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Chapitre 3 – Un nouvel idéal ?

2) L’idéal philosophique

Les divers critères avancés par les orateurs, faisant des Athéniens des meneurs naturels pour les Grecs, ne sont pas sans rappeler l’idéal du bon monarque que l’on retrouve chez les philosophes. Même si les modèles constitutionnels et leur hiérarchie différaient d’un philosophe à l’autre, on pouvait y retrouver plusieurs idées communes, dont l’idée du bon monarque opposé au monarque despotique195.

a) Les modèles constitutionnels

De manière générale, le modèle de classement prenait en considération trois formes de gouvernements : celui du grand nombre, celui du petit nombre et la monarchie. Pour chacun de ces modèles, il pouvait exister une bonne et une mauvaise forme, pour un total de six formes de gouvernement. Pour Xénophon, il n’existait pas de bonne variante au régime du grand nombre, soit la démocratie. Il n’y avait que cinq variantes de gouvernement. Platon émit d’abord une opinion similaire, puis, dans la République, il admit la possibilité d’une bonne variante à ce régime. Pour sa part, Aristote considérait qu’il pouvait exister une bonne variante et la nommait politeia. Chez les trois penseurs, on

194 Il est à noter que Xénophon pensait que l’autonomie des petites cités et l’égalité juridique entre elles et les

grandes cités étaient des éléments essentiels au maintien de la paix en Grèce. Sur ce, voir G. D. ROCCHI,

« Hégémonie et autonomie », p. 5.

retrouve pour le gouvernement du petit nombre les appellations oligarchie et aristocratie, la première étant la mauvaise forme, la seconde étant la bonne forme. De même manière, la royauté était associée au meilleur gouvernement monarchique, alors que la tyrannie représentait sa version corrompue196.

Platon

On retrouve dans la République un modèle intéressant et unique de l’évolution des constitutions, modèle non relié à la répartition en cinq ou en six généralement décrite par les philosophes. Au livre VII, l’auteur explique que la première forme, la royauté ou l’aristocratie (445d), est composée du gouvernement des meilleurs (ou du meilleur, s’il n’y en a qu’un). C’est d’ailleurs dans cette forme de gouvernement que l’on découvre son idéal du roi philosophe, qui sera abordé un peu plus loin. Vient ensuite le gouvernement qui recherche avant tout les honneurs, appelé timocratie ou timarchie (545b). Lorsque les hommes commencent à convoiter davantage les richesses que l’honneur, ce gouvernement laisse alors place à l’oligarchie. Puisque ce régime sépare inévitablement la cité en deux (celle des riches et celle des pauvres), il est inévitable qu’avec le temps des circonstances émergent, permettant à la masse pauvre de prendre le dessus et d’instaurer une démocratie (557a). Le dernier stade de déchéance est atteint lorsqu’un champion émerge de la masse qui lui remet initialement le pouvoir, donnant naissance à une tyrannie197. Comme le fait

remarquer S. Roux, le fait que Platon place la démocratie à l’origine de la tyrannie vient automatiquement rejeter la démocratie comme étant une option viable de gouvernement idéal198.

196 M.H.HANSEN, Reflections on Aristotle’s Politics, p. 17.

197 Il est intéressant de voir comment ce système présenté par Platon donne pour meilleur modèle et pour pire

modèle deux systèmes monarchiques. M. PIÉRART fit la recension des différents termes attachés à la notion de

monarchie au sein du corpus platonicien. Il en ressortit les chiffres suivants : 238 emplois des termes de la famille de τύραννος, 313 emplois de ceux de βασιλεὺς, 35 emplois de ceux de δυνάστης et 17 emplois de ceux de µοναρχέω. Il semblerait donc que Platon mit surtout l’accent sur les différences que l’on pouvait retrouver entre les différents modèles monarchiques et non sur le bien-fondé de l’utilisation d’un système monarchique de manière générale. Voir « Les figures du roi et du tyran », p. 219.

