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CHAPITRE 2 : LA DIASPORA LAOTIENNE, UNE ORGANISATION « CLASSIQUE voire » GENEREE

2.1. LA NOTION DE DIASPORA

2.1.3. Un concept transdisciplinaire

2.1.3.2. La figure de rassemblement, un concept historique

PHRA BANG

Le Phra Bang (écrit aussi « Phrabang » ou « Pra Bang », signifie littéralement « le très vénéré ») est le palladium du Laos, c’est-à-dire l’emblème mystique national du pays. C’est une statue haute de 83cm, de 43,4 kg, recouverte de feuilles dorées d’un alliage à 3 composants, principalement composé

these Souchinda Sangkhavongs d’or.

Selon la légende, cette statue aurait été élaborée au Sri Lanka (Ceylan, d’où vient le Bouddhisme Theravada) entre le 1er et le 9ème siècle. Elle aurait été offerte au roi Khmer Indravarman 1er, le bâtisseur d’Angkor au début du 9ème

siècle, avant d’être offerte en 1355 à Fa Ngum, après la création du Royaume du Million d’Eléphants et du Parasol Blanc.

Toujours selon la légende, c’est le roi Khmer (beau-père de Fa Ngum) qui, pour modérer son gendre guerrier conquérant et despotique, lui fit envoyer une mission Cambodgienne composée de :

- 20 érudits religieux - 3 lettrés et savants

- 3000 maîtres, artisans, et ouvriers bâtisseurs spécialisés - 1000 religieux Bouddhiques

- un moine Bouddhiste de Sri Lanka

- 1000 gouvernantes, nourrisses, dames d’honneur et serviteurs des livres sacrés

- une jeune pousse de Banian (l’arbre sacré de Bouddha)

- le Phra Bang, pour la protection, la prospérité et le bonheur du peuple et du pays Lao.

La statue arriva à Luang Prabang en 1359, après 3 ans passés à Vientiane.

Le Phra Bang est considéré comme un symbole de l’état de droit au Laos. Seul un pur et véritable gouvernement peut détenir l’image sacrée. Son histoire, comme celle du Laos, est tumultueuse. En 1479, la statue aurait été transportée à Vientiane à cause de la guerre menée entre le royaume de Luang Prabang et celui d’Annam et y serait restée 10 ans.

En 1489, à son retour à Luang Prabang (alors appelée Muang Xieng Thong) le roi Sam Sene Thai installa the Pra Bang au temple Vat Xieng Kang. 2 ans plus tard, il était transféré au temple Vat Manorom à l’occasion du changement de nom de la capitale qui devint Muong Luang Prabang. En 1513, le roi King Vixunnarath transféra the Pra Bang au temple Vat Vixun (qui fut longtemps la bibliothèque nationale des écrits et principes sacrés du Laos).

En 1560, le roi King Say Sethathirath, transférant la capitale à Vientiane le prit avec lui (d’autres sources attestent que le Phra Bang aurait en fait été volé par le frère du roi qui s’emparant de Vientiane, fit apporté la statue sacrée en 1707).

En 1778, les Siamois (aujourd’hui Thaïlandais) envahirent Vientiane, s’emparèrent du Phra Bang ainsi que du Phra Keo pour les remettre à Bangkok.

En 1782, le Phra Bang retourne à Vientiane (mais non le Phra Keo) après une série d’événements malheureux attribués à l’absence de leur palladium.

En 1828, les Siamois enlèvent une nouvelle fois la statue et la remettent à Bangkok.

En 1867, à l’occasion d’un changement de gouvernance, la statue sacrée retourna à Luang Prabang après avoir séjourné 7 jours à Xieng Men (sur la rive opposée du Mékong). Elle fut tour à tour logée à l’endroit du palais royal, du Vat Vixoun, puis du Vat Mai

depuis 1941, le Phra Bang séjourne dans une des pièces du Palais Royal (qui fait depuis office de musée) avant qu’elle ne puisse prendre place, ultérieurement dans un pavillon particulier en voie de construction.

these Souchinda Sangkhavongs

Chaque année, au 3ème jour du Nouvel An Lao, le Phra Bang prend place dans la cour du Temple Vat Maï pour y être exposé à la population qui, en une sorte de procession, la purifie en lui remettant de l’eau.

Le récit de l’origine de Prabang remonte du temps de Bouddha64; à l’époque deux camps s’affrontent pour l’accès à la source d’eau. Une guerre éclate et Bouddha stoppe ces hostilités avec ces deux bras en signe d’arrêts des hostilités entre les deux camps. Il demande à l’un comme à l’autre de partager cette rivière en alternance. La paix revient et chacun peut profiter de cette source avec cette mesure. Ce récit, nous l'entendions souvent par les contes de nos parents et grands-parents.

