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Partie 4 : Cadre conceptuel

4.1. Conceptualiser la notion de présence d’un étudiant

4.1.1. L’inclusion des étudiants en situation de handicap

Dans cette phase liminaire de la description des apports conceptuels, nous proposons une lecture de l’état de l’inclusion universitaire des étudiants en situation de handicap en France, entre 2004 et 2015. Cette lecture ouvre à des contributions théoriques qui fournissent des éléments de compréhension de ce qui constitue l’inclusion scolaire. Les travaux scientifiques mentionnés offrent une appréhension des enjeux numériques, politiques et sociétaux, qui sont pertinent pour situer la place de l’inclusion dans l’éducation en France.

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Rappel sur la législation

La loi du 11 février 2005 sur l’égalité des droits et des chances et la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’Ecole du 8 juillet 2013, renforcent les mesures relatives à l’inclusion scolaire. Elle permet ainsi à tout élève et étudiant, de participer aux enseignements en milieu ordinaire. Ainsi, cette loi donne une légitimité à la présence en classe, des étudiants dont les besoins sont particuliers.

Depuis la promulgation de cette loi, le nombre d’étudiants en situation de handicap a augmenté de 13% entre 2004 et 2015. A la rentrée 2015, le gouvernement recensait 23 257 étudiants en situation de handicap en France (Corre, 2017). Ce nombre représente environ 1,2% des étudiants inscrits dans l’enseignement supérieur. Selon l’étude menée par Fabienne Corre en avril 2017 et pour le compte du Ministère de l’Enseignement Supérieur de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), ces étudiants en situation de handicap, sont 9% à être inscrits dans des grandes écoles et 91% à l’université. Le nombre d’étudiants chute après la licence et passe de 76,6% inscrits en Licence à 22,6% inscrits en Master. Ils ne sont plus que 0,7% en Doctorat.

Plusieurs facteurs expliquent l’augmentation du nombre d’étudiants en situation de handicap, inscrits dans l’enseignement supérieur. Tout d’abord, la politique budgétaire du gouvernement en faveur de l’inclusion. Elle a permis des aménagements architecturaux, la mise en place de structure d’information et d’accompagnement (les missions handicap), l’aménagement de conditions d’examens et de concours.

La mobilisation de ressources financières a permis de mobiliser des moyens techniques et humains pour favoriser l’inclusion scolaire. Toutefois, l’accès à l’enseignement supérieur et la poursuite des études, laissent toujours transparaitre des inégalités par rapport au reste de la population. Les abandons suite à une longue maladie ou un handicap, sont de l’ordre de 20%. Les efforts faits par le MESRI et par les établissements sont encourageant mais cela ne semble pas répondre à toutes les problématiques et les besoins de ces étudiants. Les conditions d’entrée et les conditions d’études ne sont pas encore entièrement adaptées aux diverses situations de handicap des étudiants.

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Usages du numérique dans une visée d’inclusion

L’inclusion d’étudiants en situation de handicap agite les schémas habituels et traditionnels de l’école et de ses modalités éducatives. Que ce soit dans ses pédagogies, dans son architecture ou dans son accès physique, l’enseignement supérieur s’adresse en premier lieu, à des personnes dont l’état de santé, la mobilité physique, la cognition ou encore le système perceptif, puissent rentrer dans ce cadre préconstruit.

Le numérique est mis en avant par le gouvernement, qui présente cette solution comme un atout à l’inclusion d’élèves et d’étudiants dont les besoins sont spécifiques, du fait d’un handicap ou d’une maladie. L’intégration du numérique dans les contextes d’éducation représente un enjeu particulier dans les situations dites « d’empêchement » qui causent un éloignement physique avec l’environnement scolaire (Ministère de l’Education Nationale, s.d.). Au même moment, les usages des technologies de l’information et de la communication réduisent considérablement, voire suppriment, les frontières géographiques et temporelles, ce qui conduit à une porosité des délimitations des activités de la vie scolaire et celles de la vie privée (Godard, 2007 ; Guesmi et Rallet, 2012).

L’évolution socio-culturelle des usages des modalités de communication et de présence à distance, ne prend pas forme uniquement dans la vie privée et domestique des personnes, mais elle fait sens dans la façon d’interagir avec autrui (Fischer et Herbulot, 1992 ; Vial, 2013). Cette évolution vient nécessairement rencontrer les milieux de l’éducation et se confronter à la rigidité de leurs structures, qui est définie à travers le concept de « forme scolaire ».

