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L’intervention publique dans les différentes phases du cycle de vie d’un cluster

Section 1 : Les différentes formes des réseaux d’entreprises

6. Cluster

6.3. L’intervention publique dans les différentes phases du cycle de vie d’un cluster

L’intervention des acteurs publics au développement des réseaux, montre leur intérêt pour le développement local (Quevit et Van Doren, 1993). Selon Hospers et Beugelsdijk (2002) et Andersson et al. (2004), les politiques publiques en faveurs des clusters (cluster policies) représentent les efforts et les actions qui sont prises par les acteurs publics en vue de favoriser et de contrôler la création et/ou le développement de clusters.

Selon Gilly et al. (2004), les acteurs publics peuvent permettre aux entreprises de se bénéficier des différentes ressources et sont considérés comme des coordinateurs du développement local. Ils peuvent ainsi améliorer le processus de décision collective (Graddy et Chen, 2006). Aussi, ils peuvent organiser des programmes de formation en vue d’améliorer la qualité de la main d’œuvre locale et le capital humain. La compétitivité des territoires est susceptible d’être améliorée grâce à leur investissement dans certaines technologies, dans des infrastructures, des autoroutes, des parcs scientifiques, etc. (Isserman, 1994 ; Malecki, 1994).

Le rôle des acteurs publics, locaux et nationaux, dans l’émergence et la structuration des réseaux territoriaux d’organisations a été abordé dans la littérature (Llobrera et al., 2000 ; Solvell et al., 2003 ; Andersson et al., 2004 ; Favoreu et Lechner, 2007 ; Belussi et al., 2008).

Se basant sur les études littéraires et empiriques de Solvell et al. (2003) et Andersson et al. (2004), la pertinence, la nature et l’efficacité des cluster policies ou bien des cluster initiatives se diffèrent en fonction du stade de développement atteint par le cluster. Ainsi, Favoreu et

44 Lechner (2007) ont synthétisé l’intervention publique dans les différentes phases du cycle de vie d’un cluster.

Nous présentons les travaux concernant le cycle de vie du cluster puis nous portons d’attention au rôle des acteurs publics dans les différentes phases du cycle de vie du cluster.

➢ Le cycle de vie du cluster

D’après les travaux de Swann (1998), Andersson et al. (2004) et Favoreu et Lechner (2007), les clusters suivent un cycle de développement similaire, bien qu’ils se diffèrent dans leur trajectoire de développement et rythmes d’évolution. Parmi les facteurs qui influencent le processus d’évolution des clusters, nous trouvons : l’évolution de la structure relationnelle interne(Ketels, 2003), les cycles d’innovation et de développement technologique (Dalum et al. 2005), et la masse critique d’entreprises spécialisées sur le territoire.

Les travaux de Swann (1998) et Rosenfeld (2003) évoquent quatre phases de développement qui sont elles-mêmes fonction des processus d’émergence, de diffusion, de commercialisation et de déclin d’une technologie et du cycle de développement de l’industrie :

-Les clusters embryonnaires (étapes initiales de développement)

Cette phase est caractérisée par la concentration d’activités semblables, formant un sous- groupe spécialisé au sein de l’industrie locale, (Pounder et John, 1996, Hannan et Caroll, 1992) et l’absence non seulement des interactions (Lyon et Athterton, 2000) mais aussi d’une taille critique des entreprises (Rosenfeld, 1997). Selon Swann (1998), l’élément déclencheur de cette phase est généralement la création d’une technologie autour laquelle se développe le cluster.

-Les clusters établis pour lesquels il existe encore des perspectives de croissance

A ce stade, les entreprises développent leur activité autour de la technologie crée à la phase initiale du cluster même si le nombre d’emploi est relativement faible (Andersson et al. 2004).

45 Selon Swann (1988), le cluster prend réellement forme pendant cette phase d’émergence qui se caractérise par le développement des activités du transfert de technologie (valorisation de recherche, spin offs…) ainsi que la promotion de l’entreprenariat (Gemser et al., 1996) via des logiques de création ou d’imitation (Rosenfeld, 2003). En plus l’entrée de nouvelles firmes augmente le dynamisme du cluster (Pandit et al. 2002 ; Brenner, 2004).

Des interactions entre les firmes de nature horizontales et verticales se produisent en raison de manque de ressources, d’infrastructures et de compétences (Gemser et al., 1996).

