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La gestion financière : un travail de Sisyphe

« De jour en jour je vais mieux » (E Coué dans les années 20)

Comme précédemment la section ordinaire du budget retient tous les soins du maire et de son comptable ; la section extraordinaire est une béquille qui apporte le complément de ressources, mais sans elle la ville serait paralysée. Les ressources de la ville sont ainsi pour une large part affectées à la vie quotidienne de la cité et, pour une autre part, engagées dans le financement des emprunts pour étaler dans le temps une partie de ce fonctionnement et les plus coûteux ou plus longs investissements.

Après avoir faibli jusqu'à 1919 les dépenses ordinaires repartent à la hausse dès 1920, premier budget du retour à une période normale. Elles tripleront, en F constants, jusqu'à leur apogée de 1934, c'est considérable. La voirie, qu'on a négligée, provoque tout de suite un excédent de dépenses de 2,7 millions de F et un déficit annuel. Premier signe des difficultés à venir et qui vont nécessiter, comme on l'a vu, des impositions nouvelles. « Le mouvement ascensionnel des dépenses est […] le fait de la situation économique, de l'extension des services, des contingents assignés (les dépenses obligatoires), et de l'assistance sous toutes ses formes » remarque L Soulié le 28 décembre 1929. Mais on réussit à établir un budget « sans charges nouvelles pour les contribuables ». Le même L Soulié avait souligné le 25 mai 1928 que les dépenses par habitant étaient les plus basses dans sa ville : 241,51 F contre 307,71 à Nantes, 332,93 à Lyon, 325,8 au Havre, etc. pourtant villes ouvrières. « Ces chiffres ne font que confirmer […] la limitation des dépenses au minimum indispensable à la vie communale d'une ville de 200 000 habitants ». Il y revient souvent : « y a - t – il [ …] des dépenses exagérées ? Je ne pense pas ; toutes nos écoles demandent des réparations […] nous n'avons pas encore de théâtre, de bibliothèque municipale […] il ne faut pas faire les démagogues, il faut voir la réalité des choses et les difficultés que nous avons en face de nous ». (31 décembre 1935)

Principaux postes des dépenses ordinaires, en %.

1918 1920 1928 1935 1939

Personnel 3 3,5 12,5 11,5 8,5

Bâtiments, chauffage 6 11 4 6 6

Voirie eau éclairage 31 25 24,5 26,5 22,5

Octroi marchés 6 7 4 5,5 6

Police 7 8,5 6,5 8,5 8

Service d'incendie 1 2 1,5 2 2

Cimetières 2 3 2 2 2

Biblioth. Musées 0,5 1 1 0,5 0,5 Instruction publique 14,5 13 10 11 10 Assistance, secours 18 16 22 20 27

Subventions 4 4 6 1,5 1,5

Fonds spéc. divers 2,5 2 2,5 1,5 2,5

Quelques postes de faible importance sont négligés. Les imputations sont établies au mieux, elles peuvent varier d'un compte à l'autre. En 1920 et 1939 : 4,5 et 10,6 millions en F constants pour le total des dépenses.

Croissance donc, comme partout en France, mais au prix de la parcimonie, jusqu'à la grande crise qui les gonfle subitement en y intégrant les secours dont une bonne partie est cependant payée par l'Etat. Quant à la structure de ce chapitre elle est d'une remarquable stabilité. La voirie occupe le premier poste ; l'assistance arrive au second rang voire, épisodiquement, au premier. L'administration qui coûtait très peu pèse un peu plus après les augmentations de salaires et surtout après les lois de 1936. Enfin quatrième poste d'importance, l'instruction publique y compris les œuvres para et post scolaires vivement encouragées par les municipalités radicales et socialistes et le gouvernement de Front Populaire. Mais croissance qui, par force, néglige ce qui n'est pas indispensable.