Rencontre de la forme scolaire et de la communication

numérique

Le téléphone portable ou le smartphone ne sont pas autorisés en classe, tout comme les formes d’échanges souterrains, qui sortent du cadre de prescription de l’enseignant. Le cadre scolaire décidé par les enseignants en France, délimite de façon très stricte les modalités et usages de la communication avec le monde extérieur (Perrenoud, 2013). Du primaire jusqu’à la fin du secondaire, les moyens de communication privilégiés, ou du moins, autorisés, sont le carnet de liaison, les réunions formelles et parfois, l’Environnement Numérique de travail (Daguet et Wallet, 2012 ; Genevois et Poyet, 2010). Pourtant, la classe vient aujourd’hui se heurter à une culture qui ne conçoit plus qu’une séparation physique d’avec autrui, entraîne

117 une absence de l’autre. L’interaction individuelle en coprésence physique n’est plus la règle. Il est désormais concevable de ne pas avoir à renoncer à la présence de l’autre sous le prétexte d’une distance géographique.

La forme scolaire dépasse le cadre de l’organisation de l’école. Elle se dessine dans l’articulation de différents traits caractéristiques de l’école et de la scolarisation comme mode de socialisation. Elle correspond en effet, à un mode de socialisation, d’interrelations, d’organisation de pratiques éducatives et de pratiques d’apprentissage. Sa forme est dynamique et subit des remises en questions socialement dirigées (Maulini et Perrenoud, 2005 ; Vincent, 1994 ; Go, 2007).

Malgré l’absence d’acceptation des auteurs sur une définition unique de la forme scolaire, Maulini et Montandon (2005) entendent l’écriture de l’école au singulier, comme une forme de compromis sur l’existence même d’une figuration scolaire. Elle est ce qui est de commun entre les différentes écoles voire une référence universelle. Les travaux d’Eliou (1994) ainsi que Maulini et Montandon (2005), s’accordent sur certaines dimensions qui constituent la forme scolaire. Ces dimensions sont :

o un contrat didactique entre l’enseignant et l’apprenant qui s’organise autour du savoir, chacun devant œuvrer pour son appropriation par l’apprenant

o les modalités de transmission didactique des savoirs : les savoirs sont codés, découpés et structurés pour favoriser leur transmission aux apprenants

o une planification du savoir, qui correspond à la durée dans le temps, son découpage dans une périodicité didactique

o des pratiques sociales spécifiques dans un rapport pédagogique particulier qui est une forme de relation qui exclue toutes autres formes de relation. La Société ne rentre pas ou peu dans la relation pédagogique.

La forme scolaire traditionnelle se caractérise donc par son organisation rigide et par « une

standardisation des formes d’apprentissage, du contrat didactique et du « métier » des apprenants » (Maulini et Montandon, 2005, p. 157). Pour rationaliser et répondre aux

118 le plus possible de faire du cas par cas, afin de rendre le processus de scolarisation efficace. L’apprentissage et l’enseignement sont des pratiques qui s’exercent dans un espace-temps coupé de toutes autres pratiques, activités ou relations sociales. L’architecture de l’école et la forme scolaire renferment l’école sur les autres formes de vie et de socialisation dans un isolement.

Cependant, la forme scolaire vit actuellement une remise en cause, par l’apparition de nouvelles pratiques pédagogiques contradictoires et innovantes (Go, 2007). Les usages d’internet abolissent les frontières du savoir qui ne se trouvent plus uniquement auprès d’un professeur dans une structure scolaire. En effet, le savoir est partout, accessible à tous et à tout moment (Lebrun, 2016). L’évolution socio-culturelle de l’accès à la connaissance remet en cause la forme scolaire traditionnelle. A cela s’ajoute une logique d’intégration vers une visée de scolarisation pour tous.

Les conditions d’un enseignement inclusif

Les technologies doivent représenter un levier pour l’inclusion scolaire d’étudiant en situation de handicap, mais elles ne peuvent pas à elles seules, en représenter la solution. La simple présence de ces outils ne suffit pas à répondre aux besoins des différents acteurs, étudiants comme enseignants. Une perspective anthropocentrée est nécessaire pour appréhender l’utilisation de ces technologies, dans une vision globale et systémique.

En effet, bien qu’il ne soit pas possible de déterminer à l’avance l’usage qui sera fait par les utilisateurs, ni son acceptation, cette technologie comme tout artefact, n’est pas neutre et induit nécessairement des transformations dans les activités (Norman et Ortony, 2003). Il est alors primordial d’envisager les effets qu’elle peut avoir sur les pratiques des acteurs et sur l’organisation sociale (Bobillier-Chaumon et Dubois, 2009).

L’intégration d’une technologie dans les activités humaines, s’inscrit dans des pratiques humaines préexistantes et dans un contexte toujours singulier. La technologie reste au service de l’humain et ses usages ne sont pas aboutis (Akrich, 1998). Ainsi, les technologies de l’information et de la communication doivent être envisagées comme des médiateurs, des entre-deux situés entre les individus, pris dans leur subjectivité, leurs techniques et leur environnement.

