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Action des LAT sur la transcription des gènes viraux

Les transcrits associés a latence : LAT (Latent Associated Transcript)

II.9 Action des LAT sur la transcription des gènes viraux

Puisque les LATs sont, de loin, les transcrits viraux les plus abondamment exprimés pendant l’infection latente, on peut penser que la production de LAT est incompatible avec la transcription des autres gènes viraux. En étudiant les profils transcriptionnels de deux souches virales LAT-, il est apparu deux phénotypes strictement opposés quant à la transcription des autres gènes viraux. Ainsi, en utilisant la souche KOS dans un modèle murin, la présence des LAT semble diminuer l’expression des gènes lytiques (Chen et al 1997), alors que l’opposé est observé avec un arrière-plan génétique de type syn17+ dans un modèle lapin (Giordani et al 2008). Il est difficile cependant dans ce type d’expériences de faire la part des phénomènes liés à la génétique du virus et de l’hôte (on connaît les différences importantes entre le lapin et la souris concernant les taux de réactivation spontanée du virus). Cependant, les avancées récentes sur les différences génétiques entre les deux souches virales et notamment sur la régulation épigénétique de l’expression de leurs génomes, il semblerait que le mode d’action des LATs sur l’expression des gènes lytiques soit beaucoup plus dépendant de la souche virale que du modèle animal concerné.

II.10

Action des LAT sur l’état de la chromatine

La régulation épigénétique de l’expression des gènes viraux est maintenant connue comme un phénomène central de la régulation entre période de réplication et période de latence du virus. En effet, il existe une corrélation forte entre l’état de la chromatine et le taux d’expression des différents gènes de HSV-1. Les études de chIP (chromatin

64 immunoprecipitation) réalisés sur des ganglions de souris infectées de façon latente ont montré qu’il s’agit plutôt d’une régulation passant par les maturations post-traductionnelles des histones et non le résultat de la méthylation du génome latent (Kubat et al 2004 a,b, Bloom et al 2010).

Pendant la latence, le locus LAT est enrichi en marqueurs d’euchromatine, état favorable à la transcription, à savoir une acétylation des lysines 9 et 14 de l’histone 3 et une diméthylation de la lysine 4 (Giordanni 2008, Kubat 2004b). Cependant, il existe, là encore, des différences entre les souches virales. Pour la souche KOS, l’analyse de mutants LAT- a montré que l’état de condensation de la chromatine ne semble pas lié à une transcription du LAT ni à la présence du promoteur du LAT (kubat et al. 2004a), alors que le même type de mutations introduites dans la souche syn17+ entraîne une diminution de l’enrichissement en histone DiMe H3K4 au niveau du locus des LAT, synonyme d’une diminution de la permissivité de la région pour la transcription. Dans ce cas le promoteur des LAT semble avoir un pouvoir suffisamment fort pour maintenir un état transcriptionnel actif. L’explication de ces différences entre les souches virales est actuellement inconnue.

Des études de cinétique de la répartition des marqueurs d’euchromatine sur l’ensemble du génome in vivo ont montré que les régions codant pour des gènes ICP4, TK, ICP8, ICP27 étaient enrichies en marqueur d’euchromatine au fur et à mesure de l’infection et de l’établissement de la latence (Wang et al., 2005), ce qui n’était pas le cas avec un virus LAT-. Cela suggérait que la présence des LAT réprime les autres gènes en facilitant l’euchromatisation de leurs locus.

Toutefois, en 2009, d’autres études ont conclu à des résultats différents, rendant très débattu le rôle exact des LAT sur l’état de la chromatine virale (Cliffe et al., 2009, Kwiatkowski et al., 2009). S’il existe un consensus pour dire que la chromatine virale évolue au cours du cycle viral vers un état répressif favorable à la latence, le mécanisme exact par lequel le LAT influe sur cet état reste débattu. Pour certains, cette propriété serait plus liée au transcrit LAT lui-même qu’à son promoteur. En ce cas, le transcrit interagirait par un mécanisme qui reste à détailler, avec des protéines capables d’entraîner ces modifications, comme celles de la famille des PRCs (polycomb repressive complex), responsables de l’établissement et du maintien des modifications des histones H3 par méthylation de la lysine 27(triMe H3K27) (Clement C et 2011 ; Danaher RJ et al 2005).

