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§-1 Les dispositions légales source du principe séparatiste strict

B- Dans les décisions récentes du Conseil constitutionnel

150. La question prioritaire de constitutionnalité et le contrôle a priori ont permis au Conseil constitutionnel de connaitre explicitement et à plusieurs reprises du principe d’impartialité. Les trois décisions sélectionnées ont trait au principe d’impartialité. L’une d’elles n’est pas relative à la procédure pénale mais a simplement pour but de démontrer s’il y a ou non stabilité dans l’appréciation du principe d’impartialité émise par la Conseil constitutionnel.

151. Le Conseil constitutionnel a eu à connaître du principe d’impartialité en procédure pénale dans des cas de recours mettant en cause l’impartialité du juge des enfants. En effet, pendant longtemps l’ancienne procédure pénale des mineurs, fondée sur le cumul des fonctions d’instruction et de jugement304

, était considérée comme exempte de toute critique et

303

Cass. crim., 7 avril 1993, bull. crim. n° 152, p. 381.

304

Voir infra : Partie 1, titre 2, chapitre 2, Section 1, §-1 L’ajustement de la séparation des fonctions d’instruction et de jugement au tribunal pour enfants. Ce paragraphe aura vocation à appréhender la question de la séparation des fonctions devant le tribunal pour enfants. Pour ce faire une analyse détaillée de la jurisprudence conventionnelle et constitutionnelle sera opérée. Au contraire, l’objet de la présente analyse ne consiste pas en une étude de l’ajustement du principe séparatiste devant le tribunal pour enfants mais dans la démonstration de la

conforme à l’article 6, §-1 de la Convention EDH305

, elle était sacralisée et semblait naturelle306 et indispensable pour atteindre le but éducatif attaché à cette justice et ce malgré la jurisprudence de la Cour EDH307 qui ne la mettait pas à l’abri d’une condamnation. Cependant, sans surprise et en harmonie avec la conception dominante favorable au cumul des fonctions, une majorité de la doctrine308 a interprété l’arrêt Nortier309 comme étant une déclaration de conformité, relative ou absolue, du cumul des fonctions au principe d’impartialité ou comme étant une entorse favorable à une meilleure protection des mineurs ou enfin comme affirmant la position de la Cour de cassation dans son arrêt de principe310. Ainsi, est née une croyance en la conformité de notre procédure pénale des mineurs avec le principe d’impartialité. Pourtant, avec l’arrêt Nortier la Cour EDH avait admis la conformité du cumul des fonctions, restreint dans ce cas d’espèce, avec l’impartialité sans pour autant procurer un certificat de validité à un tel système. D’ailleurs, dans son arrêt Adamkiewicz311, la Cour EDH, en retenant toujours la même appréciation du principe d’impartialité, condamnera, comme étant contraire à l’impartialité, le cumul ample des fonctions

présence, dans certaines décisions du Conseil constitutionnel, d’une appréciation du principe séparatiste similaire à celle issue de la théorie de l’apparence de partialité.

305

« toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un

délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial (nous soulignons), établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale (nous soulignons) dirigée contre elle.[…] ».

306

PRADEL (J), La composition de la juridiction compétente en matière d’enfance délinquante : dérogation à la règle de procédure interne selon laquelle un même magistrat ne peut exercer successivement dans une même affaire les fonctions d’instruction et de jugement, D. 1993, n° 38, p.553.

307

CEDH, 24 août 1993, NORTIER c. Pays-Bas, requête n° 13924/88 ; CEDH, 02 mars 2010, ADAMKIEWICZ c. Pologne, requête n° 54729/00 ; RENUCCI (J-F), Le juge des enfants et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme : nouvelle donne avec l’arrêt ADAMKIEWICZ, Revue

pénitentiaire et de droit pénal, n° 3, p. 701 ; BONFILS (P), L’impartialité du tribunal pour enfant et la

Convention européenne des droits de l’homme, D. 2010, p. 1324 ; ROETS (D), Le particularisme éducatif de la justice pénale des mineurs à l’épreuve du droit à un tribunal impartial, RSC 2010, p. 687.

