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La confirmation par différentes structures de raisonnement

A. Ne pas être discriminé en tant que citoyen

2. La confirmation par différentes structures de raisonnement

Quelques mois après l’arrêt Martínez Sala, la Cour a de nouveau affirmé la possibilité pour le citoyen d’invoquer la non-discrimination en raison de la nationalité dans l’arrêt Bickel et Franz193. Le raisonnement suivi est toutefois différent. Tout d’abord, les citoyens en cause pouvant également se prévaloir de leur qualité de destinataires de service, la citoyenneté ne vient jouer qu’un rôle superfétatoire pour la solution de l’espèce. Ensuite, la Cour ne reprend pas la justification développée dans l’arrêt Martínez Sala mais propose une structure de raisonnement légèrement différente, développée à partir des arrêts concernant la liberté de circulation des destinataires de service.

Les citoyens de l’Union concernés sont un autrichien et un allemand qui ne résident pas en Italie, mais qui, ayant fait l’objet de poursuites dans cet État, souhaitent pouvoir bénéficier d’une procédure en allemand, prévue pour protéger les résidents germanophones de la province de Bolzano. La Cour avait déjà jugé, dans l’affaire Mutsch, qu’il était discriminatoire de ne pas permettre à un travailleur étranger qu’une procédure pénale se déroule dans une autre langue que la langue normalement utilisée, dans le cas où cela était prévu pour les nationaux194. En s’appuyant sur cet arrêt, elle souligne qu’« une importance particulière revient à la protection des droits et facilités des individus en matière linguistique » dans « une Communauté fondée sur le principe de libre circulation des personnes et de

192 L’expression de cette inférence est loin d’être claire dans l’arrêt de la Cour, nous en conservons une formulation assez spécifique car la Cour ne l’exprime pas de façon générale.

193 CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, C-274/96, EU:C:1998:563.

194 CJCE, 11 juillet 1985, Ministère public / Mutsch, 137/84, EU:C:1985:335.

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la liberté d’établissement195 ». Ensuite, reprenant sa jurisprudence Cowan sur la libre circulation des destinataires de service196, elle considère que MM. Bickel et Franz peuvent invoquer le principe de non-discrimination en raison de la nationalité en tant que destinataires de service ayant exercé leur liberté de circulation197. Le raisonnement repose principalement sur le statut de destinataire de service des personnes en cause, toutefois, la Cour s’appuie également sur le statut de citoyen de l’Union.

En effet, après avoir considéré les requérants au principal comme destinataires de service, elle ajoute que, « au demeurant », ils sont des citoyens de l’Union qui peuvent exercer leur liberté de circulation en vertu de l’article 8 A TCE [21 TFUE]. Elle poursuit en considérant que « la possibilité pour les citoyens de l'Union de communiquer dans une langue donnée, avec les autorités administratives et judiciaires d'un État, au même titre que les nationaux, est de nature à faciliter l'exercice de la liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre198 ». Bien que la procédure pénale relève de la compétence des États membres, la Cour considère que ceux-ci sont tenus d’exercer cette compétence dans les limites que le droit communautaire leur impose, et notamment de l’article 6 TCE [18 TFUE199]. La différence importante avec l’arrêt Martínez Sala est que les mesures en cause relèvent du champ d’application du traité en raison de leur lien avec l’exercice de la libre circulation des destinataires de service/citoyens, et non car elles tomberaient, par elles-mêmes, dans le champ d’application du traité200.

Le recours à la jurisprudence Cowan201 illustre bien la force que peuvent revêtir les schémas de raisonnement développés dans le cadre du marché intérieur. La Cour avait décidé dans cet arrêt que le refus d’indemniser un touriste britannique blessé à la suite d’une agression en France constituait une discrimination en raison de la nationalité. Si elle avait déjà décidé dans l’arrêt Luisi et Carbone202

195 CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, op. cit., para. 13. La Cour se réfère au paragraphe 11 de l’arrêt qui consiste essentiellement à interpréter l’article 220 CEE comme n’ayant pas pour objet de poser une règle juridique, mais souligne également l’importance particulière qui revenait à la protection des droits et facilités des individus en matière linguistique.

