répercussions pour les PMA
B. L’importance du développement rural et de l’agriculture dans les PMAet de l’agriculture dans les PMA
Le développement rural revêt une importance particulière pour les PMA. Les deux tiers de la population vivent dans des zones rurales, et il n’y a que six PMA (Djibouti, Gambie, Haïti, Mauritanie, Sao Tomé-et-Principe et Tuvalu) où cette
w 0
10 20 30 40
0 2 4 6 8
Écart de pauvreté (en % du PIB, en 2011)
Nombre de personnes sans accès à l’électricité, à l’eau ou aux services d’assainissement pour 1 000 dollars de PIB (2012)
Nombre de personnes sans accès à l’électricité, à l’eau ou aux services d’assainissement pour 1 000 dollars de PIB (2012)
0 1 2 3
0 0.5 1 1.5 2
Écart de pauvreté (en % du PIB, en 2011)
PMA Autres pays en développement Zoom
Deux tiers des pays en développement autres que les PMA
Sources : Estimations du secrétariat de la CNUCED, d’après les bases de données PovcalNet (http://iresearch.worldbank.org/PovcalNet/
index.htm) et Indicateurs du développement dans le monde (http://databank.worldbank.org/data/views/variableselection/select-variables.aspx?source=world-development-indicators) de la Banque mondiale (toutes deux consultées en juillet 2015).
… et les retards sur les ODD, rapportés au PIB, sont
bien plus importants.
proportion est inférieure à 50 %. Malgré une urbanisation rapide et ininterrompue, et le ralentissement attendu de sa croissance démographique rurale, qui devrait passer de 1,6 % par an en 2010-2015 à 0,5 % par an en 2045-2050 (UN/DESA, 2014), la situation ne devrait pas beaucoup évoluer d’ici à 2030.
Comme il ressort du graphique 1.4, les PMA devraient se distinguer des autres pays en développement par une population rurale proportionnellement plus importante et à la croissance plus rapide4. En moyenne, la population rurale des PMA devrait dépasser de deux tiers celle des autres pays en développement (56,5 % de la population totale, contre 34 %) en 2030, et, jusqu’à cette échéance, évoluer à un rythme annuel de +1,3 % dans les PMA, mais de -0,1 % dans les autres pays en développement. Ces données sont relativement homogènes dans l’ensemble des PMA: dans la plupart des cas, entre 50 % et 60 % de la population vivra dans des zones rurales en 2030. Si l’on estime que cette proportion sera bien moins élevée dans neuf PMA, elle devrait se situer entre 70 % et 85 % dans
Graphique 1.3 Écart de pauvreté et déficit d’infrastructure par rapport au PIB dans les PMA et les autres pays en développement
-3 -2 -1 0 1 2 3 4
0 20 40 60 80 100
Croissance de la population rurale, 20132030 (en % par an)
Population rurale, 2030 (en % de la population totale) PMA asiatiques PMA insulaires
PMA africains et Haïti Autres pays en développement
Concentration de PMA
Concentration d’autres pays en
développement
Source : Calculs du secrétariat de la CNUCED, d’après UN/DESA (2014), fichiers 4 et 5 (consultés en janvier 2015)
0 20 40 60 80 100
0 20 40 60 80 100
Moyenne en 2013-2015
Moyenne en 1991-1993
PMA africains et Haïti PMA asiatiques PMA insulaires Proportion
d’emplois agricoles dans
les emplois détruits Proportion
d’emplois agricoles dans les emplois créés
Source : OIT, Trends Econometric Models, octobre 2014 (http://www.ilo.org/global/research/global-reports/weso/2015/lang-en/index.htm, consultée en juillet 2015).
un nombre équivalent d’autres pays du groupe. La population rurale devrait augmenter de 1 % à 2 % environ par an dans la plupart des PMA et stagner ou décliner dans seulement sept pays (dont 4 PMA asiatiques).
L’importance de l’économie rurale tient aussi au rôle majeur que l’agriculture joue dans l’emploi, la production et, dans la plupart des cas, les exportations.
