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A. D E LA COCHLEE AUX AIRES DU LANGAGE

3. S YSTEMES DESCENDANTS

3.1. L E SYSTÈME EFFÉRENT OLIVO - COCHLÉAIRE MÉDIAN A NATOMIEANATOMIE

Dans la cochlée, les cellules ciliées externes reçoivent les informations en provenance du cortex auditif via les projections du SEOCM. Comme décrit sur la Figure 1.5, les informations en provenance du cortex auditif se projettent sur le complexe olivaire supérieur médian ipsilatéral, directement ou via le colliculus inférieur. Les fibres en provenance du complexe olivaire supérieur se projettent à leur tour et de manière bilatérale sur les cellules ciliées externes de la cochlée, formant ainsi la dernière étape de la voie efférente.

Chapitre 1A. De la cochlée aux aires du langage

Figure 1.5. Projections du SEOCM sur la cochlée. AC : auditory cortex ; IC : inferior colliculus ; MOCC : medial olivo-cochlear complex ; NCo : cochlear nucleus. Tiré de Khalfa, Bougeard, et al., 2001.

Les voies olivo-cochléaires sont composées de deux arcs réflexes, un réflexe ipsilatéral et un controlatéral (Figure 1.6).

Figure 1.6 : Réflexes Ipsilatéral et Contralatéral. AN : auditory nerve ; CN : cochlear nucleus ; IVN : inferior vestibular nerve ; MOC : medial olivocochlear. Tiré de Liberman et Guinan (1998).

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La voie ispilatérale (en noir) part de la cochlée ipsilatérale (à droite sur la Figure 1.6), pour se projeter via le nerf auditif sur les neurones du noyau cochléaire ispilatéral, puis sur les neurones du noyau olivo-cochléaire médian controlatéral en croisant la médiane. Ces neurones vont alors se projeter en traversant une nouvelle fois la ligne médiane sur la cochlée ispilatérale. Il s’agit donc d’un système doublement croisé. La voie controlatérale (flèches et cellules grises sur la figure 1.6) débute sur le nerf auditif controlatéral, se projette sur les neurones du noyau cochléaire puis sur les neurones du complexe olivo-cochléaire l’absence d’activation du SEOCM, les cellules ciliées externes auraient pour effet d’amplifier les vibrations de l’organe de Corti et des cils présents sur les cellules ciliées internes, provoquant ainsi une augmentation de la libération de neurotransmetteurs, et donc une augmentation de la réponse des cellules ciliées internes aux sons. L’activation du SEOCM modifierait les propriétés des cellules ciliées externes, ce qui aurait pour effet de diminuer leur contribution à l’amplification des mouvements des cellules ciliées internes, résultant ainsi en une diminution de la réponse des cellules ciliées internes aux sons (Guinan &

Gifford, 1988a, b).

ROLES DU SEOCM

Alors que les mécanismes impliqués dans la physiologie du SEOCM ont été de plus en plus étudiés ces dernières années, son rôle précis dans l’audition n’est encore que peu compris.

Les données neurophysiologiques suggèrent cependant trois rôles principaux : Protection contre les traumatismes sonores

Le SEOCM a tout d’abord été impliqué dans la protection de la cochlée contre les traumatismes sonores. Il agirait comme une protection contre la désensibilisation des neurones suite à une longue exposition à un bruit intense, cette désensibilisation étant reflétée dans l’augmentation temporaire des seuils auditifs. Des données montrent par exemple que les animaux ayant un SEOCM moins efficace sont plus vulnérables aux traumatismes sonores (Maison & Liberman, 2000). Attanasio et al., (1999), ont par exemple observé qu’une ablation du noyau olivocochléaire chez des cochons d’inde provoque une perte auditive persistante après exposition à un bruit intense, en comparaison avec des oreilles controlatérales non opérées.

