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CHAPITRE II. LA COUTUME À TITRE DE SOURCE DE DROIT APPLICABLE

1. Le contexte constitutionnel canadien de 1867 à 1982

2.3. L’analyse de l’aspect psychologique (opinio juris)

Ainsi que nous l’avons précisé plus haut, la coutume est constituée d’un élément psychologique aussi appelé l’opinio juris. Il s’agit de l’acceptation qu’une pratique répétée depuis un certain temps constitue une règle de droit. De même, il existait, avant 1982, une présomption de l’existence de l’opinio juris, en droit international, dans les États de common law et au Canada, lorsque la preuve matérielle de la coutume était réalisée234. Toutefois, aurait-il été possible d’établir la preuve formelle de l’aspect

psychologique de la coutume nécessitant l’accord unanime des provinces pour rapatrier et modifier la Constitution en 1982 si les juges de la Cour suprême l’avaient exigé ?

Avant de répondre à cette question, nous devons rappeler quelques constats établis précédemment qui concernent l’opinio juris. À ce propos, nous avons pu déterminer que même lorsqu’elle est recherchée de manière formelle, elle doit être générale et non unanime235. De plus, son importance peut varier en fonction des États et des individus

visés par la coutume236. En contrepartie, dans la partie du Renvoi de 1981 portant sur la

convention constitutionnelle, les juges majoritaires ont exigé, en dépit des écrits de Jennings, la preuve écrite que tous les acteurs dans les précédents, soit les ministres en

234À ce sujet, voir : supra, chapitre I.

235 À ce propos, voir : supra, chapitre I, partie 1.2. et 2.2.1. À titre informatif, l’article 3 du Louisiana Civil

Code prévoit également que l’opinio juris doit être générale et non unanime. Cet article prévoit que

« Custom results from practice repeated for a long time and generally accepted has having acquired the

force of law. Custom may not abrogate legislation » (l’italique est de nous).

poste, aient accepté le principe de l’unanimité237. D’après cette dernière exigence, le

fardeau de preuve pour établir de l’existence de l’aspect psychologique est donc plus difficile à atteindre dans le cas de la convention constitutionnelle que dans celui de la coutume constitutionnelle.

Afin d’analyser l’aspect psychologique, nous avons utilisé les Débats historiques du Parlement du Canada car ils constituent des documents authentiques dans lesquels nous trouvons les déclarations officielles des différents parlementaires canadiens238. Pour

cette raison, nous utiliserons de nombreuses citations dans cette partie, que nous laisserons telles qu’elles ont été consignées car il s’agit de déclarations réalisées dans un contexte officiel. Le souci de présenter intégralement les idées exprimées par les acteurs intéressés par les modifications et le rapatriement de la Constitution motive également ce choix.

L’élément temporel, quant à lui, est conforme à celui énoncé dans Livre blanc de 1965 lorsqu’il y est affirmé que : « ce principe [l’unanimité] ne s’est pas concrétisé aussi tôt que les autres, mais, à partir de 1907 et en particulier depuis 1930, il a été de plus en plus affirmé et accepté239 ». De cette manière, il sera possible d’analyser l’élément

psychologique de chaque gouvernement fédéral qui s’est prononcé sur les modifications constitutionnelles impliquant les deux ordres de gouvernements en 1907 ainsi que de 1930 au rapatriement de 1982.

De manière plus précise, l’analyse porte principalement sur les déclarations à propos de la nécessité d’obtenir l’assentiment unanime des provinces pour modifier et

237 Renvoi de 1981, préc., note 2, p. 901-902 (Partie II sur l’aspect conventionnel - motifs des juges

Martland, Ritchie, Dickson, Beetz, Chouinard et Lamer). À propos des écrits de Jennings, voir le chapitre II, partie 2.1.

