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Comment le discours écrit s’est transformé au moyen de la collaboration des idées

Le KF a été conçu avec la finalité d’ouvrir un espace virtuel et pédagogique pour les élèves afin qu’ils puissent exprimer leurs idées sur une problématique de leur intérêt, mais surtout autour d’une problématique dite authentique pour ainsi pouvoir améliorer des idées réelles. Précisément, le discours que nous avons analysé a montré que les élèves ÉÉR expriment leurs idées au forum et que simultanément ils leur donnent sens et négocient pour en arriver à des idées communes. En effet, les idées publiées par les pairs deviennent partagées lorsqu’ils les enrichissent et les améliorent, et c’est précisément ce qui donne lieu à un processus d’apprentissage collaboratif. Nous voulons nous attarder sur cette idée et montrer comment la collaboration (des idées, des connaissances, des expériences, entre autres) émerge au sein du KF particulièrement par la transformation du discours écrit.

Le discours écrit retrouvé dans notre étude nous permet de montrer que le modèle de communication individuel (entendre traditionnel), représenté par la participation d’un élève qui se doit de répondre directement à la question posée par l’enseignant, soit le modèle IRE/F (Wells, 1993), peut générer l’isolation de l’élève et la rupture éventuelle du processus de communication et d’interaction dans le forum. Dans ce cas, et contrairement à ce qui a été observé dans notre étude, l’enseignant pose une question et la réponse est attendue, ce qui fait davantage appel à un processus de mémorisation dans l’apprentissage.

Ce modèle de communication n’est pas présent dans notre étude. Premièrement, dans notre modèle, les questions posées n’ont pas été choisies seulement par les enseignants, deuxièmement les réponses n’étaient pas attendues, c’est-à-dire qu’il n’y a pas eu attente d’une réponse unique; et troisièmement les élèves ont interagi et rendu publiques leurs idées liées à la question posée. De plus, le jugement ou l’évaluation d’idées des élèves ne sont pas présents dans nos résultats. Ce qui diffère des discours de classe traditionnels. En outre, les élèves ont eu recours à des sources d’autorité dans le but d’appuyer ou d’améliorer certaines idées, et ce, avant, durant ou après avoir publié leurs notes. Ce qui nous laisse envisager qu’il y a un espace pour l’amélioration des idées, et c’est spécifiquement ce que la pédagogie du Knowledge Building (coélaboration de connaissances) favorise. Généralement, dans le modèle appelé traditionnel, les recherches et les informations venant de diverses sources peuvent avoir lieu durant le processus d’apprentissage, mais seulement à un moment spécifique et dans une perspective d’évaluation de la validité de l’idée énoncée. Enfin, les élèves qui ont participé à cette étude ont collaboré à la rédaction des réponses viables en lien avec la question de départ posée. Notre étude démontre que cet environnement ouvre un espace à la démocratisation du savoir et aux libres échanges entre les pairs. Il faut également relever que les échanges se sont faits dans plusieurs directions entre les enseignants et les élèves, et surtout entre les élèves eux-mêmes. Le processus de communication s’est situé dans un contexte d’ordre multidirectionnel et interactionnel (Bereiter, 2002) où une démarche progressive a pu s’installer, mais aussi sous forme de routine. Nous y retrouvons des échanges de type enseignant-élève, enseignant-groupe, élève(s)-élèves, considérés aussi comme des échanges de nature évolutive. Les apports individuels dans le groupe ont fait en sorte qu’il y eu une connexion entre les élèves car une interdépendance s’est installée dans la coconstruction du discours écrit. Les collaborateurs publient leurs idées librement et ils les améliorent au moyen de la lecture des notes publiées par les pairs, ils font des répliques et le processus s’installe : libération des idées individuelles, lecture des idées publiées et amélioration des idées dans le collectif. Il importe de spécifier qu’il n’y a pas eu un modèle-type, bien au contraire, les élèves pouvaient faire des allers-retours afin de modifier/améliorer des idées déjà rendues publiées. C’est ce type de discours Individuel dans le collectif (Stahl, 2006)