308

En ce sens voir notamment : JOSSERAND (S), op. cit., p. 76-79 ; RENUCCI (J-F), La composition de la juridiction en matière d’enfance délinquante : juge des enfants intervenant à différents stades de la procédure, D. 1995, p. 105 ; RENUCCI (J-F), La justice pénale des mineurs, Justices n° 10 avril/juin 1998, p.111 et suivant ; BONFILS (P), La réforme du droit pénal des mineurs par la loi du 10 août 2011, D. 2011, p.2286.

309

CEDH, 24 août 1993, NORTIER c. Pays-Bas, op. cit. ; KOERING-JOULIN (R), droit de l’homme : une année de jurisprudence, RSC 1994, p. 362 ; RENUCCI (J-F), La composition de la juridiction en matière d’enfance délinquante : juge des enfants intervenant à différents stades de la procédure, D. 1995, p. 105 ;.

310

Chambre Criminelle, 7 avril 1993, pourvoi n° 92-84725 ; NIVOSE (L-M), La composition du tribunal pour enfant au regard du droit à un tribunal indépendant et impartial, Droit pénal juin 1993, Chronique 27 ; PRADEL (J), La composition de la juridiction en matière d’enfance délinquante : dérogation à la règle de procédure interne selon laquelle un même magistrat ne peut exercer successivement dans un même affaire les fonctions d’instruction et de jugement, D. 1993, p.553 ; BECQUERELLE (S), La composition de la juridiction en matière d’enfance délinquante : dérogation à la règle de procédure interne selon laquelle un même magistrat ne peut exercer successivement dans un même affaire les fonctions d’instruction et de jugement, D. 1994, p. 37 ; LAZERGES (C), La séparation des fonctions de justice à propos de l’arrêt de la Chambre criminelle du 7 avril 1993, RSC 1994, p. 75 ; HUYETTE (M), Commentaire de l’arrêt de la Chambre criminelle du 7 avril 1993, Procureur général près la cour d’appel de Reims, RSC 1994, p.67.

311

d’instruction et de jugement312

. C’est dans ce contexte que le Conseil constitutionnel a rendu ses décisions313 relatives à l’impartialité du juge des enfants.

152. Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’occasion de laquelle il profita de la saisine, relative à la composition du tribunal pour enfants, pour examiner d’office le cumul des fonctions d’instruction et de jugement par le juge des enfants. Le Conseil constitutionnel décide « que le principe d’impartialité des juridictions ne s’oppose pas à ce que le juge des enfants qui a instruit la procédure puisse, à l’issue de cette instruction, prononcer des mesures d’assistance, de surveillance ou d’éducation ; que, toutefois, en permettant au juge des enfants qui a été chargé d’accomplir les diligences utiles pour parvenir à la manifestation de la vérité et qui a renvoyé le mineur devant le tribunal pour enfants de présider cette juridiction de jugement habilitée à prononcer des peines, les dispositions contestées portent au principe d’impartialité des juridictions une atteinte contraire à la Constitution. »314. Avec cette décision il consacre une interdiction absolue du cumul des fonctions par le juge des enfants et ce par une appréciation in abstracto de l’impartialité. Il ne cherche pas à déterminer l’ampleur exacte du cumul, sa seule présence lui suffit pour conclure à la partialité du juge. Ces différents éléments à savoir séparation stricte des pouvoirs et appréciation abstraite sont révélateurs de l’utilisation sous-jacente d’une appréciation identique à celle de la Cour EDH lorsqu’elle use de la théorie de l’apparence. Cette interprétation sera confirmée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 4 août 2011 dans laquelle il renvoie au motif de sa décision du 8 juillet 2011.

153. Ainsi, ses deux décisions315 constituent une consécration de l’interprétation du principe séparatiste par la Cour EDH lorsqu’elle rend ses arrêts en se fondant sur la théorie d’apparence de partialité. En effet, le Conseil constitutionnel condamne in abstracto le cumul des fonctions d’instruction et de jugement alors qu’il aurait pu se contenter de réserves

312

Sur l’analyse détaillée de cette jurisprudence voir infra, Partie 1, titre 2, chapitre 2, Section 1, §-1 L’ajustement de la séparation des fonctions d’instruction et de jugement au tribunal pour enfants.

