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B. L ES AIRES DU LANGAGE : NEUROBIOLOGIE DE LA PERCEPTION DE LA PAROLE

1. T RAITEMENT DU LANGAGE AU SEIN DU CORTEX CEREBRAL

1.4. R ESEAUX NEURONAUX IMPLIQUES DANS LA COMPREHENSION DE MOTS PARLES

RESEAUX COMMUNS A LA PERCEPTION DE SONS LANGAGIERS ET NON LANGAGIERS

Les travaux réalisés sur le traitement auditif de sons non langagiers ont fourni des indices importants pour comprendre les mécanismes corticaux sous-jacents à la perception de la parole. Avant de décrire ces mécanismes, nous allons donc brièvement nous intéresser au traitement cortical des stimuli non langagiers.

Une première observation importante est que le planum temporale bilatéral (région située sur la face dorsale du STG, postérieurement au cortex auditif primaire et partie intégrante de l’aire de Wernicke) est activé similairement pour des sons langagiers ou des tons purs (Binder, Frost, Hammeke, Rao, & Cox, 1996). Ceci suggère que cette partie est impliquée dans le traitement auditif précoce, remettant ainsi en cause les théories classiques lui conférant un rôle spécifique dans le traitement des sons du langage. D’autres travaux ont démontré l’implication du planum temporale dans l’imagerie mentale de sons, que ce soient des sons de parole ou non langagiers (Bunzeck, Wuestenberg, Lutz, Heinze, & Jancke, 2005 ; Halpern & Zatorre, 1999 ; Shergill, Bullmore, Simmons, Murray, & McGuire, 2000), lui attribuant également un rôle dans des traitements cognitifs de plus haut niveau.

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Concernant le traitement auditif, les résultats suggèrent une implication du cortex auditif primaire dans le traitement de stimuli auditifs simples ; de plus les traitements chemineraient des aires primaires vers des régions auditives latérales, antérieures et postérieures graduellement en fonction de la complexité des stimuli, comme nous l’avons déjà évoqué dans la partie B.2.2.1 de ce chapitre. Par exemple, des stimuli auditifs simples tels que des tons purs sont traités au niveau du gyrus temporal transverse (BA 41), des sons possédant un pattern acoustique discontinu dans le STG (BA 42), tandis que des sons avec des structures spectrales et temporelles complexes vont activer des zones latérales et ventrales, le STG (BA 22) et le MTG (BA 21 ; Mirz et al., 1999). Il a été également montré que le STG antérieur bilatéral est sensible à la complexité spectrale des stimuli (Zatorre & Belin, 2001) et serait aussi impliqué dans la ségrégation entre différents objets auditifs (Zatorre, Bouffard, & Belin, 2004). Enfin, une implication des régions auditives droites a été démontrée pour des sons environnementaux (Specht & Reul, 2003 ; Thierry & Price, 2006), des sons vocaux non linguistiques (Belin, Zatorre, & Ahad, 2002) ou les traitements prosodiques.

PERCEPTION DE MOTS (TRAITEMENT PHONOLOGIQUE)

Dans le cadre de cette thèse, nous nous attacherons spécifiquement à la compréhension de mots présentés de façon isolée, sans prendre en compte les traitements sémantiques en conditions phrastiques ou syntaxiques.

Lorsque l’on demande à un participant de répéter un mot entendu, une activation est observée au niveau des aires impliquées dans le traitement auditif : le cortex auditif primaire, l’aire de Wernicke, et la partie postérieure de l’aire de Broca (pars opercularis) et du cortex moteur ventral (McCrory, Frith, Brunswick, & Price, 2000). Les différentes composantes de ce réseau peuvent être étudiées séparément afin d’évaluer le rôle de chacune.

L’écoute spécifique d’un mot en comparaison avec un bruit va par exemple provoquer une activation bilatérale dans le STG antérieur et postérieur, le planum temporale, le sulcus temporal supérieur et le MTG (Mummery, Ashburner, Scott, & Wise, 1999 ; voir Figure 1.12).

Figure 1.12. Régions impliquées dans l’écoute d’un mot. Activations découlant du contraste ‘Ecoute d’un mot – Ecoute d’un bruit’. Tiré de Price, 2000.

