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Abondances nucl´ eaires et richesse du rayonne- rayonne-ment cosmique

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 92-95)

Le spectre de masse des rayons cosmiques

3.1 Abondances nucl´ eaires et richesse du rayonne- rayonne-ment cosmique

Nous abordons dans ce chapitre quelques aspects th´eoriques et ph´enom´enologiques li´es `a la deuxi`eme dimension spectrale du rayonnement cosmique : son spectre de masse, c’est-`a-dire sa composition. Bien entendu, cette dimension est coupl´ee `a la premi`ere, et c’est justement la variation de la composition des rayons cosmiques avec l’´energie qui fournit les informations les plus riches sur le processus de propagation `a relativement basse ´energie, disons entre 0.1 et 100 GeV, et, par voie de cons´equence, sur les sources.

La litt´erature `a ce sujet est innombrable, car c’est r´eellement le cœur de l’activit´e des cosmiciens depuis des d´ecennies. La composition nucl´eaire offre d’ailleurs au rayonnement cosmique une dimension spectrale propre qui n’a aucun d’´equivalent dans l’astronomie photonique, puisqu’`a leur ´energie pr`es, tous les photons sont les mˆemes...

Nous avons d´ej`a d´ecrit les ph´enom`enes qui interviennent sur le trajet des particules depuis leurs sources jusqu’`a nos d´etecteurs, et mis en lumi`ere notamment l’importance des r´eactions de spallation, sur lesquelles nous reviendrons en d´etail au chapitre 7, au moment d’aborder la nucl´eosynth`ese des ´el´ements l´egers induite par le rayonnement cosmique. C’est un des rˆoles majeurs des rayons cosmiques dans l’´ecologie galactique g´en´erale, et son ´etude conduit en outre `a des conclusions qui ´eclairent un aspect impor-tant de la ph´enom´enologie de l’acc´el´eration, qui motivera en partie les travaux pr´esent´es au chapitre 8. Le plus remarquable, c’est qu’en ´etudiant l’abondance des ´el´ements l´egers dans les ´etoiles les moins m´etalliques du halo galactique, ce qui repr´esente un d´efi ob-servationnel majeur, on peut contraindre la composition qu’avaient les rayons cosmiques il y a dix milliards d’ann´ees, et la suivre tout au long de l’´evolution chimique galac-tique. Les r´esultats que nous avons obtenus dans ce domaine enrichissent d’ailleurs la vision commune de ce processus fondamental, t´emoignant une fois de plus de la quasi omnipr´esence du rayonnement cosmique en astrophysique.

Le d´etail de la composition des rayons cosmiques de basse ´energie int´eresse ´egalement au plus haut point les physiciens des particules impliqu´es dans la recherche des ´eventuels constituants corpusculaires de la mati`ere noire et/ou d´esireux de contraindre, au moyen des rayons cosmiques, certains param`etres des th´eories super-sym´etriques. Outre

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72 CHAPITRE 3. LE SPECTRE DE MASSE DES RAYONS COSMIQUES

Fig.3.1 – Abondances relatives des diff´erents ´el´ements chimiques au sein du rayonne-ment cosmique et du syst`eme solaire. Pour le rayonnement cosmique, les abondances de H et He proviennent des mesures effectu´ees par BESS et GSFC (exp´eriences en ballon)

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a 170 MeV/n, celles du Li au Ni sont dues aux mesures de CRIS `a la mˆeme ´energie, de mˆeme que celles du Cu au Zn, mais sur toute la gamme d’´energie 150–550 MeV/nucleon.

Pour le syst`eme solaire, les abondances proviennent de la compilation de Lodders (2003).

l’´emission directe associ´ee `a la d´ecroissance des neutralinos, c’est par exemple dans l’´evolution avec l’´energie des rapports d’abondance des positrons et des ´electrons que l’on esp`ere trouver la trace d’un signal super-sym´etrique. De mˆeme, la d´ecroissance des neutralinos s’accompagne de la production d’antiprotons qui devraient se mˆeler `a ceux r´esultant de l’interaction des rayons cosmiques ordinaires avec le milieu interstel-laire. L’exploitation des donn´ees sur les antiprotons, potentiellement capitales pour la physique des particules, n´ecessite une mod´elisation extrˆemement pr´ecise de la propa-gation du rayonnement cosmique, ce qui implique `a la fois des efforts observationnels importants (consentis notamment avec AMS) et une bonne connaissance des sources, du spectre d’injection et de la composition initiale des rayons cosmiques. Nous retrouvons l`a l’extrˆeme richesse des probl´ematiques associ´es au rayonnement cosmique, mais n’ayant pas nous-mˆemes travaill´e sur ces questions, nous ne les aborderons pas.

Pour fixer les id´ees, nous rappellerons seulement que les rayons cosmiques se com-posent d’1% d’´electrons (dont l’abondance d´ecroˆıt d’ailleurs avec l’´energie, puisque leur spectre est plus pentu) et de 99% de noyaux. Parmi ces noyaux, on trouve typiquement 89% de protons, 10% de noyaux d’h´elium, et 1% d’´el´ements plus lourds. La fraction rela-tive de ces ´el´ements lourds est `a peu pr`es semblable `a celle trouv´ee dans le syst`eme solaire,

3.1. ABONDANCES NUCL ´EAIRES ET RICHESSE DU RCG 73 mais les noyaux H et He sont significativement sous-repr´esent´es. La figure 3.1 compare les abondances des diff´erents ´el´ements au sein du rayonnement cosmique et au sein du syst`eme solaire. On y observe l’oscillation noyaux pairs/noyaux impairs, qui refl`ete des conditions de stabilit´e l´eg`erement diff´erente bien connues de la physique nucl´eaire, mais ce qui frappe le plus est l’´enorme sur-repr´esentation des ´el´ements Li, Be et B, par jusqu’`a six ordres de grandeur, et dans une moindre mesure celle des ´el´ements situ´es juste au dessous du pic du Fe. Ces exc`es d’abondance se comprennent ais´ement comme le r´esultat des r´eactions de spallations induite «en vol»par les noyaux C, N et O d’une part, et par les noyaux Fe d’autre part.

