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L’obsession et la psychasthénie :

La démarche épistémologique du XIXe siècle face au phénomène particulier de l’obsession instaure un espace purement formel où tout ce qui est signifié dans le discours du sujet, est d’emblée relevé comme indice d’une déraison. De ce fait, l’obsession s’impose non pas tant comme délire mais comme discours rationnel sur un délire.

Néanmoins, Sigmund Freud et Pierre Janet, dans une perspective bien différente, montrent que précisément le discours du sujet dans l’obsession comporte en lui-même sa propre vérité, c’est-à-dire sa propre histoire. C’est une nouvelle voie épistémologique qui s’ouvre avec ces deux cliniciens. Les recherches de ces deux cliniciens sont aussi issues du paradigme des maladies mentales mais elles apportent une nouvelle représentation de la psyché et la maladie mentale. Cependant, les deux approches sur le syndrome obsessionnel divergent complètement.

D’un côté, Freud avec l’invention nosologique et nosographique de la névrose obsessionnelle en 1896 ; et de l’autre côté Janet soutenant la psychasthénie. Nous allons montrer que nous suivrons plutôt la voie ouverte par Freud et en quoi la théorie psychasthénique de Janet est insuffisante pour « penser » dans sa globalité la névrose obsessionnelle comme telle. Nous ne prétendons pas à l’exhaustivité quant à notre exposé sur la psychasthénie.

Dans son ouvrage de 1908 « Les obsessions et la psychasthénie », Janet propose à la fois une description clinique, une interprétation psychologique et des modalités thérapeutiques. Il identifie les différentes théories concernant les obsessions du XIXe siècle. D’un côté, les théories intellectuelles avec notamment Westphall ; et de l’autre côté les théories émotionnelles avec Morel. Il propose une troisième voie, la sienne, « la théorie psychasthénique » qui repose sur des insuffisances psychologiques. A partir de 300 observations, il propose un découpage clinique des obsessions et un modèle explicatif. Selon lui, la maladie obsessionnelle évolue en trois stades : la psychasthénie, les agitations forcées et les obsessions compulsions. Pour lui, l’hystérie de conversion ne balaie pas la totalité du champ névrotique et il voit dans l’obsession ni une altération intellectuelle, ni une perturbation affective : « Ne pourrait-on pas grouper les symptômes d’une autre manière autour d’un autre groupe de phénomènes ? Au lieu de considérer comme fait essentiel et primitif l’idée obsédante du premier groupe (théories intellectuelles) de symptômes, au lieu de prendre comme point de départ l’angoisse émotionnelle, c’est-à-dire l’une des agitations forcées du second groupe (théories émotionnelles), il faudrait étudier le rôle joué

par les troubles décrits dans le troisième groupe de phénomènes, ceux que j’ai proposer d’appeler les stigmates psychasthéniques »20.

Le terme de « psychasthénie » est employé pour désigner la faiblesse mentale particulière des obsédés en l’opposant à celle que l’on observe dans l’hystérie. La psychasthénie peut être soit acquise, soit constitutionnelle et correspond fondamentalement à un déficit. Les obsessions et la psychasthénie résultent de la baisse de la tension psychologique et nerveuse qui elle-même entraîne la perte de la fonction du réel. En fait, il nous propose une théorie psychologique des obsessions. Il définit différents phénomènes psychologiques tels que la fonction du réel, l’activité désintéressée, les fonctions des images, les réactions émotionnelles… Ce sont toutes des opérations mentales qui se différencient par leur degré d’acquisition. Par exemple, l’opération mentale la plus difficile est la fonction du réel. Cette fonction consiste dans l’appréhension de la réalité sous toutes ses formes. Plusieurs formes de cette fonction du réel existent. Par exemple, c’est l’action qui nous permet d’agir sur des objets extérieurs et de métamorphoser la réalité. C’est aussi l’attention qui nous permet de percevoir les choses réelles. La fonction du réel, c’est l’opération qui nous donne la notion du réel, c’est-à-dire qui détermine la certitude et la croyance.

Saisir une perception ou une idée avec le sentiment que c’est bien le réel, c’est-à-dire coordonner autour de cette perception toutes nos tendances, toutes nos activités, c’est l’œuvre parfaite de l’attention. La fonction du réel se retrouve aussi dans la conscience de nos états intérieurs et dans la perception de notre propre personne. Enfin, c’est aussi l’opération de la constitution du temps, la formation dans l’esprit du moment présent. Tous les psychasthéniques, les obsédés, perdent cette fonction du réel dès le début de leur maladie. La théorie de Janet sur la psychasthénie repose donc sur le postulat suivant : affaiblissement ou déficit de la fonction du réel. C’est ce déficit qui expliquerait le doute, la rumination… dans l’obsession.

