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L’utilisation des échafaudages : la clé vers le développement d’un discours collectif

Rappelons que la notion d’échafaudage (scaffolding) a été utilisée par Wood, Bruner et Ross (1976) afin de comprendre comment les enfants construisent leurs premières interprétations du monde dans l’interaction avec leur entourage. Le langage, la communication et la résolution de problèmes, incluant des tâches spécifiques, sont alors au centre de cette notion. Les échafaudages supportent les apprenants de manière à les amener à un niveau de connaissances plus élevé. De ce fait, l’interaction et fondamentalement la communication (représentées ici surtout par l’écriture) sont des piliers lors de l’utilisation des échafaudages. Plus précisément, dans cette étude, les échafaudages sont des supports au discours écrit en collaboration. Leur utilisation permet aux élèves d’introduire de nouveaux éléments de réponses aux notes publiées. Ainsi, ils « suggèrent des pistes d’écriture aux élèves pour soutenir leur démarche de coélaboration de connaissances »22. De ce fait, les

échafaudages favorisent les opérations cognitives (méta) et aident à la compréhension de ce que les élèves publient. Pour ces raisons, l’utilisation des échafaudages dans le KF est possible; cependant, elle demeure une utilisation facultative puisque les élèves ont le libre choix de les inclure ou non dans leurs notes.

Enfin, les échafaudages sont des outils mis à la disposition du scripteur lors de la rédaction des notes. Notre recherche arrive à un bon résultant concernant l’utilisation des échafaudages. Nous pouvons affirmer qu’effectivement les élèves ont utilisé les

échafaudages, et remarquons qu’il y a eu surtout utilisation d’un échafaudage par rapport aux autres. L’échafaudage le plus utilisé est « Ma théorie ». Comment comprendre sa popularité auprès des élèves lors de la rédaction et publication de leurs idées? Son utilisation est présente dans 60,84 % des notes. Il en va de même pour d’autres études notamment celle de Hamel et Allaire (2009), cette fois-ci le corpus étant des enseignants. Quel support cognitif offre l’échafaudage « Ma théorie »? Et quels principes de coélaboration de connaissances se rattachent à « Ma théorie »? Analysons cet échafaudage sous plusieurs angles.

5.2.1 « Ma théorie », le premier échafaudage de la liste du groupe des échafaudages Voici une figure qui illustre la manière dont les échafaudages apparaissaient sur l’interface du KF. Cela permettra de nous référer aux positions des échafaudages.

Figure 8. Position de « Ma théorie » dans la liste d’échafaudages du KF, année scolaire 2008-2009

Comme nous pouvons observer, « Ma théorie » est le premier échafaudage qui apparait dans la liste d’échafaudages. Sur cette idée, nous pouvons lancer l’hypothèse que « Ma théorie » est le premier échafaudage à essayer compte tenu de l’ordre que cette liste impose

visuellement sur l’interface du forum. Sans compter que simplement en lisant « Ma théorie » on peut rapidement se faire une idée sur cet échafaudage. Sans donner démesurément d’explications les élèves semblent comprendre qu’avec l’utilisation de « Ma théorie » ils peuvent exprimer leurs opinions, leurs idées, enfin leur point de vue sur un thème en particulier, et ce, à tout moment où ils désirent publier une note dans le KF. Ceci nous permet de réfléchir sur quelques questions: les échafaudages ont été placés dans cette liste au hasard ? Ou, au contraire : y-a-t-il un ordre d’utilisation plus ou moins organisé (affordance) qui inviterait les élèves à une utilisation suggérée pour l’avancement de la démarche de coélaboration de connaissances ? Existe-t-il un modèle ou plusieurs modèles, voire plusieurs ordres de ces échafaudages, plausibles qui permettraient aux apprenants de déclencher la coconstruction de discours différents selon l’utilisation de ces ordres-là ? Ou, simplement, est-ce que cet échafaudage est le plus utilisé parce qu’il est le premier de la liste ?