L'investissement en est d'autant plus entravé et des surprises désagréables comme celle du 30 novembre 1937 plutôt fréquentes : « les prévisions budgétaires ont été dépassées et nous avons à faire face à un excédent de dépenses de 4 millions […] nos prévisions auraient été justes si nous ne nous étions pas trouvés en présence de dépenses tout à fait imprévisibles » ! Excusons nos édiles, la surprise fut générale en France avec 7% de hausse des dépenses.

L'Etat autorise plusieurs villes, dont Saint-Etienne, à faire des emprunts de renflouement des caisses et L Soulié conclut « nous nous en tirons à bon compte ».

Comme ce travail d'équilibriste, voire d'illusionniste dans quelques cas, ne peut être critiqué sur les choix, les opposants, lors de l'examen des comptes, s'en prennent essentiellement à leur présentation. Car pour arriver à ce fameux équilibre ou à un excédent flatteur pour le maire et qui justifie la modération de la pression fiscale, on joue sur les annulations, les reports, parfois involontaires quand l'Etat est en retard de paiement, les passages du primitif à l'additionnel. Je n'en donnerai que deux exemples parmi bien d'autres. Le 24 novembre 1922 un conseiller municipal fait observer à L Soulié que l'excédent du budget relève d'un jeu d'écriture : « on est en réalité passé d'un excédent d'un million à seulement 324 F ». Ce que le maire admet mais

excuse par « une pratique vieille de plus de 80 ans » et justifie par des habitudes avérées quoique contestables comme le report de paiement des factures présentées tardivement par certains fournisseurs. Il s'en fera pourtant accuser à nouveau quelques années plus tard.

En effet le 23 octobre 1930 A Durafour, lors d'une espèce d'audit qu'il a demandé à l'administration, reproche à son prédécesseur et adversaire L Soulié d'avoir élaboré un primitif

« d'une inflexible parcimonie » mais « d'un caractère factice » pour arriver à « équilibrer le budget sans impôts nouveaux ». On a utilisé, dit-il, « des artifices », en relevant des taxes et surtout en annulant et reportant 4,7 millions de crédits pourtant indispensables, parmi eux 2 millions pour la voirie en « lamentable état ». Le maire, dit-il, comptait récupérer ces crédits en les inscrivant au budget additionnel. « Méthode critiquable » qui aliène l'exercice suivant et paralyse les services. A Durafour estime qu'au lieu d'un excédent de 4,3 millions il y a en fait 0,5 million de déficit (c’est la polémique à propos des centimes citée ci-dessus) ce qu'il n'est certes pas fâché d'établir après sa tumultueuse élection de juillet dans les remous de l'affaire des terrains d'aviation (un conflit d’intérêts à la suite duquel L Soulié démissionne et le Ministre dissout le conseil municipal). A Durafour préconise « une sévère politique de compression et d'économies » et s'en prend au coulage, aux heures supplémentaires injustifiées, aux sureffectifs. Puis en juin 1931 il pense que des emprunts ont été détournés et indûment affectés à des dépenses ordinaires, une pratique illégale et sans doute déjà plusieurs fois utilisée mais invérifiable compte tenu de la présentation des comptes. Selon lui il n'en est pas ainsi dans les autres grandes villes, voire...

L'emprunt : indispensable, coûteux mais supportable.

Après l'atonie de la période de guerre et la très passagère embellie procurée par les nouvelles taxes le recours à l'emprunt reprend mais de façon modérée jusqu'à 1926. De sorte que la dette diminue et que sa charge baisse vite et passe sous les 10% des dépenses ordinaires ce qui est supportable. En 1919 la dette était élevée, plus de 20 millions de F et sa charge environ 20%

des recettes ordinaires. A la veille de la crise la situation est saine ; il faut dire aussi que les taux sont bas pour des durées de 30 à 40 ans (47 ans à 3,5% pour l’adduction des eaux du Lignon) et que l'inflation soulage la trésorerie. Les taux remontent pour les dernières opérations, 5 et même 8%, et plusieurs fois d'ailleurs on ne trouve pas de prêteur comme lors d'une panique financière en 1924 ou en novembre 1939 marqué par l’échec pour la 2ème tranche de l'emprunt de 4,4 millions.

