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Auto-pr´ esentation du rayonnement cosmique

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 26-29)

Si vaste est la probl´ematique du rayonnement cosmique qu’il paraˆıt impossible de l’orchestrer, d’en organiser les figures, et plus futile encore de tenter de la circonscrire.

S’y aventurer est toujours hasardeux, car les chemins qu’on y emprunte semblent comme ob´eir `a leurs propres humeurs. On croit aborder un probl`eme, mais il nous m`ene vers un autre. Tant d’aspects rejaillissent sans cesse les uns sur les autres qu’une pr´esentation lin´eaire ne saurait aboutir. Les rayons cosmiques sont en quelque sorte inabordables, n´ecessitant qu’on suive toutes les voies d’acc`es en une progression simultan´ee, superpos´ee.

Ne pouvant choisir parmi elles, nous nous abandonnerons ici au rayonnement cosmique, le laissant lui-mˆeme nous guider, d´eployer ses atours tout au long de son spectre, et livrer

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a son gr´e ses diverses facettes, r´ev´eler ses enjeux, et poser ses questions...

1.1 Parmi les sept merveilles du monde physique...

Il est habituel de distinguer diff´erentes r´egions au sein du spectre des rayons cos-miques : basse ´energie, GeV, TeV,«genou»,«cheville», tr`es haute ´energie, ultra-haute

´energie... Mise `a part la distinction entre rayonnement cosmique galactique et extraga-lactique, cela tient cependant surtout `a des raisons historiques et observationnelles. De fait, la d´ecroissance rapide de leur flux avec l’´energie fait que les rayons cosmiques de tr`es haute ´energie n’ont pu ˆetre d´ecouverts que plus tardivement, et que des techniques d’ob-servation radicalement diff´erentes doivent leur ˆetre appliqu´ees. La d´emarcation la plus significative s’´etablit autour du PeV (1015eV) : au-dessous de cette limite, la d´etection directe des RCs par satellite ou par ballon est possible, et conduit `a une identification relativement fiable de l’´energie et de la composition, notamment de 0.1 `a∼103GeV ; au del`a du PeV, en revanche, c’est via les gerbes de particules secondaires qu’ils produisent dans l’atmosph`ere que les rayons cosmiques sont d´etect´es. Essentiellement indirecte, cette technique est plus difficile `a contrˆoler : elle repose sur des hypoth`eses de physique hadro-nique intervenant de mani`ere subtile dans le d´eveloppement des gerbes atmosph´eriques, s’appliquant `a des domaines d’´energie encore inexplor´es en acc´el´erateur – et qui le de-meureront encore longtemps dans le cas des rayons cosmiques d’´energie extrˆeme, vers 1020eV ou au del`a.

Mais quel que soit le d´ecoupage auquel nous a contraint l’histoire ou la technique, la caract´eristique la plus frappante du rayonnement cosmique, `a la simple vue de la

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6 CHAPITRE 1. AUTO-PR ´ESENTATION DU RAYONNEMENT COSMIQUE

Fig.1.1 – Spectre d’´energie global des rayons cosmiques, donnant leur flux diff´erentiel en fonction de l’´energie (donn´ees compil´ees par Simon Swordy).

d´esormais classique figure 1.1 (sur l’´elaboration de laquelle il y aurait toutefois `a revenir), reste l’extraordinaire r´egularit´e de son spectre d’´energie en loi de puissance, dN/dE ∝ E−α, sur au moins 12 ordres de grandeur en ´energie, et 32 ordres de grandeur en flux, `a peine marqu´e par de l´egers infl´echissements : vers 3–5 1015eV, o`u la pente logarithmique passe de∼2.7 `a∼3.0 – c’est le fameuxgenou; vers 5 1017eV, o`u la pente devient∼3.3 – unsecond genou identifi´e plus r´ecemment ; et vers 3 1018 eV, o`u elle redevient moins raide, probablement de l’ordre de 2.7–3.0 – c’est lacheville. Au del`a, les flux sont si faibles que les diff´erentes exp´eriences peinent `a fournir une vision coh´erente de la structure du spectre et `a lever les incertitudes sur la normalisation de l’´energie.