Cependant, Christopher Kirk et Smith (2003) pointent le fait que malgré que le SEOCM semble présent chez la majorité des tétrapodes, les sons suffisamment intenses pour créer

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des traumatismes sonores sont relativement rares dans la nature ; ils suggèrent donc que ce rôle protecteur ne serait pas la raison principale pour laquelle le SEOCM aurait évolué.

Démasquage

Un second rôle attribué au SEOCM serait la suppression des réponses de la cochlée à un bruit concurrent provoquant ainsi le démasquage de stimuli acoustiques transitoires (anti-masking effect ; Liberman & Guinan, 1998). D’après Liberman et Guinan (1998), l’effet de masquage apparaît lorsqu’un bruit continu masque un son transitoire, car le bruit continu cause une importante et durable libération de neurotransmetteurs. Ces neurotransmetteurs ne pouvant être resynthétisés qu’à un taux limité, un phénomène d’adaptation apparaît, ce qui a pour effet de réduire la réponse à un stimulus bref lorsqu’un stimulus continu est présenté simultanément. Selon ces auteurs, l’effet anti-masquage du SEOCM se produirait en diminuant la réponse de base au bruit continu, ce qui a pour effet de réduire le degré d’adaptation et donc d’augmenter la réponse au stimulus bref.

C’est ce que montrent Kawase et Libermann (1993), en mesurant les potentiels d’action sur le nerf cochléaire en réponse à un ton bref présenté dans du bruit : ils obtiennent après activation du SEOCM par un bruit controlatéral d’intensité modérée une augmentation de l’amplitude des potentiels d’action en réponse au stimulus bref présenté dans du bruit, ce qui traduit un effet de démasquage. Cet effet est annulé après section du complexe olivo-cochléaire. Ceci suggère donc une implication du SEOCM dans la perception de signaux brefs présentés dans du bruit.

Perception de la parole dans le bruit

A la suite de ces travaux, Giraud et al. (1997) ont évalué l’implication du SEOCM dans la perception de stimuli complexes comme des mots dans le bruit. Ils ont ainsi fait écouter à des participants normo-entendants et des participants ayant une lésion au niveau des voies efférentes des mots monosyllabiques présentés dans un bruit ipsilatéral, en présence ou non d’un bruit controlatéral non corrélé. Ils ont obtenu chez les participants normo-entendants une réduction de l’intelligibilité du mot allant de pair avec l’augmentation d’intensité du bruit ispilatéral; cet effet était limité lorsque le bruit controlatéral était ajouté. En revanche chez les patients ayant subi une lésion des voies efférentes, cet effet de démasquage était absent. Ce résultat suggère une activation des voies efférentes par le bruit controlatéral, permettant ainsi un démasquage du mot. Les auteurs ont par ailleurs trouvé une corrélation significative entre l’amélioration de l’intelligibilité du mot lors de l’ajout du bruit controlatéral et l’amplitude des oto-émissions acoustiques provoquées par un clic, reflet de la fonctionnalité du système efférent. Ceci indique une implication du SEOCM dans la perception de mots masqués par un bruit, ce qui a été confirmé ultérieurement chez l’enfant (Kumar & Vanaja, 2004). Par la suite, de Boer et Thornton (2008), en soumettant des adultes à un apprentissage sur une tâche de catégorisation de phonèmes, ont trouvé que l’entraînement auditif améliorait la discrimination des phonèmes dans le bruit. Cet effet

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d’apprentissage dépendait des scores de départ : les participants les meilleurs au premier jour s’amélioraient peu, tandis que les participants les plus faibles montraient un effet d’apprentissage beaucoup plus important. Cet effet d’apprentissage était également prédit et reflété par l’activité du SEOCM : ceux qui s’amélioraient significativement montraient une activité du SEOCM faible au départ, et augmentant au cours de l’apprentissage, tandis que ceux qui s’amélioraient peu ne montraient pas de changement dans la fonctionnalité du SEOCM.