Malgré une légère baisse ces vingt-cinq dernières années, l’agriculture emploie Graphique 1.4 Proportion de la population rurale (2030) et croissance de la population rurale (2013-2030)
dans les pays en développement – Prévisions
Graphique 1.5 Part de l’agriculture dans l’emploi total dans les PMA, 1991-1993 et 2013-2015 (En pourcentage)
0 20 40 60 80 100
0 20 40 60 80 100
Moyenne en 2010-2012
Moyenne en 1991-1993
PMA africains et Haïti PMA asiatiques PMA insulaires Part de
l’agriculture dans la valeur
ajoutée en hausse
Part de l’agriculture
dans la valeur ajoutée
en baisse
Source : CNUCED, base de données UNCTADstat (http://unctadstat.unctad.org/FR/) (consultée en juin 2015).
L’agriculture représente 25 % de la valeur ajoutée dans l’ensemble des
PMA…
… mais sa part dans les exportations est en diminution depuis le milieu
des années 1990…
encore entre 40 % et 80 % de la main-d’œuvre dans la plupart des PMA (graphique 1.5). La part de l’agriculture dans l’emploi atteint 60 % en moyenne dans les PMA dans leur ensemble et 68 % dans le groupe formé par les PMA africains et Haïti. Elle a surtout diminué au Cambodge, en Guinée équatoriale, au Myanmar, au Timor-Leste et au Yémen. Elle n’a progressé que dans cinq PMA (Comores, Madagascar, Niger, République centrafricaine et Sénégal).
L’agriculture représente aussi 25 % de la valeur ajoutée dans l’ensemble des PMA. Ce pourcentage est beaucoup moins élevé dans les pays insulaires (12,9 %) que dans les pays asiatiques (24,1 %) ou dans le groupe formé par les PMA africains et Haïti (25,9 %) (graphique 1.6). Sachant qu’il était compris entre 33 % et 36 % dans ces trois groupes de pays au début des années 1990, on ne peut que constater une baisse importante et hétérogène. La part de l’agriculture dans la production, comprise entre 20 % et 50 % environ dans la plupart des PMA, a diminué partout, sauf dans 11 pays, tous situés en Afrique subsaharienne. En Gambie et en Guinée, elle a progressé de plus de moitié, mais les plus fortes hausses en chiffres absolus ont été enregistrées aux Comores (de 39,1 % à 50,7 %) et au Libéria (de 52,2 % à 70,7 %). La baisse la plus notable (de 51,3 % à seulement 1,9 %) est survenue en Guinée équatoriale, avec l’essor de la production énergétique.
La part de l’agriculture dans les exportations totales de marchandises est également en diminution depuis le milieu des années 1990, sauf dans quelques pays exportateurs de services, comme la Gambie, le Libéria et les Tuvalu, où elle a beaucoup augmenté (graphique 1.7). Dans les pays exportateurs de produits agricoles et alimentaires (voir la classification des PMA en fonction de la spécialisation des exportations, p. xiii), les exportations agricoles continuent de représenter plus de 80 % des exportations totales. Il s’agit principalement d’exportations de produits alimentaires (entre 89 % et 99 %) dans le cas de la Guinée-Bissau, du Malawi et de la Somalie, et de produits non alimentaires (78 %) dans le cas des Îles Salomon. La part de l’agriculture dans les importations n’a pas évolué de manière aussi systématique, malgré une tendance marquée à la baisse parmi les pays exportateurs mixtes (graphique 1.8). La hausse
Graphique 1.6 Part de l’agriculture dans la valeur ajoutée brute dans les PMA, 1991-1993 et 2010-2012 (En pourcentage)
0 20 40 60 80 100
0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100
2011‒2013
1995‒1997
Agriculture dans son ensemble
Exportateurs de produits agricoles et alimentaires Exportateurs de combustibles Exportateurs de minéraux Exportateurs d’articles manufacturés Exportateurs de services Exportateurs mixtes
1995‒1997 Produits alimentaires
1995‒1997 Produits non alimentaires
Note : Pour la classification des PMA en fonction de la spécialisation des exportations, voir p. xiii
Source : CNUCED, base de données UNCTADstat (http://unctadstat.unctad.org/FR/) (consultée le 8 juin 2015).