313

QPC, décision n° 2011-147, 8 juillet 2011 ; DC, n°2011-633, 4 août 2011 ; BONFILS (P), La réforme du droit pénal des mineurs par la loi du 10 août 2011, D. 2011, p. 2286 ; PERRIER (J-B), Tribunal pour enfants : constitutionnalité de la composition, inconstitutionnalité de la présidence par le juge ayant instruit l’affaire, AJ Pénal, 2011, p. 596 ; CLEVERIE-ROUSSET (C), L’impartialité de la justice pénale des mineurs, revue Droit pénal, Mars 2012, étude 8.

314

QPC, n° 2011-147, op. cit., considérant n° 11.

315

PERRIER (J-B), Tribunal pour enfants : constitutionnalité de la composition, inconstitutionnalité de la présidence par le juge ayant instruit l'affaire, AJ Pénal, 2011, p. 596 ; VERGES (E), Impartialité du juge des enfants et composition des juridictions des mineurs : le revirement de position, RSC, 2012, p. 201 ; BONFILS (P), Le sauvetage du tribunal pour enfants et du tribunal correctionnel des mineurs, Droit de la famille, n°3, Mars 2012, comm. 60.

d’interprétations prévoyant les cas dans lesquels les actes d’instruction faits par le juge des enfants entraineraient interdiction de siéger au tribunal.

154. Le Conseil constitutionnel fait donc primer une séparation rigide de la séparation des fonctions, clé de voûte de la théorie de l’apparence. Il interprète ce cumul des fonctions comme rendant vraisemblable, plausible la partialité du juge, il induit de ce fait connu, le cumul des fonctions, un fait inconnu, la partialité. Cette appréciation correspond parfaitement à celle de l’apparence de partialité de la Cour EDH ; la seule présence lui suffit pour conclure à la partialité ce qui est également le cas du Conseil constitutionnel lorsqu’il rend ces deux décisions.

155. Cette jurisprudence constitutionnelle demeure une avancée pour le procès équitable des justiciables mineurs qui auraient dû par suite être soumis à un traitement légal interne conforme au principe d’impartialité. Toutefois, l’intervention subséquente du législateur reste décevante, elle est une restauration très partielle, limitée du principe séparatiste316.

156. Enfin, il faut préciser que cette interprétation du cumul par le Conseil constitutionnel n’a pas été circonscrite à ces deux décisions. Il a notamment affirmé sa position le 5 juillet 2013317. Dans cette dernière décision il poursuit le retour à une appréciation conforme à celle de la théorie de l’apparence318, il décide que la présence, au sein d’une autorité administrative

indépendante, du cumul des fonctions entraine inévitablement atteinte au principe d’impartialité.

157. L’appréciation du cumul des fonctions inhérente à la théorie de l’apparence de partialité, appréciation première de la Cour EDH, est aussi sous-jacente ou manifeste en droit interne. Elle connaît un renouveau récent et marquant dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

316

Infra, chapitre 2 de ce titre, section 1, §-1. Dans ce paragraphe nous analyserons en détail l’intervention décevante du législateur concernant le cumul des fonctions d’instruction et de jugement par le juge des enfants.

317

QPC, décision n° 2013-331, 5 juillet 2013 ; OUDOUL (A), Impartialité de l’autorité de régulation des postes et des communications électroniques, RFDC n° 97, 2014, p. 169.

318

QPC, n° 2013-331, op. cit, considérant n ° 12 « les dispositions des douze premiers alinéas de

l’article L36, § 11 du code des postes et des communications électroniques, qui n’assurent pas la séparation au sein de l’Autorité entre, d’une part, les fonctions de poursuite et d’instruction des éventuels manquements et, d’autre part, les fonctions de jugement des mêmes manquements, méconnaissent le principe d’impartialité ».

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