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CHAPITRE II. LA COUTUME À TITRE DE SOURCE DE DROIT APPLICABLE

1. Le contexte constitutionnel canadien de 1867 à 1982

2.2. L’application de la coutume en regard du rapatriement de 1982

Après avoir établi les distinctions entre la convention et la coutume constitutionnelle, nous devons déterminer s’il aurait été possible d’appliquer cette dernière source de droit à l’égard du rapatriement de 1982. Pour ce faire, nous devons d’abord montrer que la procédure pour modifier et rapatrier la Constitution antérieurement au rapatriement de 1982 doit être analysée du point de vue juridique. Par la suite, il sera possible de se prononcer sur l’existence d’une coutume constitutionnelle exigeant l’unanimité des provinces pour modifier et rapatrier la Constitution à la lumière des motifs énoncés dans le Renvoi de 1981.

2.2.1. L’aspect juridique de la modification et du rapatriement de la Constitution

Avant 1982, il était déjà reconnu par les acteurs politiques que la procédure de modification constitutionnelle constitue une partie importante du cadre juridique normalement intégré à la constitution d’un État. À ce sujet, le Livre blanc de 1965 énonce que « [l]a méthode prévue pour la modification de la constitution est généralement un aspect essentiel du droit qui régit un pays. Cela est particulièrement vrai dans un texte officiel, comme c’est le cas dans des États fédéraux tels l’Australie, les États-Unis et la Suisse. Dans ces pays, la formule de modification est une partie importante de l’acte

constitutif192 ». D’ailleurs, la volonté du gouvernement fédéral d’inclure une procédure

générale de modification constitutionnelle écrite dans la Constitution est clairement une indication en ce sens193. Celle-ci fait d’ailleurs partie intégrante du processus de

rapatriement de la Constitution, et ce, même avant 1982. Le ministre de la Justice du Canada Guy Favreau le reconnaît en ces mots à la Chambre des communes, en réponse à des questions portant sur la Conférence de Charlottetown de juillet 1964 :

Comment arriverons-nous à faire du document connu sous l'appellation Acte de l'Amérique du Nord britannique, un document vraiment canadien, en pourvoyant à ce que les structures qu'il consacre puissent être modifiées exclusivement au Canada? Voilà certes la principale question d'ordre

juridique qui nous intéresse comme législateurs194.

De ce fait, il est donc tout à fait cohérent que les questions soumises aux juges de la Cour suprême dans le Renvoi de 1981 abordent l’aspect juridique de la modification et du rapatriement constitutionnel. En répondant à ces questions, ces derniers reconnaissent à la fois qu’elles doivent être traitées du point de vue juridique et que le pouvoir judiciaire est habilité pour émettre des avis et juger des litiges qui les concernent195. D’ailleurs, les

juges majoritaires admettent que certaines questions portant sur l’aspect juridique de la modification et du rapatriement de la Constitution « soulèvent des points justiciables des tribunaux et […] qu’il faut y répondre puisqu’elles contiennent des points de droit196 ».

La coutume constitutionnelle abordée dans cette étude n’a pourtant pas été traitée dans la partie du Renvoi de 1981 portant sur l’aspect juridique. De manière précise, les juges majoritaires y énoncent que la convention constitutionnelle ne peut se cristalliser en règle de droit. De plus, ils établissent que les deux chambres du Parlement fédéral ont le pouvoir d’adopter leurs propres procédures, ce qui comprend les résolutions. En outre, ils

192 Favreau, préc., note 124, p. 10-11.

193 Des règles codifiées de modification constitutionnelle ont été intégrées à la Constitution lors du

rapatriement de 1982. À ce sujet, voir la Loi constitutionnelle de 1982, préc., note 4, art. 38 et suiv.

194 Débats de la Chambre des communes, 26e Législature, 2e Session, vol. 8, 30 septembre 1964, p. 8777

(l’italique est de nous).

195 Dans le Renvoi de 1981, préc., note 2, p. 762 à 848, les juges majoritaires et minoritaires se prononcent

sur l’aspect juridique du rapatriement constitutionnel en réponse aux questions 1 et 3 des renvois du Manitoba et de Terre-Neuve, de la question 4 du renvoi de Terre-Neuve, de la question A du renvoi du Québec et de l’aspect juridique de la question B de ce renvoi.

