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1. L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE PEUT-ELLE ÊTRE L'AUTEURE D'UNE

1.2. La détermination de l'auteur des créations générées par intelligence artificielle

1.2.4. L'intelligence artificielle en tant qu'auteure

Alors que pour certains320, reconnaitre l'intelligence artificielle comme auteure n'est pas souhaitable, pour d'autres321, cette proposition n'est pas insensée. Nous l'avons vu, il n'y a pas de solution idéale. Chacune des options envisageables présente son lot de difficultés. Puisque le processus créatif n'émane pas forcément d'une personne humaine, le droit n'arrive pas à bien appréhender cette situation. Il n'est pas nouveau que lorsqu'une nouvelle technologie voit le jour, le droit est en retard et peine à s'y adapter322.

Le concept d'intelligence peut avoir plusieurs définitions qui n'abondent pas forcément dans la même direction. Certains réservent « cette qualité aux êtres humains, d'autres revendiqu[e]nt la possibilité de simuler cette capacité humaine dans des artefacts, tandis que d'autres encore considèrent que les animaux, voire la nature, en sont dotés »323. Dès les débuts de l'intelligence artificielle, Marvin Minsky, un des cofondateurs de ce champ de recherche, définissait l'IA comme « la science qui fait faire aux machines des choses qui nécessiteraient de faire preuve d'intelligence si elles étaient faites par des hommes »324. Déjà, à l'époque, il était reconnu que l'IA était minimalement capable de simuler l'intelligence puisqu'elle pouvait reproduire des comportements intelligents325. L'Office québécois de la langue française fournit maintenant cinq définitions à l'intelligence, dont une qui est particulièrement intéressante. Il s'agit de la « capacité d'un équipement

320

Par exemple : Magali BOUTEILLE-BRIGANT, « Intelligence artificielle et droit : entre tentation d'une personne juridique du troisième type et avènement d'un ''transjuridisme'' » (2018) 062 Les Petites affiches 7; Grégoire LOISEAU, « La

personnalité juridique des robots : une monstruosité juridique - Libres propos » (2018) 22 JCP G 597; Grégoire LOISEAU, « Des robots et des hommes », D. 2015.2369; Alexandra MENDOZA-CAMINADE, « Le droit confronté à l'intelligence

artificielle des robots : vers l'émergence de nouveaux concepts juridiques ? », D. 2016.445; Alexandra BENSAMOUN, « Création et données : différence de notions = différence de régime ? », D. 2018.85.

321

James WAGNER,«Rise of the Artificial Intelligence Author » (2017) 75 Advocate (Vancouver) 527; Arnaud TOUATI,

supra, note 19; Thierry DAUPS, « Le robot, bien ou personne ? Un enjeu de civilisation ? » (2017) 094 Les Petites affiches 7.

322

Lucia SILLIG, « Donnons des droits aux robots », Le Monde, 17 février 2013, en ligne : <https://www.lemonde.fr/sciences/article/2013/02/17/donnons-des-droits-aux-robots_1832927_1650684.html>.

323

Sonia DESMOULIN-CANSELIER, « Les intelligences non humaines et le droit. Observations à partir de l'intelligence animale et de l'intelligence artificielle » (2012) 55 Le droit et les sciences de l'esprit 65, p. 2.

324

Ibid, p. 3.

325

43

informatique à traiter de l'information de façon autonome »326. Ainsi, il ne s'agit plus d'une qualité exclusivement reconnue à l'être humain. D'autre part, dans le milieu artistique et musical, il ne fait plus de doute que l'IA a passé le fameux Test de Turing permettant de déterminer si une machine est intelligente327. En effet, il n'est plus toujours possible de différencier les oeuvres réalisées par l'IA et celles réalisées par un humain, car elles provoquent la même émotion328. Par exemple, des spécialistes ont déclaré que s'ils avaient vu le tableau The Next Rembrandt dans un musée, ils auraient cru qu'il s'agissait d'un véritable tableau réalisé par le célèbre peintre329.

