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Aménager une ville de montagne

Si on en croit un maire, Barrallon, « Saint-Etienne s'est développée, contrairement aux lois naturelles, dans un vallon étroit et sur un cours d'eau qui n'est pas en rapport avec l'accroissement de la population ; on trouverait difficilement ailleurs de semblables conditions

» (conseil municipal, session de novembre 1893). En peu de mots et malgré une conception assez naïve du déterminisme en géographie, voilà un aspect des difficultés de la gestion municipale fort bien exposé. Mais ce site difficile est aussi l'occasion d'exprimer une certaine fierté, c'est ainsi qu' à la question d'une personnalité canadienne en visite : « où sont les Cévennes ? », un autre maire, L Soulié, répond : « au bout de la rue ». Le visiteur convint que le voisinage de la grande montagne hérissée de sapins géants n'était pas la moindre originalité de Saint-Etienne ("L'illustration économique et financière", 8 oct. 1927).

Car nous sommes dans une ville de montagne, non seulement par son altitude moyenne de 5 à 600 m mais aussi par ses horizons de collines, ses lointains ouverts sur quelque suc du Velay ou la longue plate-forme des Monts du Forez et surtout par le millier de mètres dont le Pilat la surplombe. Elle s'encastre dans une grande cuvette encombrée de collines, aux rues étroites

voire coupées par des escaliers. Que la perspective d'une rue butte sur une pente verdoyante étonne le visiteur et le site déconcerte toujours.

La vallée du Furan est la plus importante et la plus fermement dessinée de celles qui résultent d'un déblaiement inégal de cette dépression ; elle est souvent à environ cent mètres sous les sommets voisins. Dès la confluence avec le Furet elle s'ouvre, au sud, sur un millier de mètres de largeur, c'est à peu de détails près l'axe méridien de la ville contemporaine. Sa forte pente est peu visible car dissimulée par le paysage urbain. En effet de Bellevue, au sud, jusqu'à la Terrasse, au nord, on descend de 570 à 480 m en un peu moins de 6 km. Jusqu'aux abords du centre-ville la partie méridionale est la plus découpée, les altitudes sont élevées, les pentes fortes, les vallées étroites, le cloisonnement par les collines le plus accentué à l'exception de la petite plaine de Champagne. Au nord la vallée s'élargit, les surfaces planes sont plus étendues comme à Méons et le Marais et depuis Carnot jusqu'à la Terrasse, les passages entre les collines plus faciles. Mais, au fait, combien de collines ? Montmartre, Beaubrun, Montaud à l'ouest ; Métare, Villeboeuf, Mulatière, Crêt de Roc à l'est connues autrefois aussi sous les noms de Mont d'Or, Sainte Barbe, Croix Courette, Heurton. Montreynaud s'y est ajoutée mais Saint-Priest ?

La voix populaire en accorde sept à la ville, comme à Rome ! Libre à vous de les chercher, de les compter, selon que vous les incorporerez à la ville ou non, selon que vous dédoublerez telle ou telle, le résultat confortera ou non la légende. Qu'importe, en la matière c'est la légende qui fait foi. De toute façon elles ont été la source de nombreuses difficultés ; elles le sont toujours. En 1866, le conseil municipal constate : « le déplorable état de la colline Sainte Barbe [...] très escarpée, ravinée par les eaux, difficilement accessible, elle devient impraticable en hiver à cause des glaces, et, par les orages d'été elle est convertie en véritable torrent qui précipite les eaux de la montagne sur la place Sainte Barbe et dans les rues adjacentes » ; on a même imaginé un tunnel pour le chemin de fer sous le Crêt de Roc, au coeur de la ville. Quant aux urbanistes contemporains ils ont fort à faire pour organiser la circulation dans ce site étroit et s'évertuent pour donner un peu d'épaisseur à une ville trop allongée et qui n'a pas eu de centre aisément repérable. Les ingénieurs du XIXe ont eu bien des difficultés pour y établir les réseaux d'eau potable ; par contre l'assainissement a profité d'un bon drainage qui emportait les immondices et déchets de toute nature jusqu'à la Loire.

Malheureusement par le Furan qu'il a fallu, il y a peu, épurer en le déconnectant des égouts et en le remplaçant par de grands collecteurs. Le climat n'a pas facilité lui non plus la vie quotidienne des Stéphanois.

Un climat de tonalité fraîche, peu marqué par les douceurs océaniques, rude, fortement influencé par notre position à l'intérieur des terres et par l'altitude. Au surplus la ville est adossée au Pilat, exposée au nord. Saint-Etienne n'atteint que 1°5 de moyenne pour janvier et 18°8 pour juillet avec une moyenne des températures les plus basses de - 2° en janvier. Les précipitations comportent de fréquentes mais irrégulières chutes de neige, en moyenne 27 jours par an et d'au moins 2 cm au sol. Aussi la mairie n'a jamais cessé de rappeler aux riverains leurs obligations de déneigement alors que son coût pèse de plus en plus dans le budget.

En somme des conditions naturelles contraignantes toutefois sans excès catastrophiques.