196 CJCE, 2 février 1989, Cowan / Trésor public, 186/87, EU:C:1989:47, para. 15, cité par la Cour, CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, op. cit., para. 15.

197 CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, op. cit., para. 16.

198 Ibid., para. 15 à 16.

199 Ibid., para. 17.

200 Il faut noter qu’un raisonnement du type Martínez Sala n’était pas complètement impossible, la Cour ayant décidé dans l’arrêt Mutsch que la possibilité de parler sa langue dans une procédure pénale devait être considérée comme un « avantage social » au sens du règlement sur la libre circulation des travailleurs, c’est-à-dire au de l’article 7 paragraphe 2 du règlement 1612/68 tel qu’interprété par la Cour dans CJCE, 31 mai 1979, Ministère public / Even, 207/78, EU:C:1979:144. V. para. 16 et 17.

201 CJCE, 2 février 1989, Cowan / Trésor public, op. cit.

202 CJCE, 31 janvier 1984, Luisi et Carbone / Ministero dello Tesoro, 286/82 et 26/83, EU:C:1984:35, para. 16.

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que la liberté de circulation des destinataires de service était garantie par le traité, l’arrêt Cowan innove parce que les mesures en cause n’étaient pas véritablement envisagées sous l’angle de leur effet sur la circulation, mais simplement comme garantissant « la protection de l’intégrité » de la personne ayant exercé son droit de circuler, et, à ce titre, comme le « corollaire de cette liberté de circulation203 ». Si la question a pu être débattue, l’arrêt est en général présenté comme reléguant la circulation à une condition du jeu de la non-discrimination, sans qu’il soit nécessaire ensuite de montrer que les mesures contestées ont un effet sur celle-ci204. L’Avocat général La Pergola s’était fortement appuyé sur l’affaire Cowan et la jurisprudence de la Cour relative aux destinataires de service dans ses conclusions sur Martínez Sala205. La ratio decidendi de l’affaire Cowan, expliquait-t-il, vaudrait également dans une situation telle que celle de Mme. Martínez Sala. Dans un souci de cohérence, la Cour devrait

« considérer que ce destinataire potentiel de tous services peut désormais aussi s’appuyer sur sa situation de ressortissant de l’Union pour pouvoir invoquer l’interdiction de discrimination, dans toute la sphère dans laquelle la jurisprudence l’applique206 ».

Si dans l’arrêt Martínez Sala, la Cour n’avait pas repris cet aspect des conclusions de l’Avocat général, elle s’inscrit dans l’affaire Bickel et Franz explicitement dans la lignée de l’arrêt Cowan. L’arrêt Bickel et Franz est d’ailleurs présenté par la doctrine comme une « imitation » ou une « reprise » de la

« technique » déjà mise en œuvre, articulant la non-discrimination en raison de la nationalité et l’exercice de la liberté de circulation207. Il n’est donc pas surprenant que l’arrêt de la Cour reproduise les mêmes interrogations. Bien que le juge précise que les dispositions contestées soient de « nature à faciliter l'exercice de la liberté de circuler et de séjourner dans un autre État membre208 », la doctrine était partagée, comme dans l’affaire Cowan, sur le fait de savoir si les mesures en cause devaient

203 CJCE, 2 février 1989, Cowan / Trésor public, op. cit., para. 17.

204 En ce sens, V. AG Jacobs, ccl sur CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, op.cit., para. 19 ; DOWNES T., « Market Citizenship: Functionalism and Fig-leaves », R. BELLAMY et A. WARLEIGH (dir.), Citizenship and governance in the European Union, Londres, Continuum, 2001, p. 98. Contra, tout en soulignant l’acception large du lien entre les mesures contestées et la libre circulation, V. WEATHERILL S., « Case 186/87, Cowan v. Le Trésor Public », Common Market Law Review, 1989, vol. 26, no 3, p. 577 ; MERTENS DE WILMARS J., « L’arrêt Cowan », Cahiers de droit européen, 1990, no 3‑4, p. 400‑401.