196 Ibid., p. 768 (Partie I sur l’aspect juridique - motifs du juge en chef Laskin et des juges Dickson, Beetz,

mentionnent que le pouvoir du Parlement canadien n’a aucun effet sur les pouvoirs du Parlement de Westminster de donner suite aux résolutions197. Pour leur part, les juges

minoritaires indiquent que la modification et le rapatriement constitutionnel sans l’accord unanime des provinces contreviennent aux pouvoirs qui leur sont conférés dans la Loi

constitutionnelle de 1867 et qui sont reconnus dans le Statut de Westminster de 1931198.

De même, la présence de la coutume traitée dans le présent texte n’est pas abordée dans la partie du Renvoi de 1981 portant sur l’aspect conventionnel199. Pourtant, les juges

majoritaires et minoritaires y abordent la question B du renvoi du Québec. Celle-ci contient la mention ou autrement parmi les sources de droit pouvant s’appliquer au rapatriement, ce qui ouvre théoriquement la porte à une discussion sur la coutume constitutionnelle200. Toutefois, l’argumentation présentée dans le factum du Québec ne

concerne que la convention constitutionnelle, ce qui n’oblige pas la Cour suprême à se prononcer sur la question201. Quant aux questions posées par les autres provinces, elles ne

contiennent aucune référence explicite à l’existence d’une coutume constitutionnelle202.

À la lumière de ce que nous venons d’exposer, nous constatons que la procédure de modification constitutionnelle antérieure au rapatriement doit être considérée du point de

197 Ibid., p. 762 à 848 (Partie I sur l’aspect juridique - motifs du juge en chef Laskin et des juges Dickson,

Beetz, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer).

198 Ibid., p. 847-848 (Partie I portant sur l’aspect juridique - opinion minoritaire des juges Martland et

Ricthie).

199 À ce sujet, voir : Ibid., p. 849-910 (partie II portant sur l’aspect conventionnel). Les juges majoritaires et

minoritaires traitent de la question 2 des renvois du Manitoba et de Terre-Neuve et de la question B du renvoi du Québec.

200 Ibid., p. 757. Cette question est formulée ainsi : «La constitution canadienne habilite-t-elle, soit par

statut, convention ou autrement, le Sénat et la Chambre des communes du Canada à faire modifier la constitution sans l’assentiment des provinces et malgré l’objection de plusieurs d’entre elles […] canadienne? »

201 Procureur général du Québec, préc., note 134.

202 Renvoi de 1981, préc., note 2, p. 756 à 758. Un mémorandum rédigé le 30 août 1980 par le conseiller

politique du premier ministre Trudeau, Michael Kirby, nous permet de connaître la position défendue par le gouvernement fédéral avant le Renvoi de 1981 sur la question du rapatriement constitutionnel. Dans ce document, il est mentionné que la validité du rapatriement ne pourrait être attaquée devant les tribunaux car le pouvoir de rapatrier la Constitution est détenu par le Parlement de Westminster qui doit agir à la demande du Parlement canadien. En droit interne canadien, ce mémorandum situe la question du rapatriement au niveau conventionnel. Il évoque quatre arguments principaux en vertu desquels une convention constitutionnelle s’appliquant au rapatriement ne peut être reconnue. Pour davantage d’informations à ce sujet, voir : Marianopolis College, Highlights of the Kirby Memorandum, [En ligne], [http://faculty.marianopolis.edu/c.belanger/quebechistory/docs/1982/17.htm] (28 novembre 2014).

vue juridique. La coutume abordée au cours de cette étude est donc une source de droit pertinente en regard du rapatriement, et ce, malgré qu’elle ne soit pas formellement analysée dans le Renvoi de 1981203. À ce propos, Owen Woods Phillips et Carleton

Kemp Allen affirment que certaines questions constitutionnelles en Angleterre pourraient toujours être jugées selon des principes inhérents au droit coutumier dans certaines situations précises204. Les remarques de ces auteurs valent tout autant en droit canadien

puisque le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 établit que la Constitution canadienne repose sur les mêmes principes que celle du Royaume-Uni205. D’ailleurs, la

coutume est reconnue dans la Charte canadienne des droits et libertés206. En outre, la

Cour suprême reconnaît dans le Renvoi de 1981 qu’il est possible que les usages émanant de la pratique puissent se cristalliser en règle de droit en matière constitutionnelle207. Elle

cite le jugement du Comité judiciaire du Conseil privé dans l’Affaire des Conventions de travail de 1937, qui s’exprime comme suit à propos de l’obligation du gouverneur général en conseil du Canada de conclure un traité ou d’accepter une obligation internationale envers un État étranger :

