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I- L’administration du personnel

3. La gestion des carrières

La gestion des carrières commence à partir du recrutement. Elle est assez importante en matière d’attraction, de maintien et de fidélisation des agents. Elle consiste essentiellement dans le suivi et l’application des règles statutaires ou contractuelles liées à l’évolution du parcours professionnel de l’agent au sein de l’administration. Elle nécessite pour ce faire des statuts bien définis qui tracent les plans de carrière de chaque catégorie d’agent. Dans certains pays comme la France, chaque Cadre d’emploi fait l’objet d’un statut particulier qui définit et organise la carrière. L’absence de statuts bien définis rend le système de carrière est très précaire dans bon nombre d’administrations publiques locales africaines, et en particulier pour certaines catégories d’agents. Ceci dit, la gestion des carrières s’articule principalement autour de quatre éléments : l’organisation de la carrière, les positions, la mobilité et l’évolution de la carrière.

3.1. L’organisation de la carrière

L’organisation de la carrière est fonction du statut de chaque personnel. Pour les fonctionnaires, les statuts sont en effet plus clairs pour ce qui est de l’organisation de la carrière, alors qu’elle semble plus difficile à saisir pour les personnes soumises au Code du travail.

La carrière s’organise autour des filières, des cadres, des corps d’emplois, des catégories hiérarchiques, des grades et des échelles. Les terminologies divergent parfois d’un pays à l’autre. L’intérêt de ces différentes répartitions est de faciliter et d’optimiser la planification des tâches en fonction des compétences de chaque agent. Ces formes d’organisations de la carrière qui sont fixées par voie réglementaire, s’inspirent ou sont souvent calquées sur le modèle étatique.

- Les filières ou (groupes d’emploi) correspondent en général aux domaines de compétences et secteurs d’activité majeurs des CT. En Algérie, il existe environ huit filières : administration générale, traduction et interprétariat, documentation et archives, informatique, statistiques, gestion technique et urbaine, hygiène, salubrité publique et environnement, socio-culturelle, éducative et sportive. Au Ghana, le Scheme of Services contient des filières appelées (groups).36 Les mêmes filières se retrouvent dans la plupart des autres pays.

- Les corps d’emplois regroupent l’ensemble des fonctionnaires soumis aux mêmes conditions de recrutement et ayant vocation aux mêmes grades. On en trouve aussi bien au Burkina, au Mali qu’au Sénégal.

- Les cadres d’emploi regroupent les emplois nécessitant une qualification professionnelle de même nature et qui sont régis par le même statut. Les emplois sont ainsi répartis entre différents cadres subdivisés en différents grades. On dénombre à titre illustratif, au Ghana, 26 cadres d’emplois (Class) dans les administrations publiques locales. Au mali, on en dénombre environ 13.

Présentation du Cadre des Gestionnaires Ressources Humaines dans les Collectivités territoriales au Ghana

(Source : Human Resources Operational Manual for MMDAs, LGS)

Objectifs du Cadre des Gestionnaires des Ressources Humaines (GRH) Le cadre des GRH est principalement chargé de la gestion, du développement des capacités et des compétences de chaque personnel, ainsi que de la coordination des programmes de GRH, afin de fournir efficacement des services publics.

Structure du Cadre

- Cadre des professionnels

- Directeur des ressources humaines

- Directeur principal des ressources humaines - Chargé senior des ressources humaines - Chargé des ressources humaines

- Assistant chargé des ressources humaines - Classe sous-professionnelle

- Responsable en chef du personnel - Responsable principal du personnel - Responsable senior du personnel

- Les catégories hiérarchiques : les emplois au niveau des administrations publiques locales sont en outre répartis en fonctions des diplômes et niveaux professionnels minimum requis pour les occuper. On trouve en général trois niveaux de subdivision :

- Le niveau de conception et de direction nécessitant au moins un diplôme de licence ou équivalant ;

- Le niveau intermédiaire d’encadrement, d’application, de maîtrise, de collaboration nécessitant un niveau minimum du Baccalauréat ;

- La catégorie d’exécution nécessitant les personnes ayant un niveau d’étude en dessous du Bac ou qui dans certains cas sont sans diplômes.

36 Local Government services, Scheme of Service, Revised 2014.

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Dans la plupart des pays francophones, ces catégories hiérarchiques sont désignées par des lettres (A, B, C) exceptés dans des pays comme l’Algérie, le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire et le Sénégal, où il existe quatre, cinq voire six catégories hiérarchiques (A,B,C,D, E et P). Au Sénégal, l’article 2 du nouveau statut de la FPT prévoit l’extinction des catégories D et E à l’instar du Mali qui ne maintient plus que les 3 catégories A, B, C. A ce titre, l’article 4 de la Loi n°95-022 du 14 mars 1995 portant Statut Général des Fonctionnaires des CT de ce pays stipule que « Les corps sont répartis en trois (3) catégories A, B et C qui se définissent par les conditions minimales de formation requises pour y accéder».

