• Aucun résultat trouvé

Dans la première phase de la recherche d’emploi (avant éventuelle candidature), les

Accès à l’information sur l’emploi vacant Non-accès à l’information sur l’emploi vacant Non-candidature Candidature

Pas d’entretien Entretien

Non-obtention de l’emploi Obtention de l’emploi

offreurs de travail sont pénalisés par la distance qui sépare leur lieu d’habitation et le lieu où se concentrent les emplois pour deux raisons. D’une part, ils disposent d’une information réduite en raison d’un coût d’accès plus élevé (1.1.1). D’autre part, l’efficacité et l’intensité de leur recherche diminue ainsi que le périmètre de leur recherche en raison des coûts de transport qu’ils doivent supporter pour rechercher un emploi (1.1.2 à 1.1.4).

1.1.1.

Un déficit informationnel

Ihlanfeldt (1997) s’intéresse aux conséquences de la ségrégation urbaine en matière d’acquisition de l’information sur les opportunités d’emplois existantes. Son analyse repose sur un sondage effectué en 1993 dans l’aire métropolitaine d’Atlanta, divisée en six bassins d’emplois. Trois bassins sont situés dans la partie nord de la région ; deux appartiennent à la partie sud ; le dernier centre d’affaire est localisé au cœur de la ville d’Atlanta. Les sondés60 devaient citer la zone présentant à leurs yeux le moins d’opportunités d’emplois pour les individus sans diplômes universitaires et celle en présentant le plus parmi les six zones proposées. Leur bonne connaissance du marché du travail est alors jugée au regard des statistiques officielles révélant le véritable potentiel de chacune des zones d’emploi. Il s’avère que les individus ont une très mauvaise information sur les opportunités d’emplois présentes dans chaque zone. Alors que le nord d’Atlanta est la région la plus riche en emplois vacants peu qualifiés, seulement 20 % des individus noirs peu qualifiés et 30 % des individus blancs peu qualifiés considèrent cette région comme présentant le plus grand nombre d’opportunités d’emplois. Les chômeurs sans diplômes disposent d’un léger avantage informationnel comparé à l’ensemble des individus peu qualifiés : ils sont un peu plus nombreux à désigner le nord comme une région riche en emplois vacants (Tableau 7). Pour autant, les individus noirs conservent un désavantage informationnel par rapport aux Blancs.

Tableau 7- Extrait des résultats d'Ihlanfeldt (1997) Tous les sondés1 Sans diplôme universitaire Actif occupé, sans diplôme universitaire Chômeur sans diplôme universitaire

Noirs Blancs Noirs Blancs Noirs Blancs Noirs Blancs Part des sondés citant la banlieue

Nord comme la plus pourvue en opportunités d’emplois pour les individus sans diplômes

universitaires

19.9 27.1 19.9 29.8 20.3 29.9 26.2 34.4

1

toutes qualifications confonfues

Ihlanfeldt présente également un modèle empirique dont l’objectif est d’identifier les facteurs influençant la connaissance qu’ont les individus de la distribution spatiale des emplois destinés aux personnes peu diplômées. La localisation résidentielle exerce effectivement une influence sur le capital informationnel des individus : par rapport à la banlieue Nord, le fait d’habiter le centre-ville et la région sud d’Atlanta impliquent une moins bonne connaissance des opportunités d’emplois existant dans le nord. Après avoir contrôlé certaines caractéristiques individuelles61, il s’avère que le déficit informationnel des populations noires par rapport aux individus blancs est la conséquence de leur localisation résidentielle dans le centre-ville d’Atlanta. L’espace apparaît donc dans son modèle comme le déterminant essentiel de la sous-information des individus sur les opportunités d’emplois.

