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L’opportunité de plaider la coutume constitutionnelle à la suite du rapatriement

CHAPITRE III. L'OPPORTUNITÉ DE PLAIDER LA COUTUME

2. L’opportunité de plaider la coutume constitutionnelle à la suite du rapatriement

Ainsi que nous l’avons mentionné dans la partie précédente, les juges de la Cour suprême mentionnent dans le Renvoi de 1982 que la question constitutionnelle est devenue théorique car la Loi constitutionnelle de 1982 est désormais en vigueur. Qui plus est, sa légalité est incontestée et incontestable361. À la lumière de ces affirmations, nous

devons d’abord déterminer si le rapatriement de 1982 a eu pour effet d’empêcher tous recours ultérieurs visant à invalider la Loi constitutionnelle de 1982. Si tel n’est pas le cas, nous pourrons, par la suite, analyser les arguments légaux qui pourraient être invoqués afin d’invalider cette loi constitutionnelle.

Le premier argument qui pourrait être invoqué à l’encontre de la possibilité d’invalider de la Loi constitutionnelle de 1982 provient, par analogie, du droit français. En effet, plusieurs auteurs énoncent que l’adoption du Code civil, en 1804, aurait abrogé tout le droit antérieur et non consacré dans son texte pour former un code complet et uniforme362. À la lumière de cette affirmation, serait-il possible d’invoquer cette théorie,

par analogie, pour contester un recours visant à faire invalider la Loi constitutionnelle de 1982 ? Plusieurs motifs nous incitent à répondre par la négative à cette question.

360 Favreau, préc., note 124, p. 10 et 15 ; Hogg, préc., note 31, p. 330-332 ; Renvoi de 1981, préc., note 2,

p. 801 à 804. À ce sujet, nous traitons également de l’indépendance du Parlement canadien, des législatures provinciales et du Parlement britannique dans la partie 1 du chapitre II.

361 Renvoi de 1982, préc., note 7, p. 805-806.

362 À ce sujet, voir notamment : Marie-Claire Belleau, « Pouvoir judiciaire et codification : perspective

historique », (1997-1998) 28 R.D.U.S., par. 32 ; Juneau, préc., note 190, p. 102 et John E. C. Brierley, « The Civil Law in Canada », (1992), 84 Law Library Journal, p. 162-163.

D’emblée, nous devons spécifier que nous divergeons d’opinion avec les auteurs qui mentionnent que l’adoption du Code civil a abrogé tout le droit antérieur. En effet, d’après nous, le droit antérieur, qui comprend notamment les principes généraux du droit, la coutume, les lois romaines, les statuts et la jurisprudence, n’a pas été complètement abrogé. La lecture du Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil permet d’ailleurs de constater que ce droit conserve une fonction supplétive :

Comme ce Code ne renferme pas toutes les décisions justes et raisonnables que l'on trouve dans les lois romaines, les ordonnances et les coutumes, il s'ensuivrait que si on abrogeait toutes ces lois pour ne donner aux juges d'autre règle que le Code, on serait livré à l'arbitraire pour une infinité de contestations363.

Nous pouvons donc observer que le droit antérieur à l’adoption du Code civil n’a été abrogé que dans les matières qui y sont expressément prévues364. Pour s’en

convaincre, précisons que l’article 593 du Code civil, adopté en 1804 et toujours en vigueur à ce jour, établit, à propos des droits relatifs à l’usufruitier, qu’« [il] peut prendre, dans les bois, des échalas pour les vignes ; il peut aussi prendre, sur les arbres, des produits annuels ou périodiques ; le tout suivant l'usage du pays ou la coutume des propriétaires ». De même, l’article 2511 alinéa 4, adopté en 2006, précise, à propos du livre foncier de Mayotte, que « [l]es droits collectifs immobiliers consacrés par la coutume ne sont pas soumis au régime de l’immatriculation365 ». La lecture de ces

articles montre, encore une fois, que le Code civil n’abroge pas entièrement le droit antérieur à son adoption et qu’il y fait toujours référence à ce jour. Ce constat correspond d’ailleurs à ce que nous observons en droit civil québécois366.