5.2.1.1 « Ma » théorie

L’utilisation de l’échafaudage « Ma théorie » fait appel aux connaissances du scripteur, à ses expériences, à ce qu’il croit ou à ce qu’il pense sur une question posée : « Il’exprime et il collabore » lors de son processus d’apprentissage. « Ma théorie » fait appel aux connaissances préalables que les élèves ont sur un sujet donné, mais aussi aux premières réactions qu’ils ont lors de la lecture de notes publiées. Les élèves ont ajouté des idées sous cet échafaudage à tout moment durant la démarche de coconstruction des connaissances. Voici quelques indicateurs retrouvés avec l’utilisation de « Ma théorie » : d’après moi…, je pense…, je dis… Avec son utilisation, l’élève pouvait rapidement interagir avec les pairs, d’où possiblement la fréquence d’utilisation de cet échafaudage. En outre, cet échafaudage laisse ouverte une porte pour l’expression personnelle, et cela transparait notamment par l’utilisation des déterminants possessifs : ma ou mon : ma théorie, mon idée. Nous avons aussi repéré d’autres indices qui reflètent une touche personnelle, soit d’après moi, je pense, je dis.

Le KF a été développé dans l’application de douze principes pédagogiques très porteurs, soit les principes de coélaboration de connaissances (Scardamalia, 2002, 2004). D’ailleurs, nous relions l’échafaudage « Ma théorie » particulièrement au principe « La classe, un lieu de démocratisation du savoir », mais aussi au principe « L’élève, un agent ».

Dans la dimension sociocognitive de « La classe, un lieu de démocratisation du savoir », nous conceptualisons le dialogue comme étant l’élément qui permet aux élèves de s’intégrer dans la coconstruction de connaissances. Dans le KF, ce dialogue se voit représenté par l’écriture, entre autres, puisqu’il résulte aussi d’échanges issus dans la classe avant, durant et après la participation au forum, ce qui favorise l’écriture des élèves. Le savoir est donc partagé entre les élèves et les enseignants car ils contribuent, par leur participation respective, à la coconstruction de leurs connaissances. Ce principe avance l’idée de mettre à la portée de tous les élèves l’accès au savoir. Autrement dit, les élèves sont invités à apprendre en collaboration par la voie de l’écriture. Ils ont exprimé notamment leurs théories, leurs idées, mais aussi leurs croyances et compréhensions sur des thèmes qu’ils ont également choisis. Cela se voit reflété dans l’utilisation cohérente retrouvée de l’échafaudage « Ma théorie », soit 60 % d’usage. Ainsi, peut-on dire que c’est l’échafaudage le plus populaire auprès des élèves.

« Ma théorie » offre aux élèves une vaste intention d’écriture qui évoque la compréhension des problèmes authentiques et complexes à partir de leurs premières idées sur un sujet en

Indicateurs des échafaudages en lien avec les principes de coélaboration de connaissances Échafaudages retenus Principes de coélaboration de connaissances Indicateurs/Critères

Ma théorie La classe, un lieu de

démocratisation du

savoir

 Partager sa théorie, son idée.

 Émettre son opinion, sa

croyance, sa

compréhension.

 Parler de son

particulier. Cet échafaudage peut être utilisé pour commencer une discussion écrite, mais aussi pour réagir à une idée rendue publique à un autre moment.

Pagé et al. (2001) identifient l’apprenant comme un agent qui anticipe, qui réfléchit et qui communique sa pensée. D’où le lien entre l’échafaudage « Ma théorie » et le principe de coélaboration de connaissances « L’élève, un agent ». L’élève fait partie d’un groupe, il se fait ainsi responsable de rendre publique au sein du groupe sa pensée, ses idées, ses expériences et ses réflexions. Sous la dimension sociocognitive de ce principe, se retrouve le savoir se coconstruit par les échanges et la négociation des idées personnelles des élèves avec leurs pairs. « Ma théorie » peut ainsi rejoindre « ta théorie ». Cependant, pour s’engager dans un tel environnement pédagogique, mais aussi technologique, les enseignants ont le rôle important d’ouvrir un espace aux élèves pour encourager le « comment penser » au lieu du « quoi penser ». Par la compétence 6 des compétences transversales du Programme de formation de l’école québécoise (MEQ, 2006), soit « exploiter les technologies de l’information et de la communication », l’école se doit d’amener les élèves à utiliser les TIC de manière plurielle et en faisant preuve d’une pensée critique, mais aussi de démocratiser les opportunités d’usage de ces technologies au sein de l’école afin de contribuer à l’alphabétisation technologique et numérique des élèves. Cette compétence invite au renforcement des attitudes d’ouverture, d’engagement et de fraternité, voire de collaboration entre les apprenants.