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II.11

Par quel(s) mécanisme(s) les LAT influent-ils sur autant de

phénotypes ?

Plusieurs propriétés phénotypiques ont donc été attribuées au locus des LAT, mais à l’heure actuelle, aucun mécanisme commun ne permet d’expliquer l’ensemble des observations. Pour tenter de résoudre cette énigme, la grande majorité des études se sont concentrées sur l’étude du LAT2kb, car toutes les souches virales auxquelles les phénotypes sont associés sont génétiquement modifiées par délétion du promoteur et/ou du début du LAT 2kb, alors que les autres types de mutations n’entraînent pas les mêmes résultats. Cette idée est renforcée par l’observation qu’au cours de la latence herpétique, seul le LAT 2kb et ses dérivés (1,5 et 1,45 kb) s’accumulent dans les neurones infectés.

Dans les paragraphes qui suivent, nous allons donc passer en revue les différents modes d’action qui ont été proposés pour le LAT afin d’expliquer les divers phénotypes observés.

II.11.1Le LAT2KB : régulateur antisens de la protéine ICP0 ?

Le chevauchement partiel mais dans une orientation inverse entre le gène RL2, codant pour ICP0, et le gène codant le LAT 2KB, a conduit les premiers auteurs à suspecter un rôle régulateur des LATs sur l’expression de ICP0 par un mécanisme dit antisens (Stevens 1987). Cette hypothèse permettait d’expliquer les observations montrant que l’expression constitutive du LAT 2kb est associée à une diminution du nombre de transcrits du gène RL2 et de la charge virale pendant la phase aigüe de l’infection (Mador et al 1998). Cependant, la démonstration directe d’une régulation par mécanisme antisens du LAT2kb sur le transcrit RL2 n’a pas été concluante (Mador et al 2003) et cette hypothèse n’est plus actuellement retenue parmi les mécanismes d’action potentiels des LATs.

II.11.2Le LAT2KB code-t-il pour une protéine ?

Plusieurs protéines sont impliquées et exprimées pendant la latence de certains gamma-herpesviridae. Jusqu'à ce jour, aucune protéine traduite à partir du LAT n’a pu être mise en évidence de manière formelle même s’il existe de nombreux cadres ouverts de lecture (ORF, open reading frame) dans ce locus. Cependant, plusieurs arguments plaident en faveur d’une production peptidique à partir de ces ORF. Une mutation des divers ATG initiant les ORF putatives dans la partie du génome correspondant au LAT 1,5kb (sous-produit d’épissage du LAT 2kb) entraine une moindre résistance des cellules infectées à l’apoptose

66 (Carpenter el al 2008). Une autre ORF putative, située sur le gène codant le LAT 1,5kb, mais antisens de ce dernier, pourrait conduire à la production d’une protéine nommée AL3(Jaber et al 2009). La production d’anticorps monoclonaux à partir de la protéine synthétique a permis de retrouver un signal dans des expériences d’immunomarquage sur des coupes de ganglions trigéminés infectés de façon latente. Parmi les autres ORF capables d’être traduites dans des modèles in vitro, aucune ne semble réellement conduire à la production de protéines in vivo. Il n’est cependant pas exclu que les produits puissent avoir des niveaux d’expression trop faibles et/ou des demi-vies trop courtes pour que leur détection soit impossible avec les techniques actuelles. Cependant, la faible conservation de ces ORF au sein des différents alpha-herpesviridae et des différentes souches de HSV-1 soulève la question d’un rôle biologique réel.

II.11.3Le LAT 2kb peut-il affecter la biogenèse des ribosomes ?

C’est au cours d’études visant à déterminer si le transcrit du locus LAT était capable d’être utilisé par la machinerie cellulaire de traduction pour donner naissance à des protéines que les premières observations de l’influence des LAT sur les ribosomes ont été effectuées (Nicosia et al., 1994 ).

