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Chapitre II. Une approche écologique de la soutenabilité urbaine : les apports de l’écologie du

II.2. Un champ pluridisciplinaire florissant

II.2.3. L’écologie du paysage : théories et concepts de base

La théorie biogéographique des îles cherche à expliquer les conditions d’épanouissement des espèces en fonction de la distribution spatiale des habitats accueillant ces espèces (figure II-2). Selon cette théorie : « les grandes îles comportent un nombre d’espèces plus importants que les petites îles et les îles proches des continents comportent plus d’espèces que les îles les plus isolées » (Bourgeois, 2015). Cette théorie constitue un modèle important qui a influencé l’écologie du paysage et a suscité l’élaboration de nombreuses recherches en écologie urbaine (MacArthur et Wilson, 1967). Malgré la faisabilité de cette théorie, en raison de la « clarté de ses principes de base » (Aguejdad, 2009), son application sur les milieux urbains est soulignée comme difficile, compte tenu des particularités et des différences des habitats urbains par rapport aux ceux des iles : « D’abord, dans un cadre urbain, il n’existe généralement pas une seule zone source centrale au sens écologique du terme. Ensuite, en ville, la matrice peut ne pas être aussi hostile que l’eau entourant les îles car il existe en milieu urbain des connexions entre les taches d’habitats qui favorisent la dispersion des espèces » (Aguejdad, 2009). Néanmoins, en tenant compte de ces différences, le recours à la théorie biogéographique des îles a pu appuyer les investigations cherchant à expliquer l’influence des propriétés spatiales des habitats urbains sur l’épanouissement de la biodiversité (Aguejdad, 2009 ; Wu, 2013a).

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Figure II-2 : La théorie biogéographique des iles Source : (Bourgeois, 2015, d’après MacArthur et Wilson, 1967) II.2.3.2. La théorie des métapopulations

La théorie des métapopulations présente aussi un autre cadre important pour la recherche en écologie du paysage urbain. Le concept de « métapopulation », introduit la première fois en 1969 (Levins, 1969), trouve son émergence dans la théorie biogéographique des îles. Il se rapporte généralement à la dynamique des populations au saint des taches d’habitat continentales. Selon cette théorie, la métapopulation est une population formée de sous-populations soumises à des dynamiques locales d’extinction et de colonisation (figure II-3). Dans un milieu donné, la persistance d’une métapopulation est conditionnée par le rapport entre taux d’extinction et taux d’immigration (Levins, 1969).

Figure II-3 : Une métapopulation Source : (Levins, 1969)

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Pour Hanski et Gilpin (1991), une métapopulation est un ensemble de sous-populations interconnectées par des individus qui se dispersent. La stabilité d’une métapopulation est conditionnée par deux propriétés qui sont en rapport avec les taches accueillantes : leurs qualités définies par leurs formes ainsi que les ressources qu’elles présentent, et leurs aptitudes de recevoir et émettre des individus (Bourgeois, 2015). Plusieurs modèles ont été développés à partir de cette théorie. Parmi ces modèles, on peut trouver le modèle « source-puit » (Pulliam, 1988) et le modèle des « populations fragmentées » (Gilpin et al., 1991)6. Dans le premier modèle, celui de source-puits, la répartition des espèces est liée d’une part à l’aptitude des espèces à coloniser de nouvelles taches à partir de leur tache (tache source) et, d’autre part, à la capacité de la tache colonisée (tache source) de recevoir et d’assurer les conditions favorables permettant leur épanouissement. Dans le second modèle, celui des populations fragmentées, la colonisation concerne toutes les taches d’habitats avec un important flux de dispersion assurant la liaison entre ces taches entièrement habitées (Bourgeois, 2015).

Figure II-4 : Des métapopulations Source : (Bourgeois, 2015)

II.2.3.3. La perturbation intermédiaire

L’hypothèse de la perturbation intermédiaire est une troisième théorie qui a trouvé plusieurs applications en écologie du paysage (Connell, 1978). L’hypothèse de base de cette théorie est que :

« la richesse des espèces est plus élevée dans les sites intermédiaires que dans les sites fortement perturbés ou non perturbés » (Aguejdad, 2009). Plusieurs études ont mis l’accent sur la faveur des

6 Cité in (Bourgeois, 2015)

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sites intermédiaires par rapport aux sites plus ou moins perturbés quant à la richesse et la diversité des espèces (Blair et Launer, 1997 ; Jokimäki et Suhonen, 1993).

