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L’Homme aux rats, un témoignage clinique de la névrose obsessionnelle…

Résumons. Nous avons pointé le rapport contigu entre le concept de pulsion et la construction de la névrose obsessionnelle. Nous avions émis l’hypothèse selon laquelle les textes

« Actions compulsionnelles et exercices religieux » et « Caractère et érotisme anal » sont des applications des résultats théoriques des « Trois essais sur la théorie sexuelle » dans le champ d’étude de la névrose obsessionnelle. Or, il nous semble que l’analyse de l’Homme aux rats va participer grandement aux différentes thèses énoncées dans ces deux textes. Ainsi, nous récusons notre première hypothèse en soutenant donc que c’est l’analyse de l’Homme aux rats en 1907 qui permet à Freud d’apporter des résultats constants sur la névrose obsessionnelle.

D’ailleurs, nous considérons l’analyse de l’Homme aux rats comme un « moment clé » dans la construction de la névrose obsessionnelle. C’est aussi un « moment clé » dans la construction même de la théorie psychanalytique et notamment pour la technique analytique (énonciation de la règle fondamentale). Freud va ainsi commencer l’analyse et écrire soigneusement le traitement d’un cas de névrose obsessionnelle. Pour quelles raisons les notes sur l’analyse de l’Homme aux rats n’ont pas été détruites par Freud ? C’est en effet le seul cas ayant été publié sous forme de journal. Pourquoi ? A-t-il une place particulière dans le désir de Freud et dans la théorie psychanalytique ? Pourquoi pouvons-nous considérer cette rencontre avec l’Homme aux rats comme un moment décisif pour la névrose obsessionnelle ? Quels sont les enjeux et les conséquences de cette rencontre ?

Nous proposons donc une lecture de la cure de « l’Homme aux rats », pas à pas, séances après séances dans le but de suivre au plus près la pensée freudienne. Nous nous référons au cas publié dans les « Cinq Psychanalyses »67 et au « Journal d’une analyse »68 qui rassemble les notes prises par Freud à l’issue des séances. Trois points sont à souligner en avant propos. D’une part, Freud avoue qu’il n’a pas encore « réussi à pénétrer et à élucider complètement la structure si compliquée d’un cas grave de névrose obsessionnelle ». Dans son titre « Bemerkungen über einen Fall von Zwangsneurose », Freud propose le terme allemand de « Bemerkungen » qui signifie

« remarques ». Ce sont des remarques sur la névrose obsessionnelle que Freud nous propose et non une théorie de celle-ci. D’autre part, Freud continue son travail commencé en 189669 : ce qui va dans le sens de notre propos précédent. C’est dire qu’il n’a pas abouti à une entière

67 FREUD S. (1909). « Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle (L’Homme aux rats) », in Cinq psychanalyses, PUF. Paris. 1954.p199-261.

68 FREUD S. (1907). « L’homme aux rats. Journal d’une analyse ». PUF. Paris. 1974.

69 Il fait allusion à sa thèse développée dans son article « Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense ».

compréhension de la structure de la névrose obsessionnelle. Depuis le début de notre étude, nous avons nous-mêmes mis l’accent, non pas sur la théorie freudienne de la névrose obsessionnelle, mais sur les aperceptions freudiennes vis-à-vis de la névrose obsessionnelle. Autrement dit, nous avons privilégié les moments décisifs dans la construction de la névrose obsessionnelle. Enfin, Freud nous propose une troisième remarque introductive : « qu’il faut reconnaître qu’une névrose obsessionnelle n’est guère facile à comprendre - et l’est bien moins encore qu’un cas d’hystérie.

[…] Les moyens dont se sert la névrose obsessionnelle pour exprimer ses pensées les plus secrètes, le langage de cette névrose, n’est en quelque sorte qu’un dialecte du langage hystérique, mais c’est un dialecte que nous devrions pénétrer plus aisément, étant donné qu’il est plus apparenté à l’expression de notre pensée consciente que ne l’est celui de l’hystérie »70. Cette dernière remarque n’est pas sans conséquence dans la compréhension de la névrose obsessionnelle et nous allons dans notre lecture du cas de l’homme aux rats lui donner toute son ampleur et sa richesse clinique.

Qui est donc l’Homme aux rats ? Quelle est donc l’histoire de ce patient ? Dr Lanzer vient consulter Freud en 1907 dans une urgence subjective et dans une angoisse extrême.