363 P.-A. Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. 1, Osnabrück, O. Zeller, 1968,

LXXXI. À ce propos, il est possible de lire dans Observations du Tribunal de cassation sur le projet de Code

civil, Paris, Imprimerie de la République, An X (1801-1802) que ce tribunal propose que l’article IV soit

rédigé ainsi : « Le droit intérieur et particulier de chaque peuple se compose en partie du droit universel, en partie des lois qui lui sont propres, et en partie de ses coutumes et usages, qui ne doivent et ne

peuvent être que le supplément des lois ».

364 P.-A. Fenet, Ibid., p. LXXXV.

365 Le Département de Mayotte est un département d’outre-mer français de l’océan indien situé dans

l’archipel des Comores.

366 Juneau, préc., note 190, p. 97-121 montre que l’adoption du Code civil du Bas-Canada en 1866 n’a pas

D’autres motifs nous incitent à exclure la référence, par analogie, à l’adoption du Code civil pour valider la thèse selon laquelle la légalité de la Loi constitutionnelle de 1982 serait incontestée et incontestable. D’abord, comme nous l’avons précisé, la Constitution canadienne repose sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni en vertu du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867. À ce titre, il peut s’avérer inapproprié de se référer aux principes du droit civil français pour interpréter le droit constitutionnel canadien. En effet, le premier est en majeure partie codifié tandis que le second repose, dans une large mesure, sur des principes constitutionnels dégagés à partir de la common law ou encore sur des règles non écrites telles que la coutume et la convention. De plus, tel que nous venons de le mentionner, le Code civil forme un code complet et uniforme dans les matières qui y sont expressément prévues. Ce n’est pas le cas de la Loi constitutionnelle de 1982 qui complète le droit antérieur à son adoption sans l’abroger367.

Un second argument pourrait être invoqué visant à contrer un recours pour faire invalider la Loi constitutionnelle de 1982. En effet, il pourrait être possible de prendre appui sur les motifs énoncés dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec pour affirmer que les tribunaux ne doivent pas s’immiscer dans les aspects politiques des négociations constitutionnelles puisqu’« [u]ne fois établi le cadre juridique, il appartiendrait aux dirigeants démocratiquement élus des divers participants de régler leur différends368 ». Or, tel que nous l’avons précisé précédemment, la procédure de

modification constitutionnelle est d’ordre juridique369. Qui plus est, dans le Renvoi de

1981, les juges de la Cour suprême se prononcent sur la légalité de la modification de la Constitution et du rapatriement de 1982, sans toutefois aborder la coutume analysée dans

367 À ce sujet, le paragraphe 52 (2) de la Loi constitutionnelle de 1982 énonce que la Constitution du

Canada comprend les lois figurant à l’annexe de cette loi.

368 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 14, par. 101.

369 Supra, chapitre II, partie 2.2. À ce propos, les juges de la Cour suprême énoncent d’ailleurs dans le

Renvoi relatif à la sécession du Québec, Ibid, par. 102 que « La non-justiciabilité de questions politiques

dénuées de composante juridique ne retire pas au cadre constitutionnel existant son caractère impératif et ne signifie pas non plus que les obligations constitutionnelles pourraient être violées sans entraîner de graves conséquences juridiques ».

la présente étude370. En conséquence, une nouvelle question d’ordre juridique portant sur

les mêmes faits devrait être analysée par les tribunaux371.

Choudhry et Howse critiquent d’ailleurs le fait que la Cour suprême soumet entièrement la révision du processus de négociation constitutionnelle aux institutions politiques dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec, et ce, même si des aspects légaux sont présents. Selon eux, cette position accroît la pression sur le processus démocratique. Ainsi qu’ils l’expliquent, en refusant totalement d’intervenir lorsque les parties lui soumettent un litige en raison de positions irréconciliables, la Cour suprême peut accroître les coûts de transaction372 des négociations visant à établir de nouvelles

règles qui seront éventuellement appliquées par les tribunaux. Enfin, Choudhry et Howse mentionnent qu’il peut arriver que des interprétations politiques soient invalides en regard du droit constitutionnel existant ainsi que ce fut le cas, selon nous, lors du rapatriement de la Constitution de 1982. Dans ces cas, les tribunaux doivent intervenir lorsqu’une question d’ordre juridique leur est soumise afin de s’assurer que les acteurs politiques agissent de manière conforme au cadre juridique constitutionnel373.