En voulant vérifier que l’absence de protéine traduite à partir du LAT n’était pas la conséquence d’un défaut de reconnaissance de celui-ci par la machinerie de traduction, Nicosia et al. ont montré, au cours d’expérience de sédimentation, que le LAT 2kb migre avec la grande sous-unité ribosomique (Nicosia et al., 1994 ). Une analyse plus fine a ensuite montré qu’une quantité significative de LAT est associée aux polysomes in- et ex- vivo (Goldenberg et al 1997 a,b). La liaison entre les LAT et les ribosomes semblait même beaucoup plus forte que celle attendue entre un ARNm et son ribosome (Ahmed et al 2001). A l’aide de cellules transfectées pour le LAT 2kb puis traitées par des inhibiteurs de la biogenèse des ribosomes, les même auteurs ont montré que l’interaction entre le LAT et la sous unité 60s du ribosome est irréversible, suggérant que le LAT 2kb pourrait se comporter comme un ARNr (Atanasiu et al 2007). Ces auteurs ont aussi montré que le LAT peut s’associer aux protéines de la famille des hnRNPs (Heterogeneous nuclear ribonucleoproteins) dont certaines sont impliquées dans la plupart des mécanismes d’épissage et de maturation des ARNm. Le rôle exact des LAT dans cette interaction reste à définir.

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II.11.4Le LAT2KB comme régulateur de l’épissage des gènes viraux et cellulaires ?

Les expériences menées dans notre équipe ont montré, en comparant différents types de tissus neurologiques infectés de façon aigüe puis latente, que globalement plus le LAT est abondant moins on détecte la forme épissée du transcrit RL2, et plus on observe l’accumulation de formes non-épissées de ce transcrit (Maillet et al 2006). En culture cellulaire, une autre étude a montré que la présence du LAT influait l’épissage des transcrits du gène Bclx (Peng 2003). L’ensemble de ces données suggère que le LAT pourrait aussi réguler l’épissage de certains transcrits viraux et cellulaires.

II.11.5Le LAT2KB comme source de micro-RNA (mi-RNA) ?

Une des dernières hypothèses émises sur le rôle des LATs est qu’ils pourraient agir en tant que microARN (miARN).

Les miRNA sont des ARN non codants de 21 à 23 nucléotides de long, qui sont désormais considérés comme des acteurs majeurs dans la régulation de l’expression génique. Ils interagissent avec la région 3’UTR des ARN messagers par complémentarité de base entre les deux éléments. Chez les plantes, la complémentarité entre le miARN et l’ARNm est presque parfaite. Ceci engendre la dégradation de l’ARNm cible suivant un processus semblable au mécanisme d’ARN interférence, avec un clivage endonucléasique qui se produit au milieu du duplex miARN-ARNm (Jones-Rhoades et al. 2006).

Chez les métazoaires, les bases de l’appariement entre miARN et ARNm sont tout autres, puisque la complémentarité entre le miARN et l’ARNm est imparfaite. Cependant, cet appariement suit des règles précises, dont certaines sont indispensables à la répression exercée par le miARN sur l’ARNm. Dans ce cas de figure, les miARN contrôlent l’expression génique aux stades post-transcriptionnels en régulant (1) l’initiation de la traduction, (2) l’élongation de la traduction, (3) la protéolyse du peptide naissant, et enfin (4) la stabilité du messager en guidant sa déadénylation.

Des analyses bio-informatiques ont permis d’identifier des miRNA potentiellement codés par le transcrit mineur du locus LAT (Kramer et al 2011, Mulik S et al 2012). Leur surexpression in vitro a montré un effet inhibiteur sur l’expression des protéines ICP0 , ICP4, ICP34.5 (seulement dans le cas de HSV-2 pour ce dernier) (Tang et al 2008a,b ; Umbach et al, 2008). Certains de ces miRNA pourraient aussi réguler des transcrits neuronaux, puisque

68 d’autres miRNA jouent un rôle dans le silencing de gènes cellulaires . Le silencing de gènes neuronaux comme de gènes pro-apoptotiques faciliterait l’établissement et le maintien de la latence. A ce jour aucune expérience n’a permis de confirmer cette hypothèse in-vitro ou in- vivo, en partie l’absence de souches génétiquement modifiées pour la seule expression de ces miRNA n’a pas permis de confirmer les prédictions bio-informatiques.

