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I.7 Les infections secondaires au HSV-1

I.7.3 L’infection primaire et récurrente

Dès l’infection primaire, des virus pénètrent dans les terminaisons nerveuses et sont transportés dans les ganglions sensitifs où ils demeurent à l’état de latence. Les ganglions trigéminés, cervicaux et lombo-sacrés sont les plus communément infectés. La réplication initiale du HSV-1 se fait habituellement dans les muqueuses oropharyngées et la latence dans les ganglions trigéminés et/ou les ganglions sensitifs rachidiens cervicaux. Le HSV-2 se réplique préférentiellement dans la muqueuse génitale et établit la latence dans les ganglions sensitifs sacrés et lombaires. Les infections primaires sont asymptomatiques dans plus de 90% des cas (Whitley et al., 1998, Liesegang 1989). Cependant, dans le cas où celles-ci se manifestent, elles sont habituellement plus sévères que les infections récurrentes et un traitement antiviral adéquat peut dans certains cas limiter la douleur associée, la durée de l’infection ainsi que l’excrétion virale (Amir et al., 1997). Exceptionnellement, le virus pourrait se disséminer par voie sanguine durant l’infection primaire et causer une infection systémique, avec méningite aseptique et/ou infection de plusieurs organes. Cette situation peut être rencontrée chez les grands immunodéprimés.

42 Lors des réactivations périodiques, les virus sont transportés par voie antérograde le long des neurones sensitifs jusqu’à la peau ou aux muqueuses et entraînent un épisode d’infection récurrente, même en présence d’une immunité humorale et cellulaire intacte. L’excrétion muco-cutanée de HSV-1 lors des infections récurrentes peut aussi être asymptomatique ou se manifester sous plusieurs formes. Dans les deux cas cependant, une transmission virale à un nouvel hôte est possible (Mertz et al., 1988, Wald et al., 2000). Le site des infections récurrentes tend à se confiner au dermatome infecté lors de l’infection primaire, mais il peut également y avoir des lésions à des sites plus distants. Ce ci explique que l’herpès labial est la plus fréquente des récurrences herpétiques, touchant 15% de la population occidentale, alors que les atteintes oculaires ne touchent que 0,15% des individus, et que les encéphalites sont exceptionnelles. La fréquence des récurrences peut dépendre du type de HSV-1 et du site anatomique de l’infection (Lafferty et al., 1987). Il semble également que la sévérité de l’infection primaire, caractérisée par le nombre, l’étendue, et la dimension des lésions, augmente les probabilités de récurrences futures.

I.7.4 Épidémiologie

L’infection au HSV-1 est omniprésente dans la population mondiale et elle atteint toutes les classes sociales. Les manifestations cutanées causées par l’infection au HSV-1 sont décrites depuis la Grèce ancienne (Roizman & Whitley, 2001), alors que l’infection génitale au HSV-2 a été considérée comme étant un sujet d’intérêt public seulement vers les années 1970. La manifestation la plus courante de l’infection au HSV-1 est encore la forme oro-labiale. Néanmoins, on dénote une augmentation marquée de l’incidence des infections génitales causées par HSV-1 (Cusini & Ghislanzoni, 2001, Kinghorn, 1999). Les données épidémiologiques sont généralement obtenues par la détection spécifique des anticorps contre le HSV-1 ou -2 dans le sang des individus (sérologie). Les méthodes sérologiques utilisées et les cohortes de patients évalués peuvent grandement influencer les résultats des études et il devient parfois difficile de comparer les données de celles-ci. Cependant, certaines tendances sont nettes, et seront principalement discutées dans cette section.

La prévalence de l’infection au HSV-1 est très élevée dans pratiquement tous les pays, et augmente avec l’âge pour atteindre plus de 90% chez les soixantenaires. De façon générale, la prévalence du HSV-1 est toujours plus élevée que celle du HSV-2, un fait probablement dû à leur mode de transmission différent. En effet, plus de 85% de la population mondiale est séropositive pour le HSV-1 (Spruance et al., 1996). L’incidence de l’infection au HSV-1 varie

43 selon la localisation géographique, la classe socio-économique, et l’âge des individus. Dans les pays en voie de développement ainsi que dans les classes sociales économiquement plus défavorisées, les individus sont infectés primairement par HSV-1 plus tôt dans l’enfance comparativement aux individus des classes moyennes et/ou vivantes dans les pays développés. En effet, vers l’âge de 5 ans, plus du tiers des enfants issus de milieux sociaux moins favorisés sont séroconvertis comparativement à 20% des enfants de même âge, mais de statut plus privilégié (Nahmias et al., 1990). À l’adolescence, 70 à 80% des individus défavorisés sont séropositifs tandis que ceux des classes moyennes ou élevées deviendront séropositifs dans 40 à 60% des cas durant la 2ème et 3ème décade de leur vie. Dans la plupart des études, la prévalence du HSV-1 augmente de façon constante avec l’âge et atteint un plateau après l’âge de 30 ans. Au-delà de la quarantaine, les différences de prévalence du HSV-1 entre les divers pays et classes sociales sont moins évidentes (Whitley et al., 1998).