L’ensemble de ces données suggère donc que l’une des fonctions principales du SEOCM serait son rôle de démasquage des stimuli auditifs, et plus particulièrement des stimuli de parole, en présence d’un bruit concurrent.

ENREGISTREMENT DE LA FONCTIONNALITE DU SEOCM : LES OTO-EMISSIONS

Définition

Lorsqu’un son émis par une source externe fait vibrer la cochlée, cette vibration est amplifiée par les cellules ciliées externes. La contraction de ces cellules produit une émission sonore, transmise à l’oreille moyenne puis à l’oreille externe. Cette émission sonore, ou Oto-émission, peut être enregistrée en dehors de toute stimulation acoustique (Oto-émission spontanées, OEAS), suite à un stimulus acoustique (Oto-émission provoquée, OEAP), ou suite à deux stimuli (produits de distortion). Dans la suite de ce travail, nous nous intéresserons uniquement aux OEAPs.

L’analyse des OEAPs permet l’exploration de la fonction cochléaire. Elles sont le plus souvent enregistrées suite à une stimulation acoustique brève, telle qu’un clic. Leur présence est le signe d’un organe de Corti plutôt fonctionnel ; elles peuvent être utilisées pour étudier la voie efférente olivo-cochléaire par le protocole d’atténuation équivalente : en effet un bruit controlatéral diminue l’intensité des OEAPs dans l’oreille ispilatérale.

L’étude du SEOCM grâce à l’enregistrement des OEAPs

Le SEOCM se projetant directement sur les cellules ciliées externes, il est possible d’en explorer la fonctionnalité de manière non invasive, en mesurant les OEAPs puisque celles-ci sont produites par les cellules ciliées externes. La technique la plus utilisée est la mesure de la suppression des OEAPs induite par une stimulation controlatérale, par le protocole d’atténuation équivalente : en mesurant l’amplitude des otoémissions provoquées par un clic présenté dans l’oreille ispilatérale, avec ou sans un bruit controlatéral (Maison, Micheyl,

& Collet, 1997 ; Velenovsky & Glattke, 2002). En présence d’une stimulation controlatérale, l’amplitude des OEAPs diminue. Cette atténuation reflète l’activation du SEOCM par la stimulation controlatérale, et son action au niveau cochléaire par l’intermédiaire des cellules ciliées externes, diminuant leur motilité dans l’oreille ipsilatérale. Maison et al. (1997) ont montré que cette suppression controlatérale des OEAPs est également présente lorsque le

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LATERALISATION FONCTIONNELLE DU SYSTEME AUDITIF, CAS PARTICULIER DU SEOCM

En dehors de la latéralisation bien connue des aires auditives et plus généralement des aires du langage (voir partie B.2 de ce chapitre), le système auditif périphérique semble se caractériser par une asymétrie fonctionnelle en faveur de l’oreille droite.

Ainsi, au niveau central, les potentiels évoqués auditifs du tronc cérébral (Auditory Brainstem Responses, ABR), sont plus importants lorsque l’oreille droite est stimulée que lorsque c’est l’oreille gauche qui est stimulée, que ce soit chez l’adulte ou chez l’enfant (Levine & McGaffigan, 1983 ; Sininger & Cone-Wesson, 2006).