205 AG La Pergola, ccl sur CJCE, 12 mai 1998, Martínez Sala / Freistaat Bayern, op.cit., para. 23.

206 Ibid.

207 V., nt. DAVIES G., Nationality discrimination in the European internal market, op. cit., p. 191 ; TRYFONIDOU

A., « The Notions of ‘Restriction’ and ‘Discrimination’ in the Context of the Free Movement of Persons Provisions : From a Relationship of Interdependence to one of (Almost Complete) Independence », Yearbook of European Law, 2014, vol. 33, no 1, p. 404.

208 CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, op. cit., para. 15 à 16. Elle spécifie également bien que des

« personnes telles que MM. Bickel et Franz, lorsqu'elles exercent leur droit de circuler et de séjourner dans un autre État membre, sont, en principe, fondées à bénéficier d'un traitement non discriminatoire par rapport aux ressortissants de cet État, en vertu de l'article 6 du traité, pour ce qui concerne l'emploi des langues qui y sont utilisées ».

CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, op. cit., para. 16, nous soulignons.

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nécessairement avoir un effet sur la circulation209. Toutefois, comme le souligne Ferdinand Wollenschläger, l’importance pratique de la question ne doit pas être exagérée car l’exigence d’un lien avec la résidence ou la circulation, tel que compris par la Cour, peut difficilement limiter l’application du principe210. On peut distinguer une structure type de raisonnement différente de celle mise en œuvre dans l’affaire Martínez Sala (V. Modèle Bickel et Franz).

Si « X est un citoyen de l’Union » ou « X est un destinataire de service » et « X a exercé sa liberté de circulation », alors « X peut se prévaloir du droit de ne pas subir de discrimination en raison de la nationalité [pour les mesures de nature à faciliter l’exercice de sa liberté de circulation et de séjour211] »

Modèle Bickel et Franz

Quand bien même la citoyenneté n’aurait aucune conséquence sur la solution de l’affaire en cause, le fait que la Cour rattache la non-discrimination à la citoyenneté participe de la construction du concept juridique de citoyen de l’Union. Il faut d’ailleurs noter que l’examen de la justification de la discrimination et le dispositif sont formulés de façon très générale, en ne mentionnant que les

« citoyens de l’Union » ou « les ressortissants des États membres » et non les destinataires de service212. On trouve donc, sur le plan conceptuel, une première ébauche de l’assimilation de la liberté de circulation et de séjour du citoyen à la liberté de circulation des personnes du marché intérieur. Si celle-ci n’est pas explicite, toute la structure de l’arrêt semble bien dire qu’il est possible de dédoubler le raisonnement selon la qualité invoquée, destinataire de service ou citoyen de l’Union.

Les séquences de raisonnement introduites dans le discours de la Cour avec les arrêts Martínez Sala et Bickel et Franz ont été réitérées à de nombreuses reprises. Dans l’arrêt Grzelczyk, en 2001, le concept

209 Soulignant le fait que la mesure facilite la liberté de circulation, V. TOMUSCHAT C., « Case C-85/96, Maria Martinez Sala v. Freistaat Bayern, judgment of 12 May 1998, full court. [1998] ECR I-2691 », op. cit., p. 451‑452 ; WOLLENSCHLÄGER F., « A New Fundamental Freedom beyond Market Integration : Union Citizenship and its Dynamics for Shifting the Economic Paradigm of European Integration », European Law Journal, 2011, vol. 17, no 1, p. 21. Au contraire, interprétant le cas comme traduisant l’autonomie du principe de non-discrimination par rapport aux libertés de circulation, V. DE SOUSA P.C., « Catch Me If You Can ? The Market Freedoms’ Ever-expanding Outer Limits », European Journal of Legal Studies, 2011, vol. 4, no 2, p. 183.

Soulignant le caractère « très ténu » de ce lien, V. HUGLO J.-G., « Liberté d’établissement et libre prestation des services », Revue trimestrielle de droit européen, 1999, vol. 35, no 4, p. 134.

210 WOLLENSCHLÄGER F., « A New Fundamental Freedom beyond Market Integration », op. cit., p. 21.

211 Les crochets marquent l’incertitude sur la nécessité que les mesures facilitent l’exercice de la liberté de circulation ou le séjour du citoyen.