Les Stéphanois ont pu bâtir peu à peu, en fonction de leurs activités tout en jouant sur la diversité des éléments tant topographiques que climatiques. Comme partout à la simplicité de l'organisation originelle se superpose donc la grande variété des solutions adoptées

successivement. La très petite ville accrochée au bas de la colline de Sainte-Barbe a d'abord dominé les champs et les prés du Furan - mais aussi ses marécages qui ont longtemps subsisté - profitant d'une excellente exposition au sud-est, à l'abri des vents et des brouillards. Puis elle s'est orientée, d'est en ouest, au long du chemin de Lyon et au bord du Chavanelet, affluent du Furan, avec les ateliers des armuriers (Chavanelle) ou des forgeurs et quincailliers tout en progressant sur le vieux chemin du Puy (la rue Beaubrun). Elle s'est ensuite glissée entre les reliefs du sud et a utilisé pour ses ateliers l'eau et la force des affluents du Furan, toujours dans les parties basses de la dépression où elle a rejoint le site de l'abbaye de Valbenoîte. C'est seulement avec les ateliers des passementiers et une forte croissance de population au XIXe qu'elle s'est risquée au flanc des collines qui restaient libres, à la recherche d'espace, de lumière et loin des fumées toutefois sans occuper les sommets trop mal exposés où prirent place les cimetières ! Ce faisant elle a absorbé au passage des lieux anciennement habités mais jusqu'alors à l'écart, très souvent la base des quartiers traditionnels.

Un renversement total de son orientation est intervenu pendant le premier tiers du XIXe lorsque furent libérés par la vente des biens du clergé de vastes terrains au nord et au sud de la place du Peuple. L'exploitation de la houille et la sidérurgie ont occupé ensuite des terrains plats, mais mal drainés, vers le nord-est et l'ouest. Ce mouvement de bascule, qui se fit assez lentement, est marqué par l'ouverture entre 1792 et 1832 d'une très longue voirie méridienne, la Grand'rue, et la création sur ce nouvel axe des places de l'Hôtel de Ville, Marengo (J Jaurès) et Badouillère (A France) et un peu à l'écart des Ursules. L'espace commence à manquer et si on a pu autrefois abandonner les sommets des collines aux jardins ou aux cimetières, on s'y risque de plus en plus malgré leur climat ou les fortes pentes de leurs accès.

La ville a maintenant occupé la totalité de la dépression et en déborde largement. Nous sommes bien loin de la petite bourgade des débuts après une longue conquête de ses nouvelles frontières.

Sources

1 - Comptes administratifs, Archives municipales (AM) 2L Délibérations du conseil municipal (AM) 1 D

Bulletin municipal (AM) 9 C (collection incomplète) Conseil des adjoints (AM) 6D 7

Commissions municipales (AM) 6D 29

Parmi les rapports de gestion et compte-rendus de mandat les plus intéressants ceux de : Faure-Belon pour le Second Empire (AM) 9 C1 - 7

V Duchamp "Situation financière de la ville de Saint-Etienne" juin 1884, Bibliothèque municipale (BM)

J Ledin "Rapport sur la gestion municipale de 1900 à 1904", 1904, BM J Neyret "Situation financière de la ville de Saint-Etienne" 1908, BM

Bulletin municipal avril 1935 "Rapport sur la gestion de la ville depuis 1930"

La dette de la ville en 2010, mairie Saint-Etienne

2 - pour la période 1971 à 1992 : archives municipales, versements récents non classés 3 - La Documentation française : Observatoire des finances locales

4 - rapports de la Cour Régionale des Comptes (crc.rhone-alpes@ra.ccomptes.fr)

Domaine des interventions économiques et situation financière de la ville de Saint-Etienne de 1989 à 1995.

Rapport d’observations définitives, commune de Saint-Etienne, gestion de l’ « eau et assainissement » 1995 à 2001

Rapport d’observations définitives relatif à la gestion de la commune de Saint-Etienne 2004 à 2009

Réponses données aux rapports par la commune de Saint-Etienne

5 - Ministère de l’Intérieur, Direction Générale des collectivités locales, Département des statistiques (www.dgcl.interieur.gouv.fr)

Bulletin d’informations statistiques Etudes de cas La situation financière des collectivités locales en 1996 Les finances des collectivités locales en 2012

6 - www.wikiterritorial.cnfpt.fr

Bibliographie

1 - Thèses, DES

A Martourey : « Formation et gestion d'une agglomération industrielle au XIXe, Saint-Etienne de 1815 à 1870 » thèse, 5 volumes, 1437 p,. Bibliothèque municipale

J Meaudre : « La poussée urbaine à Saint-Etienne 1815 - 1872 » DES Lyon, 1966 A Vant : « Imagerie et urbanisation » 660 p , Thèse, Centre d’études foréziennes, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 1981

C Cretin : " Saint-Etienne n'est plus dans Saint-Etienne. Plaidoyer pour un pays urbain", 394 p, Etudes Foréziennes, Publications de l'Université de Saint-Etienne, 1995.

G M Thermeau : « A l'aube de la révolution industrielle ; Saint-Etienne et son agglomération » 446 p, Thèse, Publications de l'Université de Saint-Etienne, 2002.

2 - Ouvrages

E Fournial (sous la direction de) : « Saint-Etienne ; histoire de la ville et de ses habitants » 428 p, Horvath, Roanne 1976

J Merley (sous la direction de) : « Histoire de Saint-Etienne » 318 p, Privat, Toulouse, 1990 « F Dubanchet ; Saint-Etienne par cœur » Entretiens avec Y Espaignet, Edi Loire, 1994 F Dimier : « Politiquement incorrect… », 1997, chez l’auteur

C Soleil : « La pierre et l’encre ; un défi pour Saint-Etienne » Actes graphiques, 2006 F de Gravelaine : « Saint-Etienne, un territoire se réinvente », D Carre éditeur, 2012