qui se retrouve davantage dans cette étude. L’enseignant, quant à lui, demeure collaborateur-assistant : il médiatise le contexte du groupe aux besoins des élèves. Dans la perspective individuelle dans le collectif, l’élève se fait protagoniste de ses actions au moyen de la publication de ses idées et de l’amélioration des idées communes qui deviennent alors les idées du groupe. Dans ce contexte, les idées se modifient, s’enrichissent et se transforment afin de formuler une « grande idée » qui regrouperait les idées principales et autres. Cette étape demeure un défi à relever. En effet, il s’agit d’une dernière étape pour aboutir au discours collectif. Cette étape implique un niveau du discours écrit plus avancé (que nous appelons justement discours collectif). Ce niveau représenterait l’ensemble des idées améliorées par les élèves durant leurs échanges écrits, mais dans une toute nouvelle idée qui montrerait le bilan d’idées collectives au sein du forum. Un autre niveau du discours écrit est voulu afin d’entamer toutes les idées dans un ordre plus au moins logique. Autrement dit, une fois les idées individuelles rendues publiques et améliorées dans le temps par les pairs au sein du KF, on projette d’arriver à une contribution quasi-finale qui répondra aux besoins de tous les collaborateurs, et qui également donnera suite à la question de départ posée. Pour y parvenir, nous supposons une certaine maturité collective de la communauté d’apprentissage ou d’investigation, soit celle formée par les élèves ainsi que les enseignants qui participent au forum. Cette étape demande un savoir-faire collectif dans la rencontre d’idées communes, dans le débat et l’argumentation d’idées et des notions différentes, mais aussi dans l’enrichissement des idées par l’utilisation de sources d’autorité, entre autres, dans les échanges écrits qui nécessiteront des ajustements collectifs avant d’arriver à un consensus. Ce savoir-faire collectif permettra précisément la consolidation d’une réponse jugée viable pour tous. Il s’agit alors d’un processus complexe qui nécessite un travail nettement collaboratif. Cela demeure un défi à relever selon les résultats de notre étude. Même si certaines perspectives présentent une démonstration de la capacité des classes à y parvenir, cela demeure marginal.

À cet effet, l’utilisation des six échafaudages du KF s’avère essentielle afin de guider les élèves vers des compétences cognitives et métacognitives plus avancées à partir de l’identification du propos de leurs idées. C’est l’utilisation de tous les échafaudages qui

permet au groupe de transformer leur discours vers un niveau plus avancé et selon une logique plus au moins organisée, soit vers le discours collectif. Dans ce cas, nous pouvons exprimer que ce dernier type de discours nécessite de l’utilisation, et surtout de la compréhension, des échafaudages « Cette théorie ne peut expliquer » et « Une meilleure théorie » pour arriver à un consensus. Nos résultats montrent que dans 0,59 % et 1,1 % ces échafaudages ont été respectivement utilisés. Nous sommes ainsi en présence d’un début de transformation du « discours individuel dans le collectif » vers le « discours collectif ». Ce résultat est de grande importance, sachant que les élèves participant à cette étude sont des élèves de l’école primaire qui commencent à utiliser dès maintenant les deux échafaudages qui sollicitent des compétences métacognitives plutôt avancées. Ce résultat nous montre qu’il y a eu coconstruction d’idées et que cela s’approchait du discours appelé collectif. Il demeurerait intéressant de comparer l’utilisation faite spécifiquement de ces deux échafaudages par des élèves plus âgés y compris des adultes.

Dans l’ensemble, le processus de coconstruction d’idées s’est reflété dans l’utilisation des échafaudages, notamment par l’utilisation des sources d’autorité, et aussi par le besoin de comprendre des idées publiées, en apportant ses propres idées ou simplement en metant des savoirs en commun. Ainsi, nous pouvons dire que ce sont des idées qui se sont transformées par les échanges entre les pairs durant leur démarche de coconstruction de connaissances. C’est pourquoi les acteurs, soit les élèves, se voient être responsables de leurs apprentissages tout comme, mais à un moindre degré, les étudiants en médecine observés par Hmelo-Silver et Barrows (2008).

Manifestement, nous avons pu faire ressortir plusieurs niveaux du discours sur le KF qui nous ont permis de montrer comment le discours peut se transformer dans ce forum par l’entremise de la coconstruction de connaissances. Également, nous pouvons conclure que l’amélioration des idées est une étape essentielle du processus puisque c’est la notion qui permet aux élèves de se donner une routine de lecture et de contribution sans jugement sur la valeur d’une idée énoncée. Cet aspect touche la démocratisation du savoir, principe de coélaboration de connaissances du KF, qui suppose l’accès à la formation par l’accès à l’information et à l’amélioration de nos idées, ce qui se traduit par l’accès à la

transformation de nos savoirs. Contrairement à cette approche, dans la classe comme on la connaît traditionnellement, seulement certains élèves s’expriment verbalement devant un groupe et sans timidité afin de délibérer de leurs idées au sein de leur groupe. La coconstruction du discours (et des connaissances) sur le KF et la libération d’idées sont facilités par l’utilisation des échafaudages. Nous passons donc à l’analyse des résultats sur l’utilisation des six échafaudages.

5.2 L’utilisation des échafaudages : la clé vers le développement d’un discours