Trois arguments sont évoqués dans la littérature économique pour expliquer pourquoi le capital informationnel diminue avec la distance aux emplois. Premièrement, le réseau social comme source d’information revêt une importance notable dans le processus de recherche d’emploi des individus [Wilson (1987), Mortensen et Vishwanath (1994)], notamment des populations peu qualifiées, des jeunes et des minorités ethniques [Holzer (1987), Holzer (1988)]. En conséquence, vivre dans des zones où le taux de chômage est élevé limite l’avantage que pourraient tirer les chômeurs d’un voisinage porteur de contacts et d’information sur les emplois vacants [Reingold (1999), Montgomery (1991)]. Deuxièmement, l’acquisition de l’information concernant les opportunités d’emplois est

61 Les variables de contrôle sont les suivantes : le sexe, la situation maritale, la présence d’enfants, le statut de propriétaire ou locataire de son logement et le niveau de qualification.

facilitée par la pré-connaissance du tissu économique local (types d’entreprises, localisation, conjoncture locale…). Or, les individus ont une meilleure connaissance du tissu économique local situé à proximité de leur lieu de résidence. En conséquence, les individus résidant loin du bassin d’emploi souffrent d’un déficit d’information puisque cette dernière est plus coûteuse à acquérir [Davis et Huff (1972)]. Troisièmement, un recrutement local de la part des employeurs (via des annonces dans la presse locale, des offres d’emploi affichées en devanture, le bouche-à-oreille, etc.) pénalise les populations isolées du bassin d’emploi en raréfiant davantage l’information [Turner (1997)].

Sur la base de ces arguments, la distance physique aux emplois devrait réduire l’efficacité de la recherche d’emploi des individus spatialement isolés. C’est précisément l’hypothèse que posent Wasmer et Zenou (2002) pour expliquer pourquoi persiste un chômage plus élevé dans les quartiers isolés. La section suivante présente leur modèle.

1.1.2.

Une recherche d’emploi moins efficace

Dans le modèle de Wasmer et Zenou (2002), l’efficacité de la recherche d’emploi diminue avec la distance aux emplois à cause de la diminution de la qualité de l’information, ce qui freine le retour à l’emploi et / ou l’amélioration des revenus. Ainsi démontrent-ils comment le marché du travail constitue un « canal de transmission et de persistance de la pauvreté » au sein des quartiers spatialement isolés [Wasmer et Zenou (2002), p. 515].

Leur modèle est un modèle d’appariement des emplois, semblable à celui de Mortensen et Pissarides (1999) dans lequel ils introduisent l’espace. La ville est linéaire et fermée, composée d’un centre des affaires où se concentrent tous les emplois et d’une banlieue. La localisation des actifs, en emploi ou au chômage, est endogène. Il est supposé que les chômeurs se déplacent moins souvent vers le centre des affaires que les travailleurs si bien qu’ils supportent des coûts de déplacement moins importants. Les travailleurs effectuent ce trajet chaque jour pour rejoindre leur lieu d’emploi et pour consommer alors que les chômeurs s’y rendent de temps à autre dans le cadre de leur recherche d’emploi et à des fins

L’efficacité de la recherche d’emploi ω s’écrit : 0

( )d a d

ω = ω − (18) avec d la distance domicile-emploi, ω0 l’efficacité autonome et a un paramètre positif.

Le centre des affaires est attractif aux yeux des chômeurs et des employés. Les chômeurs souhaiteraient vivre dans ce quartier afin d’améliorer l’efficacité de leur recherche d’emploi et accroître ainsi leurs chances de trouver un emploi. Les employés veulent quant à eux se rapprocher de leur lieu de travail afin de limiter leurs coûts de transport. Du fait de la concurrence s’exerçant entre ces deux catégories d’actifs sur le marché du logement, deux configurations urbaines sont possibles : ce sont soit les chômeurs soit les employés qui vivront près du centre des affaires. La condition d’émergence de l’un ou l’autre des deux équilibres est la suivante : les employés vivront près du centre des affaires s’ils supportent un surcoût marginal de transport (par rapport aux chômeurs) supérieur au gain marginal que les chômeurs retirent en matière d’efficacité de la recherche d’emploi. Dans ce cas, les employés valorisent davantage la proximité aux emplois et sont prêts à payer un loyer plus élevé. S’amorce alors un cercle vicieux pour les actifs inoccupés : le statut de chômeur contraint l’individu à vivre en banlieue, là où les chances de retrouver un emploi sont plus faibles. En cela, la ségrégation urbaine est responsable d’une persistance du chômage qui, en retour, renforce la ségrégation urbaine.

Le fait que les populations résidant loin du bassin d’emplois aient moins de chances de retrouver un emploi est vérifiée empiriquement [Barron et Gilley (1981), Chirinko (1982), Rogers (1997), Seater (1979)].

1.1.3.

Une recherche d’emploi moins intensive : un arbitrage entre