En proposant donc une origine psychasthénique aux obsessions, Janet soutient que le trouble primitif n’est ni purement intellectuel, ni purement émotionnel mais consiste en un déficit de la tension psychologique, entraînant une libération des fonctions inférieures. Le sentiment d’incomplétude est la première manifestation de cet abaissement de la tension psychologique et il empêche le psychasthénique d’arriver au sentiment du réel. Ainsi, l’obsession est une conséquence de cet état, elle n’a pas de signification particulière. En ce qui concerne l’origine de cette baisse de la tension psychologique, Janet l’attribue à une prédisposition constitutionnelle non définie, modifiée par divers facteurs (maladie, fatigue, émotion, contrainte sociale). Le

20 JANET.P. (1908). « Les obsessions et la psychasthénie ». Félix Alcan Editeur. 2 vol. Paris. vol1. 1908.p480.

symptôme principal de la psychasthénie est le sentiment d’incomplétude de la pensée et de l’action, ainsi que la perception douloureuse par les patients du fait qu’ils sont imparfaits.

L’inhibition de l’action se manifeste par le doute, l’aboulie, l’indécision.

Par ailleurs, la psychasthénie sert de socle commun aux obsessions et aux phobies, ainsi qu’aux états anxieux chroniques. Elle sous-tend donc l’ensemble de la pathologie névrotique, mis à part l’hystérie qui dérive d’idées fixes subsconscientes. Rappelons que l’un des actes fondateurs de Freud est la différenciation épistémologique clinique des obsessions avec les phobies à partir de la spécificité de leurs mécanismes psychiques. Les idées obsédantes sont aussi classées selon leur contenu en cinq catégories : obsession du sacrilège, du crime, de la honte de soi, de la honte du corps et obsessions hypocondriaques.

Au final, l’approche psychologique ne permet pas de « penser » la névrose obsessionnelle.

D’une part, Janet nous propose une théorie psychologique des obsessions ; elle ne permet de saisir ce qui est pathologique dans l’obsession. Par opposition à Freud qui proposera une théorie

« psycho-pathologique » des obsessions. D’autre part, le modèle de Janet range l’obsession au rang de simple phénomène banal, psychologique et cognitif. La valeur clinique de l’obsession semble dans la théorie de Janet minimisée. Nous pouvons reprocher à Janet sa conception étiologique qui l’écarte des thèses freudiennes. D’ailleurs, aujourd’hui, certains psychiatres considèrent Janet comme le « précurseur des thérapies comportementales et cognitives des obsessions-compulsions »21. Enfin et surtout, la taxinomie de Janet ne suffit pas à expliquer les obsessions de façon structurale et causale. Comment Janet explique-t-il par exemple l’intensité du sentiment de culpabilité ressenti par le sujet ? Ou bien comment expliquer la répétition symptomatique éprouvée par l’obsédé ? C’est bien à partir de concepts clés qui s’avèrent en retour nécessaires, tels que le surmoi, le masochisme primordial, « Zwang », « Wiederholungszwang », la pulsion, la pulsion de mort à l’œuvre dans l’obsession… que nous pouvons nous représenter la névrose obsessionnelle comme telle. Freud a certainement lu les travaux de Janet mais rappelons que l’invention nosologique de la névrose obsessionnelle date de 1896. L’opinion de Freud quant à la théorie psychasthénie de Janet est sans confusion : elle ne permet pas de comprendre la clinique des obsessions. Pour lui, il était essentiel, dans l’intelligibilité des obsessions, de construire une « conception psychopathologique » du psychisme et de la prise en compte des éléments cliniques, ce qui manque chez Janet. Nous allons voir maintenant comment Freud a pu franchir le pas en inventant la névrose obsessionnelle…

21 COTTRAUX J « Des thérapies comportementales aux thérapies cognitives des obsessions-compulsions », in Psychologie médicale, 23,12. Paris. 1991.p1351.

2°) La névrose obsessionnelle, une invention freudienne

« Ce n’est pas à moi que revient le mérite – si c’en est un - d’avoir mis au monde la psychanalyse. Je n’ai pas participé à ses premiers commencements. »22. C’était en 1909 où Freud exposait la théorie psychanalytique en prononçant toute une série de conférences à la Clark University. Il attribuait l’invention de la psychanalyse à Joseph Breuer par le procédé thérapeutique de ce dernier sur une jeune fille hystérique. Or le mérite que nous pouvons attribuer à Freud est tout bonnement d’avoir participé largement à la construction de la psychanalyse tant au niveau conceptuel qu’au niveau de la pratique. « Ce qui m’importait avant tout, c’était la pratique »23, faisant de ce désir freudien le socle de l’élaboration psychanalytique.