2011‒2013
1995‒1997 1995‒1997 1995‒1997
0 20 40 60 80
0 20 40 60 80 0 20 40 60 80 0
5 10 15
0 5 10 15
Agriculture dans son ensemble
Exportateurs de produits agricoles et alimentaires Exportateurs de combustibles Exportateurs de minéraux Exportateurs d’articles manufacturés Exportateurs de services Exportateurs mixtes
Produits alimentaires Produits non alimentaires
Source : CNUCED, base de données UNCTADstat (http://unctadstat.unctad.org/FR/) (consultée le 8 juin 2015).
Note : Pour la classification des PMA en fonction de la spécialisation des exportations, voir p. xiii
Graphique 1.7 Part de l’agriculture dans les exportations totales des PMA, 1995-1997 et 2011-2013 (En pourcentage)
Graphique 1.8 Part de l’agriculture dans les importations totales des PMA, 1995-1997 et 2011-2013
2011‒2013
1995‒1997 1995‒1997 1995‒1997
-8,000 -6,000 -4,000 -2,000 0 2,000 4,000
-1,000 -500 0 500 -1,000 -500 0 500-2,000
-1,500 -1,000 -500 0 500 1,000 1,500 2,000
-500 0 500
1995‒1997 Agriculture dans son ensemble
Exportateurs de produits agricoles et alimentaires Exportateurs de combustibles Exportateurs de minéraux Exportateurs d’articles manufacturés Exportateurs de services Exportateurs mixtes
Produits alimentaires Produits non alimentaires
Source : CNUCED, base de données UNCTADstat (http://unctadstat.unctad.org/FR/) (consultée le 8 juin 2015).
Note : Pour la classification des PMA en fonction de la spécialisation des exportations, voir p. xiii.
… si bien que le déficit de la balance commerciale agricole s’est nettement
creusé dans ces pays.
généralisée de la part des importations alimentaires a été en partie compensée par la baisse de la part des importations non alimentaires, sauf au Bangladesh et en Sierra Leone, où celle-ci a considérablement augmenté.
Par voie de conséquence, le déficit de la balance commerciale agricole s’est nettement creusé dans les PMA, passant de 2 milliards de dollars en 1995-1997 à 21,8 milliards de dollars en 2011-2013 (graphique 1.9). Il a surtout augmenté dans les pays exportateurs de combustibles (passant de 700 000 millions de dollars à 11,9 milliards de dollars) et les pays exportateurs d’articles manufacturés (passant de 1,1 milliard de dollars à 10,6 milliards de dollars). Dans le premier groupe, le déficit a principalement concerné le commerce des produits alimentaires; dans le second groupe, il porte plutôt sur le commerce des produits non alimentaires et reflète l’importance prise par l’industrie textile. Les pays exportateurs de produits agricoles et alimentaires (sauf la Somalie) ont enregistré une augmentation de leur excédent commercial. La majorité des pays exportateurs mixtes et quelques pays exportateurs de services ont aussi amélioré leur balance commerciale agricole.
La situation est plus homogène à l’intérieur des groupes classés par critères géographiques et structurels (voir la classification des PMA, p. xiii), qui ont vu se détériorer leur balance commerciale en produits alimentaires (tableau 1.1).
Graphique 1.9 Balance commerciale agricole des PMA, 1995-1997 et 2011-2013 (En millions de dollars)
Tableau 1.1 Indicateurs du commerce agricole dans les PMA
Agriculture en pourcentage des
exportations, 2011-2013
Agriculture en pourcentage des importations, 2011-2013
(produits alimentaires compris)
Balance commerciale agricole, 2011-2013
(En millions de dollars)
Balance commerciale agricole (En millions de dollars) 1995-1997 2011-2013
PMA (total) 12,4 19,6 (17,7) -18 872 -1 980 -21 800
PMA africains et Haïti 11,9 18,3 (17,3) -7 521 -393 -10 285
PMA asiatiques 13,0 21,6 (18,4) -11 259 -1 623 -11 195
PMA insulaires 72,2 26,4 (24,2) -92 36 -320
Source : CNUCED, base de données UNCTADstat (http://unctadstat.unctad.org/FR/) (consultée en juin 2015).
Les objectifs de développement et l’élimination de la pauvreté requièrent à la fois le développement de l’économie
rurale et le développement de l’économie urbaine…
Le développement rural est déterminant pour éliminer la pauvreté et améliorer
les conditions de vie, non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans
les zones urbaines.
Le secteur manufacturier ne suffira pas à éliminer la pauvreté.