Classification des catégories d’agents en Côte d’Ivoire Catégories

Dans les pays anglophones, l’affectation des lettres aux trois niveaux hiérarchiques sont différentes.

Exemple du Kenya qui dispose de 19 catégories classées de A à U

- les emplois A - B - C - D sont ceux réservés aux agents subalternes et non spécialisés, - les emplois E - F - G - H sont ceux réservés aux agents et techniciens ayant le niveau

de l’enseignement secondaire,

- les emplois J - K - L - M comprennent les cadres moyens de niveau universitaire, - les emplois N - P - Q - R sont ceux réservés aux cadres supérieurs et expérimentés, - les emplois S et T concernent les Secrétaires permanents des ministères,

- et les emplois U sont ceux des cadres qui cumulent les fonctions de Secrétaire permanent avec celles de directeur de cabinet ou de directeur d’administration centrale37.

- Le grade est le titre qui confère à son titulaire, notamment le fonctionnaire, vocation à occuper les emplois correspondants à l’intérieur d’un même cadre. Il est l’indicateur du niveau hiérarchique des emplois appartenant à ce cadre. Le nombre de grades varie en fonction de la nature du cadre dans la plupart des pays. Dans certains pays comme le Bénin, le Statut Général de la Fonction Publique (Article 87) distingue 5 Grades (grade initial, grade intermédiaire, grade terminal normal, grade terminal exceptionnel, hors classe). Les grades

37 Département des affaires économiques et sociales – Division de l’économie et de l’administration publiques,

« Etudes comparatives des statuts généraux de la fonction publique : Le Bénin, Le Burkina Faso, La République centrafricaine, le Ghana, le Kenya, le Nigéria, le Sénégal », New York, 1999, page 12.

peuvent être désignés par des titres, comme c’est le cas dans de nombreux pays. On peut ainsi avoir le grade de directeur des ressources humaines, d’administrateur principal, d’attaché territorial principal, de technicien supérieur… Au Burkina Faso, on utile la notion de classe (1ère classe, 2ème classe, 3ème classe…), tandis qu’au Mali, il est traduit par d’autres formules (1er Niveau, 2ème Niveau...).

3.2. Les positions statutaires et la mobilité

Les agents des CT peuvent occuper différentes positions au cours de leur carrière et bénéficier de la mobilité. Cinq à quatre principales positions existent au niveau des CT en général. Il s’agit des positions d’activité, de mise à disposition, de détachement, de mise en disponibilité ou de mise sous les drapeaux.

- L’activité est la position normale de l’agent qui occupe un emploi dans son cadre et son grade originel au sein de la CT qui l’emploie. Les périodes de congés et autres autorisations d’absence légales sont considérées dans la position d’activité.

- La mise à disposition est une forme d’activité qui traduit la situation d’un agent qui tout en restant rattaché à son administration et son cadre d’origine, exerce ses fonctions auprès d’une autre administration. C’est une forme de mobilité qui dans certains pays est limitée à l’instar du Burkina Faso. En effet, l’article 120 de la Loi 003 portant Statut du Personnel des Collectivités Territoriales dispose qu’à « l’exception des organisations syndicales et des structures faitières des collectivités territoriales, la mise à disposition d’un fonctionnaire de collectivité territoriale auprès d’une structure dotée d’un budget autonome n’est pas autorisée. » Dans certains pays comme la Centrafrique, elle n’est même pas prévue. Pendant longtemps, avant qu’il n’y soit mis un terme au cours des dernières années, la mise à disposition de fait a été pratiquée au Maroc, soit au niveau des administrations de l’Etat ou de celles des CT.

- Le détachement est la situation d’un agent qui exerce hors de son cadre d’origine tout en continuant de bénéficier de ses droits à l’avancement et à la retraite. Le détachement est limité dans le temps. Le détachement reste tout aussi limité pour ce qui du personnel des CT dans la quasi-totalité des pays étudiés. Au Sénégal, le détachement n’est pas autorisé dans les cas suivants : détachement auprès d’un établissement public, d’une société nationale à participation publique majoritaire ou d’une agence d’exécution ; détachement auprès d’une CT pour exercer les fonctions différentes de celles qu’il exerçait dans son service d’origine ; détachement auprès d’une administration de l’Etat

; détachement auprès d’un organisme d’intérêt local ou inter-local ; détachement dans les services relevant d’un Etat étranger, d’une CT étrangère ou auprès d’organismes internationaux ; détachement pour remplir les fonctions de membre du gouvernement ou une fonction élective ; détachement pour accomplir un mandat syndical lorsque le mandat comporte des obligations empêchant le fonctionnaire d’assurer normalement l’exercice de sa fonction. (Article 63, Loi 2011 du 30/03/ 2011).