L’histoire de l’Homme aux rats, c’est l’histoire du deuil impossible du père. Par souci de clarté, nous allons suivre Freud pas à pas et présenter ce cas en deux parties : l’une concernera la partie clinique – c’est le texte et les notes des séances - et l’autre la partie théorique (points c, d et e), où il s’agira de prendre acte des résultats qu’amène cette cure tant sur le plan de la construction de la névrose obsessionnelle que sur le plan de la théorie analytique. La partie clinique sera divisée en deux sous-parties : l’une consacrée à la névrose infantile (point a), le « roman familial » du sujet, la deuxième traitant de la grande appréhension obsédante (point b).

a) La névrose infantile de l’Homme aux rats :

C’est un jeune homme « de formation universitaire », intelligent et curieux, souffrant depuis son enfance et notamment depuis quatre ans d’obsessions. Il a « la crainte qu’il n’arrive quelque chose à son père et à une dame à laquelle il a voué un amour respectueux ». Sa maladie consiste principalement en des appréhensions (crainte par rapport à deux personnes aimées) et en des pulsions obsessionnelles, comme par exemple, « se trancher la gorge avec un rasoir » ; il se forme alors en lui aussi des interdictions se rapportant à des choses insignifiantes.

70 FREUD S. « Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle (L’Homme aux rats) », in Cinq psychanalyses, PUF.

Paris. 1954.p200.

Freud tenait beaucoup à ce cas. Pourquoi ? Parce que c’était la première analyse dont il pouvait rendre compte, qui était menée à son terme avec un certain succès thérapeutique ; mais aussi c’était la première analyse avec l’énonciation de la règle fondamentale de la psychanalyse : la libre association. Lors de la première séance, Freud lui énonce la règle de la libre association, c’est-à-dire qu’il laisse le patient parler sans choisir de thème préalable : « dire tout ce qui lui vient à l’esprit, même si cela est pénible, même si sa pensée lui paraît sans importance, insensée et sans rapport avec le sujet »71. Or, dans les notes de Freud, il écrit : « après lui avoir communiqué les deux conditions principales du traitement, je l’ai laissé libre de son commencement »72. Certes cette phrase est d’un intérêt historique car il s’agit de la première fois que nous avons un compte rendu d’une analyse menée d’après la technique de l’association libre. Pour quelles raisons Freud énonce-t-il pour la première fois cette technique analytique dans la cure d’un cas de névrose obsessionnelle ? Y aurait-il un lien entre la technique de l’association libre et la névrose obsessionnelle ? Outre cela, dans son compte rendu, Freud modifie ses notes par rapport à la condition principale du traitement. Cela devient « la seule condition à laquelle l’engage la cure »73. Pourquoi Freud modifie-t-il cela ? Pourquoi passa-t-il à l’énonciation des deux conditions principales du traitement à l’énonciation de la seule condition ? Quel est l’enjeu de cette modification ?

Le transfert est déjà installé car l’Homme aux rats a lu la « Psychopathologie de la vie quotidienne » et est visiblement attiré par la quasi-homophonie entre le nom de « Freud » et le mot

« Freund » (ami) qui a pour lui une grande importance. Ceci se confirme par le récit du patient de son amitié envers un ami : « Il a un ami (Freund) qu’il estime énormément. C’est à lui qu’il s’adresse toutes les fois qu’une pulsion criminelle le hante. Son ami le réconforte en l’assurant qu’il est un homme irréprochable ». L’histoire de sa névrose infantile se déploie sur sept séances qui ont été retranscrites par Freud.

Dès la première séance, de lui-même le patient parle de sa vie sexuelle. Ses premiers émois remontent à l’âge de 4 ou 5 ans, lorsqu’il a pratiqué des attouchements sur Melle Robert. Il raconte une scène avec Melle Pierre, la gouvernante : « un soir, elle était étendue, légèrement vêtue, sur un divan, en train de lire ; j’étais couché près d’elle. Je lui demandai la permission de me glisser sous ses jupes […] Je lui touchai les organes génitaux et le ventre, qui me parurent

71 ibid.p202.