La pratique clinique et thérapeutique que Freud rencontrait auprès de sujets hystériques, obsessionnels voire psychotiques, lui a permis d’élaborer la théorie analytique. Il y a en effet toute une partie, tout un volet de la psychanalyse construite à partir de la rencontre avec l’hystérie.

C’est même le point de départ de l’investigation psychanalytique freudienne notamment avec le travail de différents collaborateurs comme Joseph Breuer, Charcot…Freud s’est laissé enseigner par la clinique de l’hystérie, ce qui a grandement influencé la psychanalyse. La rencontre de Freud avec l’hystérie a permis de faire rupture avec la conception de l’homme répandue au XIXe siècle.

Mais, il existe aussi tout un volet de la psychanalyse construite à partir de la clinique de la névrose obsessionnelle. La névrose obsessionnelle a aussi une place particulière dans la psychanalyse et dans la pensée freudienne. Certes la psychanalyse doit à l’hystérie mais elle doit aussi à la névrose obsessionnelle et en retour cette dernière doit à la psychanalyse et ce notamment dans la construction de concepts tels que surmoi, pulsion…

Nul doute que la névrose obsessionnelle est une entité plus « jeune » que l’hystérie ; nous trouvons déjà dans les typologies cliniques des Anciens des traces de celle-ci : chez les Egyptiens et chez Hippocrate. La névrose obsessionnelle a été décrite pour la première fois sous ce nom quelques années avant le début du XIXe siècle. Est-ce un hasard si elle apparaît si tard dans les descriptions nosographiques et sous la plume de Freud ? C’est en effet, par la démarche psychanalytique que Freud a pu franchir le pas en inventant celle-ci comme entité nosologique nouvelle et autonome. La psychopathologie constitue le terrain originaire et fondamental de la pensée psychanalytique. Nul clivage entre théorie et clinique, ni plus à forte raison d’un privilège

22 FREUD S. « Cinq leçons sur la psychanalyse ». Edition Petite Bibliothèque Payot. Traduction Yves Le Lay. Paris 1966.p9.

23 Ibid.p25

accordé à l’un ou l’autre, ne se retrouve dans la pensée freudienne. La clinique a joué son rôle dans la pensée freudienne : celui de « mise à l’épreuve, de mise à la question » 24. En effet, en 1977 Jacques Lacan définit la clinique psychanalytique comme consistant « à réinterroger tout ce que Freud a dit »25.

Dès lors, il s’agit de saisir le fondement et la particularité de la névrose obsessionnelle dans la théorie psychanalytique. En quoi la névrose obsessionnelle doit-elle à la découverte freudienne ? Et réciproquement, en quoi la psychanalyse doit-elle à la névrose obsessionnelle ? Nous allons nous saisir à la lettre de l’indication lacanienne en effectuant, sans prétention, un

« retour à Freud » vis-à-vis de la névrose obsessionnelle. Nous allons ré-interroger tout ce que Freud a dit sur la névrose obsessionnelle faisant du même coup une « lecture clinique de la névrose obsessionnelle » au sens où il s’agit de relever les impasses et les apories freudiennes. Pour réaliser ce projet, nous proposons de mettre à la lumière les « moments décisifs » dans la construction de cette entité clinique dans son rapport à la psychanalyse. La théorie de la névrose obsessionnelle s’est faite par étapes, comme c’est aussi le cas de la théorie analytique. Comprendre le comment, le pourquoi, les conséquences et les enjeux épistémologiques, théoriques et cliniques dans les moments décisifs de la naissance de la névrose obsessionnelle, tel est notre objectif.

2.1. Du ZwangsVorstellungen à la Zwangsneurose La névrose obsessionnelle témoigne d’un trop de plaisir…

Commençons par la fin. « Il m’a fallu commencer mon travail par une innovation nosologique. A côté de l’hystérie, j’ai trouvé raison de placer la névrose des obsessions [la névrose obsessionnelle] (Zwangsneurose) comme affection autonome et indépendante, bien que la plupart des auteurs rangent les obsessions parmi les syndromes constituant la dégénérescence mentale ou les confondent avec la neurasthénie. Moi, j’avais appris par l’examen de leur mécanisme psychique que les obsessions sont liées à l’hystérie plus étroitement qu’on ne croirait. »26. Ce pas a été franchi par Freud en 1896. Mais comment est-il arrivé à inventer cette nouvelle entité clinique ? Comment sommes-nous passés du terme vague de « ZwangsVorstellungen » à la notion clinique de

« Zwangsneurose » ? Comment sommes-nous passés d’une description clinique à une notion clinique, voire un concept psychanalytique ?