238 Il est possible de consulter les Débats historiques du Parlement du Canada sur le site web de la

Bibliothèque du Parlement du Canada, [En ligne], [http://parl.canadiana.ca/] (janvier à mars 2014). En ce qui concerne le caractère authentique de ces débats, les règles de preuve en droit civil québécois énoncent, à titre illustratif, que les documents officiels du Parlement du Canada constituent des documents authentiques. Les énonciations qui y sont contenues ou qui proviennent d’une copie de cet acte ou d’un extrait authentique de celui-ci font preuve à l’égard de tous. À ce sujet, voir : Code civil du

Québec, RLRQ, chap. 64, art. 2814 et suiv.

rapatrier la Constitution énoncées par les premiers ministres et les ministres du gouvernement fédéral alors au pouvoir. Elles sont présentées de manière chronologique par périodes regroupant les divers mandats des premiers ministres canadiens. De cette manière, il est possible d’analyser l’élément psychologique de ces acteurs au gré de l’évolution constitutionnelle canadienne lorsqu’une modification constitutionnelle impliquant directement les provinces est envisagée. Enfin, mentionnons que les déclarations des chefs de l’opposition sont examinées occasionnellement pour montrer que l’opinion exprimée par le gouvernement en place est partagée par d’autres partis politiques présents à la Chambre des communes.

2.3.1. Les gouvernements libéraux de Wilfrid Laurier (au pouvoir lors de quatre mandats du 11 juillet 1896 au 6 octobre 1911)

D’emblée, avant 1907, les principales modifications à la Constitution portaient sur l’octroi de subventions financières fédérales à une province. Les changements étaient donc effectués de manière bilatérale par le biais d’ententes entre les parties visées240. En

1907, l’adoption d’une nouvelle formule de répartition des subventions financières aux provinces est la première véritable occasion de modifier de manière notable la Constitution241. À cette occasion, le gouvernement fédéral consulte pour la première fois

les neuf provinces de l’époque puisque la modification à apporter à la Constitution les intéresse directement. Pour le premier ministre Wilfrid Laurier, la consultation des provinces, mais également l’obtention de leur accord, sont nécessaires pour modifier la Constitution. Il l’exprime en ces termes :

La confédération est un pacte qui a été conclu en premier lieu entre quatre provinces, et qui a été accepté par les neuf provinces qui sont entrées dans l'union et je soumets aux honorables membres de cette Chambre que ce pacte ne doit pas être modifié à la légère. On ne devrait y toucher que dans les cas de nécessité réelle et après que les provinces eurent l'occasion de se prononcer. Mon honorable ami d'York, N. B. (M. Crocket) a dit que le discours du trône annonçait que nous allons demander au Parlement de modifier les conditions financières de la confédération. Cela est très vrai,

240 À ce sujet, voir l’énumération des ententes à propos des subsides réalisées entre le gouvernement

fédéral et certaines provinces avant 1907 énumérées par le premier ministre Wilfrid Laurier dans Débats

de la Chambre des communes, 10e Législature, 3e Session, vol. 3, 25 mars 1907, p. 5460-5461. 241 À ce sujet, voir la déclaration du premier ministre Wilfrid Laurier, Ibid, p. 5452-5453.

mais mon honorable ami doit savoir que nous n'avons pris cette détermination qu'à la suite d'une conférence avec les provinces et après que tous les

gouvernements se fussent unis pour demander la même chose242.

Cette citation montre qu’au moment de l’adoption de l’Acte de l’Amérique du Nord

britannique de 1907243, le gouvernement fédéral, par la voix de son premier ministre,

requiert l’assentiment de toutes les provinces pour modifier la Constitution. D’ailleurs, le premier ministre Laurier, affirme que ce principe a fait partie de la politique officielle du Parti libéral fédéral et qu’il a été affirmé à plus d’une occasion à la Chambre des communes avant 1907244.