Trente deux ordres de grandeur ! C’est tout simplement l’ˆage de l’univers en pi-cosecondes ! Comment ne pas rester stup´efait devant un tel ph´enom`ene, coh´erent sur

1.2. SOUS LA PLAGE, LES PAV ´ES ! 7 une gamme de flux aussi vaste, en une loi de puissance pratiquement uniforme ? On ne prendrait probablement pas grand risque `a affirmer, sans plus ample examen des ar-chives scientifiques, qu’il s’agit l`a d’une situation tout `a fait unique en physique. Car il faut bien songer que le rayonnement cosmique est un ph´enom`ene fondamentalement non-themique : son spectre en loi de puissance t´emoigne d’une r´ealit´e totalement hors d’´equilibre, qui rend plus myst´erieuse encore sa r´egularit´e. Comment maintenir un tel spectre – jusqu’`a des ´energies macroscopiques ! – quand toute chose, en physique, tend `a se thermaliser ? Quelle instabilit´e fondamentale, `a l’œuvre quelque part dans le cosmos, peut-elle ˆetre assez stable, en quelque sorte, pour entretenir dynamiquement une telle situation ? Je ne saurais dire quels autres joyaux m´eriteraient une place au sein des sept merveilles du monde physique, mais le spectre du rayonnement cosmique, sans l’ombre d’un doute, devrait figurer parmi elles !

1.2 Deuxi` eme regard sur le spectre : sous la plage, les pav´ es !

Comme nous l’avons indiqu´e, la belle r´egularit´e du spectre des rayons cosmiques, remarquable et probablement riche de sens, cache n´eanmoins des brisures significatives, traditionnellement nomm´ees genou et cheville. Ces structures apparaissent plus claire-ment lorsqu’on s’affranchit de la d´ecroissance rapide du flux en portant sur une figure le spectre diff´erentiel redress´e, multipli´e par E3. Comme le montre la figure 1.2, on distingue alors en r´ealit´e une troisi`eme structure, correspondant `a un nouveau raidisse-ment du spectre, vers log10(EeV) '17.5, que l’on nomme le second genou. En ce qui concerne le premier genou, citons simplement ici les derniers r´esultat de l’exp´erience germano-italienne KASCADE, qui ´etudient cette structure avec le plus grand soin et tout l’appareillage des exp´eriences de physique des particules : d’apr`es ces nouvelles donn´ees, le genou se situerait `a une ´energie Eknee ' 5 1015 eV (KASCADE Collabo-ration, 2005). Il faut ´egalement noter qu’aucun des mod`eles hadroniques utilis´es pour analyser les gerbes de rayons cosmiques d´etect´ees par KASCADE n’est en mesure de rendre compte de l’ensemble des donn´ees recueillies. Cette situation est particuli`erement inconfortable pour l’exp´erimentateur, qui ne peut accorder qu’une confiance limit´ee aux outils dont il use pour d´eduire l’´energie et la nature des rayons cosmiques primaires.

Il est en tout cas manifeste que les mod`eles actuels sont partiellement d´efectueux, soit que le d´eveloppement – quasi m´ecanique – de la gerbe dans l’atmosph`ere soit trait´e de mani`ere erron´ee (mˆeme si l’on voit mal comment pourraient subsister des erreurs suffi-samment graves pour expliquer les d´esaccords), soit que la physique sous-jacente qui est utilis´ee, et notamment la physique hadronique `a haute ´energie, soit encore incompl`ete ou imparfaitement maˆıtris´ee.

Cette deuxi`eme hypoth`ese, qui semble renforc´ee par les derni`eres analyses de KAS-CADE, ne serait pas pour ´etonner tous ceux qui voient dans la structure du genou les signes d’une physique nouvelle, au-del`a du mod`ele standard, pouvant notamment se caract´eriser par l’ouverture d’un canal d’interaction nouveau, via lequel une par-tie de l’´energie initiale du rayon cosmique entrant dans l’atmosph`ere serait dissimul´ee

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a nos instruments de mesure (e.g. Kazanas & Nicolaidis, 2001a,b). L’´energie effective-ment mesur´ee serait ainsi plus faible, et le flux des rayons cosmiques attribu´e `a une

´energie donn´ee correspondrait en fait `a une ´energie plus grande, o`u un flux plus faible est en effet attendu en raison de la d´ecroissance du spectre : d’o`u la rupture de pente et la d´ecroissance apparemment plus rapide du spectre. Divers arguments supportent

8 CHAPITRE 1. AUTO-PR ´ESENTATION DU RAYONNEMENT COSMIQUE

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E. Parizot (IPN Orsay) Orsay, 1-3 déc. 2003  Réunion du groupe RCUE (GDR PCHE) 

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