• Aucun résultat trouvé

Energie maximale ´

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 56-59)

Sur le spectre d’´ energie du rayonnement cosmique

2.1 Acc´ el´ eration des particules dans l’univers

2.1.2 Energie maximale ´

Nous l’avions d´ej`a ´evoqu´e au chapitre 1, l’´echappement des particules d´etermine non seulement la forme du spectre, mais encore l’´energie maximale qu’il est possible d’atteindre en un site donn´e. Pour permettre `a une particule d’acqu´erir toujours plus d’´energie dans un processus progressif, il est indispensable de la confiner dans les limites de l’acc´el´eration. Or la rigidit´e des particules augmente avec leur ´energie, et il devient de plus en plus difficile aux champs magn´etiques, `a mesure que cette rigidit´e s’accroˆıt, d’incurver les trajectoires et d’´eviter la diffusion ou mˆeme l’´echappement direct hors d’un volume d´elimit´e. Une limite sup´erieure `a l’´energie maximale atteinte en un site d’acc´el´eration quelconque peut ainsi ˆetre obtenue en exigeant – c’est bien le moins – que le rayon de Larmor des particules,rL =E/qBc(en r´egime relativiste), soit inf´erieur aux dimensions du site,R. On obtientEmax=qBcR'(9.3 1020eV)×ZBµGRMpc, qui peut encore se lire de mani`ere ´eloquente en remarquant queqBcest la force de Lorentz subie par la particule de charge q= Ze et de vitesse c, et que Emax est en quelque sorte le travail effectu´e par cette force d’un bout `a l’autre de la source – ´etant bien entendu que la force de Lorentz, ´evidemment, ne travaille pas directement, et que c’est justement la vertu du m´ecanisme d’acc´el´eration que de permettre son exploitation indirecte `a travers des champs ´electriques induits. Une autre fa¸con d’exprimer cette id´ee serait de d´efinir le champ ´electriqueE=Bccomme le champ effectif maximal associ´e `a B, et de noter que Emax repr´esente alors le travail de ce champ sur toute la longueur de l’acc´el´erateur.

Cette remarque nous permet d’ailleurs de noter que dans le cas de l’acc´el´eration par une onde de choc, l’´energie maximale qu’on puisse concevoir donner `a une particule s’´ecrit en fait non pas qBcL, mais Emax = qBVcR, o`u Vc est la vitesse du choc, qui remplace dans l’expression pr´ec´edente la vitesse de la lumi`ere. On voit alors comment c’est dans ce cas le champ ´electrique induit E = B×Vc qui, d’une mani`ere ou d’une autre, est mis `a profit par le m´ecanisme en question pour acc´el´erer les particules.

Dans le cas d’acc´el´erateurs pr´esentant des mouvements relativistes de facteur de Lorentz typique Γ, la valeur limite mentionn´ee concerne l’´energie dans le r´ef´erentiel de l’objet, et on peut donc attendre en principe un facteur Γ suppl´ementaire pour l’´energie dans le r´ef´erentiel galactique. Ceci peut encore se comprendre en introduisant un champ ´electrique induitE= ΓV B'ΓBc, tel qu’il d´ecoule en effet d’une

transforma-36 CHAPITRE 2. SPECTRE D’ ´ENERGIE DES RAYONS COSMIQUES

Fig.2.1 – «Diagramme de Hillas» appliqu´e `a des protons de 1020 eV et 1021 eV, et

`

a des noyaux de fer de 1020 eV. Attention, la vitesse caract´eristique des acc´el´erateurs potentiels et les pertes d’´energie n’ont pas ´et´e prise en compte.

tion de Lorentz relativiste. Notons enfin que la mˆeme limite s’applique ´egalement aux acc´el´erateurs “`a un coup”, impliquant un champ ´electrique stable produit dans ce que nous avons appel´e plus haut une machine `a induction. Il n’est plus n´ecessaire dans ce cas de confiner les particules, puisqu’elles acqui`erent leur ´energie en d´evalant simplement la pente ´electrique mise `a leur disposition sous la forme d’une diff´erence de potentielle entre, par exemple, la surface d’une ´etoile `a neutron et le milieu ext´erieur. Mais la force

´

electromotrice maximale que l’on peut tirer de la rotation d’un tel aimant, de vitesse angulaire Ω = V /R, o`u V est la vitesse de rotation `a l’´equateur et R est le rayon de l’´etoile, s’´ecrit U ' ΩBR2 = BV R, qui conduit `a une ´energie maximale `a nouveau exprim´ee par Emax = qBV R. C’est donc toujours la mˆeme expression qu’on obtient, en adaptant simplement les valeurs de B, V et R aux champ magn´etique, vitesse et dimension caract´eristiques de l’acc´el´erateur consid´er´e.

