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Chapitre I. La Macroforme entre compacité et étalement morphologique : quel paradigme

I.3. Les formes de l’étalement urbain

Il est évident donc que l’étalement urbain correspond à un modèle particulier de développement, et que « toute forme de croissance urbaine n’est pas forcément synonyme d’étalement urbain » (Hoffhine Wilson et al., 2003). Plusieurs auteurs ont essayé d’englober les différentes variantes de l’étalement urbain en proposant une typologie de formes d’urbanisation. Barcelo et Trépanier (1999) définissent trois formes spatiales désignant l’étalement urbain à savoir la croissance linéaire, essentiellement commerciale, qui s’étale le long des axes de transport, la croissance discontinue (sporadique) en saute de mouton, et les vastes étendues périphériques de caractère monofonctionnel, souvent à vocation résidentielle. Galster et al. (2001) propose une typologie plus élargie basée sur la quantification de huit dimensions morphologiques permettant la qualification de la forme urbaine.

Ces dimensions sont : la densité, la continuité, la concentration, le groupement, la centralité, la nucléarité (les noyaux), la mixité d’utilisation du sol, et la proximité. Chaque dimension se rapporte à un continuum de valeurs dont chacune correspond à une des images de l’étalement urbain. En se basant sur cette conception, Batty et al., (2003) propose de distinguer cinq formes d’étalement urbain : un développement compact, un développement éparpillé, un développement linéaire, un développement polynucléaire, et un développement en saute de mouton (figure I-2).

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Figure I-2: Formes de l’étalement urbain

Source : (Galster et al., 2001, d'après Batty et al., 2003) I.3.1. L’étalement urbain en Algérie

À la suite des traces d’urbanisation héritée de la période coloniale, les villes algériennes ont connu un extraordinaire entassement urbain, conséquence de l’explosion démographique due à la croissance naturelle et au fort exode rural, renforcée par des politiques de développement privilégiant l’essor urbain (Boukhemis et al., 1990). La forte croissance démographique qui a marqué les deux premières décennies de l’Algérie indépendante s’est accompagnée d’un exode rural et de flux migratoires importants; ces deux facteurs ont principalement entraîné un accroissement considérable de la population urbaine et une densification du système urbain algérien. Cette croissance urbaine va être plus rapide et orientée également vers les petites et les moyennes agglomérations d’une façon brutale et mal contrôlée (CNES, 2002 ; ONS, 2011). L’étalement urbain, processus d’extension spatiale fragmentée des centres urbains, marque le développement urbain en Algérie depuis les années 70.

I.3.1.1. Une croissance urbaine rapide et mal contrôlée

À l’image des pays nouvellement indépendants, l’Algérie a connu un mouvement inédit en matière de croissance urbaine, particulièrement durant ces trois dernières décennies. Cette croissance urbaine s’est développée de manière brutale et elle continue de suivre des allures montantes jusqu’à nos jours (Milles, 2013 ; ONS, 2011). En effet, les politiques économiques favorisant le fait urbain conjuguées

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à un accroissement démographique très important ont engendré des dynamiques démesurées d’urbanisation traduites par une augmentation rapide de la population urbaine par rapport à la population rurale et un nombre croissant des communes urbaines par rapport aux communes rurales (figure I-3).

Figure I-3 : Évolution de la population urbaine en Algérie (1960 – 2017) Source : (la Banque Mondiale, 2020)

I.3.1.2. Une croissance spatiale démesurée et mal gérée

Dans ce contexte d’urbanisation effrénée, les villes se trouvent soumises aux processus accélérés d’étalement de leurs périmètres urbains. Les politiques urbaines mis en œuvre pour répondre aux besoins sociaux croissants des populations arrivantes n’étaient pas suffisamment adéquates, ce qui a permis l’émergence des dynamiques spontanées de croissances spatiales. Les villes n’ont pas pu échapper des processus incontrôlés d’étalements spatiaux. Ce qui va aboutir par la suite à la production de paysages amorphes, difficile à appréhender et à gérer. Sur ce point, le rapport du CNES (1998) confirme que : « De nombreuses villes ont vu ainsi leur superficie se multiplier par 5 en moins de 30 ans. Cette rupture avec les centres anciens a été accentuée par une architecture répétitive monotone mettant en évidence l'existence de deux formes urbaines qui coexistent non complémentaires, celle des anciens tissus et celle des nouvelles urbanisations. ». Cette croissance se développe et s’amplifie au détriment du potentiel agricole périurbain d’où l’ensemble des terres consommées par l’urbanisation depuis l’indépendance s’élèverait, d’après le ministère de l’Agriculture, à 80 000 hectares, dont 10 000 de terres irriguées (Côte, 1993). Il est également à mentionner que cette croissance démesurée et sans logique d’organisation spatiale, est génératrice

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de surcoûts de viabilisation et de fonctionnement que ni l’État, et encore moins la collectivité n’ont été en mesure de prendre en charge (Boumedine, 2013).

En Algérie, durant les dernières décennies, nos villes subissaient une explosion spatiale démesurée traduite par un débordement et une diffusion de l’urbanisation sur le territoire rural et désertique.

L’habitat spontané constitue aussi un facteur essentiel contribuant à l’amplification des extensions spatiales incontrôlées des villes et à l’accélération de l’urbanisation en Algérie (Brahimi, 1994 ; Mennour et Guessoum, 2018). Ainsi, la politique de zoning adoptée dans les différents instruments d’urbanisme peut être considérée comme deuxième facteur motivant de ces tendances. : « La pratique du zoning – plaquant ici une ZHUN, là un grand équipement, ailleurs une zone industrielle ou un lotissement – crée un cadre rigide et dissocie les fonctions urbaines. Le programme des ZHUN, qui visait à bâtir des ensembles de logement dotés de tous les services crée de pseudo-villes nouvelles, mal intégrées à la ville ancienne, standardisées à l’aspect jamais achevé. La politique de construction sur les périphérie urbaine -80% des programmes d’habitat durant la dernière décennie ont été réalisé en site vierge contribue à étendre démesurément les déplacements urbains, à entamer dès aujourd’hui les réserves foncières programmées pour demain, à accroître la consommation des terres agricoles. » (Côte, 1993).

En somme, et selon le CNES (1998), la ville algérienne qui « représente en quelque sorte la projection des contrastes et des conflits de la société d’aujourd’hui » se distingue par : un espace urbain global désarticulé formant une mosaïque sociospatiale presque sans unité ; il s’agit là d’u paysage fragmenté constitué de deux bandes parallèles et opposées : le volontariste étatique et le populaire spontané (Dechaicha, 2013).