine

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s’appuie sur les documents cartographiques pour la visualisation et l’identification des zones baies.

Les cartes topographiques aux échelles intermédiaires (1/50 000, 1/25000, etc.) sont souvent mobilisées. Avec la généralisation de la télédétection spatiale, les images satellites ont pris un rôle incontournable dans cette sorte d’études. Ce type de supports numériques offre la possibilité d’avoir des vue synthétiques de la macroforme, de sa configuration spatiale, de sa structure, du rythme et des modes de croissance des surfaces bâties. Il permet également de visualiser l’impact des grandes opérations d’aménagement et d’urbanisme comme l’implantation des infrastructures de transport, des zones résidentielles et des zones d’activités. La mesure et la caractérisation morphologique fait appel aux indicateurs morphologiques. Le choix des indicateurs dépend d’un côté de l’objectif de l’étude et, d’un autre coté, de la disponibilité des données spatiales et des outils méthodologiques.

Les Systèmes d’Information Géographiques (SIG) présentent en effet des outils efficaces permettant la cartographie et l’analyse des macroformes urbaines. Les données récoltées sur terrain sont nécessaires pour la validation cartographique et l’accomplissement de données manquantes (Allain, 2010 ; Yavuz Kumlu et Tüdeş, 2018).

I.4.1. Morphologie urbaine et profils des villes soutenables

La succession des études sur les formes urbaines a donné naissance de la morphologie urbaine au début des années 50. Le développement des méthodes d’analyse propres a fait de la morphologie urbaine comme une discipline à part entière. La morphologie urbaine cherche donc la caractérisation da la forme urbaine à différente échelles. La forme urbaine est considérée comme un produit social que l’attention doit porter sur la lecture de l’état de fait ainsi que l’analyse des mécanismes et des processus historiques conduisant à la construction de la forme urbaine (Rémy Allain, 2004). Avec l’universalisation du développement durable, la morphologie urbaine a gagné plus d’attrait. Plusieurs travaux ont pu mettre en évidence l’influence de la forme urbaine sur le comportement des villes de point de vue de soutenabilité urbaine : « La forme urbaine structure le rapport à l’environnement.

L’évolution récente des formes urbaines est incompatible avec le développement urbain durable » (Bochet, 2007). En matière de mobilité urbaine, par exemple, les villes étalées présentent des parcours de déplacements plus longs par rapport aux villes compactes, de même pour la dépendance aux automobiles ; donc plus de consommation énergétique (Camagni et al., 2002b ; Rode et al., 2017). En matière de valorisation de la biodiversité urbaine, la forme urbaine influence différemment selon les échelles. À une échelle locale, les espaces verts sont moins présents dans les zones les plus denses. Mais à une échelle globale, l’étalement urbain peut favoriser la fragmentation paysagère et provoquer les ruptures écologiques (Aguejdad et Hubert-Moy, 2016 ; Guérois, 2003).

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De nos jours, la morphologie urbaine apparait une des clés permettant la compréhension et l’évaluation des formes urbaines, notamment avec la mise ne place des politiques de développement durable qui cherchent à limiter les effets néfastes de l’étalement urbain. Il importe de noter que, comme le souligne Da Cunha (2005), la ville n’est pas durable en elle-même, mais elle est concernée par la durabilité qu’elle doit y prendre part, principalement par sa morphologie. La forme urbaine constitue donc un enjeu primordial sur lequel les acteurs de la ville doivent agir (Allain, 2010). Dans ce sens, des modèles de formes urbaines portant des solutions de soutenabilité urbaine ont été proposés par les aménageurs. La préoccupation centrale porte sur la mise en place des normes et des réglementations en matière d’aménagement urbain conduisant à la matérialisation des formes urbaines présentant plus de durabilité que ce soit au niveau local ou globale. L’enjeu n’était pas de bloquer l’étalement urbain mais de le maitriser ; le résultat estimé des dynamiques de croissance spatiale serait des formes urbaines plus adaptés autant bien aux aspirations sociales qu’aux conditions environnementales : « le travail sur la morphologie urbaine apparait ici comme une des clés pour parvenir à un aménagement urbain durable » (Bourgeois, 2015). Plusieurs concepts issus de la morphologie urbaine relatifs à l’aménagement spatiale et aux modèles de villes ont pris place importante dans les réflexions portant sur la soutenabilité des villes actuelles.