-Les clusters matures (difficultés à croître)

La phase de la maturité du cluster se caractérise par un développement marquant. Cela est dû par la présence d’une taille critique résultant de l’implication de nouveaux membres au cluster et par la suite l’élargissement des interactions entre les différents acteurs (Rosenfeld, 2003 ; Andersson et al., 2004) et en particulier les liens verticaux (Gemser et al., 1996). Ce qui amène à une augmentation du taux de productivité et d’innovation locales (Swann et Baptista, 1998).

Selon Cooke (2002), ce qui caractérise les clusters dynamiques est la définition des objectifs communs en termes d’image, d’une identité et d’une vision, ainsi que la capacité à les formuler en actions et stratégies collectives et partenariales.

-Les clusters en déclin

Plusieurs facteurs peuvent provoquer le déclin du cluster tels que l’obsolescence de la technologie clé, le risque induit de la banalisation des « process » de production et la pression sur les prix exercée par le concurrence (Rosenfeld, 2003), le manque des ressources partagées et des compétences et les difficultés de coopération et de congestion liées à la taille.

Selon Andersson et al. (2004), l’ouverture du cluster vers l’extérieur en nouant des nouveaux liens avec des régions, industries ou d’autres clusters et la tendance vers une spécialisation poussée pourraient donner de vie au cluster et relever de nouveau sa dynamique endogène. Trois scénarios pourraient être envisagés pendant cette phase qui se nomme aussi

46 « transformation » du cluster : une division en plusieurs sous-clusters spécialisés ; un changement d’activité ; une disparition.

Ainsi, les travaux scientifiques, en particulier ceux de CLUNET12(2008), enrichissent les travaux précédents et décrivent les cinq étapes du cycle de vie d'un cluster, indépendamment de son type.

Figure 7 cycle de vie d'un cluster

Ce Schéma décrit les cinq phases du cycle de vie d’un cluster comme suit :

-Agglomération : un espace géographique concentre un certain nombre d'entreprises et

d'autres acteurs économiques qui se connaissent peu ou pas.

-Emergence : des acteurs économiques et des entreprises commencent à coopérer de

manière plus ou moins formelle sur un espace géographique autour d'une activité. Cela leurs permet de créer de nouvelles opportunités (augmentation du chiffre d'affaires, veille commune juridique, etc.).

-Développement : les liens entre les acteurs économiques et les entreprises se développent.

Des moyens sont mis en œuvre pour attirer des acteurs d'autres espaces géographiques. Les activités se structurent et des premiers outils communs de coopération se développent (site internet, association commune).

12 CLUNET | PRO INNO Europe®, CLUNET aims to share experiences and implement concrete pilot projects

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-Maturité : le cluster a une masse critique d'acteurs économiques et d'entreprises. Des liens

avec des acteurs économiques et des entreprises d'autres territoires se développent. Le cluster développe également des liens avec des clusters qui couvrent le même marché. Des activités permettant de favoriser la création de nouvelles entreprises sont mis en place (start-up, joint- ventures, spin-offs).

-Transformation : Le cluster se duplique et s'adapte aux évolutions du marché visé. Le

cluster peut se dupliquer en d'autres clusters pour répondre à d'autres besoins ou changer ses activités en fonction des attentes des demandes du marché.

➢ L’intervention publique dans les différentes phases du cycle de vie d’un cluster

Ce tableau présente une synthèse des travaux de la littérature sur l’intervention publique dans les différentes phases du cycle de vie d’un cluster (Favoreu et Lechner, 2007) :

Phase de développement du

cluster

Embryonnaire Emergente Croissance et

structuration Maturité et déclin Besoins fondamentaux et facteurs de développement Développement et appropriation d’une technologie à débouchés commerciaux significatifs Besoins physiques et matériels en infrastructure de base -Besoins sociaux et relationnels -Capacité à définir une stratégie collective Besoins d’ouverture et de régénération technologique et commerciale Modalités publiques d’intervention

Limitées car difficultés à identifier ces catégories

de cluster -Sites et structures de développement -Aides financières et services spécialisés -Aide à la prospection et aux tests de marche -Plateformes et modalités de mise en réseau. -Stratégie de création d’une identité collective -Actions de promotion interne et externe -Aide à l’innovation -Création de partenariats (Centres de R&D, industrie et enseignement) -Formation et réorientation des compétences de qualification locales. -Ouverture internationale -Favoriser l’émergence de nouvelles technologies

48 Efficacité de

l’intervention publique

Nulle Modérée voire

négative Forte Faible

Tableau 2 L’intervention publique dans le développement du cluster - sourceFavoreu et Lechner (2007)

D’après ce tableau, la nécessite d’intervention publique se diffère d’une phase de développement à une autre (Favoreu et Lechner, 2007).