Nous avons retrouvé65 un extrait des mémoires de Phagna Houmphanh Saygnasith sur le site de Sayasack Phoumpadith intitulé « bref historique de Phrabang, Palladium du Laos ». Prabang peut s'écrire de deux manières, par Phrabang ou Prabang. Le « ph » en laotien se lit phonétiquement non pas en « f » mais en « pr ». Nous privilégions « Prabang » par la prononciation en français. « Pra » signifie « bouddha », bonze, le vénéré, l'illuminé, le premier homme qui a atteint le nirvana, l'extinction de l'âme, la fin de la renaissance, le renoncement de tout désir humain, la fin des cycles du renouveau, de la réincarnation. Avant de parvenir à cette extinction, Bouddha avait eu d'autres vies dont Prabang, représenté par les mains levées, debout, pour stopper toute confrontation, qu’elle soit verbale comme physique. Les laotiens qui connaissent l'histoire de Prabang, en comprennent ainsi sa philosophie et son enseignement. Cette figure mythique permet à chacun de sentir le moment propice aux retraits, à la dépose d'armes, à l'humilité, à chercher la meilleure façon possible pour retrouver la paix et la sérénité, ainsi que la réflexion pour mieux préparer l'action. Un temps d'arrêt est fortement conseillé, comme l’idée de parfois « reculer pour mieux rebondir », tel peut être la devise du moment. Le terme de « rebondir » ne signifie pas « agresser » et se rapporte « bon pieds bon œil ».

Depuis l’avènement du communisme au pouvoir au Laos le 2 décembre 1975, nous ne savons toujours pas où pourrait se trouver le Prabang d'origine. Certains disent qu’il aurait été donné en cadeau à l’URSS66 pour service rendu à la République Démocratique Populaire du Laos et qu’il y est resté depuis. D’après la RDPL67, Prabang est toujours au pays, bien protégé des regards indiscrets, enfermé dans un coffre. On le sort une fois l’an pour sa célébration mais d’après Phagna Houmphanh Saygnasith68, ce serait une fausse statue et non l’originale.

64 Avant d’être bouddha, le très vénéré, le très sage et l’éveillé, bouddha avait plusieurs vies et se réincarnait jusqu’à jour où on lui donna ce nom et s’éteint de lui-même.

65 http://sayasackp.free.fr/texte/phrabang/brefhistoriquephrabangfr.pdf site de Sayasack Phoumpadith.

66 Union des Républiques Socialistes Soviétiques.

67 La République Démocratique Populaire Lao, nouvelle appellation du pays Laos.

68 Phagna Hinanya Houmphanh Saygnasith, ancien Ministre du Laos chargé de l’Economie et du Plan, réfugié en France et vit encore dans la banlieue parisienne. Un extrait de ses mémoires conte un bref historique de Phrabang, palladium du Laos.

these Souchinda Sangkhavongs

Depuis 1999, la communauté Lao de France par le biais de ses associations et sous le patronage de son prince régent Sauryavong Savang69 met à l’honneur la célébration de Prabang. Ce nouveau palladium a été édifié en 1997, par le vénérable Viengsay Sudaros70de la pagode Buddhametta à Choisy le Roi dans le Val de Marne. Ouroth Sisouvanvieng écrivait le 30 Mai 2004 sous le titre de « la participation de la célébration de Prabang avec le vénérable Viengsay Sudaros », un article de vingt-cinq pages. Disciple de la pagode « Buddhametta » où il y passait quelques jours de retraite, il y détaillait le but du vénérable pour cette édification du nouveau Prabang.

L’article propose un résumé de la bibliographie du premier palladium de l’époque du roi Fa Ngum et de la nouvelle statuette. Il explique le but de cette nouvelle fabrication, par extension, l’enseignement du Bouddha qui met en exergue la solidarité des parties en confrontation, l’objet de cette solidarité, la cause et la raison de ce maintien de solidarité. Un ouvrage intitulé « le nouveau Prabang » avait été distribué lors de la célébration du 1er au 4 Mai 2000, édité par la fondation Sri Savang Vatthana71, sous la responsabilité de Madame Malaysone Panya et Monsieur Manthourath Soundara. Un autre ouvrage plus ancien a été également réédité sous le nom de « Histoire de Prabang », à Paris en Octobre 2001. Il y est mentionné le nom de « Phouthalavanh » pesant 68 kg et mesurant 70 cm. Le nouveau Prabang est composé de 3 alliages, bronze, argent et or donnés par les fidèles.

Quels sont les objectifs de ce palladium, héro mythique du royaume du Laos ? A l’origine, 3 objectifs étaient énumérés :

- Le souvenir de son action de « défense de se disputer, et de prendre par la force » - Un avertissement aux gouverneurs, princes de l’époque, de ne pas se disputer et vivre

en harmonie

- L’entraide et solidarité étaient les mots d’ordre. De l’époque de Fa Ngum:

- Maintenir et proclamer le bouddhisme comme étant la religion d’Etat, - Maintenir l’ardeur du roi Fa Ngum dans sa requête d’expansion du territoire, - Maintenir la suprématie du roi et ses soldats.

69 Sauryavong Savang est le fils cadet du défunt roi Savang Vattana, dernier roi du Laos, exilé en France depuis1975 où sous son patronat différentes manifestations culturelles et cultuelles sont énoncées.