En séance plénière la situation des emprunts est rarement rappelée et ceux à souscrire entérinés sans discussion puisqu'ils sont prétendus indispensables. Si, en public et devant les électeurs…, en 1935 on discute du tarif d'octroi pour les volailles ou des taxes sur les débits de boisson en 1927, c'est en commission et conseil restreint, avec le comptable, que la politique d'emprunt se définit. Mais il n'en reste pas de témoignage, par exemple on lit en 1932 : « la commission procède à l'examen […] des moyens propres à équilibrer le budget […] et adopte les articles 33 à 91 » sans autre commentaire. Il ne subsiste que de très minimes traces de ces discussions.

Evidemment l'emploi de l'emprunt est largement orienté vers les travaux neufs même si de subreptices « distractions » l’orientent vers des dépenses courantes. En 1920 – 16 millions en F constants - 70% pour ce secteur dont 10% pour l'hôpital et la préfecture ; le projet des eaux du Lignon compte pour 24 % ce qui laisse peu aux divers autres postes (écoles, Salle d'audition). Cette structure comme celle des dépenses ordinaires varie peu puisqu'en 1939 – 20 millions - travaux, voirie, bâtiments utilisent environ 40%, le Lignon grimpe à 40%, la

différence est due au chômage qui en absorbe 10% et aux affectations financières (indemnités de vie chère, lois de 1936, équilibre du budget de 1937) 5% ; sport (2%) et post et para scolaire 4,5% complètent ces affectations.

Les emprunts de 1919 à 1940 (francs constants, base 1914)

année nombre total (1) Reste dû % RO charge (2) % DO Dette

1919 20 20 246 450 13 096 608 292 1 000 107 19 120F/hab

1920 22 15 820 625 10 318 049 159 785 733 15

1921 22 18 570 185 11 968 365 163 954 508 12

1922 24 19 967 667 7 165 463 90 1 003 010 13

1923 26 19 102 904 12 055 607 173 994 585 14

1924 28 17 176 013 10 579 133 123 922 299 11

1925 27 15 974 269 9 453 412 119 891 237 11

1926 27 12 132 442 6 847 672 85 685 445 9 62,5 F/hab

1927 30 13 098 298 7 675 633 85 791 008 8

1928 32 14 195 831 8 418 835 78 955 369 10

1929 32 13 173 821 8 151 295 74 892 433 9

1930 33 14 387 539 9 069 631 100 957 733 10 75 F/hab

1931 33 15 072 903 9 114 951 72 999 298 8

1932 36 18 044 896 11 103 892 74 1 007 695 6 1933 36 16 072 120 11 728 427 78 1 138 172 7 1934 37 17 173 568 12 221 895 80 1 238 903 8 1935 36 18 672 728 11 777 229 85 1 330 380 10 1936 37 16 744 390 11 779 038 65 1 170 924 8

1937 43 18 142 848 13 744 456 97 942 180 7

1938 70 20 151 517 15 909 331 102 1 229 532 8 106 F/hab 1939 79 19 345 858 14 843 415 98 1 320 871 10

1940 81 16 893 665 13 419 144 112 1 051 276 11 85 F/hab (1) total ou encours de la dette contractée

Le reste dû est en % des recettes ordinaires et supplémentaires, 292 c'est presque 3 ans de recettes

(2) La charge annuelle est en % des dépenses ordinaires et supplémentaires, elle varie de 5 à 7F par habitant.