II.2.3.4. Représentation spatiale de la mosaïque paysagère

En écologie du paysage, les structures paysagères sont spatialement lisibles à travers la notion de mosaïque paysagère (Forman & Godron, 1986). Celle-ci est considérée comme le modèle théorique de base par le biais duquel l’organisation spatiale du paysage peut être appréhendée. Il s’agit d’une vue zénithale du paysage. Trois éléments composent la mosaïque paysagère : les taches, les corridors et la matrice.

Figure II-5 : Une vue représentative d’une mosaïque paysagère (Commune de Foncine-le-Bas) Source : d’après (Forman et Godron, 1986)

Ces notions sont généralement employées dans l’étude de la fragmentation des formes, de leurs connectivités, de la diversité des espèces et de leurs hétérogénéités, de la variété des fragments et les échelles d’étude du paysage (Aguejdad, 2009).

II.2.3.4.a. Les taches

Les taches ou fragments constituent les éléments de composition des paysages (Urban et al., 1987).

Elles sont formées d’un intérieur et une lisière (figure II-6). Dans la littérature, plusieurs appellations correspondent à ses éléments de composition : écotope, composante, habitat, site, unité de paysage, ainsi que d’autres (R. T. Forman et Forman, 1995). Les taches peuvent être définies comme « des portions d’espace non linéaires et différentes en apparence de leur environnement. Les taches sont des régions homogènes pour une propriété donnée » (Aguejdad, 2009). Ces fragments spatiaux forment l’habitat où le lieu d’hébergement des espèces animales et végétales. Les conditions d’épanouissement et de vie de cette biocénose sont étroitement liées aux états et aux configurations de ces entités de paysages qui conditionnent l’interaction de différents organismes vivants constituant la biodiversité, le déplacement des animaux, le transfert d’énergie et de matière ainsi que l’abondance

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ou la rareté dans la composition spatiale. Spatialement, les taches se distinguent par leurs morphologies, leurs aspects surfaciques, leurs abondances et par leurs dispositions par rapport à l’ensemble du paysage. Ce dernier point peut être abordé à travers l’étude de la continuité ou la discontinuité spatiale, des éléments descriptifs sont à examiner comme la contiguïté des fragments, leurs proximités, leurs éloignements, etc. (Aguejdad, 2009).

II.2.3.4.b. Les corridors

Les corridors sont des bandes relativement étroites et organisées généralement en réseau. Avec cette forme linéaire, ces éléments du paysage servent comme éléments assurant la liaison entre taches qui accueillent le même type d’habitat (Figure II-6). Les corridors jouent un rôle important dans le fonctionnement des écosystèmes. Ils permettent le déplacement des populations et le transfert de matière et d’énergie. Mais, d’un autre côté, ils peuvent constituer une barrière entravant le mouvement de certaines espèces vivantes (Aguejdad, 2009). Néanmoins, les corridors ne sont pas considérés comme éléments d’habitat quoiqu’ils assurent les conditions de mouvement et de transfert dont les espèces vivantes ont besoin : « un corridor permet les déplacements d’individus entre deux taches d’habitat mais sans offrir les conditions nécessaires à leur survie. Il ne fait donc pas, en lui-même, partie de l’habitat d’une espèce » (Pereboom, 2006).

Figure II-6 : Éléments de constitution d’un paysage Source : (Aguejdad, 2009 d’après Clergeau, 2007)

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À l’image des taches, les corridors peuvent se distinguer par leurs morphologies, leurs positions, leurs tailles (longueurs, largeurs), connectivité, etc. (Aguejdad, 2009).

II.2.3.4.c. La matrice

La matrice correspond au milieu qui environne les fragments d’habitat. La structure et la constitution de la matrice sont différentes de celles des taches et des corridors : « la matrice est donc devenue synonyme de milieu (plus ou moins) hostile à une espèce » (Pereboom, 2006). Cet élément de paysage est souvent composé d’une grande variété de classes qui peuvent être définies par leurs formes ou leurs compositions (Aguejdad, 2009).

Les taches, les corridors et les matrices se présentent en réalité avec une multitude de formes, de tailles et de dispositions. Leurs configurations sont en fait la résultante d’interaction de facteurs physiques, biologiques et sociaux. Le modèle d’organisation spatiale que présente un paysage peut donc conditionner les processus écologiques et peut aussi être un facteur déterminant de sa richesse biologique : « En effet, il est connu que des changements de taille et de connectivité des taches causent des changements au niveau de la richesse des espèces, la distribution et la persistance des populations » (Aguejdad, 2009).