5.2.2 « Mettons notre savoir en commun », deuxième échafaudage le plus utilisé.

L’échafaudage « Mettons notre savoir en commun » a été utilisé 15,08 % dans notre étude et cela lui accorde la deuxième place quant à son utilisation. Les élèves recherchent de nouvelles façons de faire en mettant leurs idées en commun afin de donner suite aux problèmes partagés dits authentiques, et conséquemment en coconstruisant leurs connaissances (Gillies, 2003) par l’écriture. Les élèves vont alors se reconnaitre dans l’interaction et dans la négociation de sens en vue de résoudre un problème partagé. Ainsi, il y a des contributions apportées par les élèves qui peuvent devenir particulièrement

essentielles au sein du groupe, ce qui fait en outre ressortir certes des capacités métacognitives.

Voici les indicateurs de « Mettons notre savoir en commun » en relation avec les principes de coélaboration de connaissances.

Les indicateurs de cet échafaudage permettent de clarifier que « Mettons notre savoir en commun » se veut à la base un échafaudage qui incite aux élèves à regrouper leurs idées écrites sur le forum avec la finalité de faire un bilan du travail ou une conclusion, sous le principe « élever le propos », ce qui coïncide avec les indicateurs du tableau ci-haut. Cependant, cette étude nous a permis de reconnaître d’autres utilisations que les élèves ont faites de cet échafaudage, notamment lors de questions formulées. « Mettons notre savoir en commun » a été compris comme un échafaudage qui sert à identifier les questions de départ pour mettre à l’avant-plan le fait que toute la classe participe à comprendre le problème, mais aussi les questions d’approfondissement. Ceci dit, « Mettons notre savoir en commun » peut donc être utilisé dans la progression du discours qui se coconstruit, à savoir aux trois moments du modèle du discours non traditionnel : au questionnement de départ, lors d’élaboration des idées et aussi dans l’amélioration des idées. Cela rejoint les observations de Hmelo-Silver et Barrows (2008).

Le principe de coélaboration de connaissances « le savoir, une propriété et une responsabilité collective » nous permet d’explorer comment la responsabilité de l’avancement des savoirs se produit. D’après nous, ça débute par un questionnement de départ, là où les élèves et les enseignants mettent en commun leurs intérêts de se pencher sur plusieurs problèmes authentiques qui les intéressent en lien avec le programme de

Mettons notre savoir en commun

Le savoir, une propriété

et une responsabilité

collective.

Élever le propos.

 Joindre les idées des autres aux siennes

 Faire le bilan de l’état

d’avancement du

travail

formation. En consensus, les acteurs choisissent les questions sur lesquelles ils aimeraient réfléchir sur le forum, et choisissent également d’utiliser l’échafaudage « Mettons notre savoir en commun » pour démarrer ces échanges, et ce, dans la plupart des cas. Cette intention amène une compréhension nouvelle de l’utilisation de cet échafaudage selon les fonctions métacognitives du KF. La plupart des usages de cet échafaudage répond à une intention d’écriture qui fait appel aux questionnements communs dans la démarche collaborative. Nous avons montré que les questions de départ sont davantage jumelées à l’échafaudage « Mettons notre savoir en commun » qu’à l’échafaudage « J’ai besoin de comprendre », dont la fonctionnalité principale est d’identifier des questionnements. Dès lors, l’utilisation des échafaudages « J’ai besoin de comprendre » et « Mettons notre savoir en commun » serait des choix pour poser des questions de compréhension. Par ailleurs, l’échafaudage « J’ai besoin de comprendre » a été utilisé 7,93 % dans cette étude. Voici les indicateurs proposés pour ce dernier.

5.2.3 « J’ai besoin de comprendre »

Selon les indicateurs, cet échafaudage permet d’identifier des questions nouvelles ou d’identifier des notes qui font appel à des explications plus approfondies à tout moment et ainsi avancer dans la démarche collaborative.

