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III. Discussion sur la réduction de l’enfermement psychiatrique – une mise en

III.1. La médecine comme mécanisme de régulation

Nous avons situé le questionnement sur l’enfermement psychiatrique et la liberté des personnes entre les notions de santé et de dangerosité. Il ressort de notre analyse de

la littérature scientifique médicale que cette question est abordée de manière différente

suivant l’organisation des services, notamment opposant services hospitaliers et communautaires. Notre analyse fait état de disparités très importantes entre les

territoires et cette non-équité de traitement fait apparaitre l’atteinte à la liberté individuelle par le système de soins arbitraire, appelant à une transformation des

pratiques.

Ces éléments sont concordants avec les observations et débats contemporains,

notamment ceux du professeur A. Buzyn, Ministre des Solidarités de la Santé, qui

rappelait récemment qu’« un des problèmes de la psychiatrie française est quand même la multiplicité des écoles, le fait que les prises en charge sont assez peu

harmonisées sur l'ensemble du territoire » [157]. De plus, remarquant que « les

préoccupations sécuritaires se sont substituées à l'objectif de réinsertion » [158], lors

de la présentation de son rapport le 26 mars 2019, la CGLPL souligne que la situation

française « est toujours dans l'attente d'une loi ou du moins d'un plan ambitieux pour

faire face à la gravité de la situation » [158], notamment ce que le professeur A. Buzyn

qualifie de services ayant « des pratiques du XIXe siècle » [157]. Outre ses

recommandations en urgence face aux abus constatés dans ses visites (Annexes 6.1,

6.2, & 6.3), la CGLPL s’inquiète de la situation de la France qui est « progressivement devenue l'un des pays européens qui enferme le plus » [158].

La dernière étude comparative entre pays, notamment européens, sur l’emploi des mesures d’internement datait de 2002 et précédait donc les réformes législatives et la crise actuelle [135]. Ces éléments sont maintenant actualisés par de nouvelles

données publiées dans le Lancet Psychiatry d’avril 2019 portant sur 23 pays et dans lesquelles la France apparait comme un des pays avec le plus haut taux d’internement avec de surcroit une des plus grandes croissances annuelles [159]. Les éléments de

notre étude semblent donc concorder avec les observations des acteurs nationaux et

les données de la littérature scientifique.

Le 28 juin 2018, le Gouvernement français a dévoilé sa feuille de route santé mentale

et psychiatrie [160], dans laquelle la question de l’enfermement n’est abordée qu’à l’action 22 sur 37. De plus, les objectifs fixés de « mettre en œuvre le plan d’actions

visant la réduction du recours aux soins sans consentement, et en particulier la

réduction du recours aux mesures d’isolement et de contention dans les établissements36 » [158] semblent modestes en regard des engagements de la CRPD

[18,36] :

Il est inacceptable de ne pas remettre en cause le statu quo afin de s’attaquer aux violations des droits de l’homme dans les systèmes de santé mentale. Alors que la santé mentale devient une priorité politique, il est capital d’apprécier, dès à présent, l’incapacité à planifier une meilleure voie à suivre, pour parvenir à un consensus concernant la manière d’investir au mieux [36].

On trouve une discordance entre les textes des droits humains de l’ONU, auxquels la France s’est engagée à se mettre en conformité suite à la ratification de la CRPD en 2010, et les actions et politiques nationales. À titre d’illustration, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU qualifie les pratiques de contention et d’isolement, prolongations

de la restriction d’aller et venir permise par les mesures d’internement, de « violation du droit au consentement libre et éclairé, mais aussi une forme de mauvais

traitements, voire de torture » [18]. Cette lecture semble différer de celle du professeur

F. Bellivier, récemment nommé délégué ministériel à la psychiatrie, qui considère que

« c’est un sujet sensible. La contention ou l’isolement, c’est du soin, cela répond à des pratiques et situations spécifiques. Mais il y a des dérives et j’y serai très attentif » [161]. Aussi, si tous s’accordent sur la réduction des mesures d’internement, l’objectif poursuivi semble osciller entre d’un côté réduire l’usage en réduisant les abus, et de l’autre réduire l’usage comme étape préliminaire à une abolition.