II.11.6Le locus du LAT2KB peut-il jouer un rôle de « super enhancer » ?

La partie 5’ de la région codant pour les LAT, dont une partie du premier intron (LAT 2kb), n’est pas seulement importante pour l’expression du LAT lui-même, mais pourrait aussi agir en trans sur d’autres gènes en jouant le rôle d’enhancer (Berthomme et al 2000)(figure16). De plus, il a été démontré que cette région jouait un rôle important pour le maintien à long terme de l’expression des LAT pendant la latence c’est pourquoi elle est dénommée, région LTE (Long Term Expression) (Lokensgard et al 1994, Margolis et al 1993)

Figure 16: Représentation de la région du LAT impliquée dans le maintien à long terme de l’expression des LAT et pendant la latence. Le rôle d’enhancer du LAT est localisée dans la région 5’ du gène, qui comprends, les promoteurs LAP1 et LAP2, la région LTE, et une partie du LAT 2kb.

Sa localisation distale par rapport aux promoteurs, potentiellement situés jusqu‘à plusieurs milliers de pb, pourrait stimuler l‘expression d’autres gènes viraux en recrutant des protéines activatrices. Cette hypothèse est compatible avec certains des phénotypes des souches LAT-, notamment ceux liées aux propriétés régulatrices de l’activité transcriptionnelle et anti-apoptotique.

69 Une des composantes majeures de ce système est la découverte récente de sites de fixations pour les protéines de la famille des CTCF (Amelio 2006b). La protéine CTCF comporte 11 domaines en doigt de zinc qui possède une activité de régulation transcriptionnelle dépendante de la phosphorylation. Bien qu’un seul site de fixation soit nécessaire à l’activité régulatrice de la protéine, ceux-ci sont souvent organisés en série, permettant d’accroître l’affinité de la protéine pour sa cible (Chao et al 2002 ; Weth et al 2011). La fixation de la protéine avec sa cible permet de bloquer l’interaction entre un enhancer et un promoteur, limitant ainsi l’action activatrice de l’enhancer (Cuddapah S,2009)(figure17). La protéine CTCF permet aussi le blocage de la diffusion de l’hétérochromatine pour un locus donné. Grâce à ce système, deux gènes situés sur le même chromosome et soumis aux mêmes séquences régulatrices peuvent s'exprimer indépendamment l’un de l’autre.

Figure 17: Représentation schématique du mode d’action de la protéine CTCF sur la régulation de la transcription

La recherche de domaines de fixation pour la protéine CTCF sur le génome de l’herpès a mis en évidence deux sites de fixation appelés domaines B1 et B2, situés de part et d’autre de LAP1, en plus de cinq autres domaines répartis sur le génome (Amelio, et al 2006 a

70 , b). La région B2, située dans la région codant le LAT 2kb, semble capable de contrôler l’expression de son propre locus et des gènes avoisinants.

Figure 18: Schéma représentant la position des domaines de fixation pour la protéine CTCF sur le locus des LAT. La fixation de la protéine CTCF avec les régions B1 et /ou B2 permets de bloquer l’interaction entre l’enhancer et un promoteur, virales ou cellulaires, permettant ainsi au locus des LAT de réguler l’expression d’autres gènes.

Un mécanisme de régulation supposé se ferait via la formation de boucle ADN-ADN entre les régions B1 et B2 et d’autres régions de fixation aux protéines CTCF présentes sur les génomes viraux ou cellulaires, permettant ainsi l’activation ou la répression de promoteur (figure 18).

II.12

Le LAT

2KB

peut-il agir à travers une combinaison de ses