2.3.2. Le gouvernement libéral de William Lyon Mackenzie King (mandat du 25 septembre 1926 au 7 août 1930)

Le 9 mars 1927, un débat s’engage à la Chambre des communes à propos d’une motion pour la nomination d’un comité chargé d’examiner l’opportunité de modifier la Constitution. Celui-ci se tient dans la foulée de la conférence impériale de 1927 portant sur l’autonomie des dominions de l’empire britannique. Au cours de ce débat, le ministre de la Justice et procureur général Ernest Lapointe mentionne :

[Un amendement pour modifier la Constitution] se fera du consentement de la part de ceux qui, en 1867, ont adhéré au pacte fédératif à certaines conditions. […] La Confédération a été le résultat de l'opinion et de l'accord des colonies, ce qu'étaient alors les provinces. Chacune des colonies avait des pouvoirs particuliers. Elles ont consenti à abandonner certains de ces privilèges à un pouvoir central, conservant le droit de légiférer dans les matières d'intérêt local, tandis qu'elles abandonnaient à un gouvernement central le pouvoir de disposer des affaires d'ordre plus général. Elles ont abandonné certains de leurs pouvoirs à des conditions déterminées et, sans ce compromis, il aurait été impossible de conclure d'où est sortie la Confédération. Le gouvernement impérial a simplement réalisé le désir des provinces canadiennes en adoptant l'Acte de l'Amérique britannique du nord. On a toujours considéré la Confédération comme un accord. Certains l'appellent un pacte; d'autres un traité. S'il en est ainsi, ce qu'on ne saurait mettre en doute, je prétends, comme l'ont fait tous les auteurs et hommes publics du Canada par le passé,

242 Ibid, vol. 2, 28 janvier 1907, p. 2269 (l’italique est de nous). 243 Loi constitutionnelle de 1907, L.R.C. (1985), app. II, no 22.

qu'on ne peut modifier cet accord, ce pacte ou ce traité, comme vous voudrez

sans le consentement des signataires de cet accord ou de leurs successeurs245.

Ce même jour, Ernest Lapointe a également l’occasion de préciser que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sont indépendants dans leur sphère de compétence respective et que toutes les parties intéressées doivent consentir aux modifications constitutionnelles. Il l’affirme en ces mots :

[…] [L]es provinces ne sont pas les enfants du Parlement fédéral; au contraire, c'est le Parlement fédéral qui est l'œuvre des provinces. Celles-ci existaient avant le Parlement, et l'Acte de l'Amérique britannique du nord est autant la constitution et la charte des provinces que celle du gouvernement et du Parlement fédéraux. [...] Dans toutes les questions réservées aux provinces comme étant de leur ressort et relevant de leur autorité, elles sont souveraines autant que le Parlement canadien dans toutes les affaires assignées au gouvernement fédéral. Les provinces sont autonomes dans leur sphère. Leurs législatures sont libres et indépendantes autant que ce Parlement est indépendant dans les choses qui sont de son ressort, et, par les délibérations d'un comité parlementaire, vous ne sauriez modifier une charte commune aux provinces et à nous. Elle ne peut se modifier que par le mutuel accord des parties au pacte.

[…] Les provinces, je le réitère, sont tout aussi libres et autonomes dans leur propre sphère, que le Parlement fédéral dans la sienne. Cette situation n'a pas été modifiée; elle ne pourra l'être que le jour où le peuple canadien le voudra, et il faudra que ce désir soit manifesté non seulement par le Parlement, mais

aussi par les provinces qui sont intéressées à cette question246.

Ces paroles, prononcées à la Chambre des communes par le ministre de la Justice Lapointe, ne laissent aucun doute relativement à la présence de l’opinio juris associée à la nécessité d’obtenir l’assentiment des provinces intéressées par une modification constitutionnelle. L’analyse des déclarations de ce ministre montre également qu’il n’est pas le premier à affirmer cette nécessité. En effet, il mentionne que « tous les auteurs et hommes publics du Canada par le passé » ont prétendu que la Constitution ne peut être modifiée sans l’accord des parties intéressées.

Le principe de l’obtention de l’assentiment de toutes les provinces visées par une modification constitutionnelle est d’ailleurs appliqué lors de l’adoption de la Loi

245 Ibid., 16e Législature, 1ère Session, vol. 1, 9 mars 1927, p. 1040 à 1042. 246 Idem., (les italiques sont de nous).

constitutionnelle de 1930247, qui confirme les accords relatifs aux ressources naturelles

intervenus entre le gouvernement du Canada et ceux du Manitoba, de la Colombie- Britannique, de l’Alberta et de la Saskatchewan. Qui plus est, au cours de ces négociations, le gouvernement fédéral indique également aux autres provinces qu’elles ne seraient pas lésées par l’entente intervenue avec les provinces de l’Ouest248. Ceci montre

un degré supplémentaire de déférence du ministre de la Justice envers l’opinion de l’ensemble des provinces au moment d’une modification constitutionnelle puisqu’il entretient également des discussions avec celles qui ne sont pas directement concernées par la modification envisagée.