Le principe de coélaboration de connaissances rattaché à « J’ai besoin de comprendre » est celui d’ « idées réelles, problèmes authentiques » puisque précisément à partir d’idées propres aux élèves, de leurs expériences, de leurs intérêts, voire leur curiosité, ils s’interrogent et posent des questionnements leur permettant d’initier ou d’approfondir la démarche de coconstruction de connaissances à travers les échanges écrits au sein du KF.

J’ai besoin de comprendre

Idées réelles, problèmes authentiques

 Poser une question de compréhension

 Demander un avis, un conseil

En effet, ceci donne lieu à un engagement et une responsabilité collectifs et conséquemment à l’appropriation du processus d’apprentissage.

5.2.4 « Nouvelle information », échafaudage d’accès direct à l’information.

Cet échafaudage a été utilisé 14,46 % dans notre étude et il se situe, rappelons-le, après « Ma théorie » avec 60, 84% d’utilisation et « Mettons notre savoir en commun » avec 15, 08 % d’utilisation respectifs. À cet effet, « Nouvelle information » fait partie des échafaudages les plus utilisés dans notre étude, un échafaudage d’apparente compréhension facile. Cependant, le principe de coélaboration de connaissances le plus pertinent en ce qui concerne « Nouvelle information » recèle un enjeu important de la démarche de coélaboration de connaissances, à savoir la propriété intellectuelle, ce qui implique l’utilisation constructive des sources d’autorité.

Les TIC sont considérés comme outils et ressources au service de l’apprentissage et de l’enseignement (MEQ, 2006, p.10). Ici, nous faisons référence directement à Internet et à ses contenus disponibles. Il est intéressant de rappeler que les élèves ont accès direct à des sources dites d’autorité avec la finalité d’appuyer leurs idées ou réflexions sur le KF. Ces sources peuvent être issues de sources bibliographiques, littéraires ou autres, notamment des références au contenu d’un cours ou de l’expertise d’un praticien. Le point qui importe, c’est que les élèves ont désormais un accès direct à l’information à l’école, mais aussi à la maison (ou ailleurs) grâce à l’Internet. Nous parlons d’une culture scientifique en tant que

Nouvelle information Faire appel à des sources fiables.

 Faire référence à une source bibliographique

 Faire référence au

contenu d’un cours

 Faire référence à des lectures

 Faire appel à

l’expertise d’un

priorité sociale (Hasni, 2005) qui doit être développée très tôt chez les élèves. Des réflexions quant à l’utilisation d’Internet s’imposent.

Dans notre étude, une des réflexions porte sur la propriété intellectuelle et inévitablement sur le « copier-coller » car la « nouveauté technologique » se caractérise par la proximité des informations. Avec l’utilisation de « Nouvelle information » les apprenants identifient des notes qui contiennent des informations « nouvelles » et qui enrichissent le discours écrit du KF. Or, les élèves sont-ils initiés à la nomenclature des sources d’autorité ? Est-ce qu’on constate le « copier-coller » dans l’écriture des notes identifiées avec l’échafaudage « Nouvelle information » ou autres sans nommer la source ? Est-ce que les élèves connaissent ce qu’est le droit d’auteur ? D’où l’importance d’enseigner aux élèves comment se référer aux diverses sources, comment « emprunter » leurs idées et s’en inspirer pour faire avancer leurs processus d’apprentissage avec des idées nouvelles, tout en laissant des traces de la source utilisée. Non seulement l’échafaudage « Nouvelle information » sert à identifier des notes, des explications provenant des sources d’autorité, mais sert aussi à identifier des notes qui apportent justement des nouvelles idées provenant des discussions entre les élèves.

Par ailleurs, le principe de coélaboration de connaissances « Faire appel à des sources fiables » avance l’idée de renforcement des compétences sociocognitives chez les élèves puisqu’ils sont exposés à différentes informations accessibles sur divers supports. Conséquemment, les élèves font preuve de discernement puisqu’ils doivent différencier les divers savoirs. Nous sommes en présence des compétences un peu plus avancées qui font appel à la réflexion, au discernement, à l’analyse d’information, entre autres. Compétences qui sollicitent certainement la maturité collective pour le travail en collaboration. Nous allons maintenant passer à l’interprétation des résultats des échafaudages les moins utilisés dans notre étude.