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Le point sur l’hypoth` ese SNR

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 152-156)

Le « mod` ele standard » en question

5.6 Le point sur l’hypoth` ese SNR

5.6 Le point sur l’hypoth` ese SNR

Il est temps de r´esumer la situation. En ´elargissant le domaine d’´etude bien au-del`a de l’analyse `a proprement parler du rayonnement cosmique, nous avons pu r´eunir un grand nombre de contraintes, directes ou indirectes, sur les caract´eristiques principales de leurs sources, tant au niveau du spectre d’´energie qu’en ce qui concerne la composition chi-mique et la distribution spatiale des sources. Le bilan de cette ´etude multidimensionnelle est assez lourd pour l’hypoth`ese SNR et la proposition qu’elle implique d’identifier pu-rement et simplement les particules ´energ´etiques acc´el´er´ees dans les restes de supernova et les rayons cosmiques (sans que la chose soit r´eellement formul´ee).

En rassemblant les diff´erentes difficult´es ´evoqu´ees ci-dessus, touchant `a la propaga-tion, l’acc´el´eration, ou la ph´enom´enologie du rayonnement cosmique (en liaison avec les observations astronomiques), on obtient les dix objections principales suivantes :

1. L’anisotropie observ´ee du rayonnement cosmique entre 1012 et 1014 eV n’est pas compatible avec une distribution spatiale de sources aussi piqu´ee que celle des SNRs vers le centre galactique (du moins dans l’hypoth`ese du spectre source impliqu´e par l’hypoth`ese SNR ; cf. point 3).

2. La distribution spatiale du rayonnement cosmique d´eduite de l’analyse du rayon-nement gamma diffus (attribu´e `a la d´ecroissance desπ0) n’est pas compatible avec une distribution spatiale de sources aussi piqu´ee que celle des SNRs vers le centre galactique, mais est compatible avec les mesures d’anisotropie (point 1).

3. Le spectre source des rayons cosmiques qui permet de rendre compte de mani`ere remarquable de l’ensemble des donn´ees de la propagation est beaucoup plus pentu que le spectre habituel («particule test») produit par l’acceleration des particules dans les chocs des SNRs.

4. Non seulement le m´ecanisme standard d’acc´el´eration par onde de choc ne reproduit pas le bonne loi de puissance (indice 2 ou 2.1 au lieu de 2.3 ou 2.4), mais on s’attend

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a ce que l’acc´el´eration dans les SNRs, si elle est tr`es efficace (comme il le faut dans l’hypoth`ese SNR) ne produise pas de loi de puissance du tout, en raison des effets non-lin´eaires.

5. Il est connu depuis longtemps que les ondes de choc produites par l’explosion des supernovæ ne peuvent pas acc´el´erer des particules jusqu’`a des ´energies ´egales `a celle du genou, vers 3–5 1015 eV.

6. De nombreuses tentatives ont ´et´e faites pour hisser l’´energie maximale pr´edite pour des protons au sein des SNRs jusqu’au niveau du genou, mais ceci serait encore largement insuffisant : c’est la cheville qu’il faudrait pouvoir atteindre, vers 3 1018 eV, au moins pour les noyaux de fer. Cela semble hors de port´ee de toute th´eorie dans le cadre de l’hypoth`ese SNR.

7. Des protons de haute ´energie n’ont jamais ´et´e identifi´es dans les SNRs.

8. L’´etude approfondie de l’´emission X des SNRs montre que les ´electrons ont une coupure en ´energie plus basse que 1014eV, et que les protons ne peuvent atteindre plus de 1015eV, mˆeme au sein des restes o`u le champ magn´etique est tr`es largement amplifi´e. Ces observations sont en parfait accord avec les pr´edictions th´eoriques, mais en contradiction directe avec l’hypoth`ese SNR et l’identification PESN/RCG.

9. Les SNRs isol´es, produits par l’explosion d’une supernova unique, sont des sources marginales dans la galaxie, puisque la plupart des SNe (de 65 `a 90%) explosent par groupe (dans des associations OB) et conduisent `a la formation de superbulles, o`u le

132 CHAPITRE 5. LE «MOD `ELE STANDARD»EN QUESTION processus d’acc´el´eration est diff´erent. La composante de rayons cosmiques produite par les superbulles devrait donc en tout ´etat de cause exc´eder celle produite par les SNRs isol´es.

10. Le spectre et la composition `a la source des rayons cosmiques acc´el´er´es sous l’hy-poth`ese SNR sont incompatibles avec les donn´ees astronomiques relatives `a la nucl´eosynth`ese des ´el´ements l´egers. En revanche, la composition et le spectre natu-rellement attendus dans un mod`ele o`u les sources principales sont les superbulles rend bien compte de l’ensemble des observations (cf. point 9).

La liste est longue, et chacun des points ci-dessus est un r´eel probl`eme pour l’hy-poth`ese SNR. Il nous semble donc, `a tout le moins, qu’une telle hypoth`ese ne devrait pas ˆetre consid´er´ee comme un mod`ele standard pour l’origine des rayons cosmiques ! Il demeure certes parfaitement l´egitime et souhaitable d’en poursuivre l’´etude, mais il serait regrettable que cela m`ene `a n´egliger d’autres pistes possibles.