Ce n'est pas que l'investissement à long terme soit négligé. Au détour d'un commentaire le maire prend en compte la valeur du patrimoine stéphanois (140 millions, sans les forêts, en 1935). En témoignent le projet de grands travaux de 1928 et 1935. Mais avec une certaine ambiguïté de sorte qu'en 1937 l'Etat refuse son autorisation aux emprunts pour ce dernier programme, faisant observer que les crédits pour les patronages, les cantines ou réparations des écoles n'entrent pas dans ce cadre-là. Véritables investissements ? quelques bâtiments et voiries d'envergure. Et surtout l'adduction d'eau qui a entraîné une dépense, couverte presque uniquement par l'emprunt à long terme, de 14 millions entre 1894 et 1924 puis 18,5 millions jusqu'à 1937 (sur l'emprunt de 24 millions en 1937 seuls 3 millions sont engagés) suivent 8,3 millions en 39. Un tel effort mérite d'être retracé dans son ensemble au prix d’un bref retour en arrière.

L'eau : la priorité des priorités.

Faure-Belon a lancé le grand chantier d'alimentation en eau après les premiers essais (fontaines, captage de la plaine de Champagne au XVIIIe). Le projet de captage de la Semène

signé par Conte-Grandchamp en 1847 est rejeté, celui du Furan est adopté. D'abord un drainage de 220 ha du Pilat qui alimente l'aqueduc des sources et 4 bassins de stockage, oeuvre de Graeff et Conte-Grandchamp, puis, avec Montgolfier, le barrage du Gouffre d'Enfer inauguré en 1866 mais par B Charvet…. Dans ce domaine de fortes dépenses sont admises, prudence et hardiesse se combinant : « si l'administration est jalouse d'économiser les deniers municipaux elle sait qu'il est des économies ruineuses pour l'avenir [...] une sage économie en matière de travaux publics ne consiste pas à dépenser peu mais à dépenser bien dans un intérêt général sainement entendu » (commission pour les fontaines, 1848). C'est le début d'une politique que nous qualifierions de nos jours de développement durable et d'écologique. Des plantations et de constants achats de forêts protègeront la ressource en eau, à la fois en quantité et en qualité. Grâce à quoi nous bénéficions d’une des plus importantes forêts communales de France : plus de 650 ha et 6 à 8000 m3 de bois par an. Saint-Etienne en tire encore des ressources appréciables sans oublier l'intérêt paysager et touristique. Une des grandes réussites des municipalités du XIXe, la plus grande ?

La sous-estimation de la consommation nécessite la construction d'un deuxième barrage au Pas du Riot en 1876 alors que le premier a doublé la dette municipale (voir ci-dessus le budget de 1860). C'est encore insuffisant ! Le conseil se divise en 1894 sur les projets présentés en novembre 1893 : reprendre celui de la Semène avec un troisième barrage ? Sur le Furet ? le Cotatay ? le Lignon ? voire Issarlès pour renforcer les débits de la Loire ! le maire qui s'oppose à l’ingénieur Montgolfier préfère la Semène.

Barrallon étant révoqué lors du conflit sur la construction de l'Hôpital c'est le projet du Lignon - par Reuss et Delestrac– qui est accepté par la municipalité Chavanon (1895). Le nécessaire mais très important emprunt souscrit en 1899 à cet effet est critiqué par l'opposition socialiste.

