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Section 2 : Le modèle de la Triple Hélice et ses configurations

2- Les trois configurations du modèle de la Triple Hélice

Les auteurs du modèle de la Triple Hélice (Leydesdorff et Etzkowitz, 2000) cherchent à changer la vision des relations traditionnelles institutionnelles entre le monde de la recherche et le monde économique. Ce modèle implique l’interaction entre l’hélice Académique, l’hélice Industrielle et l’hélice d’Etat, afin de créer un environnement propice à l’innovation.

Trois sphères coexistent : la sphère publique (Europe, gouvernement, collectivités…), la sphère privée (industrie, secteurs marchands ou non marchands…) et la sphère académique (université, écoles centres de recherche…), qui opéraient autrefois dans les économies du laissez-faire avec davantage de distance, s’entremêlent de plus en plus à la manière d’une spirale où les liens entre elles émergent à des stades variés du processus d’innovation (Leydesdorff et Etzkowitz, 2000).

Nous distinguerons trois configurations qui peuvent être considérées comme des « instants » (Giddens, 1984) du modèle plus général de la Triple Hélice :

Figure 22 Trois générations différentes de la Triple Hélice selon Leydesdorff et Etzkowitz (2000)

D’après les travaux de Olosutean (2011), Gibbons et al. (1994) ont présenté dans leur ouvrage « The new production of knowledge » que le paradigme des relations entre la connaissance scientifique, les pratiques technologiques, l'industrie, la science et la société dans son ensemble s’est profondément modifié par rapport à ce qui se passait à l'époque. Gibbons et al. (1994) montrent deux modes différents de production des connaissances.

106 Premièrement, la situation historique « La Triple Hélice I » (le mode 1 de production de connaissance) dans laquelle l'Etat rassemble l'industrie et le milieu universitaire. Il régule la relation entre eux par la législation ou les directives. Ce modèle s’est prédominé jusqu’en 1950. D’après les travaux de (Leydesdorff et Etzkowitz ; 2000) et Terry Shinn (2002), dans ce modèle de relations étatiques entre l’université, l’industrie et le gouvernement, les deux hélices l’université et les industries sont séparés. L’interaction entre eux semble inexistante. Le monde universitaire serait basé sur une université autonome, des disciplines et des spécialités scientifiques indépendantes, et la possibilité pour les scientifiques de décider de ce qui est ou n’est pas la science et la vérité. Ce Mode 1 est compatible avec des modèles linéaires de l’innovation (Bush, 1945) affirmant qu’une recherche fondamentale développée dans un milieu universitaire représente une base d’une nouvelle technologie. Celle-ci se développe par la suite dans le monde économique pour des applications de ces nouvelles connaissances. La Triple- hélice I a eu un échec comme un modèle de développement. En fait, la plupart des initiatives ne peuvent dériver que de l’Etat et s’entravent « de bas en haut ». C'est pour cette raison que l’innovation, notamment, y est découragée.

Deuxièmement, selon Leydesdorff et Etzkowitz (2000) et Terry Shinn (2002) « La Triple Hélice II » dans laquelle les acteurs institutionnels sont strictement séparés. Ils sont reliés entre eux par différents canaux de communication mais les relations restent très limitées. Ce nouveau mode de production du savoir « 2 » a évoqué l’idée de la disparition de l’université traditionnelle, de ses disciplines scientifiques indépendantes et de son autonomie dans la recherche. Dans ce mode, l’université moderne s’est affaiblit en termes d’une disparition des disciplines scientifiques et une atrophie du contrôle scientifique sur la direction et le contenu des programmes de recherche. Il se caractérisait par une nouvelle interdisciplinarité, par le recours de groupes ad hoc d'experts organisés provisoirement autour de problèmes urgents et par la primauté des problèmes économiques et sociaux dans la décision de développer telle ou telle domaine de connaissance. Ce mode représentait plutôt la science d’aujourd’hui.Le Mode 2 apparaît donc comme compatible avec des modèles d’innovation non-linéaires et leurs ramifications. La Triple-Hélice II implique une politique de laisser-faire. Cette politique pourrait être préconisée comme thérapie de choc dans le modèle de la triple hélice pour réduire le rôle de l'Etat qui était fameux en Triple-Hélice II.

