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La découverte tardive du TSA de son enfant

Dans le document LISTE DES ABRÉVIATIONS (Page 59-62)

CHAPITRE V L’ANALYSE DES RÉCITS

5.1 L ES MÈRES D ’ ENFANTS AUTISTES : UN CONTEXTE FRAGILISANT

5.1.1 S’adapter au spectre de l’autisme de son enfant : une contrainte inévitable

5.1.1.1 La découverte tardive du TSA de son enfant

De prime abord, il convient de mentionner que l’annonce du diagnostic de TSA fut tardive pour l’ensemble des mères. Toutefois, le doute d’une condition anormale était senti par toutes les mères qui observaient chez leur enfant des comportements hors du commun. Le tout a débuté, pour une mère, par l’émerveillement face aux activités singulières de son enfant pour aboutir à un doute d’une anormalité chez lui (Alice). Dans les faits, les mères ignoraient au départ que leur enfant présentait un TSA. Comme en témoignent ces affirmations :

Il est vrai que je suis très proche de mon enfant et que je le connais bien, mais les parents n’ont pas de livre. Je ne le savais pas qu’il était autiste. Je ne le voyais pas.

(Alice, par. 11)

C’est seulement l’année dernière que nous avons été informés de son diagnostic de TSA. On ne le savait pas. Nous n’avons jamais eu de questionnement à ce propos durant toute son enfance. (Estelle, par. 23)

En fait, on ne savait pas que ses agissements étaient reliés à son diagnostic. (Rubis, par. 18)

Ensuite, le récit des mères indique que le diagnostic est arrivé après la petite enfance pour la majorité des enfants et dans un cas à l’âge adulte :

Mon fils Martin a reçu un diagnostic de TSA à l’âge de 14 ans. Il est le premier diplômé de son école qui a été diagnostiqué. (Alice, par. 9)

Alors, Étienne a eu son diagnostic de TSA à l’âge de 9 ans. (Karine, par. 5)

Marc a reçu son diagnostic de TSA à l’âge de 11 ans, alors qu’il était en sixième année. (Estelle, par. 23)

La pédopsychiatre a validé le diagnostic de TSA de mon fils sur place alors qu’il avait 7 ans. (Rubis, par. 22)

C’est seulement vers l’âge de 20 ans qu’il a eu une confirmation de son diagnostic du trouble du spectre de l’autisme. (France, par. 19)

Cela dit, l’âge moyen de la confirmation du diagnostic de TSA des enfants des mères de notre étude est de 12 ans. Par ailleurs, le processus d’adaptation du deuil de l’enfant typique des mères se module en fonction de leurs réactions face au TSA de leur enfant. En fait, la réaction des mères à l’annonce du diagnostic est perçue autant comme un défi que comme un levier, de sorte qu’il provoque un éventail d’émotions allant du négatif au positif.

D’une part, l’annonce du diagnostic fait éveiller chez certaines mères, le deuil de l’enfant dit « normal » dans lequel elles vivent des sentiments de peine, de désespoir et d’incompréhension de même que des difficultés d’adaptation :

Lorsque je l’ai appris, j’ai eu beaucoup de réflexion à faire. C’est très difficile parce que tu as un deuil à faire. Moi j’appelle cela mes deuils parce que j’ai eu plusieurs deuils à faire, dont celui de l’enfant normal. (Alice, par.10)

Dans le fond, j’étais maintenant consciente que je ne pourrai jamais avoir d’enfant neurotypique et qu’il fallait que je m’adapte à la situation. […] J’étais encore dans le vif du moment, dans la douleur du diagnostic, dans la peine, dans la lourdeur et dans l’incompréhension. […] J’ai vécu cela de façon très intense. (Rubis, par. 24)

D’autre part, l’annonce du diagnostic de TSA de leur enfant est, pour d’autres mères, davantage perçue comme un soulagement :

