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Composer avec les problématiques associées au TSA de son enfant

Dans le document LISTE DES ABRÉVIATIONS (Page 66-70)

CHAPITRE V L’ANALYSE DES RÉCITS

5.1 L ES MÈRES D ’ ENFANTS AUTISTES : UN CONTEXTE FRAGILISANT

5.1.1 S’adapter au spectre de l’autisme de son enfant : une contrainte inévitable

5.1.1.3 Composer avec les problématiques associées au TSA de son enfant

Au-delà des particularités du spectre de l’autisme, les mères d’enfant TSA doivent conjuguer avec les problématiques associées au TSA de leur enfant. Bien que les comorbidités soient diversifiées, il n’en demeure pas moins que l’ensemble des mères ont affirmé devoir composer avec l’anxiété de leur enfant autiste. Cette anxiété se manifeste à divers moments et elle est associée à différentes causes notamment les changements dans la routine, les transitions, les évènements vécus à l’école,

etc. Les commentaires suivants illustrent à quel point l’anxiété de leur enfant est omniprésente dans leur quotidien :

Par ailleurs, la gestion de l’anxiété de l’enfant autiste qui se manifeste pour toutes sortes de raisons est aussi exigeante. (Alice, par. 13)

Cette fois, les résultats du rapport indiquaient un trouble anxieux. (Karine, par. 24) Nous avons également reçu l’aide du CRDITED. Mélanie (psychoéducatrice) a évalué mon fils en lien avec son stress et pour autres choses. (Estelle, par. 40) Victor ne voulait pas aller aux toilettes, il était très anxieux et il faisait encore des crises. (Rubis, par, 37)

Simon est très anxieux et il a toujours mal quelque part. (France, par. 32)

Les répondantes font ressortir le fait que l’anxiété vécue par l’enfant a des effets secondaires sur lui ainsi que sur son environnement. En effet, pour certaines le cercle vicieux de l’anxiété entraine des troubles du sommeil, de la fatigue, de l’épuisement et de la dépression (Alice, Rubis et France), voire même des symptômes somatiques, dont les maux de cœur (France). D’autres mères mentionnent que leurs enfants sont également conscients des limites associées à leur différence, ce qui déclenche du stress et parfois, de l’anxiété de performance (Estelle). Bref, l’accompagnement de leur enfant dans la gestion de leur anxiété constitue une responsabilité parentale faisant partie intégrante du quotidien des mères que nous avons rencontrées.

Quant aux autres comorbidités associées au TSA, les mères en dénombrent trois principales qui ne sont pas généralisées à l'ensemble de leurs enfants. Il s’agit de problématiques associées à des conditions médicales (ex. : arrêt respiratoire répété), à des troubles mentaux (ex. : schizophrénie) et à des défis comportementaux (ex : TC et TDAH). À cet effet, les comportements perturbateurs de leur enfant se manifestaient principalement à l’école, à l’exception d’un seul pour lequel les comportements d’agressivité se présentaient à la maison (France). Les mères utilisent les termes suivants pour qualifier les défis comportementaux de leur enfant TSA : « crise »,

« désorganisation », « agressivité » et « automutilation » (Alice, Estelle, France et Rubis). Une mère explique vivre directement l’agressivité verbale de son fils schizophrène dans le sens que les voix de son enfant lui disaient de lui faire mal, ce qui constitue une source importante d’inquiétude et de tristesse (France).

Somme toute, le discours des mères démontre que l’attente du diagnostic de leur enfant a pour effet de les fragiliser par le fait que cela leur fait vivre de l’incompréhension, de la culpabilité, de l’impuissance de même qu’un sentiment d’incompétence. À cet égard, les propos des mères vont à l’encontre des études récentes concernant l’émission du diagnostic, dont celle des données du rapport de l’Agence de la santé publique du Canada (Ofner et al., 2018). Les conclusions de ce rapport notent que plus de la moitié des enfants et des adolescents autistes au Canada ont reçu un diagnostic de TSA avant l’âge de six ans, et plus de 90 % avant l’âge de 12 ans. Si on compare à l’âge moyen des enfants de notre étude qui est de 12 ans, l’émission du diagnostic de TSA est davantage tardive. D’autres études révèlent que les soupçons des parents sont identifiés, pour la plupart, à l’âge d’environ deux ans (Poirier et Goupil, 2008; Poirier, des Rivières-Pigeon et Dorismond, 2013). Ces constats correspondent au doute ressenti par les mères de notre étude.