Nouvelle crise municipale née cette fois de la concession d'une usine greffée sur la canalisation et fournissant de l'énergie aux passementiers de Haute-Loire dont on monnaie ainsi l'accord. Les opposants gagnent en 1900 avec le socialiste J Ledin qui conserve cependant le projet en proposant une régie municipale pour la production électrique : « La commune peut devenir un excellent laboratoire de vie économique décentralisée » selon B Malon, une idée du "socialisme municipal" qui avortera. La Cie Electrique de la Loire manœuvre car elle s'y oppose. L’affaire s'enlise. Une simple dérivation est construite et l'eau arrive en 1908. Mais en 1916-24 il faut édifier un indispensable mur de retenue en ménageant toutefois et heureusement une surélévation ultérieure. Le projet initial refait enfin surface en 1928 avec L Soulié qui entreprend la modernisation du réseau de distribution ainsi que la station de Solaure dans son programme des Grands travaux de 1935 lorsqu'il revient à la mairie. « Ces travaux ont été prévus par le maire en 1926 et s'ils ont été interrompus […] ce n'est pas sa faute car il est resté pendant cinq ans hors de l'Hôtel de ville […] Je défie de dire qu'aucune municipalité ait fait mieux que nous » affirme-t-il, majestueusement, le 30 décembre 1938. Ce n'est qu'en 1943-49 que le barrage de Lavalette, conçu par Reuss en 1893, s'élève à la hauteur prévue cinquante ans plus tôt ! Et ce n'est pas fini. Après la station d'épuration de Solaure en 1949 l'aqueduc est remplacé par une conduite forcée entre 1969 et 72. Dès 1962 la rénovation du système de distribution est envisagée avec une extension de Solaure et de nouveaux réservoirs pour l'alimentation des quartiers collinaires. Quand en 1992 la Stéphanoise des Eaux devient concessionnaire des réseaux eau et assainissement on peut estimer que plus d'un siècle et demi d'une politique constante visant la sécurité de l'alimentation en eau a porté ses fruits. Les conflits ne manquèrent pas jusqu'aux récentes années, le prix fut élevé, mais cela en valait la peine : environ 12 millions de F depuis le barrage du Goufre d'Enfer et 33 millions jusqu'à 1939 pour le Lignon. Un total, vraisemblable, de 50 millions... empruntés.

Etait - ce raisonnable ?

On ne peut l'affirmer sans une étude plus fouillée mais il semble bien que l'endettement stéphanois soit assez modéré ; il existait probablement une marge permettant d'aller un peu plus loin. La dette par habitant est une des plus faibles de France, soit 425 F courants contre, environ, 770 à Nantes, 700 au Havre, 426 à Grenoble, 405 à Limoges, 1 000 à Rouen et plus à Bordeaux, selon A Vernay en avril 1935. Il est probable que la longue expérience stéphanoise des déboires économiques rend plus que prudents les édiles, voire pusillanimes. Il est vrai aussi que la ville est relativement pauvre compte tenu de sa forte composante ouvrière et de sa quasi spécialisation dans la production à faible valeur ajoutée. De cette prudence témoigne, toujours en 1935 A Vernay qui, après avoir reconnu que la voirie très dégradée consomme l'essentiel des dépenses, déclare : « le programme des grands travaux établi en 1929 […] a été amendé : les projets qui ne présentaient pas un intérêt immédiat ont été écartés et ceux susceptibles d'entraîner […] des charges supplémentaires ont été ajournés » ou encore « le projet de nouveau théâtre est reporté, la crise économique n'a pas permis de réaliser cette œuvre ». A Saint-Etienne les ressources sont médiocres, les centimes ordinaires s'appliquent à une masse imposable que tous s'accordent à trouver moindre que dans la plupart des villes de même taille. Mais, quel qu'il soit, le maire ne manque cependant pas de faire remarquer que les crédits à voter ou les emprunts à négocier auront des effets d'entraînement sur l'économie, une idée dans l'air du temps des années 30.

D'autre part il s'agit d'un climat général en France depuis la fin du XIXe que cette « incapacité permanente des villes à répondre au gonflement de leurs populations » (Histoire de la France urbaine, Le Seuil 1983). L'impuissance à maîtriser le cadre urbain très dégradé, le manque de moyens financiers, la course aux solutions toujours inadaptées aux difficultés renaissantes est générale pendant la période d'entre-deux-guerres. C'est tout à fait avéré pour le logement, la distribution d'eau, celle-ci étant cependant, par tradition, mieux prise en compte à Saint-Etienne.

Des maires optimistes, des bilans mitigés.

