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Chapitre 5 : Discussion

5.1 Retour sur le modèle conceptuel initial

5.1.3.2 L’utilité et la complexité du PFI

D’autre part, les données recueillies lors des entrevues illustrent l’importance accordée par les professionnels à l’utilité du programme. Ceci rejoint la littérature sur le sujet selon laquelle une innovation procurant un bénéfice à l’utilisateur serait adoptée plus facilement (Yetton, Sharma et Southon 1999). Au CSSS à l’étude, même si l’implantation du PFI procurait un certain avantage d’un point de vue organisationnel, ce bénéfice a semblé insuffisant pour les professionnels en pratique. En effet, le manque de régularité liée à la réalisation du PII, le manque de précision des critères permettant la sélection des patients qui feront l’objet d’un PII, le fait que certains professionnels se sentent moins utiles lors des PII ainsi que l’absence de certains professionnels aux activités de formation expliquent en partie ce constat. Par la suite, les données de l’étude démontrent que les professionnels peuvent généralement associer au PII une complexité accrue lorsque l’équipe de professionnels n’a pas l’habitude de réaliser un PII ou tout simplement de travailler en collaboration interprofessionnelle. En ce qui concerne l’UCDG spécifiquement, la plupart des professionnels percevaient le PII comme étant complexe en raison du manque de précision des critères de sélection des patients, mais également en raison du changement que la mise en œuvre du PII impliquait dans les habitudes de travail des professionnels. Dans tous les cas, un changement perçu comme complexe peut expliquer pourquoi les professionnels n’ont pas adopté le PII aisément (Denis et al. 2002).

En résumé, il semble que ce soit en partie le manque de structure et de formation entourant le PII qui explique sa faible utilité du point de vue des professionnels. Ces deux points méritent d’être approfondis afin de mieux comprendre ce constat. Tout d’abord, selon Schon (1983), la formation académique des professionnels est de plus en plus orientée de manière à ce que

ces derniers utilisent un « rationnel technique » (Technical rationality). Schon (1983) définit le rationnel technique comme étant la résolution de problème devenue rigoureusement soutenue par l’application de techniques et de théories scientifiques. Par exemple, c’est en quelque sorte le rationnel technique qui explique l’importance accordée aux pratiques s’appuyant sur les données probantes (Hilton et Southgate 2007). Par le fait même, la complexité, l’incertitude, ou encore l’instabilité ne cadrent pas facilement dans ce modèle positiviste du rationnel technique (Schon 1983). De la même manière, le manque de structure autour du PII, c’est-à-dire le manque de régularité liée à la réalisation du PII et le manque de précision des critères de sélection des patients, ne serait pas souhaitable dans l’optique où le PII doit être utilisé par les professionnels.

Par ailleurs, les données de l’étude ont relevé que le manque de régularité liée à la réalisation du PII engendre également un suivi déficient des interventions. Ainsi, puisque les professionnels ne voient pas l’utilité de leur travail par le biais du suivi des PII, ils ont une perception négative de l’utilité du PII. Pour mieux comprendre cette situation, il est possible de faire référence à la théorie de l’apprentissage social selon laquelle la rétroaction fait partie d’un processus d’autorégulation qui débute lorsqu’un individu accepte de réaliser un objectif et travaille pour y arriver (Bandura et Cervone 1983). Pour le professionnel, le suivi du PII est en quelque sorte une rétroaction en lien avec l’activité de PII qu’il effectue. Sans rétroaction sur l’activité de collaboration interprofessionnelle, la valeur de l’initiative n’est pas connue et peut même être dévalorisée (Ginsburg et Tregunno 2005). Par le fait même, un suivi ou toute autre forme de rétroaction qui aide le professionnel à mesurer les effets de l’activité de collaboration interprofessionnelle est donc essentiel afin de favoriser la perception d’utilité de cette activité et ultimement, sa mise en œuvre. En somme, une standardisation de la procédure entourant le PII par le biais d’une clarification des critères de sélection et d’une réalisation régulière des PII serait préférable. Cette standardisation pourrait permettre de diminuer l’incertitude entourant les PII et permettre aux professionnels d’obtenir une rétroaction à la suite de leur travail. De ce fait, la perception de complexité du programme pourrait diminuer, l’utilité associée au PII serait augmentée et ultimement, cela pourrait favoriser la mise en œuvre du PII et du PFI.

Par la suite, les données illustrent que la plupart des professionnels qui n’ont pas assisté aux activités de formation font partie des professionnels doutant de l’utilité de leur présence et de l’utilité du PII. De plus, les superviseurs de stage qui ont participé à d’autres rencontres de formation à la collaboration interprofessionnelle dans le passé comprennent mieux l’utilité de

mettre en place un PII de façon formelle afin de bien former les stagiaires lors de PFI. Par le fait même, il semble y avoir un enjeu entourant la présence des professionnels aux activités de formation. D’ailleurs, l’exposition à une seule activité de formation interprofessionnelle de qualité pourrait changer positivement l’attitude des éducateurs en lien avec la formation interprofessionnelle (Anderson, Thorpe et Hammick 2011). Ainsi, il serait préférable pour les cadres administratifs et cliniques de promouvoir et de favoriser fortement la présence des professionnels aux activités de formation ce qui pourrait améliorer la perception des professionnels en lien avec l’utilité de l’outil de collaboration interprofessionnelle qui est utilisé.