24 ABELHAUSER A. « L’éthique de la clinique selon Lacan », in L’Evolution psychiatrique.n°69. 2004.p 304.

25 LACAN J. « Ouverture de la section clinique ». in Ornicar ? , 9, Navarin. Paris. 1977.p7-14.

26 FREUD S. (1896). « L’hérédité et l’étiologie des névroses », in Névrose, psychose et perversion. Puf. Paris.1973.p50.

a) La « Zwangsneurose », une histoire de traduction :

Avant de dégager les moments épistémologiques dans la construction de la névrose obsessionnelle ainsi que les apories et les impasses freudiennes, nous souhaitons discuter des traductions de différents termes. Nous avons délibérément changé le terme de « Zwangsneurose » dans la citation ci-dessus par celui de « névrose obsessionnelle » écrit entre parenthèses. En effet, dans le texte publié et traduit par Jean Laplanche, le terme « Zwangsneurose » a été traduit par « névrose des obsessions », voire « névrose de contrainte ». Nous supposons que le choix fait par Laplanche dans la traduction est de mettre l’accent sur la spécificité de cette névrose : celle des obsessions. Or, nous nous étonnons de voir que malgré deux textes essentiels de Freud, « Obsessions et phobies » et

« L’hérédité et l’étiologie des névroses », qui ont été publiés directement en français, le terme de

« Zwangsneurose », continue à être traduit par « névrose de contrainte ». Freud lui-même traduit

« Zwangsneurose » par « névrose d’obsessions », voire « névrose obsessionnelle » bien plus tard, à côté de l’hystérie.

Pour notre part, nous ferons le choix de traduire le terme allemand « Zwangsneurose » par

« névrose obsessionnelle » quand il sera de relever ou de mettre l’accent sur la nosologie et nosographie freudienne. C’est-à-dire quand la névrose obsessionnelle est en lien avec une autre structure clinique, notamment l’hystérie ou de la phobie… Ainsi, nous traduisons dans la continuité de la psychiatrie française du XIXe siècle, le terme « ZwangsVorstellungen » par

« obsessions » et non « représentations de contrainte ». De plus, nous nous servirons des différentes traductions de Lacan et ce, dans un effort de conceptualisation. Concernant notamment le terme de « Zwang », bien sûr que dans tous les dictionnaires, nous trouvons le terme de « contrainte », mais voir figurer chez Freud le terme de contrainte au niveau d’une structure clinique dont c’est une caractéristique princeps est tout à fait regrettable. Ce terme « Zwang » prend sa véritable dimension dans la deuxième topique freudienne, notamment dans l’automatisme de répétition où ce terme « Zwang » a une place éminente et structurale. Dès lors, nous nous interrogerons à savoir s’il n’est pas préférable dans certaines situations de laisser le terme allemand dans le but d’une intelligibilité conceptuelle. Autrement dit, nous nous situons dans le droit-fil du « retour à Freud » introduit par Lacan en tant que l’effort de celui-ci est un effort de conceptualisation et non de traduction. Le choix de Lacan se fait « au profit du concept, d’où les variations selon le contexte pour des termes tels que « Verwerfung », « Durcharbeitung », ou l’impératif freudien de Wo es war… »27.

27 LAURENT E. « Parlez-vous freudien ? », in L’Ane, n°35, Navarin. Paris. 1998.p3.

Par conséquent, nous traduirons en français les termes allemands, tels que

« Zwangsneurose », « Wunsch », « Lust », « Wiederholungszwang », « ZwangsVorstellungen » quand il s’agira de mettre l’accent sur l’aspect nosologique et nosographique : par exemple la névrose obsessionnelle à côté de l’hystérie. Nommer « Zwangsneurose » par « névrose obsessionnelle » insiste sur le caractère décisif de cette invention nosologique. Nous traduirons là où c’est nécessaire pour donner un accès à la logique de la construction freudienne. A contrario, nous choisirons de laisser le terme allemand au profit du concept.

b) Vers une théorie psychanalytique du psychisme et des psychonévroses :

« Etudes sur l’hystérie »…

Comment Freud est-il amené à inventer la « Zwangsneurose », la névrose obsessionnelle ? En quoi a-t-il fait rupture et événement au XIXe siècle ? Que fut la découverte freudienne ? La construction freudienne de la névrose obsessionnelle est directement liée à l’invention des grands concepts psychanalytiques (inconscient, surmoi, Trieb, Zwang…) ainsi qu’à une théorie de la psyché, de l’appareil psychique.