Il est significatif, ainsi que nous l’avons indiqu´e, que la majeure partie des probl`emes ci-dessus trouve en r´ealit´e son origine dans l’identificationa priori entre PESN et GCR.

De son cˆot´e, la ph´enom´enologie du rayonnement cosmique se montre tr`es coh´erente. Le spectre source plus pentu impliqu´e par les ´etudes de composition est pr´ecis´ement celui qui correspond au mod`ele de propagation le plus naturel dans les champs magn´etiques galactiques, lequel mod`ele est justement celui qui rend les donn´ees sur l’anisotropie du rayonnement cosmique compatible avec les pr´edictions ! De son cˆot´e, l’´etude de l’´emission multi-longueur d’onde des restes de supernova montre elle aussi un visage tout `a fait coh´erent, avec une ´energie maximale observ´ee (ou d´eduite) en parfait accord avec les pr´edictions th´eoriques. C’est donc essentiellement en voulant faire des PESNles rayons cosmiques, ou des rayons cosmiques les PESN, qu’on introduit les plus graves probl`emes.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas relˆacher la contrainte inutile, et d’ailleurs d’autant moins justifiable que les SNRs isol´es ne repr´esentent, de toute fa¸con, qu’une fraction minoritaire de toute l’´energie d´epos´ee par les supernovæ dans la galaxie ?

Il est utile, `a ce stade, d’examiner `a nouveau les motivations premi`eres de l’hy-poth`ese SNR, que nous avons rappel´es au §5.2. En premier lieu, il y avait ce fameux spectre universel pr´edit par le m´ecanisme ADOC. Mais nous avons vu finalement que ce spectre n’est pas conforme aux exigences d´eduites des donn´ees de l’exp´erience relatives

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a la composition du rayonnement cosmique propag´e. Il y avait ensuite la question de l’´energ´etique, qui fait de l’explosion des supernovæ la source probable de l’´energie des rayons cosmiques. Nous avons longuement comment´e ce point au§2.1.4, pour appeler `a la prudence. Mais mˆeme si l’on admet l’argument (comme il reste en effet naturel de le faire), on remarquera qu’il n’implique pas que ce soient les restes de supernova isol´es qui acc´el`erent la majeure partie du RCG. Bien au contraire : si les supernovæ fournissent effectivement la puissance acc´el´eratrice au rayonnement cosmique, c’est l`a o`u cette puis-sance est lib´er´ee, c’est-`a-dire dans les superbulles, qu’il est le plus naturel de recherches les sources ! Surtout si une telle hypoth`ese est d´ej`a connue pour r´esoudre le probl`eme majeur de la nucl´eosynth`ese des ´el´ements l´egers...

L’abandon de l’hypoth`ese SNR ne doit cependant pas se faire `a la l´eg`ere, car il im-plique bien ´evidemment de trouver un autre mod`ele pour l’acc´el´eration des rayons cos-miques. Nous pensons cependant que les arguments r´esum´es dans ce chapitre devraient suffire `a laisser la question largement ouverte. N’oublions pas d’ailleurs qu’un mod`ele rendant compte de l’acc´el´eration des particules jusqu’au genou, et jusque l`a seulement, impliquerait de toute fa¸con l’existence d’un autre m´ecanisme devant prendre le relais `a plus haute ´energie. Si nous sommes capables d’admettre l’existence d’un tel mod`ele alter-natif, pourquoi ne pas lui accorder, comme hypoth`ese de travail, la capacit´e d’acc´el´erer

5.6. LE POINT SUR L’HYPOTH `ESE SNR 133 aussi les rayons cosmiques de basse ´energie ? C’est d’ailleurs l’hypoth`ese inverse qui, en l’occurrence, paraˆıtrait bien ´etrange, car comment justifier qu’un m´ecanisme d´ebute su-bitement `a quelques 1015 eV, et soit impuissant `a produire des particules de plus basse

´energie ?

Pour finir, nous souhaitons attirer l’attention sur le fait que c’est bien l’ouverture de la probl´ematique du rayonnement cosmique, une fois encore, `a tout lecorpusobservationnel et th´eorique de l’astrophysique, qui nous a permis d’enrichir quelque peu le d´ebat et d’´eclairer la situation g´en´erale. Il ne s’agit nullement de disqualifier hˆativement un mod`ele qui a nombre d’attraits par ailleurs, et qui a motiv´e des recherches extrˆemement riches et fructueuses au cours des derni`eres d´ecennies. Mais il semble que ce soit justement le fruit de ces recherches qui nous permette aujourd’hui d’asseoir avec plus de fermet´e notre analyse critique, et d’entrevoir, peut-ˆetre, des voies alternatives au probl`eme de l’origine du rayonnement cosmique, qui d´ecaleraient sensiblement la perspective, en b´en´eficiant d’ailleurs pleinement des progr`es enregistr´es dans d’autres domaines de l’astrophysique.

Si nous devions ne retenir qu’un enseignement de cette ´etude critique du rayonnement cosmique, que cela soit que les contraintes susceptibles d’ˆetre apport´ees aux diff´erents mod`eles sont `a chercher tous azimuts, sur la vaste sc`ene de l’astrophysique g´en´erale, tant est riche et diverse la ph´enom´enologie du rayonnement cosmique.

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Chapitre 6

Les limites objectives des

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