2.3.3. Le gouvernement conservateur de Richard Bedford Bennett (au pouvoir lors d’un mandat du 7 août 1930 au 23 octobre 1935)

Très tôt au cours de son mandat, le gouvernement conservateur de Richard Bennett doit négocier tant avec les autorités impériales qu’avec les provinces pour adopter le Statut de Westminster de 1931. En ce qui concerne ces dernières, elles exprimèrent certaines craintes face aux pouvoirs étendus susceptibles d’être accordés au Parlement fédéral par ce statut. Elles insistèrent donc pour qu’une clause spéciale, qui ne devait s’appliquer qu’au Canada, y soit incluse afin d’éviter que le Parlement fédéral empiète sur les champs de compétence provinciaux249. Une conférence fédérale-provinciale a

donc été organisée en avril 1931 afin d’élaborer une « clause Canada » qui serait éventuellement insérée dans ce statut250.

Le 30 avril 1931, le premier ministre Bennett soumet à la Chambre des communes la résolution proposant qu’une adresse soit présentée à Sa Majesté pour demander la promulgation du Statut de Westminster. Lors du débat sur la résolution, le premier ministre Bennett fait une déclaration intéressante sur la nécessité d’obtenir l’assentiment unanime des provinces pour modifier la Constitution lorsque leurs pouvoirs législatifs

247 Loi constitutionnelle de 1930, L.R.C. (1985), app. II, no 26.

248 Débats de la Chambre des communes, 16e Législature, 4e Session, vol. 2, 30 avril 1930, p. 1568-1569. 249 À ce sujet, voir : Favreau, préc., note 124, p. 19.

sont touchés. Il déclare à propos de la négociation de la « clause Canada » lors de la conférence fédérale-provinciale, tenue précédemment au cours du même mois, qu’

[on] a soulevé des doutes au sujet de la modification des conclusions adoptées par la conférence interprovinciale, et vu que les conclusions ont été initialées par les représentants de toutes les provinces, nous ne nous sommes pas crus libres d'en changer un iota. Elles sont donc sous la forme dans laquelle elles ont été conçues et acceptées251.

Cette déclaration du premier ministre Bennett mérite quelques assertions. D’abord, elle est faite dans le cadre officiel d’un débat législatif à la Chambre des communes visant justement à s’assurer, à la demande de l’ensemble des provinces, que le Statut de Westminster ne permette pas au gouvernement fédéral d’empiéter sur les champs de compétence provinciaux. À ce titre, elle prévaut sur sa déclaration, consignée dans le procès-verbal de la conférence fédérale-provinciale de 1931 et relevée par les juges majoritaires dans le Renvoi de 1981, dans laquelle il affirme qu’aucun État ne requiert l’unanimité à l’heure actuelle et que cette règle pourrait être d’un certain point de vue désirable252. De plus, le fait que les représentants de toutes les provinces aient apposé

leurs initiales sur les conclusions soumises dans la résolution montre que, dans les faits, les provinces donnent leur assentiment aux modifications constitutionnelles et ne sont pas seulement consultées tel que le mentionne le Livre blanc de 1965253. Qui plus est, le

premier ministre affirme qu’il ne s’est pas cru libre de changer les conclusions d’un iota puisqu’elles avaient été acceptées par l’ensemble des représentants provinciaux. L’aspect psychologique de la coutume est donc présent car le premier ministre exprime qu’il est lié par les conclusions de la résolution à soumettre à la Reine adoptées à l’unanimité par les provinces et par le fédéral.

