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Selon Smith et Zenou (2003), la distance domicile-travail nuit à l’obtention d’un

emploi par des personnes éloignées des bassins d’emploi car elle réduit l’intensité de leur recherche d’emploi. L’intensité de la recherche est évaluée par le nombre de jours dans une semaine où le chômeur se déplace jusqu’au centre des affaires pour trouver un emploi. Compte tenu des coûts de transport que ces trajets impliquent, l’intensité de la recherche est

d’autant moins grande que le chômeur réside loin des emplois62. La décroissance de l’intensité de la recherche en fonction de la distance peut également se justifier de la manière suivante. Si les prix immobiliers diminuent à mesure que l’on s’éloigne du centre des affaires, alors un chômeur résidant loin du bassin d’emploi devrait rechercher un emploi de manière moins active car son loyer représente une part moins importante de ses revenus. A l’inverse, si le chômeur vit près du centre des affaires, son loyer est plus important, ce qui l’incite à rechercher activement un emploi [Gobillon, Selod et Zenou (2007)]. Dans le modèle empirique proposé par Patacchini et Zenou (2006), l’intensité de la recherche est effectivement plus élevée lorsque les chômeurs résident dans des zones où les prix immobiliers sont plus élevés.

Moins la recherche est intensive, moins elle risque d’être efficace. La solution pour le chômeur serait de déménager pour se rapprocher du bassin d’emploi. De cette façon, il pourrait mener une recherche d’emploi plus intensive et améliorer ses chances de retrouver un emploi. Or, Smith et Zenou montrent que la localisation résidentielle des chômeurs dépend d’un arbitrage temporel entre l’utilité à court terme et l’utilité à long terme du chômeur selon qu’il habite près ou loin du bassin d’emploi. Si le chômeur réside à proximité du centre des affaires, alors il supporte des coûts de court terme puisque le loyer du logement est plus élevé et la surface disponible plus réduite. Cependant, le fait de vivre à proximité des opportunités d’emploi lui permet d’intensifier sa recherche d’emploi pour améliorer à long terme ses perspectives d’emploi. Inversement, le chômeur qui habite loin du centre des affaires dégage un gain à court terme en matière de réduction du loyer et d’augmentation de la surface habitable. En revanche, ses perspectives d’emploi à long terme sont moins favorables en raison d’une recherche d’emploi moins intensive.

Compte tenu de ce comportement d’arbitrage, les chômeurs peuvent donc préférer vivre loin du bassin d’emploi si les gains de long terme en matière d’emploi sont inférieurs aux gains de court terme en matière de loyer plus faible et de logement plus vaste. Dans ces conditions, bien que les conséquences négatives en termes de retour à l’emploi soient reconnues, l’éloignement au bassin d’emploi provient d’un choix rationnel et n’est pas imposé

1.1.4.

Un périmètre de recherche d’emploi moins étendu

La distance entre le lieu de résidence et le bassin d’emploi peut affecter les résultats sur le marché du travail en conduisant les chômeurs éloignés des emplois à rechercher un travail autour de leur lieu de résidence même si les perspectives d’emploi y sont moins favorables.

Cette décision provient d’un arbitrage entre le coût de la recherche et les gains espérés en termes de retour à l’emploi et d’amélioration des revenus. Cette idée d’arbitrage a notamment été traitée par Ortega (2000). L’auteur s’intéresse à la décision d’un chercheur d’emploi de migrer vers un pays étranger en vue de trouver un emploi et dégage les conséquences de cette immigration sur le bien-être des agents économiques du pays hôte. Même s’il ne traite pas directement du problème du mauvais appariement spatial, le modèle d’Ortega peut être transposé au cas d’une ville divisée en deux zones pourvues en emplois (le centre-ville et la banlieue). La décision de chercher un emploi dans un pays étranger plutôt que dans son pays d’origine est assimilée, dans notre cadre d’analyse, à la décision de chercher dans la zone qui n’est pas celle où l’on habite [Gobillon, Selod et Zenou (2003, 2005, 2007), Selod (2001)]. Les coûts de recherche d’un emploi correspondent alors aux coûts de déplacement dans la zone voisine alors que dans l’article d’Ortega (2000), ils représentaient les coûts de la migration vers le pays étranger.