[…] Tout d’abord, le droit constitutionnel est très largement formé d’usages constitutionnels établis auxquels les tribunaux reconnaissent la valeur d’une règle de droit. […] Le Dominion a pour pratique de conclure des conventions de cette nature avec des pays étrangers, et des conventions d’un

203 Pour ce faire, précisons que les critères matériels de la coutume sont abordés à la partie 2.1 du présent

chapitre tandis que l’aspect psychologique est traité à la partie 2.3.

204 Supra, chapitre I, partie 2.2.

205 En 2014 et 2015, la coutume était toujours utilisée dans de nombreux jugements de tribunaux

canadiens pour analyser divers aspects du droit constitutionnel. À titre illustratif, un dépouillement sélectif permet notamment de relever les jugements suivants : Huron-Wendat Nation of Wendake c.

Canada, 2014 CF 1154 ; Band (Eeyouch) c. Napash, 2014 QCCQ 10367 ; Felix c. Sturgeon Lake First Nation,

2014 CF 911 ; Chef Gayle Strikes With a Gun c. Conseil de la Première Nation des Piikani, 2014 CF 908 ;

Uashaunnuat (Innus de Uashat et de Mani-Utenam) c. Compagnie minière IOC inc. (Iron Ore Company of Canada), 2014 QCCS 4403 ; Nation Tsilhqot’in c. Colombie-Britannique, 2014 CSC 44 ; Munyaneza c. R.,

2014 QCCA 906 ; Canada (Affaires indiennes) c. Daniels, 2014 CAF 101 ; Boisclair c. Duchesneau, 2014 QCCS 767 ; R. c. Caron, 2014 ABCA 71 (appel rejeté dans Caron c. Alberta, 2015 CSC 56) ; École secondaire

Loyola c. Québec (Procureur général), 2015 CSC 12. De manière succincte, notons que les sujets abordés

dans ces jugements sont les suivants : l’analyse de coutumes des peuples autochtones liées à des revendications fondées sur l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, le recours à la coutume internationale et à la Charte canadienne des droits et libertés afin de déterminer la validité de poursuites criminelles au Canada pour des allégations de crimes de guerre commis à l’étranger, l’analyse de la coutume pour traiter des origines de l’immunité parlementaire au Canada ainsi que l’examen de la coutume dans le cadre de revendications linguistiques et religieuses.

206 Charte canadienne des droits et libertés, préc., note 5, art. 22.

207 Renvoi de 1981, préc., note 2, p. 777 (Partie I sur l’aspect juridique - motifs du juge en chef Laskin ainsi

type encore moins formel, simplement par un échange de notes. Les conventions conclues sous les auspices de l’Organisation du travail de la Ligue des Nations sont invariablement ratifiées par le gouvernement du Dominion en cause. En règle générale, la cristallisation de l’usage constitutionnel en une règle de droit constitutionnel à laquelle les tribunaux donneront effet, est un processus lent qui s’étend sur une longue période; mais la Grande guerre a accéléré le rythme dans ce domaine et apparemment les usages dont j’ai parlé, la pratique, en d’autres termes, en vertu de laquelle la Grande-Bretagne et les Dominions concluent des conventions avec des pays étrangers sous forme de conventions entre gouvernements et celles d’un type encore moins formel, doit être reconnue par les tribunaux comme ayant

force de loi.208

Cette citation met déjà la table pour la prochaine partie. D’une part, les juges majoritaires indiquent que la cristallisation de l’usage constitutionnel en règle de droit est un processus qui s’est accéléré pendant la période visée par cette étude. D’autre part, la dernière phrase énonce sans ambiguïté que la pratique qui concerne les conventions entre gouvernements signées par la Grande-Bretagne et les dominions et celles d’un type encore moins formel doivent être reconnues comme ayant force de loi. Au moment du rapatriement, la Cour suprême connaît donc cette règle juridique. En effet, le Renvoi de 1981 cite un jugement du Comité judiciaire du Conseil privé de 1937 qui en fait l’analyse.