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Lors de l’écoute passive d’un mot, il se produit au niveau du cortex auditif une analyse acoustique du signal. Ce traitement commence au niveau du gyrus de Heschl, et en direction du pôle temporal (Rauscheker & Scott, 2009). En progressant antérieurement et latéralement, les caractéristiques auditives sont combinées pour former des objets auditifs de plus en plus complexes. Par exemple, les parties antérieures et médianes du sulcus temporal supérieur répondent aux syllabes CV, et pourraient contenir des sous-régions sélectives pour des catégories de sons de paroles (Britton, Blumstein, Myers, & Grindrod, 2009 ; Leff et al., 2009). Les travaux de Wise et al. (2001) ont également montré une région postérieure du sulcus temporal supérieur impliquée dans la récupération de mots mémorisés. Les activations du STS/STG postérieur sont ainsi fortement dépendantes de la familiarité avec le mot entendu.

Une activation de l’IFG gauche a également été rapportée pour une discrimination phonétique (Zatorre, Evans, Meyer, & Gjedde, 1992). Il se produirait ainsi un traitement pré-lexical dans les régions temporales supérieures bilatérales et un recodage phonologique (articulation subvocale des sons de parole) dans l’IFG. Plus particulièrement, les activations frontales inférieures et pré-motrices seraient la conséquence de contrôles top-down régulant les régions temporales, et ce notamment dans des conditions difficiles, lorsque la parole est non familière ou ambigüe (Deheane-Lambertz et al., 2005 ; Price, 2012 ; Zekveld, Heslenfeld, Festen, & Schoonoven, 2006). Ainsi l’activation des zones pré-motrices gauches résulterait en de meilleures performances perceptives (Callan, Callan, Gamez, Sato, &

Kawato, 2010).

Pour résumer, le traitement phonologique de la parole résulterait d’un mécanisme d’intégration entre une analyse acoustique effectuée dans les régions temporales supérieures et le traitement articulatoire dans les régions frontales inférieures et pré-motrices.

COMPREHENSION DES MOTS PARLES : TRAITEMENT LEXICO-SEMANTIQUE

La compréhension du mot intervient lorsque le mot est reconnu et associé au sens. Le traitement lexico-sémantique peut être évalué en contrastant des conditions d’écoute de mots intelligibles avec des conditions d’écoute de mots inintelligibles, ou de pseudomots. Ce genre de contraste révèle une activation au niveau du STG antérieur (Friederici, Kotz, Scott,

& Obleser, 2010 ; Obleser & Kotz, 2010) ; une implication des régions postérieures du MTG et du sulcus temporal inférieur dans le traitement lexical a également été proposée (Hickok

& Poeppel 2007). Le traitement sémantique ferait intervenir le gyrus angulaire (Démonet, Price, Wise, & Frackowiak, 1994). Des travaux menés afin de mieux caractériser le rôle spécifique de chaque région dédiée au traitement sémantique, ont montré que l’activation de chacune dépendait de la tâche précise demandée aux participants. Ainsi, les aires temporales antérieures seraient liées aux associations sémantiques, tandis que des activations temporales médianes seraient plutôt liées à la charge sémantique durant des

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tâches d’écoute passive (Awad, Warren, Scott, Turkheimer, & Wise, 2007 ; Jobard, Vigneau, Mazoyer, & Tzourio-Mazoyer, 2007). Les régions ventrales de l’IFG gauche seraient, quant à elles, associées aux phénomènes de sélection et de récupération des représentations sémantiques (Price, 2012). Enfin le gyrus angulaire serait impliqué dans l’intégration multi-modale des caractéristiques sémantiques et dans les prédictions sur la nature sémantique des stimuli (Price, 2012).

Figure 1.13. Résumé des activations liées au traitement du langage trouvées dans les travaux de Price et ses collaborateurs. Les couleurs indiquent le type de tâche ayant provoqué les activations. En bleu, les aires activées par des stimuli auditifs. En rouge/brun : les aires activées par des stimuli visuels. En orange, les aires activées par la sélection d’une action (manuelle ou langagière). En rose et violet foncé, les aires activées par différentes contraintes sémantiques et syntaxiques. En vert, les aires impliquées dans la production du langage. En blanc, correspondant aux aires de Broca et de Wernicke, les aires impliquées à la fois dans les tâches de perception et de production de stimuli familiers. Tiré de Price, 2012.

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