Au cours de ce même débat, le premier ministre indique à propos de la procédure de modification et de l’insertion de la « clause Canada » dans le Statut de Westminster que « [la] coutume voulait que, jusqu'à 1929, par une adresse conjointe de la Chambre

251 Débats de la Chambre des communes, 17e Législature, 2e Session, vol. 3, 30 juin 1931, p. 3177.

252 Renvoi de 1981, préc., note 2, p. 902 (Partie II sur l’aspect conventionnel - motifs des juges Martland,

Ritchie, Dickson, Beetz, Chouinard et Lamer).

des communes et du Sénat, il était possible de modifier la constitution du Canada254 ».

Cette déclaration est intéressante à plus d’un point de vue. D’abord, le premier ministre lui-même indique que la procédure de modification constitutionnelle peut être régie par le droit coutumier. Pour ce qui est de la modification par une adresse conjointe de la Chambre des communes et du Sénat évoquée dans la déclaration, il faut bien mettre cette affirmation en contexte. En effet, il a toujours été reconnu qu’une adresse conjointe de la Chambre des communes et du Sénat était nécessaire pour modifier la Constitution avant 1982. Ce qui est en jeu est plutôt la nécessité d’obtenir l’assentiment de toutes les provinces visées par un changement constitutionnel préalablement à ce qu’une telle adresse soit adressée à la Reine. À ce sujet, avant cette déclaration du premier ministre de 1931, seules les modifications constitutionnelles de 1907 et de 1930 ont concerné toutes les provinces ou plusieurs d’entre elles. À ces deux occasions, les provinces visées par les modifications ont donné leur assentiment. Donc, nous constatons qu’au moment de l’adoption du Statut de Westminster de 1931, une coutume concernant la modification de la Constitution par une adresse conjointe de la Chambre des communes et du Sénat existait. Elle nécessitait cependant l’assentiment préalable unanime des provinces visées par les changements constitutionnels ainsi que l’ont montré les précédents de 1907 et de 1930.

Cette position est d’ailleurs confortée en 1935 par le ministre de la Justice Hugh Guthrie lors du débat sur la proposition de nomination d’un comité spécial pour modifier la Constitution afin de trouver une solution face aux problèmes économiques urgents. À cette occasion, il affirme que :

[…] De tout temps, me semble-t-il, il a été reconnu que, lorsqu'il s'agit de questions de formalité et de questions de procédure, le parlement de la Grande-Bretagne adopterait invariablement une modification de notre loi constitutionnelle, si on le lui demande, à la suite d'une adresse collective de la Chambre des communes et du Sénat. Cependant, c'est là un aspect secondaire de la question. Les questions de formalité et de procédure sont choses de peu d'importance. [...]

Mais lorsqu'on cherche à obtenir une modification qui vise la base même du traité primitif ou l'arrangement conclu lors de l'établissement de la

confédération, ou lorsque les principes fondamentaux en vertu desquels nous sommes unis à l'origine, sont en jeu, je doute fort si le parlement de Westminster accueillerait une demande de cette nature fondée uniquement sur une adresse collective du Sénat et de la Chambre des communes. [...] Les provinces du Canada, constituées par l'Acte de l'Amérique britannique du Nord, participent de la nature d'États souverains pour ce qui est des affaires qui leur ont été attribuées par l'article 92 de l'Acte de l'Amérique britannique du Nord. Lorsqu'il s'agit de sujets qui leur ont été ainsi attribués, elles jouissent d'une autorité suprême et de pouvoirs tout aussi pléniers et entiers que ceux du Parlement relativement aux matières rangées sous l'autorité fédérale.

[...] Je suis d'avis que les provinces doivent être consultées sur tout changement important de notre loi constitutionnelle qui atteint les intérêts provinciaux. Je reconnais que certaines modifications constitutionnelles sont nécessaires, mais on ne saurait les faire qu'à la suite d'un accord entre les

parties qui ont conclu la convention originale255.

Cette déclaration du ministre de la Justice Guthrie confirme, en quelque sorte, ce que nous venons d’évoquer à propos de la modification constitutionnelle par une adresse conjointe de la Chambre des communes et du Sénat. Lorsque les modifications concernent des aspects reliés au fondement même de la Constitution, tels que la répartition des pouvoirs entre les deux ordres de gouvernements, les provinces intéressées doivent être consultées et un accord doit être obtenu.