En ce qui concerne les motifs pour lesquels il serait, selon nous, toujours possible de faire invalider la Loi constitutionnelle de 1982, nous devons d’abord indiquer que la légalité d’une modification constitutionnelle en droit canadien nécessite le respect des règles constitutionnelles qui prévalent à ce moment. Cette règle découle de la primauté du droit qui prévoit que l’État n’agit que par le droit édicté, que nul n’est au-dessus du droit

370 À ce propos, les juges majoritaires et minoritaires ont analysé l’aspect juridique du rapatriement dans

la partie I du Renvoi de 1981, préc., note 2 que nous trouvons aux pages 762 à 848.

371 À titre d’exemple, la Cour suprême s’est prononcée à trois occasions sur des questions juridiques

portant sur la fermeture du magasin Wal-Mart de Jonquière de 2005 à la suite de l’accréditation syndicale des travailleurs de l’établissement en 2004. À ce propos, voir : Plourde c. Compagnie Wal-Mart du Canada

Inc., [2009] 3 R.C.S. 465 ; Desbiens c. Compagnie Wal-Mart du Canada, [2009] 3 R.C.S. 540 ; Travailleurs et

travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 503 c. Compagnie Wal-Mart du

Canada, [2014] CSC 45.

372 Ronald H. Coase, « The Problem of Social Cost », (1960) 3 Journal of Law and Economics, p. 1-44

énonce notamment que l’intervention étatique peut se justifier par la théorie économique, mais seulement à deux conditions : 1) il faut d'une part que les coûts de transaction engendrés par la réglementation soient eux-mêmes inférieurs aux coûts de transaction engendrés par les autres solutions n'impliquant pas l'intervention de l'État et ; 2) il faut d'autre part que l'action produise des bénéfices supérieurs à ces coûts de transaction, sans quoi l'intervention de l'État engendrerait une perte nette.

et qu’ un contrôle effectif de la constitutionnalité et de la légalité des actes normatifs existe374.

La primauté du droit est reconnue dans les Lois constitutionnelles de 1867 et de 1982. Cette règle est un principe fondamental de la Constitution canadienne375. À titre

illustratif, nous avons mentionné précédemment que la Loi constitutionnelle de 1867 devait respecter les dispositions du Colonial Laws Validity Act de 1865 pour être valide au moment de son adoption376. De même, dans le contexte constitutionnel actuel, une

modification à la procédure de modification de la Constitution qui serait adoptée sans l’assentiment unanime des provinces et du gouvernement fédéral pourrait être invalidée par les tribunaux377. Ainsi, force est d’admettre, par analogie, que la légalité de l’adoption

de la Loi constitutionnelle de 1982 peut être contestée en vertu des normes juridiques, telles que la coutume, qui prévalaient au point de vue constitutionnel avant le rapatriement.

À ce propos, certaines déclarations des premiers ministres canadien et britannique montrent qu’il serait possible de faire invalider la Loi constitutionnelle de 1982 par les tribunaux canadiens, et ce, même après le rapatriement de 1982. À titre d’exemple, le premier ministre Trudeau déclare, le 20 novembre 1980, lors d’un débat à la Chambre des communes portant sur le Projet de résolution portant adresse commune à Sa Majesté la Reine concernant la constitution du Canada que « […] [n]ous devrions commencer par rapatrier la constitution et adopter une déclaration des droits. Ensuite, si un citoyen ou un gouvernement provincial se sentent lésés par cette mesure et estiment qu'elle est entachée

374 Duplé, préc., note 13, p. 94-95.

375 Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba, [1985] 1 R.C.S. 721, par. 63 et 64. Ce principe est reconnu

implicitement dans la Loi constitutionnelle de 1867 en vertu des mots suivants du préambule « avec une constitution reposant sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni ». Or, Dicey, préc., note 156, p. 183, énonce que la primauté du droit a toujours été considéré comme le fondement même de la Constitution anglaise qui caractérise les institutions politiques d’Angleterre depuis l’époque de la conquête normande. La Loi constitutionnelle de 1982, pour sa part, reconnaît explicitement la primauté du droit dans son préambule qui déclare : « Attendu que le Canada repose sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ».

376 Supra, chapitre II, partie 1.1.

d'illégalité, […] ils n'auront qu'à présenter leurs arguments aux tribunaux378 ». De même,

dans une lettre de Margaret Thatcher à René Lévesque, datée du 14 janvier 1982, celle-ci indique que les procédures judiciaires ultérieures concernant la validité du rapatriement doivent être réglées au Canada379.