Aristote

Dans sa Politique, Aristote, qui reconnaît une bonne et une mauvaise version de chacun des trois modes de gouvernement, passe une grande partie de son oeuvre à explorer ces différents concepts. La bonne monarchie y tient une place importante. Selon lui, elle serait le meilleur des gouvernements, alors que sa version despotique serait le pire gouvernement possible. Il explore d’ailleurs les différentes variantes de la monarchie en établissant une échelle allant de la monarchie soumise aux lois (monarchie qui s’apparente davantage à une charge politique qu’à une royauté) à la monarchie absolue, c’est-à-dire celle où le roi est la loi et exerce un contrôle absolu sur tout (type monarchique dans lequel on peut retrouver les tyrannies). Cependant, il affirme aussi qu’il est préférable qu’une multitude des meilleurs gouverne, soumis à la loi, qu’un seul des meilleurs ou qu’un petit groupe des meilleurs, puisqu’il est plus aisé de corrompre ou de faire succomber à ses émotions une personne ou un petit groupe de personnes199. En combinant ce principe avec celui du juste milieu qu’Aristote prône tout au long de son traité200, on comprend mieux pourquoi il établit un second modèle des constitutions ne prenant pas en compte la monarchie. Dans cet autre modèle, on retrouve d’un côté la démocratie extrême et de l’autre l’oligarchie extrême. Pour chacune des deux constitutions, on peut compter un certain nombre de niveaux rendant à chaque fois la constitution de plus en plus modérée, jusqu’à ce que la démocratie et l’oligarchie se retrouvent au centre, formant un gouvernement à mi-chemin entre les deux constitutions. Pour Aristote, la meilleure des constitutions serait composée des éléments positifs de chacun de ces deux régimes, donnant ainsi une version modérée et équilibrée de la démocratie et de l’oligarchie. Il est à noter que cette idée n’est pas sans rappeler la démocratie la plus parfaite des ancêtres qu’Isocrate vantait dans ses discours (chapitre 1)201.

199 J.OBER, Political Dissent in Democratic Athens, p. 20-21.

200 P.-M. MOREL, « Pouvoir, crise du pouvoir et juste milieu dans la politique d’Aristote », in S. FRANCHET

D’ESPÈREY, Fondement et crises du pouvoir, 2003, Paris, De Boccard, p. 14.

Xénophon

La particularité de Xénophon ne concerne pas les modèles constitutionnels, mais plutôt sa vision de la monarchie. S’il est vrai que ce philosophe prôna aussi l’idée d’une royauté utopique soumise à un système de loi, sur un modèle similaire à celui de Sparte (entre autres dans sa Cyropédie), il ne semble pas pour autant avoir banni l’idée d’un monarque absolu, mais juste et bon. C’est justement grâce à son caractère que ce monarque pourrait garder le contrôle de ses hommes, mais aussi être vu comme légitime et non comme tyran202.

Quatre points communs importants sont partagés par ces philosophes. Tout d’abord, la démocratie telle que connue à Athènes n’est jamais la solution. Ensuite, ils s’entendent tous pour dire que la tyrannie est la pire des options. La bonne monarchie, quant à elle, semble être difficile à obtenir, mais serait la forme préférable, lorsque possible. Finalement, qu’il s’agisse d’une monarchie ou d’une aristocratie, le meilleur des gouvernements serait soumis aux lois. Si l’on fait un parallèle avec ce qui a été vu sur la façon dont les orateurs tentaient de représenter Athènes, tous les points semblent respectés. Athènes, en meneur naturel, pourrait être perçu comme un monarque (vu en tant que cité) ou un groupe des meilleurs (en tant que peuple), qui aideraient à diriger la Grèce – soit dans une riposte réelle contre Philippe ou dans un plan hypothétique comme celui proposé par Isocrate – non de manière despotique, mais en suivant un certain nombre de conventions (lois).

b) Le « bon roi »