Une des difficultés rencontrées dans la réalisation de notre étude a été de définir une

mesure fiable de l’internement. En effet, les données actuelles proviennent des bases d’informations administratives, à savoir le Recueil d’Information Médicalisée en Psychiatrie (RIM-P) et la Statistique Annuelle des Établissements (SAE) [109]. Ces

bases sont remplies à l’échelle des établissements et présentes l’avantage d’être collectées en routine, rendant leur exploitation facilement représentative de l’activité réelle. Leur principale limite est leur mauvaise qualité, pouvant contenir, d’après une étude récente, plus de 80% de lignes erronées et 7.6% de données non exploitables

[110]. Une autre limite vient du fait qu’elles n’ont pas été conçues dans une logique de recherche et que certains indicateurs manquent. Il n’est ainsi pas possible de suivre de manière fiable le recours aux programmes de soins, pourtant introduits dans la loi

de 2011 [110,146]. Les problématiques soulevées par l’internement amènent ainsi à des propositions d’introduction de nouveaux indicateurs dans ces bases, comme c’est le cas pour les programmes de soins [110], ou pour la contention et l’isolement [162],

rendus obligatoires par la loi de 201637. Le Comité européen pour la prévention de la

torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants a déploré suite à

l’annonce de ces indicateurs que cette initiative n’ait pas été étendue à d’autres pratiques portant atteintes aux droits fondamentaux telles que la contention chimique,

si bien qu’elles restent à ce jour inchiffrables [163].

Le manque de fiabilité et le faible champ des données recueillies amènent à considérer

que la contrainte tracée et étudiée n’est que la partie visible de pratiques plus importantes. Parce qu’elles découlent toutes de la légalisation de l’enfermement, nous avons fait le postulat que l’ensemble des pratiques de contrainte forment un système unique. Il y a donc une possibilité qu’une réduction constatée du recours à l’enfermement ne soit en fait qu’une transformation de ces mesures vers d’autres non tracées. Par exemple, dans le dispositif actuel français, un remplacement des mesures

de contention physique par des mesures de contention chimique apparaitrait

faussement comme une réduction du recours à l’enfermement. Cette limite, déjà pointée par le docteur B. Odier38 [164], est d’autant plus prégnante que l’objectif poursuivi est de contrôler le recours.

De plus, l’ensemble des pratiques effectives de contrainte ne tient pas compte de l’impact, pourtant documenté [119], que ces pratiques ont sur l’ensemble de l’activité. Quid des personnes en "soins psychiatriques libres" dont l’absence d’internement n’est pas lié à leur état de santé, mais à leur non désaccord avec le psychiatre ? Autrement

dit, ceci nous amène à nous interroger sur la possibilité pour une personne de

consentir à un soin psychiatrique avec un psychiatre, ce choix ne pouvant pas être

37 Loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

présumé libre puisque que le psychiatre a la possibilité de l’enfermer. On retrouve donc une situation de catch-2239 où la personne avec un problème de santé mentale peut

ainsi se trouver dans une situation où elle est contrainte du fait de son état de

souffrance d’accepter sans consentir des soins psychiatriques qui l’exposeraient à « une violation du droit à la liberté et à la sécurité de la personne, puisque ces mesures

imposent un traitement sous la menace de la détention en cas de refus » [18].

Évaluer la place de la contrainte dans les services de psychiatrie dépasserait donc la

question des mesures portant atteintes aux libertés tracées (internement, contention,

isolement) et non tracées (contention chimique [18], stérilisation forcée [18,165,166],

médication forcée [18], surmédication [18], etc.), et s’étendrait également à une évaluation de l’impact que l’emploi de ces moyens a sur la possibilité de consentir des personnes non contraintes (Figure 37). Ces personnes seraient alors contraintes

Figure 37. Différents niveaux d’expression de la contrainte dans les services de psychiatrie.