212 CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, op. cit., para. 20s.

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de citoyen a permis l’application de l’article interdisant les discriminations en raison de la nationalité à un étudiant français séjournant en Belgique, alors qu’il demandait à pouvoir bénéficier du minimex, une prestation sociale non contributive. La Cour commence par relever qu’une discrimination en raison de la nationalité est interdite par l’article 6 TCE [18 TFUE] et souligne que cet article « doit être lu en combinaison avec les dispositions du traité sur la citoyenneté de l'Union pour apprécier le domaine d'application de celui-ci213 ». Ensuite, elle enserre pour la première fois le statut de citoyen dans la formule de la « vocation fondamentale du statut » pour appuyer cette interprétation :

« En effet, le statut de citoyen de l'Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres permettant à ceux parmi ces derniers qui se trouvent dans la même situation d'obtenir, indépendamment de leur nationalité et sans préjudice des exceptions expressément prévues à cet égard, le même traitement juridique214. »

Si l’analyse de cette formule sera développée par la suite, il faut souligner qu’elle relève d’un registre argumentatif nouveau, en renvoyant à la citoyenneté comme un « statut fondamental » en devenir.

Ensuite, la Cour utilise une formulation quelque peu différente par rapport aux arrêts précédents en parlant de « même traitement » plutôt que de non-discrimination, sans qu’il soit facile d’en conclure quelque chose215. Elle se réfère à son arrêt Martínez Sala, pour dire que le citoyen de l’Union qui réside légalement sur le territoire d’un autre État membre peut invoquer l’article 6 TCE [18 TFUE] dans les situations relevant du domaine d’application ratione materiae du traité et précise que :

« Ces situations comprennent notamment celles relevant de l’exercice des libertés fondamentales garanties par le traité et celles relevant de l’exercice de la liberté de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres telle que conférée par l’article 8 A du traité [21 TFUE] (voir arrêt du 24 novembre 1998, Bickel et Franz, C-274/96, Rec. p. I-7637, points 15 et 16216). »

Ce paragraphe, bien qu’ayant moins attiré l’attention que celui relatif à la vocation fondamentale du statut, est tout aussi crucial pour la construction du statut de citoyen de l’Union. La Cour, sans explicitement présenter la liberté de circuler et de séjourner du citoyen comme une « liberté

213 CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, op. cit., para. 30.

214 Ibid., para. 31.

215 L’usage de ces termes dans le droit communautaire étant variable, et la Cour utilisant parfois les deux de façon similaire, il n’était pas aisé de savoir si le changement de vocabulaire impliquait une évolution. Il faut remarquer que dans l’arrêt Bickel et Franz, la Cour reprenant Cowan parlait de « la parfaite égalité de traitement des personnes se trouvant dans une situation régie par le droit communautaire avec les ressortissants de l'État membre », CJCE, 24 novembre 1998, Bickel et Franz, op. cit., para. 14. Sur les différents usages du principe d’égalité de traitement et du principe de non-discrimination en droit communautaire peu avant l’arrêt, V.

ROBIN-OLIVIER S., Le principe d’égalité en droit communautaire : étude à partir des libertés économiques, Aix en Provence, Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1999, p. 17s.

216 CJCE, 20 septembre 2001, Grzelczyk, op. cit., para. 33.

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fondamentale » au sens des libertés de circulation du marché intérieur, les met sur le même plan, suivant en cela le chemin initié dans Bickel et Franz.

Dans cette affaire, la Cour a donc combiné les deux arrêts précédents et en a repris les formules.

À la différence de l’arrêt Martínez Sala, elle utilise la liberté de circulation pour inclure la situation en cause dans le domaine d’application ratione materiae du droit communautaire. La séquence de raisonnement se rapproche d’une opération classique du marché intérieur, par laquelle l’exercice de la liberté de circulation et de séjour permet l’application du droit de l’Union, comme dans l’affaire Bickel et Franz. La Cour ne suit toutefois pas complètement ce raisonnement en ne caractérisant pas clairement l’effet des aides en cause sur la circulation. En outre, à la différence de l’arrêt Bickel et Franz, elle s’appuie sur le fait que le minimex entre dans le champ d’application du traité comme avantage social au sens du règlement relatif à la liberté de circulation des travailleurs et que le citoyen réside légalement dans un autre État membre, revenant à un raisonnement proche de celui tenu dans l’affaire Martínez Sala217. Si l’arrêt a pu être relu a posteriori, force est de reconnaître qu’il laissait place à l’interprétation sur deux points : l’importance que revêtait le fait que la mesure relève du champ d’application ratione materiae du traité, d’une part, et l’effet que devaient avoir les mesures contestées sur la circulation du citoyen, d’autre part.