Il d´ecoule de ces consid´erations que pour atteindre les ´energies les plus ´elev´ees, il faut se tourner vers les sources les plus vastes et/ou dans lesquelles on rencontre les diff´erences de vitesse les plus grandes et/ou les champs magn´etiques les plus ´elev´es. Appliquant ce simple crit`ere au cas des rayons cosmiques ultra-´energ´etiques, Michael Hillas a produit une figure devenue tr`es classique, sur laquelle sont port´ees, dans un diagramme (R, B), les performances des diff´erents types de sources ´energ´etiques de l’univers, compar´ees `a celles requises pour acc´el´erer des protons ou des noyaux de fer jusqu’`a 1020 eV. Nous reproduisons un diagramme de ce type sur la figure 2.1, en attirant toutefois l’attention sur le fait que la vitesse caract´eristique des acc´el´erateurs potentiels n’a pas ´et´e prise en compte. Les performances des ´etoiles `a neutrons ou des amas de galaxies, notamment, ont

2.1. ACC ´EL ´ERATION DES PARTICULES DANS L’UNIVERS 37 donc ´et´e surestim´ees, et inversement les sursauts gamma, avec leurs plasmas relativistes, pourraient conduire `a des ´energies encore sup´erieures.

Il faut encore noter qu’`a haute ´energie, l’acc´el´eration proprement dite n’est plus uni-quement en comp´etition avec l’´echappement des particules hors du site, mais aussi avec les pertes d’´energies qu’elles peuvent y subir. Le cas des pertes par rayonnement syn-chrotron subies par les ´electrons dans les restes de supernova est bien connu, et nous verrons au chapitre 6 comment son ´etude approfondie peut fournir des informations tr`es pr´ecieuses sur les d´etails du m´ecanisme d’acc´el´eration. Pour les protons, les pertes synchrotron ne se manifestent qu’`a une ´energie (mp/me)2 fois sup´erieure, mais elles peuvent ˆetre importantes `a tr`es haute ´energie, en pr´esence de champs magn´etiques forts.

Un autre facteur limitant, qui p´enalise gravement les noyaux actifs de galaxie, sont les pertes d’´energie par interaction Compton inverse sur le rayonnement environnant (CMB ou autre). Prenant ces pertes d’´energie en compte, certains auteurs estiment qu’il est tout simplement impossible de produire les rayons cosmiques ultra-´energ´etiques dans des acc´el´erateurs compacts `a fort champ magn´etiques, tels que les sursauts gamma, les noyaux actifs de galaxie ou encore les ´etoiles `a neutrons en rotation rapide (Medvedev, 2003). Voil`a qui ne laisserait plus grand choix... Sans partager toutes ces conclusions, notamment en ce qui concerne les sursauts gamma, que nous tenons toujours pour des candidats s´erieux, nous voulions indiquer ici le type de probl`emes qui se posent lors-qu’on consid`ere l’acc´el´eration des particules les plus ´energ´etiques, et rappeler ainsi leur situation singuli`ere.

2.1.3 Equipartition ´

Un autre aspect important de l’acc´el´eration des particules se rapporte `a l’´energ´etique globale du processus. Il arrive de lire dans des articles pourtant sp´ecialis´es que les chocs produits par les supernovæ sont des acc´el´erateurs si efficaces qu’ils peuvent transf´erer aux rayons cosmiques plus de la moiti´e de leur ´energie cin´etique initiale. Une telle affirmation s’appuie en g´en´eral sur des simulations num´eriques d´ecrivant l’acc´el´eration dans des chocs non radiatifs et stationnaires. Ces simulations sont souvent complexes, mais il n’est pas besoin d’en comprendre les d´etails pour savoir qu’elles sont fausses, puisque l’´energie des rayons cosmiques ne saurait exc´eder celle des champs magn´etiques qui les confinent, eux-mˆemes au mieux en ´equilibre avec le choc lui-mˆeme. Dans le cas id´eal d’une

´equipartition, ce n’est gu`ere plus d’un tiers de l’´energie cin´etique initiale qu’on peut donc transf´erer aux rayons cosmiques, sans parler de l’´energie thermique g´en´er´ee au niveau du choc et sans laquelle on manquerait de pression pour en maintenir l’expansion. Cette remarque est destin´ee bien sˆur `a mettre en garde contre des affirmations hˆatives, mais surtout `a faire valoir l’interd´ependance des diff´erentes formes d’´energie pr´esentes dans les sources ou dans le milieu interstellaire.