39 Paradoxe logique représentant une situation de laquelle une personne ne peut s’extraire à cause de

d’accepter des soins rendus dangereux ou refuser d’avoir accès à ce système de soins. Aucune analyse à ce jour ne rend état de l’ensemble de ces niveaux et les chiffres mesurés de plus de 93 000 personnes internées chaque année ne

correspondent donc qu’à une fraction de la réalité de l’internement et il n’est pas exclu que la contrainte exercée par les effets directs et indirects de l’internement couvrent l’ensemble de la discipline.

Dans la suite de l’approche cybernétique, la médecine peut être pensée comme un système de régulation (Figure 38), dont le pouvoir assure le fonctionnement et par cela

la survie du système social40 [53]. Cette pensée de la médecine comme organe de

Figure 38. La médecine comme système de régulation du fonctionnement social.

Ici, la société est un système ouvert dans lequel la ‘médecine’ agit comme système régulateur du ‘fonctionnement social’ dans son aspect de santé, étant admis qu’une partie O0 de l’ensemble des

personnes I0 ont des problèmes de santé. L’apparition d’un problème de santé est traitée comme une

erreur. L’efficacité de la ‘médecine’ est représentée par la part O1 des personnes dont les problèmes

de santé sont corrigés parmi l’ensemble des personnes ayant un problème de santé I1. L’accès au

système de soins est alors représenté par le ratio 𝑰𝟏 𝑶𝟎.

40 On peut cependant s’interroger sur l’impact de la concentration au même endroit de la régulation et

régulation sociale est d’actualité [167] et n’est ni nouvelle [168] ni inconnue [169]. Cette mission de contrôle social de la médecine va de pair avec son statut d’institution publique, de même que pour la police et la justice qui sont deux autres composantes

du système de régulation social impliquée dans les mesures d’enfermement psychiatrique de notre étude précédente. Le contrôle social est une notion complexe

[170], pensée ici au sens large et non d’un point de vue uniquement sécuritaire auquel est souvent réduite la lecture des penseurs post-modernes des années 1970, comme

M. Foucault [171,172] ou E. Goffman [173]. Aussi, si l’internement est une partie intégrante de la médecine, on peut s’interroger sur sa participation dans le fonctionnement du système de régulation. Les modèles cybernétiques admettent trois

mécanismes fondamentaux de régulation : le buffering41, le feedforward42, et le

feedback43 (Figure 39) [52].

Le buffering (B) est un mécanisme de contrôle passif dans lequel la perturbation (D)

est absorbée, réduisant son impact sur la variable essentielle (E). Ce mécanisme est

intrinsèque à de nombreux système en ce qu’il représente les formes passives d’homéostasie, permettant la stabilité de l’équilibre. Il a pour rôle de dissiper en l’absence d’intervention les perturbations dans le système [52]. Dans notre situation

Figure 39. Trois mécanismes fondamentaux de régulation des systèmes.

De gauche à droite : le buffering, le feedforward, et le feedback, in [52].

41 [Traduction] emmagasinage. 42 [Traduction] action anticipatrice. 43

d’étude, la « période d’observation et de soins initiale sous la forme d’une hospitalisation complète » (Art. L. 3211-2-2 du CSP) et la garde à vue sont des formes

de buffering qui permet d’absorber la perturbation représentée par des troubles du comportement dans l’urgence.

Le feedforward est un mécanisme de contrôle actif (R) dans lequel l’impact de la perturbation (D) est anticipée et corrigée afin de réduire son impact sur la variable

essentielle (E). Ce mécanisme nécessite de pouvoir anticiper les conséquences de la

perturbation et requiert donc un haut niveau d’information et de connaissances afin que le système puisse distinguer ce qui forme une perturbation et quelle sera sa

conséquence. Son application pratique est, de fait, limitée par la qualité des

connaissances et informations à disposition. Nous ne disposons pas de modèles

certains ou de capteurs infaillibles, ce qui amène ce type de régulation à accumuler

progressivement les erreurs pouvant mener à la destruction du système faute de

révisions régulières [52]. Dans notre situation, ce mécanisme correspondrait par

exemple à l’évaluation du statut de ‘malade mental’ ou de la dangerosité. Ces deux étiquettes servent à renseigner sur le présent et décrire le futur, mais elles souffrent

de l’imprécision de leur évaluation, et de l’incomplétude des modèles qui les sous- tendent [36].