La structure de raisonnement suivie reprend le premier temps de la structure type de raisonnement Martínez Sala, puis se repose sur la liberté de circulation et de séjour du citoyen comme l’arrêt Bickel et Franz (V. Modèle Grzelczyk).

217 En effet, en abordant dès le début de son raisonnement la qualification de la prestation en cause, « afin de situer le problème juridique », elle affirme que la question est pertinente. Elle s’appuie sur sa jurisprudence antérieure, en citant CJCE, 27 mars 1985, Hoeckx / Openbaar Centrum voor Maatschappelijk Welzijn Kalmthout, 249/83, EU:C:1985:139 (V. para. 27 à 29).

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Si « X est un citoyen de l’Union » et que « X réside légalement sur le territoire d'un autre État membre », alors « X peut se prévaloir du droit de ne pas subir de discrimination en raison de la nationalité dans le champ d’application ratione materiae du traité ».

Si « Y est une situation qui relève de l’exercice de la liberté de circulation et de séjour des citoyens », alors « Y relève du domaine d’application ratione materiae du droit communautaire218 ».

Modèle Grzelczyk

La Cour a donc décidé que l’article consacré à la non-discrimination en raison de la nationalité,

« lu en combinaison » avec l’article relatif à la liberté de circulation et de séjour du citoyen, permettait au citoyen ayant exercé sa liberté de circulation de se prévaloir de la non-discrimination en raison de la nationalité.

Allant au-delà de ce qui lui est demandé par le juge a quo, puisque la question ne portait que sur la possibilité pour un État de ne pas accorder de prestations sociales au regard du principe de non-discrimination, la Cour considère l’effet du recours à de telles prestations sur le droit de séjour du citoyen. Elle décide que le droit de séjour du citoyen-étudiant est soumis aux conditions énoncées par la directive, et notamment à l’obligation d’« assurer à l'autorité nationale concernée qu'il dispose, pour lui-même ainsi que, le cas échéant, pour son conjoint et ses enfants à charge, de ressources afin d'éviter qu'ils ne deviennent, pendant leur séjour, une charge pour l'assistance sociale de l'État membre d'accueil219 ». L’État d’accueil est libre de constater qu’un « étudiant qui a eu recours à l'assistance sociale ne remplit plus les conditions auxquelles est soumis son droit de séjour et [de prendre] dans le respect des limites imposées à cet égard par le droit communautaire, des mesures en vue soit de mettre fin à l'autorisation de séjour de ce ressortissant, soit de ne pas renouveler celle-ci220 ». Toutefois, la Cour souligne aussi que la directive indique que, si « les bénéficiaires du droit de séjour ne doivent pas devenir une charge ‘déraisonnable’ pour les finances publiques de l'État membre », elle admet

« une certaine solidarité financière » entre les étudiants, « notamment si les difficultés que rencontre

218 Comme nous l’avons mentionné, l’arrêt était ambigu car il laissait aussi la possibilité de reconnaître la situation comme tombant dans le domaine ratione materiae du traité en raison de la nature de la mesure en cause, comme dans Martínez Sala.

219 Ibid., para. 40.

220 Ibid., para. 42.

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le bénéficiaire du droit de séjour sont d’ordre temporaire221 ». Elle estime que le recours à l’assistance sociale de l’État membre d’accueil ne peut avoir comme conséquence automatique la fin de l’autorisation de séjour ou le non renouvellement de celle-ci222.

En l’espèce, la Cour a jugé qu’il était incompatible avec le droit de communautaire qu’une prestation non contributive soit conditionnée pour des ressortissants d’autres États membres résidant légalement en Belgique à ce qu’ils se trouvent dans le champ d’application de la directive 1612/68

En l’espèce, la Cour a jugé qu’il était incompatible avec le droit de communautaire qu’une prestation non contributive soit conditionnée pour des ressortissants d’autres États membres résidant légalement en Belgique à ce qu’ils se trouvent dans le champ d’application de la directive 1612/68