I.4.1.1. Macroforme et agrégation des fragments : formes compactes et formes étalées

La forme urbaine peut être étudiée à différents échelles, de l’ilot à la région urbaine. Le caractère étalé ou compact peut être ainsi examiné à différents niveaux, de l’agglomération elle-même ou de l’une de ces composantes (quartiers, zone, etc.). À une échelle globale, l’étalement ou la compacité d’une ville se rapporte à la disposition des fragments urbains constituant l’agglomération. Une ville peut être considérée comme étalée (ou polycentrique) quand les fragments sont plus espacés et la mobilité est plus importante. Inversement, la ville peut être considérée comme compacte si l’agrégation des fragments est plus importante. La continuité spatiale est donc plus manifestante avec moins d’espaces vides. À un niveau plus restreint, la compacité de la forme urbaine est davantage liée à la densité dans ses différentes dimensions comme la densité du bâti, la densité résidentielle, etc. (Bourgeois, 2015). Ce niveau peut décrire hiérarchiquement la forme d’un ilot à travers la configuration de ces parcelles, la forme d’un quartier ou d’une zone urbaine via l’étude de ces composantes spatiales (ilots, voiries, agencement et hauteurs des bâtiments, etc.). Plusieurs indicateurs peuvent être examinés : rapport plein/vide, continuité/et ou discontinuité du bâti, le coefficient d’emprise au sol (CES), coefficient d’occupation au sol (COS), etc (Rémy Allain, 2004 ; Maignant, 2005).

26 I.4.1.2. Quatre modèles théoriques de macroformes

La macroforme urbaine correspond à la forme globale de la ville à une échelle plus large. La configuration spatiale de la ville s’appréhende à travers une vision synoptique incluant l’ensemble de l’agglomération définie par son périmètre et son environnement immédiat. D’une règle générale, les macroformes urbaines peuvent se distinguer en quatre modèles théoriques : ville compacte monocentrique, ville compacte polycentrique, ville étalée monocentrique et ville étalée polycentrique (figure I-4).

Figure I-4 : Modèles théoriques des macroformes urbaines Source : (Bourgeois, 2015)

I.4.2. Repenser la macroforme urbaine

Les formes des villes contemporaines sont le résultat d’un processus historique de combinaison de plusieurs facteurs émanant généralement des contextes politiques, socioéconomiques et naturels.

L’attractivité des villes enregistrée à la fin du XIXe siècle a engendré de multiples nuisances. Les solutions proposées ont fait des bases de réflexion sur les meilleures formes urbaines, notamment en matière d’hygiène publique. La seconde moitié du XXe siècle a été marquée par des tendances urbaines privilégiant le desserrement des populations et des activités. L’étalement urbain s’est substitué comme mode dominant d’urbanisation dans les pays occidentaux. La consommation excessive des terres agricoles ainsi que les nouvelles mutations sociales accompagnant cette modalité de développement urbain ont poussé les partisans de l’écologie à contester l’étalement urbain que pratiquement toutes les villes américaines et européennes n’ont pu échapper. Il a fallu attendre les années 80 du dernier siècle pour que la conscience commence à être généralisée.