De manière plus périphérique, les shifts temporaires de seuil auditif apparaissant après une exposition à un bruit intense, sont plus importants dans l’oreille gauche que dans l’oreille droite (Pirilä, 1991). Il y aurait donc une meilleure sensibilité de l’oreille droite ; ceci est associé à une augmentation du taux d’oto-émissions spontanées dans l’oreille droite, ce qui a été montré dès la naissance (Morlet et al., 1995). Par ailleurs, une asymétrie du fonctionnement cochléaire lui-même a été prouvée, l’amplitude des OEAP étant plus importante dans l’oreille droite que dans l’oreille gauche (Khalfa, Micheyl, Veuillet, & Collet, 1998). Enfin, en ce qui concerne le fonctionnement du SEOCM, une latéralisation à droite a également été trouvée, reflétée par une amplitude de suppression des OEAPs résultant d’un bruit controlatéral plus importante dans l’oreille droite que dans l’oreille gauche (Khalfa, Micheyl, et al., 1998 ; Philibert, Veuillet, & Collet, 1998). Par ailleurs, dans une étude réalisée chez des nouveau-nés prématurés ou nés à terme, Morlet et al. (1999) ont suggéré que l’asymétrie de fonctionnalité du SEOCM soit présente dès la naissance, avec une maturation dans les dernières semaines pré-natales. Dans cette étude, les auteurs posent également la question du lien entre asymétrie du SEOCM et asymétrie d’amplitude des OEAPs (reflétant les mécanismes cochléaires), lien qui n’a pas encore été formellement démontré (Khalfa, Micheyl, et al., 1998).

Un autre lien envisageable serait celui existant entre les asymétries corticales et l’asymétrie du SEOCM, puisqu’il a été montré que seuls les participants droitiers montrent une asymétrie du SEOCM forte, les participants gauchers étant plus souvent symétriques ou asymétriques en faveur de la gauche (Khalfa, Veuillet, et Collet, 1998). Par ailleurs, une étude récente a montré la présence d’une forte corrélation négative entre la latéralisation du langage mesurée par le test d’écoute dichotique et la latéralisation des OEAPs, suggérant

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une connexion entre les mécanismes de latéralisation centraux et périphériques (Markevych, Asbjornsen, Lind, Plante, & Cone, 2011). Enfin, Khalfa, Bougeard, et al. (2001) ont montré qu’une ablation du cortex auditif primaire provoquait une réduction de la fonctionnalité du SEOCM dans l’oreille controlatérale, démontrant ainsi le rôle du cortex auditif dans le contrôle exercé sur le SEOCM.

3.2 . L

E SYSTEME EFFERENT OLIVOCOCHEAIRE LATERAL

Le système efférent olivo-cochléaire latéral est assez peu connu, du fait de ses axones non myélinisés qui rendent la stimulation électrique des neurones difficile à effectuer. Ce système prend son origine dans et autour de l’olive supérieure latérale et se projette via des axones non myélinisés sur les cellules ciliées internes.

Les effets périphériques du système efférent olivo-cochléaire latéral, contrairement à ceux du SEOCM, sont peu connus ; les travaux de Groff et Liberman (2003) ont cependant permis de mettre en évidence à l’aide d’une stimulation électrique de certains sites du colliculus inférieur qu’une activation de ce système produit des changements de réponses des neurones cochléaires, à long terme (5-20min) sans affecter la réponse des cellules ciliées externes. De même, une section du noyau olivo-cochléaire latéral chez des cochons d’inde diminue l’amplitude des potentiels d’action sur le nerf auditif. Ce système pourrait donc ajuster la réponse des neurones afférents dans le nerf auditif. Il a été également suggéré que ce système pourrait contribuer au maintien ou au réapprentissage de l’utilisation des comparaisons binaurales nécessaires pour la localisation des sons, lors de changements des seuils cochléaires, comme par exemple après une perte auditive unilatérale (Groff &

Libermann, 2003 ; Irving, Moore, Liberman, & Sumner, 2011). Un rôle dans la protection de la cochlée contre les traumatismes sonores a également été suggéré (Darrow, Maison, &

Libermann, 2007).

Dans cette partie, nous nous sommes intéressés aux premières étapes de traitement des sons, qu’ils soient de type langagier ou non. Dans la partie suivante, nous détaillerons les mécanismes corticaux permettant la reconnaissance spécifique du langage, oral ou écrit.

Chapitre 1B. Les aires du langage : neurobiologie de la perception de la parole

B. L

ES AIRES DU LANGAGE

:

NEUROBIOLOGIE DE LA PERCEPTION DE LA