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Hégémonie, panhellénisme et politique extérieure

Chapitre 3 – Un nouvel idéal ?

1) Hégémonie, panhellénisme et politique extérieure

En raison des nombreux bouleversements politiques qui eurent lieu au Ve et

IVe siècles, la période étudiée peut sembler particulièrement propice à des changements

d’idéaux politiques. L’un des changements majeurs fut cet élan hégémonique que connut Athènes. Après avoir goûté au pouvoir dans le cadre de la ligue de Délos, cette cité chercha à nouveau à dominer. On peut donc écarter, dans un modèle où toutes les cités seraient considérées comme des citoyens de la Grèce, une relation internationale de type démocratique où chacune aurait un poids égal. Il sera intéressant de tenter de déterminer si les orateurs athéniens suivaient une sorte de schéma politique lorsqu’ils décrivaient cet ordre hégémonique.

a) Contexte politique

Tentatives et visées hégémoniques

Le rôle important que joua Athènes lors des guerres médiques lui permit d’acquérir une énorme influence sur la scène politique grecque pour le Ve siècle. La victoire de Salamine octroya à Athènes un rôle de chef et de protecteur des Grecs, du moins, du point de vue athénien. La cité mit en place la ligue Délos, un accord entre de nombreuses cités maritimes dont l’objectif était la préparation adéquate au retour éventuel des Perses. Si cette entente suivit d’abord le cadre de l’accord, Athènes prit avec le temps une place dominante, allant jusqu’à adopter une attitude perçue comme tyrannique. Cette attitude dénotait un désir de domination hégémonique qui tourna à des vues que l’on a volontiers qualifiées d’impérialistes174. B. Antela-Bernádez fit d’ailleurs remarquer que l’une des différences entre Athènes et Sparte pour cette période est qu’Athènes visait un contrôle militaire total, alors que Sparte visait l’hégémonie grecque175. On retrouvait toujours ce désir le siècle suivant dans les discours des orateurs. Cependant, il semblait orienté davantage vers des aspirations hégémoniques où toute cité demeure autonome et libre, que vers une attitude

174 B. ANTELA-BERNÁRDEZ, « Hegemonía y Panhelenismo : Conceptos Políticos en tiempos de Filipo y

Alejandro », DHA 33 (2007), p. 71.

impérialiste de contrôle absolu. S. Perlman fit remarquer une certaine corrélation entre le type de gouvernement que l’on retrouvait à Athènes et les visées de la cité. Selon lui, plus son gouvernement s’approchait d’une démocratie extrême, plus son désir de contrôle était grand, alors que sous une démocratie modérée ou sous un régime oligarchique, la cité tendait à être moins agressive dans son approche hégémonique176.

À cause de l’attitude abusive d’Athènes envers les membres de la ligue, cette tentative se solda par un échec. Elle tenta, en 377, de reformer une seconde alliance, promettant de ne pas répéter les mêmes erreurs. L’objectif cette fois-ci était de « contraindre Sparte à laisser les Grecs vivre libres et autonomes et avoir la jouissance complète de leur territoire177 ». Cependant, malgré les nombreuses clauses mises en place pour empêcher un retour à l’impérialisme athénien, la cité abusa encore une fois de son pouvoir178.

Menaces extérieures et panhellénisme

Bien que les Perses ne fussent pas réellement une menace au IVe siècle, certains

penseurs usèrent du fantôme de la menace perse pour justifier un besoin d’unification panhellénique. L’un des plus importants fut Isocrate. Il établit à travers ses discours un programme d’unification des Grecs qui s’appuyait sur cette notion de l’ennemi perse à subjuguer. Ce programme, fondé sur l’idée de panhellénisme179, présentait cet empire

176 S. PERLMAN, « Athenian Democracy and the Revival of Imperialistic Expansion at the Beginning of the

Fourth Century B.C. », CPh 63 (1968), p. 257.