A cet ´` egard, un fait remarquable m´erite d’ˆetre mentionn´e : la densit´e d’´energie magn´etique dans le milieu interstellaire est comparable `a celle du rayonnement cos-mique, ainsi d’ailleurs qu’`a celle des photons de la lumi`ere visible et du rayonnement de fond cosmologique :εB ∼εCR ∼εCMB ∼εopt ∼1 ev/cm3. L’´equipartition approxima-tive entre le rayonnement cosmique et le champ magn´etique n’est probablement pas une co¨ıncidence, et t´emoigne d’une interaction ´energ´etiquement significative entre ces deux composantes essentielles du milieu interstellaire. Cet argument renforce l’id´ee d’une in-tervention directe des champs magn´etiques dans l’acc´el´eration des particules. Mais en r´ealit´e, le confinement des rayons cosmiques dans la galaxie ´etant assur´e par les champs magn´etiques, la densit´e d’´energie des premiers ne saurait ˆetre tr`es sup´erieure `a celle des seconds. Inversement, si elle ´etait tr`es inf´erieure, les champs magn´etiques n’auraient

au-38 CHAPITRE 2. SPECTRE D’ ´ENERGIE DES RAYONS COSMIQUES cune peine `a maintenir plus longtemps les rayons cosmiques dans le milieu interstellaire, et ils pourraient alors s’accumuler jusqu’`a atteindre une densit´e d’´energie significative.

La quasi-identit´eεB∼εCRsemble donc plutˆot li´ee `a la propagation des rayons cosmiques qu’`a leur acc´el´eration. Mais ceci n’empˆeche pas cela, et l’id´ee d’acc´el´erer les particules en puisant dans le r´eservoir magn´etique ambiant n’est effectivement pas nouvelle et de-meure largement d’actualit´e. Elle sous-tend la plupart des m´ecanismes astrophysiques d’acc´el´eration, et notamment les m´ecanismes de Fermi.

Explorant plus loin la relation, on peut aussi s’interroger sur le rˆole inverse des rayons cosmiques dans la g´en´eration du champ magn´etique. C’est un point qui m´erite attention, car il pourrait avoir des cons´equences majeures pour l’astrophysique en g´en´eral, compte tenu de l’importance du rˆole des champs magn´etiques `a de nos nombreux niveaux. Si les ondes de choc sont `a mˆeme d’acc´el´erer efficacement les particules, ce n’est que dans la mesure o`u des champs magn´etiques turbulents sont capables, en amont comme en aval du choc, d’isotropiser leur distribution angulaire, leur permettant ainsi de traverser de nombreuses fois le choc et ce faisant d’accroˆıtre graduellement leur ´energie. Or il fut reconnu d`es l’av`enement de ce mod`ele que les rayons cosmiques devaient ˆetre capables eux-mˆemes de produire les ondes magn´etiques permettant leur diffusion efficace en amont du choc. Faute de quoi le m´ecanisme ´echouerait. L’instabilit´e de courant par laquelle un faisceau de particules charg´ees (par exemple une distribution anisotrope de rayons cos-miques) dans un plasma magn´etis´e produit et amplifie des ondes MHD, notamment des ondes d’Alfv´en, est invoqu´e `a juste titre comme un ´el´ement fondamental du mod`ele. Sa mise en œuvre effective dans les restes de supernova et l’exploration d’autres m´ecanismes assumant une fonction similaire forment un des domaines de recherches les plus actifs dans ce domaine, relanc´e notamment par la mise en ´evidence r´ecente d’instabilit´es ca-pables de produire des fluctuations du champ magn´etique plusieurs ordres de grandeur au dessus du champ ordonn´e sous-jacent (Bell & Lucek, 2001 ; Bell, 2004). Les r´esultats que nous pr´esenterons au chapitre 6 montrent que les donn´ees observationnelles relatives aux restes de supernova permettent de confirmer l’existence de ces champs fortement amplifi´es, et renforcent donc le soup¸con d’une participation active des rayons cosmiques.

Instruits de cette possibilit´e, et portant notre attention cette fois sur le milieu inter-galactique, nous avons propos´e que les rayons cosmiques de tr`es haute ´energie puissent

´

egalement interagir positivement avec les champs extrˆemement faibles qui s’y sont d´evelopp´es ou y subsistent depuis les premiers ˆages de l’univers, et parviennent `a r´ealiser une ´equipartition approch´ee qui aurait d’ailleurs des cons´equences importantes sur la ph´enom´enologie du rayonnement cosmique au niveau de la cheville et/ou de la tran-sition galactique/extragalactique. Cette ´etude, qui sera ´evoqu´ee au chapitre 4, montre une fois encore l’importance d’une approche globale des ph´enom`enes ´energ´etiques dans l’univers. `A la suite de ces travaux, d’autres auteurs se sont pench´e sur la production de champ magn´etique par ou en association avec les rayons cosmiques, et explor´e l’hypoth`ese d’´equipartition dans les galaxies, les amas de galaxies et le milieu intergalactique (Dar

& de R´ujula, 2005). Les r´esultats pr´eliminaires sont encourageants, et nous comptons revenir sur le sujet prochainement en ´etudiant de mani`ere plus d´etaill´ee les interactions champs/particules et en tirant parti des contraintes apport´ees par les diff´erents types de sources o`u les mˆemes ph´enom`enes pourraient avoir lieu.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 56-59)