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CHAPITRE 2 : LE CADRE CONCEPTUEL

2.5 L’INNOVATION COMME PROCESSUS D’APPRENTISSAGE

L’innovation à travers l’économie de l’apprentissage

Nous nous situons actuellement dans une nouvelle ère, placée sous le signe des connaissances et de l’apprentissage qui se développent à un rythme accéléré. La plupart des publications actuelles insistent sur ce phénomène, que ce soit aux niveaux européen (avec les publications d’organismes comme l’OCDE), national ou régional, avec un intérêt croissant des pouvoirs publics pour la mise en place de politiques censées favoriser la création de connaissances de manière soutenue (Stratégie de Lisbonne, 2000).

Concrètement, cette accélération se matérialise par différents indicateurs : le cycle de vie des nouveaux produits est plus court, les nouveaux produits se diffusent plus rapidement, les salariés changent d’employeurs et de tâches plus souvent, ils doivent se former constamment, les nouvelles technologies permettent de communiquer rapidement et différemment, etc.

Par conséquent, la tendance actuelle, dans la lignée des travaux évolutionnistes, est de considérer l’innovation comme un phénomène de création de connaissances et de compétences, et donc d’apprentissage. C’est dans cette logique que nous nous plaçons, tout en insistant sur les enseignements de Kline & Rosenberg (1986) en ce qui concerne le caractère interactif et itératif de l’innovation.

Cette approche par les connaissances impose aux entreprises de développer des compétences leur permettant d’apprendre plus facilement et plus rapidement afin d’être capables de répondre aux changements rapides et complexes de leur environnement. Cet apprentissage peut être favorisé par le développement des technologies de l’information et de la communication (TIC), qui sont des outils permettant aux entreprises de s’adapter plus rapidement, alors qu’en même temps elles représentent des contraintes forçant ces mêmes entreprises à évoluer encore plus rapidement. Les TIC ont souvent été présentées comme la solution à toutes les difficultés et comme un facteur d’avenir remettant en cause les organisations et les structures existantes. Elles constituent souvent une menace pour les

95 compétences des hommes qu’elles sont censées remplacer. Sans négliger leur impact et le progrès qu’elles constituent, nous pensons – comme Lundvall (2002) – que les TIC, même si elles permettent de transcender les distances, ne supprimeront pas les relations de type face- à-face entre les personnes.

Après avoir considéré l’innovation comme un mécanisme d’apprentissage, il est nécessaire de définir clairement la notion d’innovation pédagogique et de comprendre les mécanismes et les différentes dimensions qu’elle intègre.

Notion d’innovation pédagogique : des définitions et points de vue différents

Comme pour le concept d’innovation étudié précédemment, nous proposons de réaliser un état de l’art de la notion d’innovation pédagogique afin de cerner ses contours et les différentes dimensions qu’elle intègre.

La notion d’« innovation » dans le dictionnaire de l’éducation et de la formation est présentée comme « l’introduction d’un nouveau ou d’un nouveau relatif dans un système existant, en vue de l’amélioration et d’une perspective de diffusion » (Champy & Etévé, 1994).

En 2001, Béchard et Pelletier déterminent l’innovation pédagogique comme « une action délibérée qui cherche à introduire de la nouveauté dans un contexte donné dans le but d’améliorer substantiellement les apprentissages des apprenants, en situation d’interaction et d’interactivité ».

Cros & Adamczewski (1996) tentent de cerner le concept d'innovation, dans leur ouvrage intitulé L'innovation en éducation et formation. Ainsi, Cros (1997) identifie, à partir d’une grille d’analyse réalisée avec son équipe, cinq invariants qu’elle nomme « les attributs incontournables » (Cros, 1999) pour l’innovation. Ces cinq attributs sont :

1. l’innovation c’est du nouveau ; 2. l’innovation comme produit ; 3. l’innovation comme changement ;

96 4. l’innovation comme action finalisée ;

5. l’innovation comme processus.

Ainsi, ces cinq attributs correspondent peu ou prou aux caractéristiques développées par les théoriciens de l’innovation.

Hassenforder (1972) précise : « L'innovation est le mode tâtonnant selon lequel une société se dirige vers l'avenir. Elle alimente et oriente ainsi la réflexion prospective. L'échec ou la réussite ne dépendent pas seulement des qualités intrinsèques de l'innovation, mais aussi de son adaptation à la réalité sociale du moment... De sa vitalité dépend la qualité de l'enseignement aujourd'hui comme son adaptation à la vie de demain... C'est le processus lui-même qui est facteur de productivité, c'est pourquoi il est important de la favoriser et de l'encourager constamment. » Il ajoute à la notion de nouveauté en pédagogie que « le nouveau peut se trouver dans une pratique pédagogique restaurée », ce qui correspond à ce que nous avons appelé précédemment la « rétro-innovation ».

De ce point de vue, « l'innovation en éducation et en formation ne peut être assimilée à l'innovation technologique dont on peut cerner l'objet nouveau, ni être réduite à l’apport positif d’une hypothétique économie pédagogique. L’éducation d’un être humain est toujours le résultat d’une dialectique de transformation du processus de formation et de l’être formé. En ce sens, éduquer c’est toujours vaincre des résistances, celles liées à l’évolution des situations d’enseignement, celles liées à l’évolution de l’être apprenant et celles liées à l’évolution du système éducatif et de la formation. Dans tous les cas, innover c’est perturber un équilibre dans lequel chacun peut se complaire. » (Caumeil, 1999)

À partir de la pluralité des définitions précitées, nous proposons d’exploiter ces références et ainsi d’en synthétiser ce qui nous paraît essentiel pour réaliser une tentative de définition à discuter. Ainsi, nous partirons de ce que nous entendons par innovation pédagogique en contexte de formation pour adultes : un processus d’amélioration continue qui vise à combiner, en les détournant (ou pas) de leur usage premier, toutes les ressources existantes ou nouvelles, en vue d’accroître l’efficience de la formation, à travers son appropriation et sa diffusion, jusqu’à l'atteinte de la masse critique, et ce dans un contexte donné.

97 Aussi nous associons-nous à la vision de Caumeil qui définit l’innovation « dans une perspective pragmatique à la fois à partir de l’intention qui préside l’action et qui doit être nouvelle, et d’autre part, à partir du degré de perturbation que l’action produit dans le système, donc son impact sur le marché », donc à sa diffusion, comme le définit Rogers (1962).

À travers l’ensemble de la littérature, on constate que l’innovation pédagogique se traduit à travers les représentations du concept d’innovation et de la pédagogie. Non figée et très globale, la pédagogie ramène chaque acteur à sa propre vision de ce que sont – ou devraient être – la pédagogie, la formation.

Dans la continuité du concept d’innovation présenté au début de ce chapitre, nous pouvons clairement observer des parallèles dans l’aspect multidimensionnel et multiforme de cette notion récente et utilisée au quotidien dans le domaine de l’éducation et de la formation. Ainsi, l’innovation pédagogique peut être observée à différents niveaux, sous diverses formes, mais toujours dans des contextes singuliers.

Par conséquent, l’innovation pédagogique peut être considérée et observée comme une innovation de rupture, ou incrémentale, d’ordres conceptuel, technologique, organisationnel, social, d’usage perçu dans les pratiques, les méthodes et modalités, les outils et moyens, ou encore le design pédagogique.