177 M. HUMBERT &D. KREMER,Institutions politiques, p. 174.

178 Certains chercheurs pensèrent cependant que les critiques qu’essuya Athènes pour sa seconde confédération

étaient davantage dues à sa faiblesse qu’à un réel comportement despotique. Par ailleurs, alors que la première ligue s’apparenterait à une tentative d’empire athénien, la seconde ligue aurait simplement eu des vues hégémoniques. Sur cela, voir J. CARGILL, « Hegemony not Empire : The Second Athenian League », AncW 5 (1982), p. 93-94. Pour le contexte historique et une analyse événementielle, voir : C. D. HAMILTON,

« Isocrates, IG ii2 43, Greek Propaganda and Imperialism », Traditio 36 (1980), p. 83-109.

179 Le terme « panhellénisme » ne sembla pas être clair au IVe siècle, puisqu’il semble indiquer des notions

parfois différentes d’un auteur à l’autre. Chez Isocrate même, il peut être parfois difficile de déterminer avec exactitude ce que l’auteur avait en tête. Par ailleurs, certains chercheurs mirent de l’avant le fait que ce terme était parfois utilisé à des fins rhétoriques par des cités ayant des vues hégémoniques, comme il sera vu avec Démosthène un peu plus loin. Sur ces questions, voir : B. ANTELA-BERNÁRDEZ, « Hegemonía y

comme un ennemi voué à revenir en Grèce qu’il fallait dominer avant qu’il ne soit trop tard. Isocrate choisit tout d’abord Athènes comme meneur naturel pour venir à bout de ce projet. Il énuméra toutes les raisons pour lesquelles cette cité représentait un choix logique et pour lesquelles elle était préférable à Sparte. Cependant, il mit aussi l’accent sur l’importance pour Athènes et Sparte de faire la paix ; sans entente entre ces deux pôles dominants, le plan était selon lui voué à l’échec. L’auteur finit par perdre tout espoir de paix entre les puissances grecques. C’est pourquoi il se tourna vers Philippe de Macédoine. Ce roi qui avait réussi à unifier la Macédoine et qui avançait en conquérant pouvait, aux yeux d’Isocrate, représenter le meilleur espoir de chef unificateur. Isocrate rappela cependant à plusieurs reprises que Philippe ne devait pas régner sur la Grèce comme on règne sur des peuples barbares, mais plutôt agir en médiateur au sein des cités grecques, puisque le plan d’Isocrate devait permettre aux cités de demeurer libres et autonomes180. On se doute, à la lecture de ses discours, que l’ennemi perse servait de prétexte pour permettre l’unification des Grecs, et ce, dans le but de mettre fin aux problèmes sociaux, politiques et économiques que rencontraient alors les cités181. Celles-ci ne s’étaient cependant unies

qu’une seule fois par le passé et c’était justement pour repousser cet envahisseur. L’Empire perse représentait donc peut-être le seul motif pouvant à nouveau unir ces cités. Outre cet aspect, le plan d’Isocrate avait aussi pour conséquence d’apporter des richesses aux Grecs, richesses qu’ils n’auraient pas de difficulté à enlever aux Perses, compte tenu de leur nature inférieure, répondant ainsi aux troubles économiques182.

Isocrate connaissait parfaitement le désir des Athéniens à dominer à nouveau (Aréopagitique, 3) : « Je sais donc qu’avec ce raisonnement vous dédaignez mon intervention et que vous espérez dominer toute la Grèce par votre puissance actuelle. » C’est pourquoi, en mettant d’abord Athènes au premier plan de ce projet, il espérait

Panhelenismo », p. 71-72 ; S. PERLMAN, « Panhellenism, the Polis and Imperialism », Historia 25 (1976),

p. 30.

180 N. ALBAFULL & E. PAGES, « Tendencias del pansamiento politico », p. 49. On retrouve aussi une idée

similaire chez Aristote : J. OBER, Political Dissent in Democratic Athens, p. 343 ; S. PERLMAN,

« Panhellenism, the Polis and Imperialism », p. 26-27 ; B. ANTELA-BERNÁRDEZ, « Hegemonía y Panhelenismo », p. 180.