Le feedback est également un mécanisme de contrôle actif (R) dans lequel l’erreur causée par la perturbation (D) sur la variable essentielle (E) est corrigée a posteriori

de sa survenue. Aussi appelé régulation par l’erreur, il est le seul mécanisme dont l’application pratique permet une survie du système au long cours. Il est théoriquement imparfait (puisqu’il nécessite la survenue d’erreurs) comparé au feedforward théoriquement parfait (mais pratiquement imparfait). Cependant, il n’est pas applicable

dans les situations où l’erreur n’est soit pas tolérable, soit de survenue trop rapide pour être corrigée [52].

L’objectif de réduction du recours aux pratiques d’enfermement amène donc à améliorer le fonctionnement de la médecine comme système de régulation. Pour

assurer son fonctionnement, deux modèles sont possibles (Figure 40) : la régulation

par l’anticipation des risques via le diagnostic et l’évaluation médicale (modèle 1) et la régulation par l’erreur via le principe de consentement (modèle 2). Ces deux modèles partagent le recours à un mécanisme de buffering, servant à répondre à des

perturbations dans l’urgence (S), exception au consentement. Les perturbations restantes (M) sont alors gérées par un mécanisme de contrôle actif44.

Figure 40. Deux modèles de régulation : buffering & feedforward, buffering & feedback.

44 Cette modélisation se focalise sur le système de régulation actif principal de chaque modèle, on admet

qu’en pratique les deux mécanismes actifs coexistent. Ainsi, le respect du principe de consentement vient s’ajouter et ne remplace pas l’autocontrôle de la "médecine" par elle-même.

Dans le premier modèle, la régulation active est réalisée par feedforward, c’est-à-dire que la situation à l’issue du buffering donne lieu à une évaluation et anticipation des conséquences prévisibles permettant une réponse anticipée. Ce modèle sera donc à

privilégier dans un système possédant des modélisations fonctionnelles solides et des

techniques de dépistage valides et fiables. Cependant, il risque d’accumuler un nombre croissant d’erreurs et devra être régulièrement révisé.

Dans le deuxième modèle, la régulation active est réalisée par feedback, c’est-à-dire qu’une perturbation qui perdurerait à l’issue du bufffering donnerait lieu à une correction a posteriori des erreurs. Ce modèle sera donc à privilégier dans un système

visant une stabilité importante. Cependant, il nécessite de pouvoir tolérer et corriger

les erreurs.

Le choix du mécanisme de régulation apparait donc comme une modalité sur laquelle

il est possible d’agir. Le mécanisme de l’internement correspond à un système basé sur le feedforward (modèle 1) et a donc pour objectif d’éviter la survenue des erreurs. Cette lecture est compatible avec l’évolution historique de l’internement qui s’est construit en réponse à l’idée qu’il existait des ‘malades dangereux’ dont il fallait protéger à tout prix le reste de la société (à l’exemple du discours d’Antony du président N. Sarkozy en Annexe 7). Ceci est donc bien en adéquation avec les

caractéristiques d’un système de régulation en feedforward, privilégié dans le cas où l’erreur est intolérable pour le système.

Cependant, une des limites d’un tel système est sa capacité d’anticipation, étant admis qu’en pratique nul n’est infaillible. Le médecin en charge de la détection (position M) serait donc amené, puisque l’erreur est perçue comme intolérable, à utiliser un mécanisme de détection sensible, visant à minimiser le risque de perturbation pour la

société. L’inconvénient d’un système en feedforward est donc l’enfermement à tort de personnes reconnues dangereuses par un système trop sensible. Ceci est confirmé

par des études menées sur la capacité du système à reconnaître les faux positifs [1].