Ainsi, est-ce que l'intelligence artificielle peut être l'auteure de ses oeuvres en vertu de la Loi sur le droit d'auteur330? Pour certaines législations, la réponse est plus évidente, car elles ne sont pas disposées à protéger les créations par intelligence artificielle. Par exemple, aux États-Unis, dans l'affaire Feist Publications c. Rural Telephone Service Company, Inc., la cour a conclu que le droit d'auteur protégeait « uniquement le fruit d’un travail intellectuel fondé sur le pouvoir créateur de l’esprit »331

. Suivant cela, « le bureau national du droit d’auteur a déclaré que seules des œuvres originales créées par un être humain pourraient prétendre à une protection par le droit d’auteur »332

. En Australie, une question similaire a été présentée en février 2010333. Il s'agissait d'un ordinateur qui avait créé une base de données sans l'intervention d'un humain. La cour a refusé d'accorder la protection à cette base de données puisqu'elle n'avait pas été créée par une personne physique334. Puis, dans une autre affaire en mars 2012335, la Cour fédérale de l'Australie « a déclaré qu’une œuvre créée au moyen d’un ordinateur ne pouvait faire l’objet d’une protection par le droit

326 OFFICE QUÉBÉCOIS DE LA LANGUE FRANÇAISE, « Fiche terminologique : intelligence », en ligne :

<http://www.granddictionnaire.com/Resultat.aspx>.

327

Jean-Gabriel GANASCIA, L’intelligence artificielle : science & techniques, coll. Idées reçues, n°138, Paris, Le Cavalier Bleu, 2007, p. 17; Stéphane LARRIÈRE, supra, note 29.

328 Guillem Q

UERZOLA, « AIVA, premier compositeur de musique artificiel(le) ? » (2017) 139 Revue Lamy Droit de

l'Immatériel; Juliette REDIVO, « Oeuvre créée par intelligence artificielle : des droits d'auteur pour les robots », L'express

L'expansion, 23 août 2017, en ligne : <https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/oeuvre-creee-par-intelligence-artificielle-

des-droits-d-auteur-pour-les-robots_1937095.html>.

329

ING, « The Next Rembrandt », en ligne : <https://www.nextrembrandt.com/>.

330

Camille AUBIN et Justin FREEDIN,supra, note116.

331

Andres GUADAMUZ, supra, note 69.

332

Ibid.

333

Telstra Corporation Limited v. Phone Directories Company Pty Ltd [2010] FCAFC 149; Marie SOULEZ, « Le droit de la propriété intellectuelle à l'épreuve des technologies robotiques » (2016) 37 JCP G 972; Barry SOOKMAN, « Is there copyright in a directory produced by a computer ? The Telstra case », Barry Sookman, 15 décembre 2010, en ligne : <http://www.barrysookman.com/2010/12/15/is-there-copyright-in-a-directory-produced-by-a-computer-the-telstra-case/>.

334

Marie SOULEZ, « Le droit de la propriété intellectuelle à l'épreuve des technologies robotiques » (2016) 37 JCP G 972.

335

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d’auteur, car elle n’avait pas été réalisée par un humain »336

. Au niveau européen, la Cour de justice de l'Union européenne est d'avis que le droit d'auteur ne s'applique « qu’à des œuvres originales et que l’originalité [va] de pair avec ''une création intellectuelle propre à son auteur''. Cette décision est généralement interprétée comme signifiant qu’une œuvre originale doit être le reflet de la personnalité de son auteur, ce qui signifie qu’une intervention humaine est indispensable pour qu’une œuvre puisse être protégée par le droit d’auteur »337

. Enfin, la France soutient la même position, seule une personne physique peut être considérée comme un auteur338.

D'autre part, « un enjeu comparable a récemment été considéré aux États-Unis, où [the 9th U.S. Circuit Court of Appeals] a déterminé qu’une photographie prise par un singe ne peut être protégée par le droit d’auteur, […] que la loi américaine sur le droit d’auteur n’applique pas le concept d’auteur ou de statut légal aux animaux, et que par conséquent, les œuvres créées par des animaux ne peuvent pas être protégées par le droit d’auteur »339

. À titre de rappel, dans cette affaire remontant à 2011, le photographe qui était en voyage en Indonésie s'était fait dérober son appareil photo par un macaque noir, connu sous le nom de Naruto340. En faisant face à l'objectif, Naruto s'était pris en photo à plusieurs reprise341. Par la suite, le photographe avait publié ces photographies, ce qui a déclenché une saga judiciaire l'opposant à l'organisation People for the Ethical Treatment of Animals (PETA)342. PETA plaidait qu'il y avait violation au droit d'auteur et souhaitait que Naruto soit l'auteur des photos343. Les conclusions de la Cour de première instance et de la Cour d'appel ne leur ont toutefois pas donné raison. Cette affaire démontre une fois de plus que les États-Unis sont fermés à l'élargissement de la notion d'auteur. Celle-ci se limite aux personnes physiques.

336

Andres GUADAMUZ, supra, note 69.

337

Ibid.