… et les interactions entre économie rurale et économie urbaine sont
Bien sûr, le fait d’accorder une large place au développement de l’économie rurale ne signifie pas pour autant que le développement de l’économie urbaine doive ou puisse être négligée. Il serait faux de penser que le premier puisse se substituer au second. Les objectifs de développement durable et l’élimination de la pauvreté ont incontestablement besoin des deux; même pour les économies rurales, le lien avec les zones urbaines revêt une importance capitale.
La proximité des villes assure aux économies rurales un marché pour leur main-d’œuvre et leur production et l’accès à des facteurs de production et à des services. L’exode rural offre à la fois un moyen d’absorber l’excédent de main-d’œuvre des campagnes et une source de revenu pour certains ménages ruraux, qui reçoivent des fonds de leurs proches partis travailler en ville. Il a aussi son importance pour les économies urbaines. Le succès des stratégies de développement est toujours passé par un accroissement de la productivité agricole, qui par le biais de l’exode rural a fourni aux centres urbains la main-d’œuvre nécessaire au développement de l’industrie et en même temps, les excédents agricoles pour la nourrir. Cette interaction est indispensable au processus de développement, en particulier dans sa toute première phase.
Néanmoins, la contribution de l’exode rural au développement est loin d’être automatique ou universelle. Les zones urbaines attirent plus par la possibilité que par la garantie effective qu’elles offrent d’un emploi dans le secteur formel;
la plupart des personnes qui ont quitté la campagne pour la ville sont sans travail ou exercent des activités informelles peu rémunérées et peu productives, tout en cherchant un emploi dans le secteur formel (Harris and Todaro, 1970;
Fields, 1972). Peut alors apparaître le « paradoxe de Todaro » (Todaro, 1976) selon lequel la création d’emplois dans les villes augmente la pauvreté urbaine.
La probabilité que de tels effets se produisent est plus élevée lorsque l’exode rural est le fait de facteurs contraignants (notamment, le manque de perspectives économiques dans les zones rurales) plutôt que de facteurs attractifs (la création d’emplois urbains), comme on peut l’observer dans de nombreux PMA africains. Dans ces cas, les personnes qui migrent vers les zones urbaines et qui ne peuvent pas obtenir un emploi, faute d’une offre suffisante, viennent alimenter une main-d’œuvre informelle perpétuellement excédentaire, aggravant la pauvreté urbaine et mettant à plus rude épreuve encore les infrastructures sociales (logement, eau, assainissement, écoles, installations sanitaires, etc.).
Si le secteur manufacturier peut offrir des possibilités non négligeables en matière de création d’emplois, il est de plus en plus établi que cela ne suffira pas à éliminer la pauvreté. Dans le passé, la part du secteur manufacturier dans l’emploi culminait à environ 30 %; dans les pays en développement qui ont accédé au rang de pays à revenu élevé, elle s’est maintenue constamment à un taux compris entre 18 % et 20 % au moins. Aujourd’hui, cette part se situe au maximum entre 13 % et 15 %.
(Rodrik, 2014; Felipe, Mehta and Rhee, 2014). Même si tous les PMA parvenaient à relever la proportion des emplois manufacturiers jusqu’au taux voulu au cours des quinze prochaines années, ils seraient encore loin de proposer un nombre d’emplois suffisant pour mettre fin à la pauvreté. De même, les industries extractives, qui ont pourtant joué un grand rôle dans la croissance économique de bon nombre de PMA, contribuent peu à la création directe d’emplois. Il en résulte une croissance sans emploi (Ancharaz, 2011; UNCTAD, 2013), à moins que les revenus découlant de ces activités ne servent à un développement partagé par tous.
Le développement rural, au sens large, sera donc déterminant pour éliminer la pauvreté et améliorer les conditions de vie, non seulement dans les zones rurales, mais aussi dans les zones urbaines, en limitant les facteurs contraignants à l’origine de l’exode rural. Des études ont confirmé que, pour réduire la pauvreté, la croissance rurale est plus efficace que la croissance urbaine (Wodon, 1999) et qu’il est préférable de redéployer la main-d’œuvre agricole vers des emplois ruraux non agricoles et dans de petites localités, plutôt que dans de grandes villes (Christiaensen and Todo, 2014).