L’éducation prenait une place importante dans le choix du monarque chez les trois philosophes ici abordés. Platon affirma d’ailleurs, dans la République, que des personnes sans éducation ne pouvaient prétendre gérer correctement une cité (519b-c). On sait que chez Platon, le chef idéal serait un roi-philosophe. Comme l’explique J. Ober, « only philosophers – people like Socrates, Glaucon, and Adeimantus – were capable of resisting

the alluring dream of seeking to become a happy tyrant. He saw that for as long as antidemocratic elites remained seduced by the superficial attractions of the life of the happy tyrant, the bipolar democratic account of tyranny would stand uncontested, and celebration of resistance to tyranny would remain a stable mainstay of democratic culture203. » C’est pourquoi le chef idéal serait soit un philosophe, soit un roi qui philosopherait. De plus, Platon affirme dans la Politique que seul un roi-philosophe serait apte à rendre la justice, grâce à sa connaissance du Bien, y compris lorsque la loi qui est parfois trop rigide ou générale n’est pas adaptée à répondre aux circonstances204. Il est donc en quelque sorte au- dessus de la loi205. Une autre nécessité à laquelle répondrait l’éducation philosophique du roi est celle d’avoir l’âme la plus unifiée et sans conflit possible. Selon Platon, tout comme la cité idéale est sans conflit et unifiée, son chef doit aussi l’être et c’est par la philosophie que celui-ci peut y arriver. Bien que l’éducation philosophique tînt aussi une place importante chez Aristote206, il avait une perception plus réaliste du contexte politique des cités. C’est pourquoi il envisageait la possibilité d’un roi non philosophe conseillé par un ou plusieurs philosophes, à condition que ce roi soit bon et pragmatique207.

Chez Xénophon, l’éducation prenait aussi une place importante en partie parce qu’elle permettait de développer ou de renforcer chez le futur souverain un certain nombre de qualités nécessaires208. L’image que le philosophe dresse de Cyrus dans la Cyropédie est

203 J.OBER, « Tyrant Killing as Therapeutic Stasis », p. 229.

204 P. CARLIER, « L’Idée de monarchie impériale dans la Cyropédie de Xénophon », p. 156.

205 Dans le Politique, Platon établit ce qu’est le πολιτικὸς ἀνήρ, soit un homme pouvant se trouver au-dessus des

lois grâce à sa maîtrise de la science royale. Contrairement au législateur qui doit appliquer un système de lois déjà en place, ce qui le contraint au domaine du général, le πολιτικὸς ἀνήρ peut adapter la loi en fonction de chaque cas. Cependant, à cause du nombre infini de situations pouvant se présenter, Platon admet l’impossibilité pour un homme de toujours connaître la meilleure marche à suivre. C’est pourquoi il est nécessaire de mettre en place un système de lois pour guider les hommes, même si ce système est imparfait. Sur ce, voir M.PIÉRART, « Les figures du roi et du tyran », p. 222. E. Lledó Iñigo expliqua aussi que la

capacité du philosophe à voir la vérité lui permettait d’être objectif face à un problème, alors que les hommes tendent généralement à être subjectifs. C’est gâce à sa φιλία pour la connaissance et le vrai que le philosophe arrive à atteindre cette objectivité. Voir E. Lledó Iñigo, « Philosophos Basileus », RFil 19 (1960), p. 7. 206

P. A. VANDER WAERDT, « Kingship and Philosophy in Aristotle’s Best Regime » Phronesis 30

(1985), p. 272.

206 P. A. VANDER WAERDT, « Kingship and Philosophy in Aristotle’s Best Regime » Phronesis 30 (1985),

p. 272.

207 A.-H. CHROUST, « Aristotle’s Criticism of Plato’s “ Philosopher ” King », RhM 111 (1968), p. 16-22.

208 N.ALBAFULL &E.PAGES, « Tendencias del pansamiento politico », p. 51 ; C. NADON,Xenophon’s Prince,

particulièrement parlante. « Pour Xénophon, les conquêtes exceptionnelles de Cyrus s’expliquent rationnellement, techniquement même, par ses talents exceptionnels de chef. Sa virtuosité dans l’art du commandement s’explique elle-même par sa naissance, par sa nature et surtout par son éducation209. » Xénophon mit beaucoup en valeur les qualités de Cyrus en tant que chef militaire. Pour lui, il était important que le dirigeant sache se faire obéir et imposer la discipline auprès de ses hommes, aptitude découlant de ses capacités de persuasion210. Pour y arriver, le dirigeant devait voir aux intérêts et besoins de ses hommes, un peu à la manière d’un père bienveillant obéi de ses enfants. Il devait aussi être un exemple de piété, être juste, tempéré et vigilant, et jouir d’une certaine forme de charisme211.