Nous devons à présent nous demander si un délai de prescription existe pour faire invalider une loi constitutionnelle. À ce propos, dans le Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba de 1985, les juges de la Cour suprême déclarent invalides les lois manitobaines unilingues adoptées depuis 1890380. Qui plus est, dans l’arrêt Manitoba Metis Federation

Inc. C. Canada (Procureur général), le même tribunal énonce que « les lois sur la prescription des actions ne peuvent empêcher les tribunaux de rendre un jugement déclaratoire sur la constitutionnalité de la conduite de la Couronne381 ». Nous constations

donc que les recours portant sur la constitutionnalité d’une loi ou sur la conduite de la Couronne sont imprescriptibles.

Il est également possible d’évoquer que le Renvoi de 1981 et le Renvoi de 1982 ne peuvent, par leur nature même, avoir l’autorité de la chose jugée, même si en pratique les différents gouvernements s’y conforment comme s’il s’agissait de jugements382. En effet,

le renvoi est un avis consultatif qui permet à la Cour suprême de transmettre son avis sur

378 Débats de la Chambre des communes, 32e Législature, 1ère Session, vol. 5, 26 novembre 1980, p. 5092.

Le premier ministre Trudeau fera une autre déclaration en ce sens le 2 février 1981. À ce propos, voir

Ibid., vol. 6, 2 février 1981, p. 6773. Rappelons également que nous avons cité une déclaration du premier

ministre Louis-Stephen St-Laurent, au cours de la partie 2.3.5 du chapitre II, réalisée en 1949, à la suite de l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord (no 2), dans laquelle il indique que les assemblées législatives

provinciales pourraient contester devant les tribunaux les modifications constitutionnelles qui empièteraient sur les pouvoirs qui leurs sont dévolus sans leur consentement.

379 Marianopolis College, Lettre du premier ministre René Lévesque à Mme Margaret Thatcher, première

ministre de Grande-Bretagne, le 19 décembre 1981, et réponse de celle-ci, le 14 janvier 1982, préc.,

note 30. Dans la réponse de Margaret Thatcher, elle écrit : «Given the terms of the judgment of the Supreme Court of Canada on 28 September 1981 and the fact that an address has been submitted to Her Majesty I am satisfied that existence of further legal proceedings in Canada of the kind to which you refer is entirely a Canadian matter ».

380 Renvoi : Droits linguistiques au Manitoba, préc., note 375.

381 Manitoba Metis Federation Inc. c. Canada (Procureur général), [2013] 1 R.C.S. 623, par. 135.

382 À ce sujet, voir : Gérald A. Beaudoin, « Le contrôle judiciaire de la constitutionnalité des lois », (2003),

48, R.D. McGill, par. 14 à 17 ; Stéphane Bernatchez, « Les traces de la légitimité du débat de la justice constitutionnelle dans la jurisprudence de la Cour suprême du Canada », (2005-2006), R.D.U.S., par. 52-53 et Brun, Tremblay et Brouillet, préc., note 15, p. 849.

chaque question d’ordre constitutionnel qui lui est soumise par le gouverneur en conseil 383 . Un gouvernement provincial peut également déférer une question

constitutionnelle par renvoi à la cour d’appel de sa province. Celui-ci peut être interjeté en appel devant la Cour suprême384.

Le 25 janvier 1940, le premier ministre Mackenzie King a l’occasion de se prononcer à la Chambre des communes sur l’utilité du renvoi constitutionnel devant la Cour suprême. Il affirme à cette occasion qu’il s’agit d’une procédure qui permet à ce tribunal de « se prononcer définitivement sur une question afin d’éviter des frais inutiles ainsi que l’inconvénient et les ennuis qui résultent de l’annulation ultérieure de toute loi385 ». Les juges de la Cour suprême ont également traité de la nature du renvoi

constitutionnel dans le Renvoi relatif à la sécession du Québec. Ils y énoncent que ce rôle consultatif attribué à la Cour suprême est « très clairement une fonction accomplie en dehors des procédures contentieuses386 ». Nous constatons donc qu’il y a une dichotomie

entre l’utilité et la nature du renvoi constitutionnel devant la Cour suprême. D’une part, il est de facto considéré comme un véritable jugement ayant une utilité réelle. D’autre part, il ne s’agit de jure que d’un avis consultatif. Pour cette raison, le Renvoi de 1981 et le Renvoi de 1982 ne peuvent légalement avoir l’autorité de la chose jugée quoique tous les justiciables s’y conforment en pratique.