181 B. ANTELA-BERNÁRDEZ,« Hegemonía y Panhelenismo », p. 77-79.

182 F. POWNELL, « The Panhellenism of Isocrate », in W. HECKEL et al. (éds), Alexander’s Empire, Claremont,

atteindre une sorte de paix et bonne entente entre les cités. La cité aurait obtenu l’influence tant souhaitée, tout en ne brimant pas la liberté des autres cités puisque son projet panhellénique venait encadrer et limiter les fonctions de la cité dirigeante. Le projet panhellénique d’Isocrate était directement lié à l’idée de « paix commune » puisque cette paix était à la fois un résultat et un prérequis du plan : « Así, la Koiné Eirene o “Paz Común” es la materialización en política de las pretensiones de los defensores del panhelenismo, pero, más aún, es también una condición sine qua non de cualquier ideología panhelénica, y aparece como el primer paso para la aplicación de del panhelenismo183 ».

Bien que le projet d’Isocrate ne se retrouve pas dans les discours des autres orateurs, la menace bien réelle que représentait la Macédoine poussa d’autres hommes politiques à traiter d’alliances entre les cités grecques. Démosthène fit plusieurs conseils à l’Assemblée dans lesquels il traitait de la meilleure marche à suivre non seulement pour obtenir l’appui d’autres cités, mais aussi pour que celles-ci voient Athènes comme leur sauveur et chef naturel. C’est pourquoi, comme le fit remarquer H. B. Dunkel, il est difficile de déterminer si Démosthène était panhelléniste ou s’il était plutôt proathénien184. Si dans certains

passages il présente la suprématie grecque et vante les bienfaits de l’union des cités contre l’ennemi, dans d’autres il met clairement de l’avant comment Athènes surpasse toutes les autres cités. Il va de soi qu’il voulait flatter l’ego de l’Assemblée. Cependant, certains virent dans ces discours une utilisation rhétorique de l’idéal du panhellénisme afin de réaliser un projet hégémonique185. B. Antela-Bernárdez alla jusqu’à affirmer que les prétentions panhellénistes de Démosthène cachaient en fait une compétition entre Philippe et Athènes : « Lo que Demóstenes pretende hacer entender como una guerra panhelénica, y como una amenaza para la comunidad helena, no es ni más ni menos que un enfrentamiento directo entre Atenas y Macedonia, esto es, una lucha de poderes y pretensiones imperialistas, y lo que es referido por él como “gran amenaza” para la Hélade no es otra cosa que un conflicto contra un competidor al poder ateniense y un rival en sus zonas de

183 B. ANTELA-BERNÁRDEZ,« Hegemonía y Panhelenismo », p. 77. 184 H. B. DUNKEL, « Was Demosthenes a Panhellenist ? », p. 303-305. 185 S. PERLMAN, « Panhellenism, the Polis and Imperialism », p. 25.

influencia e intereses186 ». Par ailleurs, outre les visées personnelles de l’auteur, ce type de discours dénote aussi la présence d’un souhait réel de la part du peuple athénien à vouloir dominer à nouveau, cette fois-ci non par la force, mais par la persuasion187. Athènes avait appris de ses erreurs passées et comptait se présenter sous un jour nouveau.

b) Athènes tyran

i) Un passé critiqué

C’est chez Isocrate que l’on retrouve le plus de critiques à l’égard de l’ancienne domination d’Athènes. L’auteur fait plusieurs allusions au mauvais comportement dont fit preuve la cité au sein de la ligue de Délos. Il critique et condamne son attitude passée sans aucun ménagement afin de déterminer quel type de comportement la cité devrait adopter dans le futur si elle voulait unir tous les Grecs derrière elle à nouveau. Dans certains passages, l’auteur compare directement la cité à un tyran régnant de manière despotique sur ses sujets :

Vous jugez que la tyrannie est cruelle et nuisible non seulement aux autres, mais à ceux qui l’exercent ; et vous regardez l’empire de la mer comme le plus grand des biens, lui qui, par les actes qu’il fait subir ou exécuter, ne diffère en rien du pouvoir monarchique. (Isocrate, Sur la paix, 115)

C’est ce comportement qui selon lui explique en grande partie les malheurs que rencontrèrent les Athéniens à la suite de la guerre du Péloponnèse :