Les coûts de recherche sont supposés nuls lorsque le chômeur prospecte dans sa région de résidence ; ils sont positifs (égaux à 1 dans le modèle initial) lorsqu’il cherche dans l’autre région. Les deux régions sont des centres d’emploi mais présentent des taux de destruction des emplois différents et exogènes : les perspectives d’emploi sont supposées moins bonnes dans le centre-ville qu’en banlieue63.Dans ces conditions, le choix du lieu de recherche (entre le centre-ville et la banlieue) ne concerne que les chômeurs du centre-ville. Les habitants de la banlieue ont intérêt à ne chercher qu’en banlieue puisque leurs coûts de recherche sont nuls et leurs chances de retrouver un emploi meilleures. En revanche, les résidents du centre-ville

doivent arbitrer entre le bénéfice retiré d’une recherche d’emploi en banlieue plus efficace et le coût plus élevé de cette recherche. Précisément, le chômeur résidant en centre-ville cherchera un emploi en banlieue si les coûts de recherche qu’il subit sont compensés par la plus grande efficacité de sa recherche. A l’inverse, si les meilleures perspectives d’emploi ne sont pas suffisantes pour compenser le coût de la recherche en banlieue, alors il aura intérêt à restreindre le périmètre de sa recherche autour de son lieu d’habitation même si les emplois y sont moins nombreux et moins bien rémunérés. Dans ce dernier cas de figure, la distance au bassin d’emploi explique la persistance de ses difficultés socio-économiques et in fine leur cloisonnement résidentiel dans une zone déshéritée et peu pourvue en emplois.

D’après les simulations de Stoll (1999), améliorer l’accès à la voiture des populations noires et latino-américaines ou diminuer la distance séparant leur lieu de résidence des bassins d’emploi leur permettrait d’étendre leur périmètre de recherche d’emploi. Ainsi pourraient-ils

in fine améliorer leurs perspectives d’emploi et de revenu. D’autres travaux empiriques comme ceux de Holzer, Ihlandfeld et Sjoquist (1994) montrent également que la non- possession d’une voiture réduit significativement la distance de prospection des populations noires.

1.2.

La distance physique aux emplois affecte les décisions du

demandeur d’emploi en matière de candidature et

d’acceptation d’un emploi

La distance aux emplois induit des coûts de transport à la fois monétaires et temporels. Le temps de transport représente un coût d’opportunité d’autant plus élevé qu’il existe des phénomènes d’encombrement pour accéder au centre des affaires et un réseau de transport en commun de faible densité. Dans l’analyse de Coulson, Laing et Wang (2001), les individus risquent de refuser un emploi si le salaire proposé est jugé insuffisant au regard des coûts de migration alternante qu’ils devraient supporter pour se rendre à leur travail. Dans leur modèle, le centre-ville et la périphérie constituent deux marchés du travail locaux. Les coûts

Alors que la localisation des firmes est endogène, celle des individus est fixée a priori, dans la ville-centre ou en périphérie. Ils sont libres de chercher un emploi dans l’une ou l’autre zone. Toutefois, en fonction de leur localisation précise au sein de la ville, les individus supporteront des coûts de migration alternante différents pour un même emploi proposé. Par conséquent, face à une même proposition d’emploi, ils anticiperont des salaires nets des coûts de transport différents.

La différence de coûts de localisation des firmes et des coûts de transport supportés par les travailleurs conduisent à expliquer trois faits stylisés américains :

- le taux de chômage des individus peu qualifiés est plus élevé dans le centre-ville ; - le taux d’emplois vacants destinés aux individus peu qualifiés est plus élevé en

périphérie car les entreprises sont plus nombreuses à s’y implanter du fait d’un coût d’entrée plus bas ;

- le salaire brut des individus peu qualifiés est plus élevé en périphérie.

De plus, le modèle conduit à l’émergence d’un équilibre stable où une partie des habitants du centre cherchent un emploi en périphérie alors que les habitants de la banlieue ne postulent qu’aux emplois proposés dans leur zone64. En effet, les emplois vacants étant moins nombreux en centre-ville, les habitants du centre ont donc intérêt à élargir leur zone de prospection à la périphérie de la ville. Toutefois, seuls les individus du centre habitant au plus près de la banlieue accepteront un emploi en périphérie car leur salaire net des coûts de transport restera attractif. Les autres habitants du centre-ville poursuivront leur recherche d’emploi dans le centre même si les chances de retrouver un emploi y sont moins fortes.

A partir de ces résultats, Coulson, Laing et Wang proposent des mesures de politique publique consistant à encourager l’implantation des firmes dans le centre-ville65 (par des exonérations fiscales par exemple) et à faciliter le transport des individus du centre-ville vers la banlieue (alléger le coût du transport par des subventions, améliorer la desserte par une

64

Notons que le modèle de Coulson, Laing et Wang (2001) conduit à une conclusion comparable à celle du modèle dérivé de celui d’Ortega (2000) bien que les hypothèses de départ soient différentes.

65 Cette proposition peut toutefois être discutée selon le type d’emplois offerts, l’implantation de certains emplois en centre-ville pouvant générer des externalités environnementales négatives.

couverture géographique plus dense…). De nombreuses études empiriques confirment l’importance d’une bonne accessibilité aux emplois en soulignant l’effet positif en termes d’emploi et de revenus d’une densification du réseau de transports en commun [Ilhanfeldt et Young (1996) ; Holzer, Quigley et Raphaël (2003)....] et d’un meilleur accès à la voiture [Raphaël et Stoll (2001) ; Raphaël et Rice (2002), Ong et Miller (2005)].

1.3.

La distance physique aux emplois affecte les décisions de