338

Civ. 1re, 15 janv. 2015, n° 13-23.566 : JurisData n° 2015-000315; Marie SOULEZ, « Le droit de la propriété intellectuelle à l'épreuve des technologies robotiques » (2016) 37 JCP G 972.

339

Camille AUBIN et Justin FREEDIN, supra, note116; Brett MOLINA, « A monkey took a selfie, went to court - and lost the appeal », USA Today, 24 avril 2018, en ligne : <https://www.usatoday.com/story/news/nation-now/2018/04/24/monkey- selfie-copyright-case-naruto-crested-macaque/545166002/>; Naruto v. Slater, No. 16-15469 (9th Cir. 2018).

340

Christian LE STANC, « Droit d'auteur - Les selfies de Naruto » (2018) 6 Propr. industr. repère 6.

341 Ibid. 342 Ibid. 343 Ibid.

45

Cependant, ces comparaisons ne devraient pas forcément servir de lignes directrices pour le Canada. En effet, « la Loi sur le droit d'auteur est l'unique source de droit d'auteur au Canada, les jugements étrangers doivent être utilisés avec prudence pour l'interpréter, y compris ceux des États-Unis »344. Bien qu'il existe des similitudes entre les lois sur le droit d'auteur du Canada et des États-Unis :

La jurisprudence américaine doit […] être analysée avec prudence même si elle porte sur des faits semblables, car la loi américaine repose sur des conceptions du droit d’auteur fondamentalement différentes des nôtres. Les lois américaines ne s’inspirent pas des traités internationaux sur le droit d’auteur passés aux dix- neuvième et vingtième siècles, à savoir la Convention de Berne de 1886 et la Convention de Rome sur le droit d’auteur de 1928, les États-Unis n’ayant pas adhéré à ces traités.345

D'autre part, même si le Canada a adhéré à la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques et d'autres traités internationaux346

et qu'il est « souhaitable, dans les limites permises par nos propres lois, d’harmoniser notre interprétation de la protection du droit d’auteur avec celle adoptée par d’autres ressorts guidés par une philosophie analogue à celle du Canada. […] Il subsiste certaines différences conceptuelles entre le droit d’auteur de la tradition civiliste continentale et le copyright de la tradition anglaise ». En effet, les deux courants justifient la propriété intellectuelle de manière différente :

D'un côté, si la propriété intellectuelle est considérée comme le produit du travail, les créateurs sont récompensés de leur propre travail et ont le droit naturel de l'exploiter. Les lois qui protègent la propriété intellectuelle servent donc à la fois d'incitatif et de récompense pour ce type particulier de travail. La théorie du travail a eu une incidence importante dans les ressorts de la common law. De l'autre côté, si la propriété intellectuelle est considérée comme une extension de la personnalité du créateur, la protection juridique reconnait '' des droits naturels qui naissent de la relation personnelle du créateur avec l'idée et qui ne peuvent pas être aliénés sans la permission du créateur''. La théorie personnaliste considère les idées et leur expression comme intrinsèques à l'identité du créateur et essentielles au développement de la personne.Ces deux théories de la propriété intellectuelle s'expriment au Canada dans les influences française et britannique qui ont marqué l'évolution du droit canadien.347

344

Elizabeth F. JUDGE et Daniel J. GERVAIS, Le droit de la propriété intellectuelle, Cowansville, Québec, Thomson Carswell ; Éditions Y. Blais, 2006, p. 9.

345

Compo Co. Ltd. c. Blue Crest Music et autres, [1980] 1 R.C.S. 357, p. 367.

346

Par exemple : La Convention universelle sur le droit d'auteur, 1952.

347

LiseBACON, « L'évolution de la législation sur le droit d'auteur et la situation de l'artiste au Canada » (2008) 20 C.P.I. 623, p. 625.

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Ainsi, par ce mélange des deux traditions au sein de la législation canadienne, le Canada ne devrait pas nécessairement suivre exactement ce qui se fait à l'étranger puisqu'il se différencie par son modèle distinct. De plus, la volonté d'harmonisation n'est qu'un idéal, les États n'y sont pas contraints. Par exemple, le gouvernement de l'Estonie « évalue la création d'un statut juridique pour l'IA et les robots »348 malgré la position de la Cour de justice de l'Union européenne.