Pour Rosenfeld (2003), la phase embryonnaire et la phase de maturité-déclin sont souvent perçus peu favorable pour l’intervention publique. Le fait d’impulser un cluster qui est encore dans sa phase initiale (un simple regroupement d’entreprise) dépend sur des variables complexes, en particulier des comportements entrepreneuriaux locaux (Bresnahan et al., 2001). En effet, les premiers liens et la confiance se créent entre les entreprises existantes d’une manière naturelle sans intervention directe des autorités publiques (Andersson et al., 2004)

Ainsi, pendant la phase du déclin du cluster, l’intervention publique resterait limitée à cause de la nature exogène des macro-phénomènes à l’origine du déclin et l’impact des dispositifs qui pourraient être prises en vue de corriger la situation est du long terme, ce qui est inadaptable à la situation urgente.

Selon Andersson et al. (2004), si l’intervention publique est sous forme de soutien, d’accompagnement et d’aide, elle ne semble pas avoir d’impact et de contrôle directs sur le développement du cluster. Cependant, le rôle des politiques publiques s’avère efficace en accompagnant le processus d’évolution naturelle des clusters vers la consolidation, l’innovation technologique et l’internationalisation (Bianchi et al., 1999). Dans ce cas, les politiques publiques pourraient être considérées comme un catalyseur pour l’action et les initiatives collectives lors de ces phases. Aussi, le rôle des acteurs publics locaux ou nationaux est souvent rappelé dans la constitution des réseaux (Provan et Milward, 1995 ; McGuire et Agranoff, 2007).

Selon Lundequist et Power (2002), l’action publique semble s’inscrire dans la création d’une image, d’une identité commune, d’un sentiment d’appartenance et dans la constitution d’une vision stratégique partagée sur le futur du cluster.

49 En plus, d’après les travaux empiriques et littéraires de Favoreu et Lechner (2007) sur la place des politiques publiques dans la création et le développement de cluster d’entreprises, ces auteurs ont mis en évidence le rôle primordial de l’intervention publique dans le développement du cluster et plus particulièrement dans les phases de leur création et d’institutionnalisation. Ils ont évoqué les propositions suivantes :

- L’efficacité, la nature et la légitimité des politiques publiques d’aide aux clusters se diffèrent en fonction de leur degré de développement,

- Certaines phases s’avèrent plus propices et plus légitimes que d’autres à l’intervention publique (phases de développement et de structuration),

- Les actions de promotion, de marketing interne et externe et de création d’une identité commune s’avèrent pertinentes et efficaces lors des phases de développement et de structuration du cluster,

- L’existence d’une vision partagée entre les acteurs du cluster et la mise en place d’une stratégie collective sont des éléments déterminants pour la croissance des clusters.

Par ailleurs, selon Brenner (2000) et Belussi et al., (2008), le soutien des acteurs publics pourrait favoriser le développement des réseaux. Ils sont perçus comme des parties prenantes externes lors de la phase d’émergence des réseaux, puis comme des parties prenantes internes pendant leur institutionnalisation (Belussi et al., 2008).

Les travaux de Favoreu et Lechner (2007) et Belussi et al. (2008) ont mis donc en évidence le rôle des acteurs publics, notamment dans les phases de création et d’institutionnalisation des clusters.

L’originalité des travaux de Denis Chabault (2009) viendrait ensuite afin de savoir quel devrait être le degré d’intervention des acteurs publics et leur rôle. Selon lui, l’implication des acteurs publics aux processus décisionnels à plusieurs niveaux fait peser sur les pôles de compétitivité une nouvelle responsabilité dans la gouvernance des territoires. Cela pourrait mener les réseaux vers des trajectoires sous-optimales. Sa recherche postule donc que la coopération entre acteurs publics et privés, passe par une évolution des pratiques de concurrences entre territoires, vers des situations créatrices de projets communs.

50 La gouvernance a ainsi un impact sur la trajectoire des réseaux (Llobrera et al., 2000 ; DePropis et Wei, 2007 ; Chabault, 2009). Selon Alberti (2001), la gouvernance apparait comme un élément déterminant permettant de garantir la pérennité de ces systèmes. Nous creusons ainsi la question de la gouvernance des clusters dans la section suivante.

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