En effet qui commande a pour tâche d’augmenter par ses propres soins le bonheur de ses subordonnés ; pour le tyran, c’est une habitude établie de se

procurer des plaisirs égoïstes par les peines et les maux d’autrui. Or il est inévitable que ceux qui se livrent à des actes de cette sorte, tombent aussi dans les infortunes des tyrans et qu’ils subissent ce qu’ils font aux autres. C’est ce qui est arrivé à notre cité : au lieu de mettre garnison dans les

citadelles des autres, elle a vu l’ennemi maître de la sienne ; au lieu de prendre des enfants en otages et de les arracher à leurs pères et à leurs mères, bien des citoyens ont été forcés, pendant l’investissement, d’élever et d’instruire les leurs

186 B. ANTELA-BERNÁRDEZ,« Hegemonía y Panhelenismo », p. 84.

187 On retrouve aussi cette idée de persuasion comme étant la nouvelle « arme » à utiliser pour gagner de

l’influence sur les autres cités chez Isocrate. Sur ce, voir : B. ANTELA-BERNÁRDEZ, « Hegemonía y Panhelenismo », p. 79.

plus mal qu’il ne leur eût convenu, au lieu de cultiver les terres d’autrui, pendant bien des années il ne leur fut pas même possible de voir les leurs. (Isocrate, Sur

la paix, 91-92)

Le destin tragique des tyrans était un thème commun chez les Grecs. Hérodote l’aborda à quelques reprises au fil de ses Enquêtes. On en retrouve aussi l’idée chez les tragiques et les philosophes. Xénophon dans son Hiéron explique comment le tyran est prisonnier de sa propre tyrannie puisqu’il ne peut pas avoir confiance en qui que ce soit et est souvent voué à mourir assassiné. Dans la logique de ce raisonnement, le comportement tyrannique de la cité ne pouvait que finir dans la violence et la révolte, apportant misère et déchéance à la cité. Sans toujours dire de manière explicite qu’Athènes se comportait en tyran, Isocrate met de l’avant différents traits que l’on retrouvait souvent dans la description des tyrans qui semblaient, selon lui, aussi présents dans le gouvernement athénien au sein de la ligue. En tête de liste, l’un des traits les plus importants serait probablement le fait qu’Athènes n’avait pas obtenu le pouvoir de manière volontaire, mais l’avait pris par la force au grand mécontentement de ses « sujets » :

Nous nous figurons qu’en tenant la mer avec beaucoup de trières, en forçant les

États à nous verser des contributions et à envoyer ici des députés, nous

obtiendrons un résultat convenable; mais nous sommes bien loin de la vérité. De nos espoirs aucun ne s’est réalisé, et par là même sont nées pour nous des

haines, des guerres et des dépenses en foule. (Isocrate, Sur la paix, 29)

Les contributions évoquées faisaient initialement partie de l’accord entre les différentes cités membres. À l’origine, les cités, y compris Athènes, devaient fournir au trésor commun soit une contribution financière, soit un certain nombre de trières. Le trésor se trouvait alors à Délos. Éventuellement, Athènes rapatria le trésor dans sa cité et en utilisa l’argent pour soutenir sa démocratie. En effet, le misthos bouleutikos et le misthos héliastikos créés par Périclès se financèrent, au moins au début, à même l’argent du trésor. Cet argent servit aussi à financer de grands travaux, comme les Longs Murs et le Parthénon188. L’idée du dirigeant soumettant par la force ses citoyens fut le critère le plus important séparant le tyran du bon roi dans la pensée grecque. Il y avait plusieurs autres caractéristiques (la démesure, l’envie, l’accumulation de richesses, etc.), mais ceux-ci étaient davantage des traits qui permettaient de reconnaître le tyran que de réels critères définissant ce qu’était ce type de gouvernement. Ainsi, en passant d’une entente mettant toutes les cités sur un pied

d’égalité à une ligue dirigée par Athènes, la cité avait pris le pouvoir en vrai tyran. Ses exactions envers certaines cités ne furent alors que l’illustration d’un gouvernement despotique189.