Tableaux et courbes, même en une première approximation, montrent une gestion chaotique faite d'accidents, de chutes et de reprises. Presque une année sur deux, 12 sur 26, se clôt par un déficit ce qui ne plaide pas en faveur d'une maîtrise de la gestion. Mais ces années périlleuses sont divisées nettement en deux périodes.

En 1919 les déficits se sont accumulés et la trésorerie est au plus bas quelques jours voire deux. La réorganisation des années 20 par une meilleure utilisation des ressources et une pression fiscale accrue est à la fois rapide et efficace, la trésorerie redevient confortable ; l'autofinancement favorable en 1920-24-26-28 et 29 permet une reprise de l'emprunt. Les maires en font état avec satisfaction y ajoutant au besoin une présentation habile des comptes.

L'opposition communiste fait toutefois observer le « laisser-aller de l'administration communale » qui est même « virtuellement inexistante » (28 août 1924) alors qu'il reste d'importants travaux à entreprendre. Quelques difficultés puis la crise des années 30 viennent une fois de plus dans l'histoire stéphanoise menacer l'édifice, comme le dit A Vernay expert en litote : « des difficultés ont été rencontrées » (29 décembre 1934). Jusqu'à 1933 les

réserves permettent encore d'afficher des résultats en apparence convenables mais l'excédent global s'amenuise, les déficits annuels se succèdent soit sept fois sur 9 exercices entre 1930 et 38. L'autofinancement faiblit de sorte qu'en 1935 la trésorerie a retrouvé ses pires niveaux, une douzaine de jours. Dans un climat qu'alourdit l'approche de la guerre et le retournement social après le reflux du Front populaire, le redressement vient, comme toujours, des économies, des reports de travaux, des annulations et de l'intervention de l'Etat mais aussi parfois d'un sursaut volontariste du premier magistrat de la commune.

La trésorerie de 1915 à 1940 (en F constants base 1914)

Ro-Do R-D Excéd. annuel Exc. global En jours

1915 323 125 93 212 - 210 576 536 556 29

1916 547 345 284 237 354 534 837 417 48

1917 288 827 210 172 180 318 878 256 54

1918 - 416 581 - 69 526 254 349 934 310 65

R-D : excédent du budget ordinaire en tenant compte des recettes et dépenses supplémentaires

Excédent annuel : balance de tous les comptes de l'année ; excédent global : report à l'exercice suivant Jours : estimation des jours de fonctionnement assurés par l'excédent global

Le programme des "Grands travaux" du 20 juin 1935, repris du programme de 1928/29, adopté à la veille du second tour des municipales, en est un bon exemple. Cependant son immense optimisme n'en fait-il pas une fuite en avant ? La première tranche de 28 millions sur un total de 100 concerne la remise en état des terrains de l'usine à gaz, le cours Nadaud, la rue Roannelle à réhabiliter, les égouts à Beaubrun, l'aérodrome de Bouthéon et le plan d'embellissement de 1924. La seconde porte sur la voirie de Villeboeuf, de Solaure, les nouveaux locaux des services techniques envisagés à Fauriel dans une ancienne brasserie, le vélodrome, des tennis, des logements, les frigorifiques municipaux. De ce programme ne virent leur achèvement, et bien plus tard, outre les travaux pour les eaux, que des travaux de

voirie, la caserne des sapeurs-pompiers, l'aménagement de Grouchy réduit à l'achat du site et à la piscine d'été (les autres aménagements sont abandonnés très vite). Les moyens financiers firent défaut, il ne sort de tous ces louables efforts que quelques bâtiments mais un résultat remarquable en équipement scolaire et para-scolaire et les programmes de logements sociaux (Chantalouette 1929 ; Solaure). Ce dont s'enorgueillit pourtant le maire : « Je n'ai trouvé nulle part en France de ville qui […] ait fait une oeuvre aussi considérable ».