72 FREUD S. « L’homme aux rats. Journal d’une analyse ». Puf. Paris. 1974. p33.

73 FREUD S. « Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle (L’Homme aux rats) », in Cinq psychanalyses, Puf.

Paris. 1954.p200.

singuliers. Depuis, j’en gardai une curiosité ardente et torturante de voir le corps féminin »74. Elle avait « des organes génitaux curieux »75, dit-il. Cette expérience a laissé en lui une trace indélébile : la curiosité de regarder les femmes nues. Il convient de noter que « curiosité » est l’équivalent courant de « neugierde », textuellement « vif désir de nouveau »76. Plus tard, la même chose lui est arrivée avec Melle Rosa. Ses souvenirs remontent à l’âge de six ans et sont très nets : « Je souffrais d’érections », dit-il. Nous pouvons lire que jusque-là, il n’avait pas subjectivé ses premières expériences sexuelles. Ces premières érections viennent faire trou au niveau du sens et il va se plaindre à sa mère parce que quelque chose lui échappe, c’est-à-dire est vécu comme étranger à lui. C’est la rencontre avec la réalité sexuelle, qui s’avère traumatique. Ernst Lehrs soupçonnait que ce phénomène bizarre des érections avait un lien avec ses pensées et sa curiosité sexuelle, c’est-à-dire avec son fantasme de voir des femmes nues, fantasme qui soutenait son désir de voyeur mais aussi son désir de savoir. Il craignait la mort de son père s’il pensait au sexuel et donc il s’empêchait de penser à ses pensées. Il supposait qu’il prononçait ses pensées à voix haute car il avait l’impression que ses parents connaissaient ses pensées, impression qui tient au sentiment d’extériorité du langage que nous connaissons tous. Eprouvant ces désirs, ce patient avait « un sentiment d’inquiétante étrangeté, comme s’il devait arriver quelque chose si je pensais cela et comme si je devais tout faire pour l’empêcher ». Ceci n’est pas sans évoquer la thèse freudienne quant à la sexualité infantile : « Les symptômes sont, ainsi que je l’ai déclaré ailleurs, l’activité sexuelle du malade »77.

Freud pense que tout ceci n’est pas le début de la maladie, mais bien plutôt que c’est la maladie elle-même. Toute la névrose obsessionnelle est là, dans la névrose infantile qui comporte, à titre de symptôme, l’axe de la névrose ultérieure. Premièrement, la pulsion scopique chez l’enfant fait venir au premier plan la satisfaction du regard prise dans le fantasme de voir des femmes nues, fantasme qui soutient le désir. Deuxièmement, une appréhension vient s’opposer au désir sur le mode d’une construction logique « si…. alors » : « Si j’ai le désir de voir une femme nue, alors mon père devra mourir. ». Troisièmement, un affect pénible du registre de l’inquiétante étrangeté s’impose au sujet : l’angoisse. De là, émerge alors en défense la nécessité de commettre des actes qui s’opposent à l’idée obsédante.

74 ibid.p203.

75 FREUD S. « L’homme aux rats. Journal d’une analyse ». PUF. Paris. 1974. p35. Dans le texte allemand, « curios » se trouve entre guillemets.

76 Ibid. note 21.p35.

77 FREUD S. « Trois essais sur la théorie sexuelle ». Folio Essais. Edition Gallimard. Paris.1987.p77.

A l’époque de l’analyse de l’Homme aux rats, Freud a déjà publié les « Trois essais sur la théorie sexuelle », en développant la thèse centrale de l’existence de la sexualité infantile : la sexualité de l’adulte est de caractère infantile et l’enfant est un pervers polymorphe. Ce qui étonnera Freud quant à l’étiologie sexuelle des névroses, c’est le fait que « la névrose obsessionnelle laisse reconnaître, bien plus clairement que ne le fait l’hystérie, que les facteurs qui constituent une psychonévrose ne se trouvent pas dans la vie sexuelle actuelle, mais dans celle de l’enfance »78. Il en déduit que l’on peut retrouver chez un petit garçon de 6 ans tous les éléments de la névrose. Il signale que la névrose obsessionnelle débute à un très jeune âge ; d’où, lorsqu’on reçoit quelqu’un qui présente des obsessions, il convient de rechercher le noyau infantile de la névrose pour avoir l’assurance qu’il s’agit vraiment d’un symptôme obsessionnel. C’est pour cette raison que nous pouvons considérer le cas de l’Homme aux rats comme paradigmatique de la névrose obsessionnelle. Il s’agit en effet chez ce patient « d’une névrose obsessionnelle complète à laquelle ne manque aucun élément essentiel, c’est en même temps et le noyau et le modèle de sa névrose ultérieure [..] »79. Il convient aussi de noter une autre caractéristique de la névrose obsessionnelle : une activité sexuelle précoce qui ne manque jamais. Celle-ci ne fait pas défaut chez l’hystérique mais elle est tombée dans l’oubli à cause du refoulement.

