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Conclusion Titre

Section 1 : Le soutien puissant de l’impartialité en matière criminelle

A- Les garanties procédurales d’audience

1- La garantie procédurale de la publicité des débats

288. En premier lieu, les débats devant la cour d’assises sont en principe publics543. Cette exigence est prévue notamment à l’article 306 du CPP et à l’article 6, § 1, de la Convention EDH qui dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable ». Le Conseil constitutionnel a affirmé le 2 mars 2004 que la publicité est impérative sauf circonstances particulières544 et la Chambre criminelle confère le caractère d’ordre public545

à cette garantie. Ce principe est donc largement protégé.

539

Cette précision « petit à petit » est importante. Elle signifie que le juge et les jurés devront forger leur opinion tout au long des débats. La contradiction, la publicité et l’oralité vont les aider à y parvenir car elles permettent d’avoir une connaissance exhaustive des arguments de toutes les parties. Dès lors, le débat accompagne le juge sur un chemin qui n’est pas dévoyé favorisant ainsi son impartialité. Sur ce point voir KUTY (F), op. cit., p. 130 et s.

540

ROETS (D), op. cit., p. 374.

541

ROETS (D), op. cit., p. 343 et s.

542

ROETS (D), op. cit., p. 350 et s.

543

Le huis clos est une dérogation au principe de la publicité. L’article 306 du CPP prévoit que « les

débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs. ». Sur ce point voir

notamment : DESPORTES (F) et LAZERGES-COUSQUER (L), op. cit., p. 312 et s. ; BOULOC (B), op. cit., p. 876 ; GUINCHARD (S) et BUISSON (J), procédure pénale, op. cit., p. 404 et s., § 437 et s..

544

DC, 2 mars 2004, n° 2004-492 : « En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe

de publicité des débats :

117. Considérant qu'il résulte de la combinaison des articles 6, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 que le jugement d'une affaire pénale pouvant conduire à une privation de liberté doit, sauf circonstances particulières nécessitant le huis clos, faire l'objet d'une audience publique ;

118. Considérant que constitue une décision juridictionnelle l'homologation ou le refus d'homologation par le président du tribunal de grande instance de la peine proposée par le parquet et acceptée par la personne concernée ; que cette homologation est susceptible de conduire à une privation de liberté d'un an ; que, par suite, le caractère non public de l'audience au cours de laquelle le président du tribunal de grande instance se prononce sur la proposition du parquet, même lorsqu'aucune circonstance particulière ne nécessite le huis clos, méconnaît les exigences constitutionnelles ci-dessus rappelées ; qu'il s'ensuit que doivent être déclarés contraires à la Constitution les mots : " en chambre du conseil " à la fin de la première phrase du second alinéa de l'article 495-9 nouveau du code de procédure pénale ; »

545

Cass. crim., 9 novembre 2005, n° 04-87471, bull. crim. 2005, n° 292 ; Commentaire MARON (A), couvrez ce sexe que je ne saurais voir, droit pénal n° 5, mai 2006, commentaire 78 : pour cet auteur la Cour de cassation rappelle avec cet arrêt la rigueur du principe et il ajoute que « la chambre criminelle, elle-même, n'a

289. Le fondement de ce principe, affirmé notamment par les Professeurs Serge Guinchard et Jacques Buisson auxquels il convient de se rallier, est l’intérêt général546

. Ce fondement renforce le principe de la publicité, il permet de sanctionner plus sévèrement le défaut de publicité. En effet, les justiciables n’ont pas à démontrer l’existence d’un préjudice particulier car l’absence de publicité atteint « le public, tous les français qui ont le droit de voir leur justice rendue »547. Dès lors, exiger l’existence d’une atteinte aux intérêts du demandeur dénature la portée du principe548 et il convient de relever que la Chambre criminelle semble renouer avec une vision plus stricte du principe549.

290. Les bienfaits de la publicité des débats comme soutien supplémentaire contre la partialité sont nombreux.

291. Tout d’abord, cette publicité des débats fait échec à l’idée largement répandue que « les pires injustices se commettent dans l’ombre »550. La justice rendue secrètement attise les craintes légitimes les plus grandes, elle est analysée comme pouvant faciliter la partialité, les injustices, l’arbitraire. La Commission EDH parlait clairement d’une garantie pour l’impartialité du tribunal551

. En ce sens, les juges seuls, sans public, sont plus enclins à se laisser guider par leurs préjugés. Ils sont seuls. Seuls face aux parties, seuls face à leurs préjugés et cette solitude favorise insidieusement la partialité. Les juges sans le contrôle d’aucune autre entité supérieure seront moins vigilants face au risque de partialité. A contrario, les magistrats observés ou pouvant l’être sont dissuadés de rendre une justice partiale qui serait décelée par le public alors « juge des juges ». La publicité joue donc un rôle dissuasif, un rôle préventif surtout lors d’un « procès criminel qui exerce un attrait certain sur le public »552. Finalement les bénéfices de la publicité sont à rapprocher de ceux de la

arrêts (nous rajoutons : Cass. crim., 15 juin 1999, n° 98-85349, bull. crim. 1999, n° 135 : « Attendu que, si c'est à tort que l'affaire a été débattue en chambre du conseil et non pas en audience publique, l'irrégularité commise ne doit pas entraîner l'annulation de la décision, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même allégué, qu'elle ait porté atteinte aux intérêts du demandeur » ; et Cass. crim., 15 juin 1999, n° 98-85722, bull. crim. 1999, n° 136) qui doivent être considérés comme isolés et dont nous ne pensons pas, nonobstant le fait qu'ils ont été publiés au bulletin des arrêts de la Cour de cassation, qu'ils soient destinés à faire jurisprudence. » ; Cass. crim., 17

septembre 2008, n° 07-87697, bull. crim. 2008, n° 193.