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Depuis lors, la littérature scientifique n’a manqué de mettre en évidence les conséquences négatives de l’étalement urbain sur les plans économique, social et environnemental. En matière de planification urbaine, la réflexion sur les formes des villes durables qui intègre la dimension environnementale commence à attirer l’attention des acteurs urbains. L’évaluation environnementale des projets urbains, à travers la réalisation des études d’impacts, est devenue de plus en plus une impérative procédurale nécessaire pour toute démarche de soutenabilité urbaine. L’évaluation des formes d’urbanisation d’un point de vue environnementale est l’un des principaux intérêts de l’écologie du paysage urbain. Selon cette discipline, la ville est considérée comme un écosystème artificiel en perpétuelle interaction avec son environnement naturel intérieur et extérieur. Cette discipline offre un cadre méthodologique et conceptuel permettant l’analyse et l’évaluation des formes urbaines produites et conçues dans les documents d’urbanisme. Le paysage urbain est une notion de base constituant le support sur lequel s’effectuent les dynamiques d’interaction spatiotemporelles qui peuvent être opérées entre les différentes taches de composition. Le changement en matière de composition et de configuration des structures paysagères peuvent être mis en valeur à travers l’examen des indicateurs spatiaux qui permettent la mesure et don l’évaluation de l’impact de l’étalement de la tache urbaine sur la composition et le fonctionnement des écosystèmes.

I.4.3. La ville compacte comme modèle de soutenabilité urbaine

La fatalité des aboutissements de l’étalement urbain constatée dans les années 90 a abouti à l’adoption des modèles compacts. Les politiques urbaines, notamment dans les villes européennes, ont mis en avant des démarches de densification et de régénération urbaines. La ville compacte est devenue de plus en plus le modèle le plus recherché dans la majorité des opérations d’aménagement urbain (Artmann et al., 2019). Comme alternative à l’urbanisation diffuse, l’extension de la ville doit s’effectuer prioritairement par densification des pôles urbains existants. La croissance spatiale des fragments bâtis selon le mode continu pourrait contribuer au renforcement de la compacité de la ville et l’augmentation des interactions sociales. Dans le même sens, ce modèle de croissance privilège des bordures nettes et lisses (figure I-5) permettant d’une part la réduction de la consommation des terres agricoles et la préservation des espaces périphérique (Geurs et van Wee, 2006), et d’autre part, la discrimination des zones urbaines des zones rurales et l’empêchement la propagation des zones de transition (Bourgeois, 2015). La réduction de la consommation énergétique est l’un des principaux objectifs visés par ce modèle de développement. Le transport en commun en est le mode favorisé.

Le rapprochement des équipements et des bâtiments de service offerts par la ville compacte encourage ainsi la marche à pied et les déplacements non motorisés (en deux roues). La mixité

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fonctionnelle présentée par ce modèle permet d’améliorer l’accessibilité aux services et de réduire la ségrégation sociospatiale (Pouyanne, 2006).

Les politiques de compacification urbaine s’appuient généralement sur trois leviers. Le premier se rapporte à la densification des zones résidentielles. Cette démarche amène à la réduction de la consommation spatiale à travers la limitation de l’emprise au sol des nouvelles constructions. Les documents d’aménagement et d’urbanisme jouent un rôle important moyennant une règlementation urbanistique bien appropriée. Dans cette perspective, les indices morphologiques d’occupation et d’utilisation du sol (comme le COS et le CES) doivent favoriser la densité urbaine. Le deuxième levier correspond à la densification des zones d’activités et de services. L’augmentation de la densité d’activités permet la réduction des déplacements et de donner lieu à la mixité fonctionnelle. Le dernier levier consiste à la requalification des friches et des zones urbaines délaissées. Ces zones constituent de vrais potentiels fonciers pouvant accueillir des projets de développement urbain et offrant de ce fait la possibilité de limiter l’étalement urbain. Les villes européennes, dans leur totalité, se sont orientées vers ces politiques de renouvellement urbain, pratiquement à partir des années 80, et les exemples sur ce sujet en sont nombreux.

I.5. Des tendances à la compacification urbaine : monocentrisme et polycentrisme compacts