Devant le délai, les mères de notre étude étaient laissées à elles-mêmes dans le néant ne sachant pas toujours comment agir face à la situation et vers qui se tourner. Dans ces situations, les parents « se retrouvent isolés avec un simple nom, une étiquette à coller sur les particularités de leur enfant […] sans se laisser envahir par le stress, l’anxiété et par des sentiments de dépression » (Goussot et al., 2012, p. 457). D’ailleurs, des études dénotent que le délai dans l’obtention du diagnostic et des services est un facteur de stress et de détresse chez les parents d’enfants autistes (Barrie, 2010; Rivard et al., 2014). D’autant plus que le stress est plus élevé lorsque le délai d’attente pour l’obtention du diagnostic et des services est plus long (Rivard et al., 2014). Ces délais d’attente génèrent chez les parents de la frustration et de l’insatisfaction (Barrie, 2010).

D’ailleurs, le récit des mères indique également que la découverte du TSA de leur enfant engendre, pour certaines, un état de choc et pour d’autres, un soulagement. Ce constat rejoint les études qui démontrent que l’annonce du diagnostic de TSA provoque une profonde mutation chez les parents leur faisant vivre des émotions à la fois négatives et positives (Goulet, 2016). Certaines études soulignent que l’annonce du diagnostic est vécue comme un soulagement pour plusieurs parents puisque cela leur permet de mieux comprendre la raison des comportements de leur enfant et d’avoir accès à des services ou à de l’information (des Rivières-Pigeon, Courcy, Boucher, LaRoche, Poirier, Galerand, 2015; Mansell et Morris, 2004, cité dans Poirier, 2008).

Tout comme le témoignent les mères de notre étude, les sources de stress des parents d’enfants autistes ne se limitent pas au choc du diagnostic, mais à d’autres facteurs tels que la lourdeur de soins requis par l’enfant, les symptômes particuliers du TSA et des problématiques associées (Courcy et des Rivières-Pigeon, 2013; Morin et al., 2015; Sénéchal et des Rivièves-Pigeon, 2009). À cet effet, le quotidien des mères d’enfants autistes de notre étude rejoint de façon assez similaire les études scientifiques au sujet de la réalité des parents d’enfants présentant un TSA. Plusieurs études révèlent un niveau de stress et de détresse psychologique important chez les parents présentant un TSA (Beaud et Quentel, 2011; Courcy et des Rivières-Pigeon, 2013; des Pigeon et Courcy, 2014; Morin et al., 2014; Rivard et al., 2014; Sénéchal et des Rivières-Pigeon, 2009). Le stress serait supérieur aux parents d’enfants neurotypiques (Courcy et des Rivières-Pigeon, 2013; Rivard et al. 2014; Sénéchal et des Rivières-Pigeon, 2009) et, nettement supérieur chez les mères (Courcy et des Rivières-Pigeon, 2013; des Rivières-Pigeon et Courcy, 2014).

Concernant les problématiques associées au TSA, il n’est guère surprenant que les mères de notre étude aient à composer avec l’anxiété de leur enfant puisqu’il s’agit de l’un des troubles comorbides les plus fréquents chez les personnes autistes (Abadie et al., 2013; Balfe et Tantam, 2010; Locret, 2015). D’autant plus que l’anxiété chez les personnes présentant un TSA est supérieure à la population générale (Takara et Kondo, 2014). En lien avec le récit des mères de notre étude, le contexte dans lequel elles évoluent est d’autant plus fragilisant lorsque l’on sait que les TC de l’enfant présentant un TSA jouent un rôle majeur dans la détresse psychologique des parents (des Rivières-Pigeon et Courcy, 2014; Goussot et al., 2012; Morin et al., 2014; Moxness, 2013).

Bref, il ne fait aucun doute que le fait de vivre avec un enfant autiste semble être une expérience parentale épuisante. Le propos des mères que nous avons rencontrées ne fait pas exception aux études scientifiques. Toutefois, nous constaterons également leur détermination dans la prise en charge de chaque situation avec laquelle elles doivent composer au quotidien. Les défis quotidiens que vivent les mères d’enfants présentant un TSA ne sont pas uniquement reliés aux particularités de leur enfant TSA et des problématiques associées, mais ils s’étendent également à leur environnement social, ce que nous verrons dans les lignes suivantes.

Dans le document LISTE DES ABRÉVIATIONS (Page 66-70)