Bien que Platon et Aristote aient tous deux attribué une grande importance à l’aspect philosophique du dirigeant, alors que l’exemple de Cyrus chez Xénophon fait davantage penser au dirigeant charismatique de la période hellénistique, il en ressort que l’éducation, quoique différente, demeurait un point central pour créer le meilleur dirigeant. Les qualités que l’on a attribuées à une personne et celles associées à une cité apte à diriger ne furent nécessairement pas les mêmes. Cependant, les orateurs prirent soin de montrer comment la cité d’Athènes était, à sa manière, la première parmi ses pairs. De plus, certaines notions telles la justice, la bienveillance envers les sujets ou l’éducation se retrouvent tant chez le bon roi que dans la description de l’Athènes-chef hypothétique. Une similitude entre la pensée philosophique et la présentation de la cité est donc, encore une fois, perceptible à travers les textes.

209 P. CARLIER, « L’Idée de monarchie impériale dans la Cyropédie de Xénophon », p. 141. 210 M. WORONOFF, « L’autorité personnelle selon Xénophon », Ktema 18 (1993), p. 43.

211 P. CARLIER, « L’Idée de monarchie impériale dans la Cyropédie de Xénophon », p. 140-148 ; E. BUZZETTI,

c) La relation monarque/sujets

Le fait de diriger ses voisins pouvait apporter des bienfaits pour une cité. C’est pourquoi l’idée de domination extérieure à la cité n’était pas étrangère aux philosophes. M. H. Hansen a d’ailleurs dressé une liste des différents sens que prenait le terme « liberté » chez Platon et Aristote. Le septième sens qu’il donne au terme concerne la cité. Dans ce contexte, une cité peut être libre si elle possède une forme de souveraineté sur les cités l’entourant, peu importe son type de gouvernement212. Le fait d’être en position de force vis-à-vis des cités ou peuples l’entourant permettait à une cité de s’assurer sa propre liberté par rapport à ses voisines. Cependant, ce type de liberté n’est pas nécessairement synonyme de liberté au sein de la cité. Une cité régie à l’interne par un gouvernement despotique peut aussi être libre.

Quoi qu’il en fût, il pouvait être logique pour une cité de chercher à assurer sa liberté en exerçant une forme de contrôle sur ses voisins. Pourtant, Aristote argumente que si la polis est l’unité la plus naturelle et la seule permettant aux humains d’atteindre leurs deux buts principaux, soit l’autarcie213 et le bien-être, toute forme plus grande (empire, royaume) ne serait cependant pas apte à atteindre le second but214. La cité doit donc trouver un moyen d’exercer une forme de contrôle sur ses voisins, tout en restant indépendante d’eux. Par ailleurs, le caractère grec des autres cités implique que celles-ci ne pourraient supporter de vivre sous une sorte de domination absolue de la part des Athéniens. D’ailleurs, Aristote analysa les différents peuples et les raisons pour lesquelles ils pratiquaient différents types de gouvernements. L’auteur sépare en trois régions géographiques la carte, soit l’Asie, la Grèce et le nord de l’Europe, puis explique à partir des notions de thumos et de technè pourquoi chacun se gouverne différemment. Le manque

212 M. H. HANSEN, « Democratic Freedom », p. 7 ; M. H. HANSEN, Reflections on Aristotle’s Politics, p. 76 ;

K. A. RAAFLAUB, « Democracy, Oligarchy », p. 522.

213 Aristote développa l’idée que l’autarcie était naturellement recherchée par les hommes, puisqu’ils tendent

naturellement à vouloir obtenir ce qui est un bien pour eux. C’est pourquoi ceux-ci se réunissent instinctivement en cités afin d’obtenir ce bien qu’ils ne peuvent espérer avoir seuls. L’autarcie devient donc à la fois un bien et une finalité en soi. Voir P. BETBEDER, « Étique et politique selon Aristote », RSPh 54

(1970), p. 456-457.

d’une des deux caractéristiques influencerait le type de gouvernement exercé dans une région. Comme les Grecs étaient les seuls possédant les deux caractéristiques, ils détenaient à la fois les connaissances et la volonté d’esprit leur permettant de se gérer eux-mêmes, de manière organisée, sans être sous le contrôle d’un chef unique. Non seulement en possédaient-ils la capacité, mais en plus, de par leur thumos, ils étaient naturellement faits pour ne pas être soumis à qui que ce soit215.