La situation est toutefois plus complexe en ce qui concerne les deux renvois effectués par le gouvernement québécois devant la Cour d’appel du Québec au moment du rapatriement. En effet, la Loi sur les renvois à la Cour d’appel ne prévoyait pas à ce moment que l’opinion certifiée de cette cour devait être considérée comme un jugement387. Or, pour pouvoir interjeter appel de ces renvois devant la Cour suprême, ils

383 Loi sur la Cour suprême, L.R.C. 1985, ch. S-26, art. 53.

384 Pour la province de Québec, voir : Loi sur les renvois à la Cour d’appel, RLRQ, 1977, c. R-23. 385 Débats de la Chambre des communes, 18e Législature, 6e Session, vol. 2, 25 juin 1940, p. 1152. 386 Renvoi relatif à la sécession du Québec, préc., note 14, par. 15.

387 L’article 5.1 de l’actuelle Loi sur les renvois à la Cour d’appel, préc., note 384, qui prévoit que les

opinions exprimées par la Cour d’appel du Québec doivent être considérées comme des jugements, n’a été adopté qu’en 1987.

devaient être assimilés à des jugements ayant l’autorité de la chose jugée388. Pour

remédier à cette lacune, le gouvernement québécois adopta donc deux lois pour que les renvois devant la Cour d’appel du Québec de 1981 et de 1982 soient considérés comme des jugements389. Cependant, les juges de la Cour d’appel du Québec ne font aucunement

mention de ces deux lois dans les renvois de 1981 et en 1982, et ce, malgré qu’ils justifient leur devoir de répondre aux questions qui leur sont soumises par certains articles de la Loi sur les renvois à la Cour d’appel390.

Dans l’éventualité d’un recours ou d’un renvoi ultérieurs fondés sur la coutume constitutionnelle, la Cour d’appel du Québec devrait tout de même, selon nous, respecter certains éléments énoncés par les juges majoritaires dans le Renvoi de 1981 puisque ses avis ont été interjetés en appel devant la Cour suprême. Ainsi, elle devrait prendre en compte les précédents positifs et négatifs retenus dans ce renvoi pour établir le degré d’assentiment provincial nécessaire pour rapatrier la Constitution. De cette manière, toute contradiction à ce sujet serait évitée.

Cette difficulté, plus théorique que réelle, pourrait être contournée par d’autres motifs permettant d’invoquer l’absence d’autorité de la chose jugée. Il est ainsi possible d’alléguer qu’un éventuel recours fondé sur la coutume constitutionnelle pour faire invalider la Loi constitutionnelle de 1982 ne porterait pas sur le même objet. En effet, pour qu’il y ait identité d’objet et que l’autorité de la chose jugée puisse s’appliquer, le point que l’on demande de déclarer irrecevable doit manifestement avoir été tranché nettement et clairement, et ce, à titre d’étape fondamentale dans la logique de la décision rendue391. De même, l’omission du juge de statuer sur un point en litige ouvre la porte à

une nouvelle demande392. En l’espèce, le Renvoi de 1981 ne traite pas de la validité du

388Loi sur la Cour suprême, préc., note 383, art. 36.

389 Loi sur un renvoi à la Cour d’appel, L.Q. 1980, c. 24, art. 1 et Loi sur un renvoi à la Cour d’appel, L.Q.

1981, chap. 17, art. 1.

390 Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution, préc., note 1, (motifs de M. le juge en chef Crête) et

Re : Opposition à une résolution pour modifier la constitution, préc., note 6.

391 Kaufman, Admissibility of Confessions, 3e éd. (1979), p. 63 (Cité dans Duhamel c. La Reine, [1984] 2

R.C.S. 555, p. 559.

392 Juris-Classeur Civil (vo. Contrats—Obligations en général—Div. 155, art. 1351, nos. 57 et 107) (Cité

rapatriement constitutionnel du point de vue coutumier, et ce, même si certaines questions soumises sont formulées en termes assez larges pour que cette source de droit