Isocrate aborda aussi un trait intéressant mettant encore une fois Athènes en parallèle avec le modèle du tyran : l’utilisation de mercenaires. Il était connu que les tyrans avaient pour habitude de s’entourer d’une garde de mercenaires. En effet, ne pouvant faire confiance à aucun de leurs sujets, les tyrans devaient payer des gens de l’extérieur de la cité afin de se protéger contre toute tentative d’assassinat. Il va de soi que les motifs poussant les Athéniens à utiliser des mercenaires au combat au lieu d’envoyer leurs citoyens étaient tout autre que ceux des tyrans dans une cité. L’utilisation de mercenaires permettait aux citoyens de rester chez eux au lieu de mettre leur vie en danger au combat. Pourtant, Isocrate releva tout de même cette similitude (Isocrate, Sur la paix, 47) : « Mais nous, qui sommes tombés dans une si grande détresse et avons tant d’hommes, nous imitons le Grand Roi et employons des armées de mercenaires. » L’utilisation de mercenaires était vue comme négative pour plusieurs raisons. Tout d’abord, on l’associait à la faiblesse militaire. Lorsque les penseurs critiquaient les Perses, ils affirmaient souvent que ceux-ci ne faisaient pas d’aussi bons combattants que les Grecs, d’où leur besoin d’employer des mercenaires grecs pour mener leurs combats. On trouvait ainsi dégradant pour les Athéniens d’employer des mercenaires, puisque ceux-ci se considéraient comme une puissance militaire non négligeable. Pourquoi auraient-ils besoin d’engager des étrangers pour mener leurs combats, puisqu’ils possédaient eux-mêmes d’excellents soldats ? Cela ne pouvait que dénoter une forme de décadence par rapport au passé glorieux d’Athènes. Un autre aspect négatif à l’utilisation de mercenaires concernait le manque de contrôle que la cité avait sur ceux-ci. Il arriva à plusieurs reprises que les mercenaires commirent des exactions sortant du cadre normal de la relation vainqueur/vaincu. Par ailleurs, ceux-ci pouvaient à tout moment se retourner contre leur employeur si quelqu’un d’autre offrait plus. Isocrate expliqua très bien cette situation :

Nous, même dans l’intérêt de nos ambitions, nous n’acceptons pas de courir quelque danger ; nous prétendons régner sur tous et nous refusons de sortir en armes ; nous déclarons la guerre au monde presque entier et, pour la faire, ce n’est pas nos personnes que nous exerçons, mais les hommes, les uns sans patrie, les autres déserteurs, les autres réunis après toute sorte de crimes, et qui, lorsque certains leur donneront une plus forte solde, marcheront avec eux contre nous. Malgré cela, telle est notre condescendance pour eux que, nous refusant, en cas de tort fait à quelqu’un par nos enfants, à en supporter la responsabilité, quand les brigandages, les violences, les injustices de ces gens-là doivent faire retomber les reproches sur nous, non contents de ne pas nous indigner, nous allons jusqu’à nous réjouir quand nous apprenons qu’ils ont agi de la sorte. (Isocrate, Sur la paix, 43-45)

L’auteur établit un lien entre l’utilisation de mercenaires et le caractère despotique d’Athènes. C’est selon lui par « intérêt de [leurs] ambitions » que les Athéniens en vinrent à de telles mesures. Désirant dominer partout, le peuple athénien s’était retrouvé au sein de plusieurs conflits, et par peur de mettre leur vie en danger, les citoyens préféraient alors embaucher des mercenaires afin de rester chez eux en sécurité et de pouvoir profiter des bénéfices que ces combats leur procuraient, même si cela causait plusieurs malheurs aux autres Grecs. Athènes, en tyran, se préoccupait donc davantage de ses ambitions et de son confort que du bien et de l’intérêt de ses sujets.

ii) Le modèle « des ancêtres » inversé

L’idée de comparer Athènes à un tyran n’était pas innocente. Isocrate aurait pu se contenter de critiquer la cité sans faire de lien avec ce régime politique détesté de tous. Au lieu de cela, il s’est assuré d’établir un lien direct entre les deux régimes. On se rappellera que dans les critiques vues au chapitre 1, l’un des thèmes récurrents était l’opposition entre l’Athènes du IVe siècle et celle des « ancêtres ». Les orateurs mirent souvent en parallèle la démocratie décadente de leur siècle à la vraie et bonne démocratie de leurs ancêtres. Cette comparaison permettait de justifier les critiques qu’ils portaient au régime, sans passer pour être des adversaires de la démocratie. Il se pourrait qu’Isocrate ait voulu créer l’effet inverse. En présentant un passé récent et peu glorieux, celui de la ligue de Délos, l’orateur