Actuellement, le matériel généré par des programmes informatiques est généralement considéré comme étant créé par le programmeur ou par l'utilisateur du programme349. Cependant, avec les progrès que connaît l'intelligence artificielle, il n'est plus impossible d'envisager qu'une intelligence artificielle puisse avoir son propre droit d'auteur350. En effet, les programmes d'intelligence artificielle « apprennent désormais de leur propre expérience, en tirent des conclusions, s'adaptent »351. Ils sont capables de reproduire « le processus créatif humain d'une façon confondante »352. Les recherches entourant l'IA ne cessent de se développer. Des chercheurs « tentent déjà de donner à ces intelligences une conscience artificielle, au moyen d'algorithmes capables de développer une pensée autonome »353. Ainsi, l'IA ne peut plus simplement être considérée comme un outil à la création, il est maintenant temps de lui considérer une place particulière dans la sphère juridique354.

À titre de rappel, pour qu'une œuvre puisse être protégée par le droit d'auteur, elle doit être originale. Dans CCH, la Cour suprême a choisi le critère de l'exercice du talent et du jugement355. Ainsi, pour qu'il soit envisageable de reconnaitre l'intelligence artificielle comme auteure, elle doit être capable de réaliser une œuvre originale. Par conséquent, il faut déterminer si elle peut faire preuve de talent et de jugement.

348 Emmanuel G

ARESSUS, « L’Estonie se prépare à légiférer pour donner un statut unique aux robots », Le Devoir, 20

novembre 2017, en ligne : <https://www.ledevoir.com/societe/science/513420/l-estonie-se-prepare-a-legiferer-pour- donner-un-statut-unique-aux-robots>; Emmanuel GARESSUS, « Les robots obtiendront leur propre statut juridique », Le

Temps, 16 octobre 2017, en ligne : <https://www.letemps.ch/economie/robots-obtiendront-propre-statut-juridique>;

Arnaud TOUATI et Gary COHEN, « Personnalité ou statut juridique pour les robots : La voie de l'Estonie », Wolters Kluwer, 1 novembre 2017, en ligne : <https://www.actualitesdudroit.fr/browse/tech-droit/intelligence- artificielle/9883/personnalite-ou-statut-juridique-pour-les-robots-la-voie-de-l-estonie>.

349

James WAGNER,«Rise of the Artificial Intelligence Author » (2017) 75 Advocate (Vancouver) 527, p. 527.

350

Ibid.

351

Arnaud TOUATI, supra, note 19.

352

Guillem QUERZOLA, supra, note 328.

353

Arnaud TOUATI, supra, note 19.

354

Guillem QUERZOLA, supra, note 328.

355

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Les programmes d'intelligence artificielle qui sont capables d'apprentissage automatique et d'apprentissage profond vont être en mesure de générer un résultat selon les informations initialement programmées356. « Ils s’appuient sur ces données pour créer une nouvelle œuvre et prennent des décisions en toute autonomie, tout au long du processus de création »357. Le programmeur ne connait pas le résultat d'avance, puisque ce sont seulement des instructions générales qui sont programmées et non une commande exacte. « Les programmes d'apprentissage automatique ont la possibilité de modifier ou d'adapter leur propre programmation en fonction des nouvelles données présentées au programme ou découvertes par le programme lui-même (par le biais de recherches sur le Web, de saisie vidéo, etc.) »358. Ils s'améliorent avec le temps, ils « construisent leur savoir en s'entrainant et en répétant des tâches, s'émancipant ainsi de leur programmation initiale »359.

Ces programmes d'apprentissage automatique permettent de laisser une plus grande autonomie à l'intelligence artificielle. Elle suggère des solutions et prend des décisions selon certains critères360. Elle est capable de « générer des associations inédites d'éléments, de combiner les enseignements de disciplines scientifiques différentes, de produire, sans intervention humaine, des constructions intellectuelles »361. Elle « se distingue de la mécanique en ce qu'elle n'est pas seulement là pour répondre à un ordre en vue de l'obtention d'un résultat donné. Le recours à l'intelligence artificielle s'inscrit bien dans une prise en main du sujet grâce au jeu de ses codes et algorithmes en vue de fournir, en toute autonomie, une réponse que l'homme n'a pas et dont il ne maîtrise pas la teneur »362. Elle peut créer quelque chose de totalement inattendu pour le programmeur et ne plus nécessiter d'implication humaine supplémentaire363. Par exemple, AIVA, une intelligence artificielle « capable de composer de la musique symphonique et émotionnelle »364 a été en mesure de développer « l’art de la composition grâce à l’apprentissage d’un très grand nombre de

356

James WAGNER,«Rise of the Artificial Intelligence Author » (2017) 75 Advocate (Vancouver) 527, p. 530.

357

Andres GUADAMUZ, supra, note 69.