Tenant compte de la production des noyaux secondaires au cours de la propagation, on peut remonter – dans le cadre de mod`eles – `a la composition source du rayonnement cosmique, qui est bien sˆur la plus int´eressante pour tenter de contraindre les mod`eles d’acc´el´eration et identifier les sources. C’est la comparaison des abondances chimiques dans les sources avec de celle du syst`eme solaire qui donne lieu aux astucieux diagrammes CRS-SS (cosmic ray source vs. solar system), que Michel Cass´e n’h´esita pas `a glisser en divers endroits de sa th`ese, d´efendue en 1968 ! Au-del`a de l’anecdote – pourtant savou-reuse ! – on retiendra que les abondances `a la source sont en effet semblables `a celles du syst`eme solaire, ce qui semble indiquer que le rayonnement cosmique est acc´el´er´e `a partir du milieu interstellaire ordinaire. Pour ˆetre plus pr´ecis, les rapports fins d’abondances semblent corr´el´es `a la volatilit´e des diff´erents ´el´ements, ce qui semble indiquer l’impor-tance de la formation des grains interstellaires dans le m´ecanisme d’acc´el´eration. Pour l’ensemble de ces questions, nous renvoyons le lecteur `a l’abondante litt´erature dont un point d’entr´ee utile se trouve dans le double travail de Meyer, Drury & Ellison (1997) et Ellison, Drury & Meyer (1997).

Nous ferons n´eanmoins trois remarques. La premi`ere, c’est que tout ce qui vient d’ˆetre dit ne concerne que les rayons cosmiques de basse ´energie. Au niveau du genou, la d´etermination de la composition fait l’objet d’intenses travaux exp´erimentaux, pour les raisons que nous avons mentionn´e au§1.3.4, mais les donn´ees apparaissent souvent contradictoires. `A plus haute ´energie, et a fortiori aux ´energie extrˆemes, la composi-tion du rayonnement cosmique n’est pas mˆeme controvers´ee : elle est rigoureusement inconnue ! La deuxi`eme remarque que nous voulons faire, c’est que la similitude entre la composition du rayonnement cosmique `a sa source, il y a `a peine trente millions d’ann´ees, et celle du ambiant au moment de la formation du syst`eme solaire, il y a 4,6 milliards d’ann´ees, n’est pas sans soulever quelques questions d´elicates. La troisi`eme remarque, enfin, c’est que le bel agencement des abondances sources du rayonnement cosmique de basse ´energie souffre d’un certain nombre d’exceptions notables, dont celle du22Ne est la plus significative et sans doute la plus riche d’enseignements. Nous y reviendrons dans la partie II.

Dans la suite de ce chapitre, nous nous concentrerons sur la propagation des rayons cosmiques ultra-´energ´etiques dans l’espace des noyaux. Nous pr´esenterons une reformu-lation compl`ete de l’approche unidimensionnelle suivie dans ce domaine `a la suite no-tamment des travaux fondamentaux de Jean-Loup Puget et de ses collaborateurs dans les ann´ees 1970. Cette reformulation nous a ´et´e permise par une collaboration interdis-ciplinaire fructueuse, entreprise au sein de l’IPN avec un coll`egue physicien nucl´eaire, Elias Khan, qui s’est int´´ eress´e de pr`es `a la mod´elisation th´eorique des sections efficaces de photo-dissociation des noyaux. L’essentiel des r´esultats pr´esent´es ici font partie de la th`ese de Denis Allard, soutenue `a l’IPN en octobre 2004 et dont nous invitons le lecteur

`

a consulter le manuscrit pour tout d´etail suppl´ementaire (Allard, 2004, th`ese de docto-rat, Univ. Paris 6), ou dans les deux premiers articles que nous avons publi´es `a ce sujet (Khan et al., 2005 ; Astroparticle Physics, 23, 2 ; Allard et al., 2005, A&A, sous presse

74 CHAPITRE 3. LE SPECTRE DE MASSE DES RAYONS COSMIQUES [astro-ph/0505566]), auxquels nous renvoyons ´egalement (on y trouvera aussi une liste compl`ete de r´ef´erences).

Ayant d´ecrit les processus intervenant dans la propagation des noyaux

ultra-´

energ´etiques dans un champ de rayonnement, et la mani`ere dont ils peuvent ˆetre impl´ement´es au sein d’un code de propagation Monte-Carlo comme ceux discut´es au chapitre 2, nous proposerons une application sp´ecifique r´ev´elant l’importance de la com-position source pour toute la probl´ematique des rayons cosmiques de haute ´energie. Nous verrons en particulier comment la prise en compte des noyaux conduit `a une modifica-tion compl`ete de la vision que l’on peut avoir des rayons cosmiques ultra-´energ´etiques et de la transition galactique/extragalactique, d´ej`a comment´ee au chapitre 1 (§1.3.5). Le r´esultat de cette ´etude alimentera encore la discussion sur la ph´enom´enologie g´en´erale du rayonnement cosmique dans le cadre des mod`eles holistiques, d´ecrits au chapitre 9.

N’h´esitons pas `a y voir une nouvelle illustration de la n´ecessit´e d’une approche globale des rayons cosmiques.

3.2 Propagation des noyaux ultra-´ energ´ etiques dans

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