Freud a participé à l’élaboration de la psychanalyse avec la rencontre de l’hystérie. Le premier pas freudien est alors de s’intéresser à la clinique de l’hystérie. Ce qui importait Freud, c’était la pratique, mais il s’est aussi intéressé à l’hystérie par nécessités thérapeutiques. Son travail avec Joseph Breuer, ses « Etudes sur l’hystérie », marquent le début de l’investigation psychanalytique et de la découverte freudienne. La thèse défendue dans cet écrit est de concevoir que les « hystériques souffrent de réminiscences » – leurs symptômes sont les résidus et les symboles de certains événements traumatiques. La théorie de l’hystérie du « clivage de la conscience » est entièrement acquise, mais reste en suspens la question sur l’origine de ce clivage de conscience. Pour Breuer, le fondement et la condition de l’hystérie réside dans la survenue d’états de conscience particuliers, de l’espèce du rêve : les « états hypnoïdes ». L’hypothèse breuerienne des états hypnoïdes s’est montrée encombrante et superflue pour Freud au cours des années jusqu’à l’abandonner définitivement. Plusieurs hypothèses sur l’hystérie foisonnent à cette époque. Janet, « l’hystérique de Janet », conçoit l’hystérie comme une forme d’altérations dégénératives du système nerveux qui se manifeste par une faiblesse congénitale de la synthèse psychologique. La théorie de Janet repose sur les doctrines françaises sur le rôle de l’hérédité et de la dégénérescence dans l’origine des maladies. Pour lui, l’hystérique serait incapable de maintenir en un seul faisceau les multiples phénomènes psychiques et il en résulterait la tendance

à la dissociation mentale. Freud critique la théorie de la faiblesse mentale de Janet. Freud se sépare de Janet et des doctrines françaises du XIXe siècle en supposant une force qui empêche les souvenirs pathogènes de devenir conscients. Il nomme cette force « résistance ». « C’est sur cette idée de résistance que j’ai fondé ma conception des processus psychiques de l’hystérie »28. Pour lui, la dissociation psychique dans l’hystérie ne vient pas d’une inaptitude innée de l’appareil mentale à la synthèse comme le soutient Janet, mais elle provient du conflit entre deux forces psychiques. Freud voit dans la dissociation mentale le « résultat d’une révolte active de deux constellations psychiques, le conscient et l’inconscient, l’une contre l’autre »29. Le refoulement est ce processus supposé par Freud. L’hypothèse du refoulement et de surcroît la découverte de l’inconscient est le premier pilier et constitue le pas épistémologique dans la construction psychanalytique du psychisme. Avec cette hypothèse, Freud va faire rupture avec les thèses de l’époque : il fait « événement » dans le XIXe siècle en proposant une théorie de la psyché à partir du concept de refoulement. Ce concept est un « concept clé » car il ouvrira par la suite la voie à la reconnaissance de la spécificité du destin de la pulsion dans la névrose obsessionnelle, ce qui

à la dissociation mentale. Freud critique la théorie de la faiblesse mentale de Janet. Freud se sépare de Janet et des doctrines françaises du XIXe siècle en supposant une force qui empêche les souvenirs pathogènes de devenir conscients. Il nomme cette force « résistance ». « C’est sur cette idée de résistance que j’ai fondé ma conception des processus psychiques de l’hystérie »28. Pour lui, la dissociation psychique dans l’hystérie ne vient pas d’une inaptitude innée de l’appareil mentale à la synthèse comme le soutient Janet, mais elle provient du conflit entre deux forces psychiques. Freud voit dans la dissociation mentale le « résultat d’une révolte active de deux constellations psychiques, le conscient et l’inconscient, l’une contre l’autre »29. Le refoulement est ce processus supposé par Freud. L’hypothèse du refoulement et de surcroît la découverte de l’inconscient est le premier pilier et constitue le pas épistémologique dans la construction psychanalytique du psychisme. Avec cette hypothèse, Freud va faire rupture avec les thèses de l’époque : il fait « événement » dans le XIXe siècle en proposant une théorie de la psyché à partir du concept de refoulement. Ce concept est un « concept clé » car il ouvrira par la suite la voie à la reconnaissance de la spécificité du destin de la pulsion dans la névrose obsessionnelle, ce qui