Dans la Cyropédie de Xénophon, on retrouve l’idée que tout empire dominant un grand territoire est voué à devenir une monarchie absolue et centralisée216. L’auteur décrivit dans son récit deux types d’ἀρχή : l’ἀρχὴ οἰκονοµική et l’ἀρχὴ πολιτική. La première représentait le modèle du père sur sa maisonnée (pouvoir absolu et bienveillant), alors que la seconde dépeignait un gouvernement régi par les lois. Comme l’explique P. Carlier, le premier type est associé à Cyrus, alors que le second est associé au pouvoir perse traditionnel. Selon le chercheur, cette représentation tentait de montrer que les conquêtes entraînent pour conséquence inévitable l’instauration d’un gouvernement absolu217. Pour le

philosophe, une communauté aussi grande n’aurait pas su s’organiser de manière efficace en une communauté politique, ce qui rendait essentielle la présence d’un gouvernement absolu et centralisé.

Par conséquent, le seul moyen qu’avait Athènes d’éviter de devenir un monarque absolu sur la Grèce, ce qui aurait été à l’encontre de la nature des Grecs, mais aussi à l’encontre des intérêts de la cité selon Aristote, était de ne pas dominer les autres cités tel un chef sur son empire. Pourtant, son propre besoin d’assurer sa liberté passait par une forme de contrôle sur les cités voisines, un contrôle faisant en sorte que l’« autonomie égalitaire est remplacée par une autonomie consensuelle et volontairement autolimitée de la part des petites poleis218. » La manière dont Démosthène et Isocrate présentèrent l’idéal

215 J.OBER, Political Dissent in Democratic Athens, p. 342.

216 P. CARLIER, « L’Idée de monarchie impériale dans la Cyropédie de Xénophon », p. 162. 217 P. CARLIER, « L’Idée de monarchie impériale dans la Cyropédie de Xénophon », p. 157. 218 G. D. ROCCHI, « Hégémonie et autonomie », p. 17.

athénien correspondait donc aux vues philosophiques. D’un côté, Démosthène en faisait un sauveur de la Grèce, désiré par les autres cités, et non un chef s’imposant sur les autres, de l’autre, Isocrate présentait Athènes comme une sorte de médiateur et de guide pour les Grecs, ainsi qu’un meneur dans l’entreprise contre les Perses. De plus, ce dernier prit justement bien soin de montrer à quel point Athènes avait eu tort de se comporter en tyran lors de la première ligue, raffermissant ainsi le concept du meneur éclairé. En agissant de cette manière, Athènes assurerait sa liberté en contrôlant la politique extérieure à la cité, pourrait à la fois viser l’autarcie et le bien-être en demeurant une unité séparée des autres cités grecques et n’irait pas à l’encontre de la nature des Grecs.

Conclusion

L’échec de la première ligue de Délos, ainsi que le contexte politique du IVe siècle, contribuèrent au désir d’hégémonie qu’avait Athènes. C’est donc dans ces conditions que les orateurs, par désir de charmer et de convaincre, ou parfois peut-être avec conviction réelle, comparèrent souvent la cité avec ses voisines. Autant on critiqua son passé tyrannique qu’on mit en évidence son potentiel en tant que bon dirigeant. Cette opposition que l’on retrouve dans certains textes n’est pas accidentelle, puisqu’elle rappelait l’idée des théoriciens selon laquelle la tyrannie, le pire de tous les régimes, était le parfait opposé de la bonne monarchie, le meilleur des régimes. En mettant en opposition cette Athènes passée et corrompue que l’on associait à une tyrannie avec son réel potentiel de meneur naturel, les auteurs venaient associer l’idée d’une Athènes naturellement faite pour guider et mener les Grecs à celle de l’idéal du bon roi. Par ailleurs, les qualités et la manière dont on présentait