b) La grande appréhension obsédante (l’obsession du supplice des rats) :

L’Homme aux rats vient en analyse dans un état d’urgence subjective et d’extrême angoisse. Il a fait une mauvaise rencontre. Cette rencontre s’est posée comme énigme. Qu’est-ce qu’une énigme ? « Quelque chose est reconnue comme un signifiant, c’est-à-dire comme voulant dire quelque chose […]. Seulement, ce que ça veut dire, ne peut être énoncé, reste voilé, fait défaut »80. Cette énigme s’illustre dans l’obsession du supplice des rats et dans la rencontre avec

« le capitaine cruel ».

La deuxième séance est consacrée à l’élucidation du symptôme obsessionnel tel qu’il s’est déclenché à l’âge adulte. Ernst arrive et dit à Freud qu’il va lui raconter l’événement qui l’a poussé à venir le rencontrer et qui s’est produit deux mois avant sa venue, au mois d’août, alors qu’il devait accomplir ses obligations militaires. Deux événements, de pure contingence, se sont produits : d’une part il perd son pince-nez au cours d’une manœuvre et télégraphie à son opticien à Vienne pour qu’il lui en adresse un de rechange, et d’autre part il rencontre le « capitaine cruel ».

78 FREUD.S. « Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle (L’Homme aux rats) », op cit.p 206.

79 ibid.p204.

80 MILLER JA. « Ouverture – De la surprise à l’énigme », in Le Conciliabule d’Angers. « Effets de surprises dans les psychoses ». Le Paon. Agalma. Paris. 1997.p15.

A cette halte, il était assis entre deux officiers, dont l’un, un capitaine lui lu la description d’un supplice particulièrement épouvantable pratiqué en Orient. Ce supplice correspond à celui des rats, décrit par Octave Mirbeau dans « Le jardin des supplices » 81 en 1899. Quel rapprochement pouvons-nous faire ? Pouvons-nous considérer la dédicace de Mirbeau comme un indice ? Nous le citons « Aux prêtres, aux Soldats, aux Juges, aux Hommes, qui éduquent, dirigent, gouvernent les hommes, je dédie ces pages de Meurtre et de Sang »82. Est-ce la lecture favorite des Soldats à cette époque ? Le capitaine cruel avait-il lu le livre de Mirbeau ? Mirbeau nous décrit le supplice du rat. On attache le condamné, on renverse sur ses fesses un pot dans lequel on introduit des rats qui s’enfoncent dans l’anus.

Lorsqu’Ernst en arrive au point de communiquer à Freud le récit entendu, il se lève du divan, marche de long en large, son discours devient confus, il s’exprime obscurément et il porte sur le visage une expression complexe que Freud épingle comme témoignant de « l’horreur d’une jouissance à lui-même ignorée »83. Dans le Journal, cette phrase a été traduite d’une autre manière :

« on remarque chez lui une expression étrange, que je ne peux interpréter que comme l’horreur d’une volupté [Lust] qu’il ignore lui-même »84. La différence réside dans la traduction du terme freudien de « Lust » que nous pourrons traduire avec Lacan par « jouissance ». En effet, jouissance est la traduction du mot allemand « Genuss ». Il nous semble que de traduire Lust par

« plaisir » conduit à des aberrations par exemple comme dans la phrase ci-dessus « l’horreur d’un plaisir ignoré de lui-même ». Nous verrons par la suite que l’effort de Lacan « était un effort de conceptualisation, celui de Lagache, un effort de traduction »85. Le choix de Lacan se faisait au profit du concept dans une visée d’intelligibilité. Lacan traduit là où c’est nécessaire pour donner au lecteur français un accès à la logique de la construction freudienne.