358

Traduction libre de l'auteure : Machine learning programs have the ability to change or adapt their own programming

based on new data as it is presented to the program, or discovered by the program itself (through web searches, camera input, etc.).James WAGNER,supra, note 356.

359

Jacques LARRIEU, supra, note 305.

360

Stéphane LARRIÈRE, supra, note 29.

361

Jacques LARRIEU, supra, note 305.

362

Stéphane LARRIÈRE, supra, note 29.

363

James WAGNER,supra, note 356.

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partitions de musique [...] afin d’élaborer son modèle à la fois mathématique et intuitif de la musique »365. Le programmeur n'a plus besoin d'intervenir pour qu'AIVA crée et s'améliore étant donné qu'elle le fait par elle-même. Elle s'inspire des oeuvres qui lui ont été montrées « mais y ajoute une part d'imprévu (d' ''intuition'' revendiquent ses créateurs) »366. Ceci n'est pas si différent de l'artiste qui s'inspire, consciemment ou non367, de son expérience, de ce qui l'entoure ou de photographies. « Toute création s'inspire de quelque chose »368. D'autre part, la SACEM reconnait d'ailleurs AIVA comme étant une compositrice369. Le programmeur a programmé des instructions générales tel que l'IA ne doit pas reprendre à l'identique une partie importante d'une œuvre préexistante lorsque l'utilisateur lui demande, par exemple, de composer une musique avec un piano370. Cela est assimilable à une personne qui imposerait des contraintes à un auteur. Puis, même s'il est demandé de composer un type de musique selon les mêmes prérequis, AIVA « ne composera jamais deux fois la même œuvre, en raison de l'aléa qui la gouverne et de son apprentissage permanent »371. Dans cet exemple, le programmeur a fait preuve de talent et de jugement en créant le programme d'IA, mais il n'est pas l'auteur de ce qui a pu être créé par la suite. Toujours dans le cas d'AIVA, avant d'arriver à un résultat final d'une musique, elle a fait plusieurs combinaisons réussies par essais et erreurs pour produire le résultat final. Elle a appliqué des compétences qu'elle possède au développement de la musique. « En effet, le programme d'IA peut avoir traversé et testé plusieurs milliers de variantes […] avant de se fixer sur une version finale »372. Ainsi, la condition de talent semble rencontrée puisqu'elle a recours à ses connaissances personnelles, à une aptitude acquise ou à une compétence issue de son expérience pour produire l’œuvre373. D'autre part, l'IA peut faire preuve de jugement. Par exemple, lorsqu'AIVA crée une nouvelle musique, elle a plusieurs possibilités. Par contre, elle choisit celle qui est le plus susceptible de réussir ou de

365

Ibid.

366

Guillem QUERZOLA, supra, note 328.

367

Danièle BOURCIER et Primavera DE FILIPPI, « Les robots seront-ils les artistes de demain ? », La Tribune, 2 mars 2018, en ligne : <https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/les-robots-seront-ils-les-artistes-de-demain-770046.html>.

368

GUS, supra, note 82.

369

Bartu KALEAGASI, supra, note 73;AIVA TECHNOLOGIES, supra, note 88; Pierre BARREAU, supra, note 90.

370

Guillem QUERZOLA, supra, note 328.

371

Ibid.

372

Traduction libre de l'auteure : James WAGNER, «Rise of the Artificial Intelligence Author » (2017) 75 Advocate

(Vancouver) 527, p. 531.

373

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plaire374. Puis, dans CCH, la cour précise que le jugement correspond à « la faculté de discernement ou la capacité de se faire une opinion ou de procéder à une évaluation en comparant différentes options possibles pour produire l’œuvre »375. En somme, l'IA qui est minimalement dotée d'un système d'apprentissage automatique remplit le critère d'originalité. Elle est capable de prendre des décisions qui ne sont pas automatiques et d'acquérir de l'expérience personnelle, ce qui « permet de distinguer la machine intelligente de la simple programmation initiale »376. En conséquence, elle pourrait être l'auteure de son œuvre.

Certains arguments peuvent être réfutés à cette position. Le principal étant que le droit d'auteur attribue la qualité d'auteur à une personne physique377. Il est vrai que la Loi donne des indices nécessitant la présence d'une personne physique378. Or, le libellé de la Loi ne précise pas formellement que l'auteur doit être un humain ni les textes internationaux379. À l'époque, le droit d'auteur a été pensé pour une personne physique puisqu'il n'était pas envisageable que d'autres entités puissent créer. Par contre, les temps changent et la société