A l’inverse, le choix du mécanisme de régulation du reste de la médecine s’est orienté vers une régulation par l’erreur, puisqu’il s’agit d’un mécanisme plus efficient et en réponse aux dérives de l’application en médecine d’un mécanisme basé sur l’anticipation45. Ceci met en évidence une logique à deux vitesses : celle des personnes dont on privilégie la protection face aux risques liées à la médecine (principe du

consentement) et celles des personnes dont on privilégie la protection de la société

face au risque qu’elles présenteraient (cas des ‘mineurs incapables’, des ‘majeurs incapables’, et des ‘malades mentaux’).

Ce choix d’un mécanisme de régulation différent doit nécessairement reposer sur des éléments scientifiques à haut niveau de preuve, faute de quoi il risquerait d’évoluer vers la constitution d’un mécanisme discriminatoire.

Parmi les disciplines médicales, la psychiatrie se caractérise par la faible fiabilité de

ses outils de dépistage et de ses modèles théoriques. En effet, l’existence de ‘maladies mentales’ reste hypothétique à ce jour [12,36,155], et les recherches sur leurs substrats sont non concluantes [36], voire métaphysiquement débattues [134]. De

plus, les personnes concernées par des problèmes de santé mentale sont en nombre

important, et souvent totalement ou partiellement exclues du système social [174], si

bien que leur empowerment a été mis en avant comme mécanisme d’intégration

45 Voir notamment les raisonnements eugénistes du début du 20ème siècle et leurs applications,

notamment la stérilisation [236] et l’euthanasie des personnes dont la vie est estimée alors par le médecin comme ‘n’ayant pas de valeur’ [183].

[35,175]. Enfin, le fonctionnement actuel du système est une preuve concrète de sa

tolérance à l’erreur. Les caractéristiques actuelles de la psychiatrie sont donc davantage en adéquation avec une régulation par l’erreur (modèle 2).

De plus, réguler la médecine ne doit pas être pensé comme un objectif parallèle ou

secondaire, mais comme un aspect à part entière de l’activité médicale. Les mécanismes de régulation sont nécessaires à la survie d’un système et donc de ses objectifs [52,53]. Aussi, un mécanisme de régulation de la médecine y participe

puisqu’il permet, en évitant ses erreurs, d’améliorer ses résultats. L’objectif de soin est alors poursuivi par deux mécanismes : la médecine, et la régulation de la médecine.

Pour autant, leurs profils d’efficience diffèrent (Figure 41). Puisque chaque niveau supplémentaire augmente sa complexité et réduit la zone à laquelle il s’applique, la courbe d’efficacité du système principal prend une allure logarithmique (courbe noire continue sur la Figure 41).

À l’inverse, le système de régulation s’applique au système principal au fur et à mesures des investissements successifs. Chaque investissement dans un système de

régulation améliore donc son efficacité de manière exponentielle puisqu’il augmente d’autant plus sa zone d’intervention. Le croisement de ces deux profils (noté R sur laFigure 41) représente donc le moment où l’investissement dans la régulation est plus rentable pour le système que l’investissement dans le système principal. Autrement dit, il doit exister un moment où investir dans la régulation de la médecine est plus

rentable pour les objectifs de la médecine que d’investir dans la médecine elle-même. La question de la régulation de la médecine ne se pose donc pas comme une

alternative à l’efficacité du système médical. Investir dans la régulation de la médecine, c’est par définition investir dans les objectifs même de la médecine. La question devient donc : est-il plus efficient pour le système d’investir dans la médecine ou dans son mécanisme de régulation ? En d’autres termes, la psychiatrie a-t-elle dépassé ce point R où un gain de technicité présente une efficience inférieure à un gain de contrôle

sur le résultat principal de la médecine ? Un rapport récent du Haut Conseil pour

l’Avenir de l’Assurance Maladie [139] met en évidence que, non seulement le niveau de technicité de la médecine contemporaine est trop élevé, mais que la priorité devrait

être mise sur la régulation du système, principalement étudiée par l’accès aux soins via le développement de soins communautaires de faible technicité. Ceci laisse à

penser, en accord avec d’autres observations [176–178], que la technicité importante de la médecine contemporaine, n’est pas à la hauteur de son impact sur la santé des