L’herpès génital est l’une des maladies sexuellement transmissibles (MST) les plus communes et est la première cause d’ulcérations génitales d’origine infectieuse à travers le monde (Fleming et al., 1997). La prévalence du HSV-2 est également très variable et dépend de plusieurs facteurs incluant le pays et la région de résidence, les sous-groupes de population, le sexe et l’âge des individus. Puisque le HSV-2 est habituellement contracté durant des contacts sexuels, il est logique que les anticorps contre celui-ci soient rarement détectés avant l’adolescence. En effet, la prévalence du HSV-2 passe de niveaux négligeables chez les enfants en dessous de 12 ans à des taux de 80% chez des adultes à haut risque d’acquisition de l’infection. De façon générale, la prévalence du HSV-2 est plus élevée chez la femme que chez l’homme. Cela est probablement dû au fait que, comme pour les autres MST, la transmission du HSV-2 semble plus efficace de l’homme à la femme que l’inverse (Mertz et al ., 1992).

De façon générale, la prévalence du HSV-2 est constamment plus élevée chez les individus séropositifs pour le VIH, les prostitué(e)s et les individus présentant d’autres MST (Smith & Robinson, 2002). Aux États-Unis, des études ont révélé que parmi les individus séropositifs pour le VIH, 68% des homosexuels de sexe masculin (Stamm et al ., 1988), 63% des hommes hétérosexuels et 78% des femmes présentaient également des anticorps contre le HSV-2 (Hook et al ., 1992). En raison de sa nature ulcérative, l’infection génitale au HSV-2 semble faciliter la transmission du VIH (Telzak et al., 1993, Wasserheit, 1992). De façon

44 intéressante, les homosexuels de sexe masculin semblent également plus infectés par le HSV-2 que les hétérosexuels du même sexe (Nahmias et al., 1990).

La séroprévalence du HSV-2 varie énormément selon la localisation géographique. Certaines régions d’Afrique et d’Amérique comportent les séroprévalences les plus élevées, et la plus élevée au monde a été notée dans la région Sub-Saharienne où plus de 80% des individus testés étaient séropositifs pour le HSV-2 (Smith & Robinson, 2002). En Europe de l’Ouest et du Sud, la prévalence du HSV-2 est habituellement moins élevée qu’en Europe du Nord et qu’en Amérique du Nord. Finalement, l’Asie et l’Australie sont les régions les moins touchées et deux études menées au Japon ont révélé une prévalence inférieure à 7% dans tous les groupes d’âge observés (Hashido et al., 1999, Hashido et al., 1998). Ces données ont probablement varié depuis quelques années (ou varieront dans un avenir proche) en raison des changements économiques majeurs et la généralisation des échanges entre le monde occidental et le monde oriental.

Une étude nationale effectuée aux États-Unis (NHANES III) et couvrant les années 1988 à 1994, a permis de relever plusieurs facteurs prédictifs de l’infection au HSV-2 (Fleming et al ., 1997). Le sexe féminin, la race noire ou Mexicaine-Américaine, un âge élevé, un faible niveau d’éducation, la pauvreté, la consommation de cocaïne, et un nombre élevé de partenaires sexuels au cours d’une vie ont été les principaux facteurs dévoilés. En effet, une différence marquée entre la prévalence de l’infection chez les individus de race noire (45.5%) comparativement à ceux de race blanche (17,6%) a été observée (Fleming et al., 1997). De plus, 25,6% des femmes comparativement à 17,8% des hommes étaient séropositifs pour le HSV-2 et la séroprévalence des individus en général, augmentait de façon significative avec l’âge pour se stabiliser vers l’âge de 40 ans où 24% à 28% des individus étaient infectés par le virus.

Le facteur le plus prédictif de l’acquisition de l’infection au HSV-2 demeure le nombre de partenaires sexuels au cour d’une vie (Fleming et al., 1997). Prenons par exemple le cas d’une femme hétérosexuelle vivant aux États-Unis avec un seul partenaire ; la probabilité qu’elle contracte une infection au HSV-2 est inférieure à 10%. Avec le nombre de partenaires qui augmente de 2 à 10, de 11 à 50 ou à plus de 50, cette probabilité grimpe à 40%, 62% et plus de 80%, respectivement. L’étude nationale a également révélé que la prévalence du HSV-2 a subi une augmentation de 30% depuis les années 1976-1980

45 (NHANES II) (Fleming et al., 1997, Johnson et al ., 1989). Plusieurs autres régions du monde semblent également suivre cette tendance, mais les données ne sont pas encore complètes (Lafferty, 2002). De plus, on constate que l’incidence de l’infection génitale causée par le HSV-1 chez la femme est en croissance dans plusieurs régions (Christie et al ., 1997, Edwards & White, 1994, Langenberg et al ., 1999, Carney et al ., 1993), contribuant jusqu’à 30-40% des nouveaux cas d’herpès génital. L’amélioration des conditions socio-économiques de ces pays entraînerait possiblement une séroconversion des individus pour le HSV-1 plus tardive, ce qui favoriserait la possibilité d’acquérir une infection génitale par ce type de virus. Les pratiques sexuelles orogénitales aujourd’hui plus fréquentes et mieux acceptées ont également été mises en causes.

Finalement, l’herpès néonatal affecte toutes les catégories de populations, mais le taux le plus élevé se situe aux États-Unis où l’incidence est de 1 cas par 2500-8800 naissances (Schomogyi et al., 1998). Aux États-Unis, environ 75% des cas sont causés par le HSV-2, et 25% par le HSV-1. De façon contradictoire, au Royaume Uni, le HSV-1 est responsable de 50% des cas d’herpès néonatal (Tookey & Peckham, 1996) et compte pour plus de 60% des cas rapportés au Japon. Aux États-Unis, 5% des femmes en âge de procréer ont déjà présenté une histoire d’herpès génital (Prober et al., 1992), et il est estimé qu’un million des grossesses annuelles se font chez des femmes séropositives pour le HSV-2.