Dans son récit du supplice, Ernst ne peut prononcer le terme « anus » et c’est Freud qui le nomme à sa place. Il expose également que lorsqu’il a entendu ce récit s’est imposée à lui la pensée, qu’il repousse comme lui étant étrangère : « cela va arriver à une personne qui m’est chère». Simultanément à la pensée émerge la sanction : pour que la pensée ne se réalise pas, il doit accomplir quelque chose. A partir de là, il mène un combat sans merci contre la pensée et il est soumis à la sanction. Il va s’appuyer sur deux formules de défense : un mot – aber (« mais » en allemand) – prononcé en même temps qu’un geste de rejet, et des paroles qui s’adressent à

81 MIRBEAU O (1899). « Le jardin des supplices ». Gallimard.p208-209.

82 Ibid. p41.

83 FREUD.S. « Remarques sur un cas de névrose obsessionnelle (L’Homme aux rats) », op cit.p 207.

84 FREUD.S. (1907). « L’homme aux rats. Journal d’une analyse ». Puf. Paris. 1974. p45.

85 LAURENT E. « Parlez-vous freudien ? ». in L’Ane, 24, Paris. 1988. p4

même : « Mais voyons, que vas-tu imaginer ?! » Les personnes auxquelles le supplice doit être infligé sont son père, mort depuis longtemps, et la dame dont il est épris. Ce n’est pas lui qui inflige le supplice ; celui-ci est impersonnellement infligé (cela arrivera).

Conjointement se met en scène le « scénario du symptôme obsessionnel » : le scénario de la dette impossible à payer. En effet, suite à la commande du pince-nez, le lendemain, le capitaine cruel lui remet son paquet. Il lui indique qu’il doit rembourser le lieutenant A. Cela a sur Ernst un effet foudroyant : il ne doit pas rendre l’argent, sinon le supplice des rats arrivera. S’y adjoint un commandement : tu dois rendre l’argent au lieutenant A. Donc il ne peut pas bouger ! Le récit est contradictoire, confus, vague et peu précis. Dans un état de stupeur et de confusion, Ernst appelle Freud : « Mon capitaine ».

La haine envers le père : Les trois séances suivantes nous éclairent et donnent le point nodal de la névrose. Lors de ces trois séances, Ernst parle de son père, mort lorsqu’il avait 21 ans et vis-à-vis duquel il se reproche d’avoir été négligent. Il se reprocha de n’avoir pas assisté à la mort de son père, reproches qui s’intensifièrent lorsque l’infirmière lui apprit que son père avait prononcé son nom. Après sa mort, il est envahi par un sentiment d’incroyance : il s’imagine sans cesse que son père est vivant.

Un an et demi plus tard, à la suite du décès d’une tante, il se souvient de sa négligence, et celle-ci devient une source intarissable de culpabilité et de reproches: il se prend pour un criminel. La conséquence en est une très grave inhibition intellectuelle. Freud fait l’hypothèse d’un fantasme en rapport avec la mort du père qui se prolonge dans l’au-delà, mais il trouve les affects liés aux reproches disproportionnés par rapport au contenu : ces reproches et cette culpabilité ne collent pas. Il y a un désaccord entre les représentations et les affects ; l’affect doit correspondre à un autre contenu; il faut supposer une fausse connexion entre affect et pensée. Il ne s’agit donc pas de déculpabiliser mais de chercher la vraie raison. Dans toute névrose obsessionnelle se produit ce type de mauvaise connexion logique. Freud recherche alors un souhait infantile : le souhait de la mort du père. L’homme aux rats s’insurge, se défend, affirme qu’il adore son père, qu’il l’aime

Un an et demi plus tard, à la suite du décès d’une tante, il se souvient de sa négligence, et celle-ci devient une source intarissable de culpabilité et de reproches: il se prend pour un criminel. La conséquence en est une très grave inhibition intellectuelle. Freud fait l’hypothèse d’un fantasme en rapport avec la mort du père qui se prolonge dans l’au-delà, mais il trouve les affects liés aux reproches disproportionnés par rapport au contenu : ces reproches et cette culpabilité ne collent pas. Il y a un désaccord entre les représentations et les affects ; l’affect doit correspondre à un autre contenu; il faut supposer une fausse connexion entre affect et pensée. Il ne s’agit donc pas de déculpabiliser mais de chercher la vraie raison. Dans toute névrose obsessionnelle se produit ce type de mauvaise connexion logique. Freud recherche alors un souhait infantile : le souhait de la mort du père. L’homme aux rats s’insurge, se défend, affirme qu’il adore son père, qu’il l’aime