- La mise en disponibilité est la situation d’un agent qui cesse de bénéficier de ses droits à l’avancement et à la retraite. La mise en disponibilité est prévue pour les cas de longue absence pour diverses raisons (maladie, études, regroupement familial). Au Mali, elle est accordée uniquement à la demande de l’intéressé après justificatif.

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- Les mobilités : elles permettent de favoriser des mouvements du personnel à l’intérieur d’une même administration ou vers d’autres administrations. Les différentes positions en dehors de la position d’activité constituent des formes de mobilité pour des agents des CT. D’autres formes de mobilité sont prévues par les différentes législations. Il s’agit principalement de la mutation et du transfert. Ces formes de mobilité sont faites à la demande de l’agent, pour les besoins de service ou bien en tant que mesure disciplinaire. Il convient de souligner, toutefois, que la mobilité des agents des CTA est assez limitée ou bien elle reste soumise à des conditions dissuasives, compte tenu des nombreuses difficultés que rencontrent la plupart des CT en matière d’effectifs et de l’inexistence d’une FPT qui favorise une telle mobilité. Elles sont limitées à l’intérieur des départements d’une même collectivité ou entre CT (Burkina, Ghana Sénégal, Sierra Leone).

3.3. L’évolution de la carrière

L’évolution ou l’avancement de la carrière est l’un des aspects les plus importants de la gestion de la carrière après la nomination. Elle constitue l’un des principaux moyens de motivation et de rétention du personnel dans les administrations publiques. De surcroît, elle fait partie des droits majeurs des agents. Toutes les législations semblent lui accorder un point d’honneur. En effet, l’avancement apparaît dans toutes les législations comme un point important faisant l’objet de titre ou de chapitre bien visible. Malgré cela, force est de constater que l’avancement dans la carrière au niveau des administrations publiques locales reste un des principaux problèmes de la GRH au niveau local. Il fait l’objet d’une réelle instrumentalisation la plupart du temps par les supérieurs hiérarchiques, comme il peut être affecté par des considérations purement politiques ou partisanes. Environ 25% des personnes ayant participé à l’enquête de l’Observatoire estiment n’avoir pas été promues alors qu’ils remplissaient l’ensemble des conditions requises. La non-application ou la mauvaise application des règles en la matière constitue la source du problème. Il faut noter, toutefois, que dans certains pays, il n’existe pas de réel plan de carrière pour certaines catégories d’agents.

Les principaux acteurs qui interviennent dans l’avancement de la carrière sont l’exécutif local, les supérieurs hiérarchiques, le conseil, les commissions administratives paritaires et le « Local government service commission », dans le cas des pays anglophones.

Dans les administrations publiques locales en Afrique, on distingue deux types principaux d’avancement dans la carrière : l’avancement d’échelles et d’échelon et l’avancement dans le grade et le cadre (la promotion).

Dans la plupart des pays francophones, l’avancement d’échelles ou d’échelon correspond à une augmentation de l’indice salariale. Ce type d’avancement est basé sur l’ancienneté. C’est à ce titre qu’il est qualifié dans certaines législations comme étant « automatique » ou bien sur la base de l’ancienneté. Au Bénin, l’avancement d’échelon intervient ainsi de façon automatique tous les deux ans. Dans certains cas, l’avancement d’échelon peut être conditionné par la notation, à l’instar de la pratique au Burkina, au Mali et au Maroc. Ce qui se rapproche du modèle anglophone, qui prévoit une augmentation annuelle du salaire liée au rendement de l’agent (Annual Salary Increment)38.

38 Augmentation salariale annuelle.

L’avancement de Grade ou de Cadre par contre dans tous les pays se fait sur la base du mérite après l’inscription de l’agent au tableau d’avancement et après évaluation. Diverses méthodes sont appliquées pour l’avancement de grade ou de cadre. Il peut consister en un examen d’aptitude professionnelle comme c’est le cas au Maroc depuis 2005, ou bien d’une évaluation par la commission administrative paritaire, comme au Burkina Faso.

Dans certains pays, l’acquisition d’un nouveau diplôme ouvre droit à l’avancement de grade ou de cadre. Cette approche est souvent critiquée dans la mesure où l’acquisition d’un nouveau diplôme ne traduit pas nécessairement un mérite particulier lié à l’exercice de la fonction. Aussi, est-il préférable de permettre à l’agent se trouvant dans cette situation de mettre en exergue ses nouvelles compétences ou connaissances acquises. Il arrive aussi que l’obtention d’un diplôme supérieur n’impacte nullement l’avancement de la carrière de l’intéressée, bien au contraire.