70 Le vénérable Viengsay Sudaros a intégré la pagode de Buddhametta en 1978. Artiste, sculpteur et dessinateur, ses talents lui ont permis d’élaborer une grande statue blanche de Bouddha assis sur un lotus. Il avait fait le vœu d’intégrer la communauté monastique à la fin de son œuvre et ce fut le cas et pour lequel est devenu lui-même vénérable et chef spirituel de cette pagode.

71 Savang Vattana fut le dernier roi du Laos. Il mourut au camp de concentration pour maltraitance et malgré de nombreuses demandes de la part de la famille princière réfugiée en France à l’adresse du gouvernement actuel, on ne sut jamais où il était enterré ou incinéré. Vous l’avez déjà dit ailleurs.

these Souchinda Sangkhavongs Qu’en est-il des objectifs fixés pour la création de cette statuette Prabang ?

- Le représentant de la religion bouddhiste - Un lien de solidarité des réfugiés Lao de France Que signifie la célébration du nouveau palladium ? La cible principale se trouve être de 3 ordres :

- La paix - L’amour - La solidarité

Le nouveau Prabang est accepté par la communauté Lao de France du fait qu’il est célébré tous les ans depuis 1999 jusqu’à 2012, année où il est fait état de controverses après la décision de la majorité des présidents d’associations participantes de stopper sa célébration.

Nous avons pu observer le même rituel durant ces périodes de 1999 à 2012. Tout d'abord, les associations se réunissent pour s'entendre sur les différentes tâches qu'elles ont à faire ensemble ou séparément, en association avec la famille ou les amis ou encore inter-associations. Ces réunions sont préparées six mois voire un an à l'avance, après la fin de chaque fête de Prabang.

Trois mois avant la fête, des invitations sont lancés pour préparer le lieu, par exemple l'entretien et le nettoyage des tables et des chaises, peindre et améliorer le lieu de procession, coudre des rideaux, préparer des bougies et fleurs, entretenir le gazon, couper les arbres. Tous ces travaux sont effectués bénévolement, toutes générations confondues. Nous pouvons trouver quatre générations qui se côtoient dans ce service lorsque le patriarche est encore vivant, valide et en bonne santé. Ces personnes ont entre quatre-vingt et quatre-vingt-dix ans : la doyenne est thoumê Khamla qui veut dire la princesse-mère Khamla.

Deux semaines avant la cérémonie, la préparation culinaire est affaire de tous. Pour assurer l’harmonie de l’ensemble, dans le même temps des associations se relayent pour nourrir des bénévoles. Les participants, de l’ordre d'une dizaine de personnes, peuvent atteindre une cinquantaine dans la dernière semaine, pour que tout soit en harmonie. Les enfants accompagnent leurs aînés et aident comme ils le peuvent sous la surveillance bienveillante de chacun sans avoir peur d'être en insécurité. Il est très rare que nous ayons un accident relevé et pourtant, des charges de travail ne sont pas à négliger et des poids lourds pouvant tomber sur ces personnes. De mémoire, nous n'avons jamais relevé ce genre d'incident ou d'accident, ce qui est étonnant à bien des égards.

Il est convenu que la fête de Prabang organisée par ces associations ait lieu chaque année un dimanche précédent le lundi de Pentecôte, fête chrétienne en France, afin que le lendemain soit également un jour de repos pour les participants. Lors de la première année de sa célébration, elle a mobilisé une vingtaine des associations et les invités étaient au nombre de quelque centaine de personnes. Plus le temps passe, sa renommée croît et avec elle, l’augmentation des participants au-delà des milliers de personnes.

these Souchinda Sangkhavongs

- Pour vénérer la statue de Prabang, un bouquet, composé d'encens, de fleurs et de bougies, est mis gratuitement à disposition, et aussi pour les généreux donateurs de quelques Euros. La différence, entre les bouquets confectionnés et les restants, est le nombre de participants. Cependant une erreur de calcul est possible puisque les participants viennent avec leur propre fabrication.

- Un autre sondage est plus précis. Durant la dernière année de notre participation, en 2011, le nombre de clics relevés lors de chaque passage, par le service d’ordre à la porte d'entrée, donne le nombre de participants. Cependant, des va-et-vient entre le parking à l’extérieur et le lieu de rassemblement ou des personnes qui y sont depuis la veille, peuvent fausser le décompte.

- De plus, le nombre de gobelets ou d'assiettes achetées avant la fête et ce qu'il en reste, nous permet également de comptabiliser cette participation, mais peut être également faussé le fait que ces accessoires soient utilisés pour d’autres plats.

- Une autre possibilité est de compter le nombre de personnes au mètre carré, sachant que la pagode dispose d’un terrain de 6 ha dont 4 ha sont inoccupés (pour cause de la végétation dense et un espace inondé). Le rassemblement des personnes se situe principalement sur ces 2 hectares. Comme on peut le constater sur les archives photos, cette espace est évaluée à 2 personnes par mètre carré.

En fin de compte, qu’importe le moyen utilisé pour le comptage, les photos restent la preuve de cette participation active, comme l’atteste les figures 9 à 19.