2.2.2. L’analyse des motifs du Renvoi : Résolution pour modifier la Constitution de 1981 en regard du droit coutumier canadien

Afin de déterminer si l’accord unanime des provinces était nécessaire pour que le fédéral puisse modifier et rapatrier la Constitution lorsque leurs pouvoirs étaient touchés, il est impératif de s’attarder aux modifications de la Constitution canadienne réalisées de 1867 à 1982. Dans le Renvoi de 1981, les juges majoritaires de la Cour suprême les analysent de manière exhaustive afin de déterminer si la première condition relative à l’existence d’une convention constitutionnelle nécessitant l’accord des provinces pour

208Affaire des Conventions de travail, [1937] A.C. 326, p. 476-478 (citée dans le Renvoi de 1981, préc.,

modifier la Constitution est remplie209. Cette analyse doit absolument être prise en

considération dans le cas de la coutume constitutionnelle. En effet, tel que nous l’avons spécifié précédemment, la convention et la coutume reposent toutes deux sur l’existence de précédents. Ce sont les autres critères permettant de prouver leur existence respective énoncés par les juges majoritaires qui sont différents. Précisons, enfin, que l’exégèse du Renvoi de 1981 permettra de montrer que les motifs qu’ils ont rendus remplissent les critères énoncés par les auteurs de doctrine et par les tribunaux canadiens relativement à l’existence d’une coutume constitutionnelle.

Pour réaliser cet exercice, les juges majoritaires de la Cour suprême distinguent trois catégories de modifications constitutionnelles. La première regroupe des modifications qu’une législature provinciale peut faire seule en vertu du paragraphe 92(1) de la Loi constitutionnelle de 1867, la deuxième comprend celles que le Parlement du Canada peut réaliser sans l’intervention des provinces en vertu du paragraphe 91(1) de la même loi et la troisième vise toutes les autres modifications210. La Cour suprême précise

par la suite, en prenant appui sur le Renvoi sur la compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, qu’elle doit se limiter à l’examen des modifications de la troisième catégorie, car celles-ci ont « un effet direct sur les relations fédérales-provinciales en ce sens qu’elle[s] … modifie[nt] … les pouvoirs législatifs fédéral et provinciaux …211 ». La

Cour suprême établit cette position en insistant sur le fait que la charte des droits que l’on voudrait intégrer à la Constitution restreint les pouvoirs législatifs du Parlement fédéral et des législatures provinciales. De plus, la formule de modification, qui y serait également intégrée, permettrait la modification de la Constitution, y compris la répartition des pouvoirs législatifs. Elle mentionne, enfin, pour justifier sa position que les projets de modification inhérents au rapatriement « ont le plus direct des effets sur les relations fédérales-provinciales en modifiant les pouvoirs législatifs et en fournissant une formule pour effectuer ce changement212 ».

209 Renvoi de 1981, Ibid., p. 886-896 (Partie II sur l’aspect conventionnel - motifs des juges Martland,

Ritchie, Dickson, Beetz, Chouinard et Lamer).

210 Ibid., p. 886.

211 Renvoi : Compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, préc., note 35, p. 65.

212 Renvoi de 1981, préc., note 2,p. 887 (Partie II sur l’aspect conventionnel - motifs des juges Martland,

Dans les paramètres que se sont fixés les juges majoritaires de la Cour suprême, ces derniers font état de 22 modifications constitutionnelles apportées de 1868 à 1964 au Canada213. Parmi celles-ci, ils établissent que cinq d’entre elles constituent des précédents

positifs qui ont un effet direct sur les relations fédérales-provinciales. Ces modifications sont : (1) celle de 1930, par laquelle les provinces de l’Ouest ont reçu la propriété et le contrôle administratif de leurs ressources naturelles, ce qui a assuré leur égalité avec les colonies qui se sont unies à l’origine; (2) l’adoption du Statut de Westminster de 1931, qui autorise, d’une part, le Parlement et les législatures à abroger toutes les lois du Royaume-Uni faisant partie du Canada et qui permet, d’autre part, au Parlement d’adopter des lois de portée extra territoriale; (3) la modification de 1940 qui transfère les pouvoirs provinciaux en matière d’assurance-chômage au Parlement fédéral; (4) celle de 1951 qui autorise le Parlement fédéral à légiférer concurremment avec les provinces sur les pensions de vieillesse ; et (5) celle de 1964 qui accorde au Parlement fédéral la compétence exclusive pour légiférer en matière de pensions de vieillesse et de prestations additionnelles.