107 Par conséquent, ce mode 2 renvoie l’image du modèle de la « Triple-Hélice » caractérisé par des relations mutuelles entre l’Industrie, les Universités et l’Etat qui peuvent jouer des rôles différents dans des contextes différents.

Troisièmement, la Triple Hélice III, dans laquelle les trois éléments sont imbriqués et favorisent l'émergence de réseaux trilatéraux et les organisations hybrides. Aujourd’hui, la plupart des pays visent à réaliser ce modèle sous une forme ou une autre afin de créer un environnement propice à l’innovation. Celui-ci s’est caractérisé par des entreprises dérivées de l’université, des initiatives trilatérales de développement économique fondé sur la connaissance, d’une coopération entre les petites et les grandes entreprises travaillant dans des différents secteurs, des laboratoires gouvernementaux et des groupes de recherche universitaires (Leydesdorff et Etzkowitz, 2000).

Cependant, le modèle de la Triple Hélice insiste sur les continuités historiques. Les relations antérieures perdurent entre l’université, l’industrie et le gouvernement et de nouvelles formes de relation et d’institution se créent (Etzkowitz et Leydesdorff, 2000).

L’approche de la Triple Hélice a mis l’accent sur une nouvelle strate de « développement du savoir », dans laquelle se réunisse l’université, l’industrie et l’Etat. Celle-ci cherche à atténuer les problèmes nouveaux soulevés par un monde en pleine mutation économique, institutionnelle et intellectuelle. La triple hélice est conçue comme l’expression sociologique de ce qui est devenu un ordre social, de plus en plus fondé sur la connaissance (Terry Shinn ; 2002)

L'approche de la Triple-hélice III cherche à briser les frontières entre l'Industrie, l'Etat et l'Université. " La plupart des pays et régions tentent actuellement de réaliser, sous une forme ou une autre, le modèle complet, « la Triple hélice 3 ». L'objectif commun est de créer un environnement innovateur dans lequel on retrouve des entreprises dérivées de l'université, des initiatives trilatérales de développement économique fondé sur la connaissance ainsi que des alliances entre des entreprises (petites et grandes) œuvrant dans des secteurs distincts et à des niveaux technologiques différents, des laboratoires gouvernementaux et des groupes de recherche universitaires." 21

108 Le noyau mystérieux de la Triple Hélice III est enfin identifié. Cette configuration est caractérisée par la rencontre en son centre de trois grands pôles traditionnels, l’apparition d’organismes hybrides qui combinent les caractéristiques traditionnellement associées à l’un ou l’autre des trois pôles concernés permettra d’optimiser l’objectif d’innovation (Leydesdorff et Etzkowitz, 2000).

Ces trois pôles prennent la forme d’hélices imbriquées les unes dans les autres formant ainsi une nouvelle couche des réseaux trilatéraux et des organismes hybrides exerçant un rôle particulier en matière d’innovation (Therrien, 2005).

Nous nous intéresserons dans notre projet de recherche à l'approche de la Triple-hélice III, qui cherche à briser les frontières entre l'industrie, l'état et l'université.

Figure 23 Leydesdorff et Etzkowitz (2000)

Par analogie avec l’ADN, le principe descriptif de la Triple Hélice est le suivant : chaque brin de l’hélice (les trois institutions : entreprises, gouvernements, université) dispose de son propre code de comportement et la communication entre les brins se fait par leur interface et par l’échange des codes (les règles de comportement de chaque institution). L’échange des codes produit de la mutation génétique qui modifie en permanence à la fois la surface et la structure interne de chaque brin. Lorsque deux dynamiques institutionnelles tendent à co-

109 évoluer en trajectoires, un régime de transition émerge et les institutions peuvent alors assumer de façon flexible le rôle d’autres partenaires (Leydesdorff et Etzkowitz, 1998).

Ces trois pôles prennent la forme d’hélices imbriquées les unes dans les autres, formant ainsi une nouvelle couche des réseaux trilatéraux et des organismes hybrides exerçant un rôle particulier en matière d’innovation (Therrien, 2005). Le principe du modèle de la Triple Hélice a été étendu au niveau régional comme un moyen de construire un avantage concurrentiel (Cooke et Leydesdorff, 2006) et de formuler le « modèle linéaire assisté de la croissance économique régionale » (Leydesdorff et Etzkowitz,1998).

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