546

GUINCHARD (S) et BUISSON (J), op. cit., p. 404, § 438.

547

Ibid., p. 405.

548

Supra, note n° 522 ; Cass. crim. 1999, op. cit., cette jurisprudence est selon Albert MARON isolée.

549

Voir note n°522 et 523.

550

DESPORTES (F) et LAZERGES-COUSQUER (L), op. cit., p. 303.

551

Commission EDH, Rapport EKBATANI c. Suède, 7 octobre 1986, requête n° 10563/83, §-56.

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collégialité, dans les deux cas il est fait échec à une solitude jugée néfaste553 pour l’impartialité.

292. De plus, une justice qui se montre à voir renforce la confiance des justiciables554, l’apparence d’impartialité est présente. Elle conforte l’idée d’une justice qui n’a rien à cacher, en ce sens « la publicité des débats judiciaires constitue un principe fondamental consacré par l'article 6 par. 1 (art. 6-1) (voir, en dernier lieu, l'arrêt Schuler-Zgraggen c. Suisse du 24 juin 1993, série A n° 263, p. 19, par. 58). La dite publicité protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public; elle constitue aussi l'un des moyens de contribuer à préserver la confiance dans les cours et tribunaux. Par la transparence qu'elle donne à l'administration de la justice, elle aide à atteindre le but de l'article 6 par. 1 (art. 6- 1): le procès équitable, dont la garantie compte parmi les principes de toute société démocratique au sens de la Convention (voir, par exemple, l'arrêt Sutter c. Suisse du 22 février 1984, série A n° 74, p. 12, par. 26) »555.

293. Cette publicité des débats connaît une application ferme devant la cour d’assises, seul le huis clos peut lui faire échec. Cette exception du huis clos est encadrée par l’article 306 du CPP556. En ce sens, le principe d’ordre public de la publicité peut être écarté seulement si les circonstances appellent une application de l’article 306 du CPP. Cependant, il est loisible d’émettre une réserve sur le large pouvoir d’appréciation557

conféré au juge lorsqu’ils appliquent cet article. Comme le déplore le Professeur Jean Pradel « la jurisprudence a vidé ces textes (nous rajoutons : notamment article 306) de leur substance : il suffit aux magistrats de justifier formellement le huis clos en arguant du danger pour l’ordre ou les mœurs, sans avoir à invoquer un fait précis […] »558

. Mais, les juges ne sont pas totalement libres, ils

553

Supra : Partie 1, Titre 2, Chapitre 1, Section 1, §-1, A-La garantie institutionnelle de la collégialité.

554

ROETS (D), op. cit., p. 374.

555

CEDH, 26 septembre 1995, DIENNET c. France, requête n° 18160/91, §-33 ; sur ce point voir également : CEDH, 15 juillet 2003, ERNST et autres c. Belgique, requête n° 33400/96, §-65 ; CEDH, 24 novembre 1997, WERNER c. Autriche, requête n° 21835/93, §-45.

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Art. 306 CPP : « Les débats sont publics, à moins que la publicité ne soit dangereuse pour l'ordre ou

les mœurs. Dans ce cas, la cour le déclare par un arrêt rendu en audience publique.

Toutefois, le président peut interdire l'accès de la salle d'audience aux mineurs ou à certains d'entre eux.

Lorsque les poursuites sont exercées du chef de viol ou de tortures et actes de barbarie accompagnés d'agressions sexuelles, le huis clos est de droit si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles le demande ; dans les autres cas, le huis clos ne peut être ordonné que si la victime partie civile ou l'une des victimes parties civiles ne s'y oppose pas. »

557

Cass. crim., 11 décembre 1968, bull. crim. 1968, n° 339.

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doivent motiver leur choix eu égard aux critères fixés par l’article 306 du CPP559

. Donc si les juges n’ont pas à énoncer les faits qui justifient le huis clos, ils doivent motiver leur décision c’est-à-dire démontrer dans quelle mesure la publicité est effectivement dangereuse pour l’ordre ou les mœurs et la Chambre criminelle veille au respect de cette obligation de motivation560.

294. La puissance de la publicité devant la cour d’assises est un soutien pour l’impartialité. En ce sens, « si la publicité des débats et du prononcé du jugement favorise l’impartialité du juge, le secret la compromet et la drape du voile de la suspicion »561. Mais la publicité des débats qui est une garantie très importante serait réduite à néant si les débats n’étaient pas oraux et contradictoires. Ces deux principes participent également à favoriser l’impartialité.

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