Les juges majoritaires de la Cour suprême statuent alors que ces cinq précédents positifs ont tous reçu l’approbation de chaque province dont le pouvoir législatif était touché214. La modification de 1940 portant sur l’assurance-chômage est particulièrement

pertinente pour démontrer les conclusions des juges majoritaires. En effet, dès novembre 1937, le gouvernement fédéral est entré en contact avec les provinces pour leur demander leur avis de principe215. Cependant, il a dû attendre juin 1940 avant que l’ensemble des

neuf provinces d’alors consente au projet de modification. Ce précédent positif montre à quel point l’assentiment de toutes les provinces était nécessaire avant de modifier les pouvoirs législatifs dans les rapports fédéraux-provinciaux. En effet, pourquoi, dans le contexte de la crise économique des années 1930, de la Seconde Guerre mondiale et des

213 Ibid., p. 888- 891. 214 Ibid., p. 893.

215 En 1936 et 1937, la Cour suprême et le Comité judiciaire du Conseil privé ont respectivement déclaré

inconstitutionnelle la Loi sur le placement et les assurances sociale,S.C. 1935, ch. 38, qui prévoit une aide financière directe à certaines catégories de chômeurs. Cette loi fut adoptée unilatéralement par le gouvernement conservateur de Bennett en 1935. À ce sujet, voir infra, chapitre II, partie 2.3.4.

recommandations de la Commission royale d'enquête des relations entre le Dominion et les provinces (commission Rowell-Sirois) favorable au transfert de la responsabilité en matière d’assurance-chômage au gouvernement fédéral, celui-ci aurait-il attendu trois ans avant de modifier les pouvoirs législatifs fédéraux et provinciaux s’il avait le pouvoir de le faire unilatéralement216 ?

Les juges majoritaires de la Cour suprême s’intéressent par la suite aux précédents négatifs, c’est-à-dire à ceux pour lesquels l’accord unanime des provinces n’a pas été obtenu217. Ils constatent que ces précédents sont encore plus éloquents pour établir la

nécessité d’obtenir l’accord de toutes les provinces avant de procéder à des modifications constitutionnelles qui auraient des incidences sur les pouvoirs législatifs fédéraux et provinciaux. À ce sujet, ils rappellent qu’en 1951 l’Ontario et le Québec s’opposèrent à un projet de modification pour donner aux provinces un pouvoir limité en matière de taxation indirecte, ce qui le rendit caduc. Ils poursuivent à propos de la conférence constitutionnelle de 1960 dans laquelle une formule de modification de la Constitution a été élaborée. Ils indiquent qu’à cette occasion une grande majorité des participants ont jugé la formule acceptable, mais que certains d’entre eux divergeaient d’opinions, ce qui a fait avorter le projet. Par la suite, ils font état de la conférence des premiers ministres de 1964, qui adopta à l’unanimité une formule de modification des pouvoirs législatifs, mais qui n’eut pas de suites en raison du retrait ultérieur du Québec. Enfin, les juges majoritaires mentionnent, parmi les précédents négatifs, des projets de modifications approuvés par le gouvernement fédéral et huit des dix provinces en 1971. À cette occasion, le Québec désapprouva encore une fois ces ententes, tandis que le

216 Pour une mise brève mise en contexte historique de cette modification constitutionnelle, voir :

Ministère des Affaires intergouvernementales du Canada, Des ententes fédérales-provinciales

visant à modifier la Constitution ont précédé la création du programme d'assurance -chômage en 1941, [En ligne], [http://www.pco-bcp.gc.ca/aia/index.asp?lang=fra&page=hist&sub=eip- pac&doc=eip-pac-fra.htm] (2 septembre 2012).

217 Pour la liste des précédents négatifs, voir : Renvoi de 1981, préc., note 2, p. 893-894 (Partie II sur

l’aspect conventionnel - motifs des juges Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Chouinard et Lamer). Ces précédents négatifs sont l’échec du projet de modification en matière de taxation indirecte de 1951 ainsi que celui des conférences constitutionnelles de 1960, 1964 et 1971.

gouvernement de la Saskatchewan ne prit pas position, estimant que le désaccord du Québec rendait la question théorique218.

Il est également utile de rappeler qu’au cours de leur analyse des précédents pertinents dans ce renvoi, les juges majoritaires prennent le contrepied des motifs des cours d’appel du Québec et du Manitoba. À ce propos, ils s’expriment ainsi par rapport