Lorsque j’ai su pour son diagnostic de TSA, j’étais bien contente et soulagée puisqu’on avait enfin des réponses à nos questions. Enfin! Enfin! Enfin! Nous savions enfin ce qu’il avait. (Estelle, par. 29)

Je vivais très bien même avant de savoir pour le diagnostic. À vrai dire, j’ai appris à vivre avec mon enfant. Je sais ce qu’il aime et ce qu’il n’aime pas, mais de toute façon, il n’y a pas deux enfants qui soient pareils. (Karine, par.7)

Ce soulagement s’explique en raison des sentiments négatifs générés par l’incompréhension des comportements de leur enfant, tels que l’incompétence et la culpabilité : « Depuis pratiquement sa naissance qu’il braillait et qu’il faisait des crises. Je pensais que c’était de ma faute depuis six ans et que je n’avais pas de bonnes habiletés parentales »(Rubis, par. 21). Elle percevait chacune de ses actions auprès de son enfant comme un échec, ce qui engendrait des remises en question sur ses propres habiletés parentales (Rubis). Cette libération vécue chez ces mères est également reliée à la suppression de leur sentiment de ne pas être à la hauteur en les amenant à mieux comprendre la situation et à mettre des mots sur ce qu’elles vivent. En fait, la capacité des enfants présentant un TSA à accomplir certaines tâches rendait perplexes les professionnels et les parents qui ne savaient pas quoi faire devant cette impasse : « Il finissait toujours par réussir et à faire ce qu’on lui demandait de faire. C’est pour cette raison que les autres croyaient qu’il n’était pas autiste » (Karine, par. 6). Le fait que l’autisme de haut niveau était peu connu complexifiait la situation pour les parents qui devaient affronter seuls les défis du quotidien. Cet exemple démontre le soulagement des mères face au fait d’avoir dénoué l’impasse.

Dans le même ordre d’idées, l’annonce tardive du diagnostic du TSA a fait en sorte qu’elles ont été longtemps sans réponse, ce qui leur faisait vivre de l’impuissance : « Marc avait passé des

évaluations, mais les résultats ne démontraient jamais rien de spécifique, ils n’indiquaient jamais de TSA. Alors, je ne savais plus quoi faire » (Estelle, par. 23). Cela dit, le sentiment de soulagement est également associé au fait que l’annonce du diagnostic leur a permis d’avoir accès à des services adaptés en fonction des besoins particuliers de leur enfant.

Les mères n’ont toutefois pas attendu le diagnostic pour agir sur leur situation et faire face aux difficultés rencontrées. Au contraire, le discours des mères témoigne qu’elles se sont adaptées progressivement à leur situation, sans savoir que les particularités de leurs enfants étaient reliées à un diagnostic. Elles ont mis en place une routine et se sont ajustées à la situation au fur et à mesure.

D’ailleurs, une des mères considère que la connaissance du diagnostic de TSA n’a rien changé dans sa vie :

Lorsque j’ai su qu’il avait un diagnostic de TSA, je n’ai pas tellement réagi. Je pense que je ne réalisais pas tellement (rire). C’est ça l’affaire! Lorsqu’ils nous l’ont confirmé, cela n’a pas changé le fait que ce soient des enfants. Point à la ligne! En fait, je ne pense pas que cela ait changé quelque chose dans ma façon de voir les choses. (Karine, par.7)

Bref, en plus de leurs obligations conjugales et parentales avec les autres enfants à leur charge, les mères doivent également composer avec les particularités du large « spectre de l’autisme » de leur enfant, tout en s’adaptant aux diverses problématiques associées. Nous verrons dans les prochaines lignes comment les mères ont développé leur propre savoir expérientiel à partir de leur quotidien et comment elles ont utilisé des stratégies d’adaptation pour faire face aux nombreuses épreuves que la vie leur a imposées.

Dans le document LISTE DES ABRÉVIATIONS (Page 59-62)