119 En effet, pour être réellement inclusive, l’école doit permettre aux enseignants de s’inscrire dans une démarche pédagogique qui puisse être adaptée aux besoins de chaque élève. Cette prise en compte de l’individualité et des besoins éducatifs particuliers, entre dans le cadre de pratiques dites actualisantes (Dionne et Rousseau, 2006 ; Vienneau, 2006). Ces pratiques pédagogiques conjointes aux élèves à besoins spécifiques et à ceux issus des classes ordinaires, permet de penser l’élève dans sa subjectivité et son unicité.

Ainsi, c’est bien l’école qui s’adapte à l’élève et non l’inverse. Ces pratiques actualisantes apportent une dimension globale à l’inclusion de l’élève qui ne se réduit pas à son intégration physique dans la classe, mais elles lui fournissent des moyens pour participer aux activités d’apprentissage.

C’est pourquoi nous pensons que la mise en place de dispositifs permettant la poursuite de la scolarité d’étudiants en situation de handicap, malades ou hospitalisés, doit proposer un accompagnement des pratiques. Elle doit également appréhender la manière dont le système s’intègre dans l’activité de l’enseignant mais aussi de l’étudiant. La prise en compte des caractéristiques individuelles des élèves et des étudiants par les enseignants, sous-entend nécessairement une formation qui vise à déployer des pratiques inclusives (Frangieh et Weisser, 2014).

En effet, l’étude de Benoit et Sago (2008) illustre un aspect important dans le processus d’inclusion : il semblerait que la dimension extrinsèque impacte plus fortement l’apprentissage des élèves à besoins éducatifs particuliers, que les caractéristiques liées à leur handicap. L’environnement joue alors un rôle fondamental sur les conditions d’apprentissage des élèves. C’est pourquoi la création d’environnements dits « facilitants » constitue une occasion de créer des conditions d’une forme de résilience face au fort risque d’échec scolaire chez les personnes en situation de handicap (Bataille et Midelet, 2014).

Dans des contextes où les conditions d’apprentissage sont rendues difficiles voire impossibles à cause d’une inadaptation entre l’environnement éducatif et le handicap, les technologies de l’information et de la communication peuvent prendre une fonction palliative (Brangier et Barcenilla, 2003), en réduisant l’écart entre la singularité de l’élève et les contraintes de l’environnement d’apprentissage.

120 Néanmoins, l’existence de ces technologies n’aura de bénéfices pour l’élève que si elles sont entendues dans une approche écologique et donc globale. La reconnaissance des besoins particuliers des élèves et leur prise en compte dans les pratiques pédagogiques, relèvent moins de la technologie que des connaissances et compétences de l’enseignant. La formation des enseignants est donc primordiale à la fois pour reconnaitre la singularité et les besoins particuliers de chacun et à la fois sur les usages de ces technologies, pour proposer des outils adaptés à chaque situation.

Cependant, il est bien entendu que, selon le type de handicap, l’aspect technique aura une fonction plus ou moins importante dans l’approche pédagogique. Soit la technologie s’insère directement dans la démarche pédagogique de l’enseignant (c’est le cas par exemple pour un handicap cognitif), soit elle s’intègre localement à ses pratiques (c’est le cas d’un handicap physique qui nécessite un appareillage particulier).

L’inclusion d’un étudiant en situation de handicap dans un contexte d’enseignement supérieur, doit se situer à la fois dans ses aspects pédagogiques par les moyens mis à sa disposition pour son apprentissage, ainsi que dans la prise en compte des aspects de mobilité physique et de fragilité de santé qui nécessitent une adaptation de l’environnement16 de

l’étudiant. Les déplacements entre le domicile et l’établissement ainsi que la mobilité à l’intérieur de l’université, sont fréquemment des sources de difficultés et de fatigue supplémentaire pour les étudiants en situation de handicap, qui parfois renoncent à se rendre à l’université.

Un dispositif de téléprésence pourrait être une aide pour permettre aux étudiants d’intégrer un établissement d’enseignement supérieur. En effet, cette modalité de présence à distance supprime les contraintes inhérentes à une présence physique dans les locaux, ou liées aux déplacements jusqu’à l’établissement ou à l’intérieur. L’inclusion d’un étudiant via un robot de téléprésence, dépasse les conditions techniques de l’environnement universitaire. En effet, l’inclusion est un processus qui réclame que nous nous intéressions aux conditions qui sous- tendent la signification de la présence de l’étudiant dans son apprentissage.

16 Nous comprenons l’environnement architectural de l’établissement, les possibilités de déplacement jusqu’à

121 Ainsi, l’inclusion scolaire souligne la prise en compte de l’individualité de l’étudiant dans son apprentissage et interroge les possibilités du dispositif à s’adapter aux configurations pédagogiques existantes.

4.1.2. La présence en contexte éducatif médiatisé