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L’hypothèse de la différence de marquage (Eckman)

3. En fonction des résultats des comparaisons systématiques, une progression pourrait s’établir sur la base des différences et des similitudes repérées entre les

1.6.4 L’hypothèse de la différence de marquage (Eckman)

inconscient au niveau prosodique par des faits psychologiques. En outre, Wenk107 (1985) a souligné que les structures rythmiques de l’interlangue se caractérisent plutôt par des traits inhérents aux deux langues L1 et L2.

Dans le modèle d’ontogénie et phylogénie (Ontogeny Phylogeny Model) de Major108 (2001), l’interlangue d’un apprenant d’une L2 se construit sur la base de la combinaison de trois éléments principaux issus de L1, L2 et des universaux linguistiques. Selon Major, les apprenants utilisent des ressources phonologiques des trois éléments principaux lorsqu’ils construisent leur système phonologique en L2. Les compétences en L1 diminuent tout au long l’apprentissage tandis que celles de L2 deviennent plus élevées et les universaux linguistiques augmentent pour ensuite diminuer. En effet, l’auteur considère le transfert des traits de L1 le facteur le plus important au début de l’apprentissage. Cependant, l’apprenant développe ses compétences en L2, ce qui fait diminuer le taux du transfert et augmenter également les universaux. Ces universaux vont ensuite se substituer par des structures élaborées de L2 reflétant ainsi le degré de maîtrise de l’apprenant.

1.6.4 L’hypothèse de la différence de marquage (Eckman)

Eckman109 (1977) a proposé "l’Hypothèse de la Différence de Marquage" (désormais, H.D.M.), fondée sur le principe dichotomique (marqué-non-marqué), qui se veut explicative du système d’erreurs phonético-phologiques. La notion de "marque" en tant que propriété fondamentale de la langue et en particulier de la charpente phonique, a été introduite par Troubetzkoy&Jakobson110(1930) et développée par Jakobson& Waugh111 (1980). Eckman propose que dans chaque opposition phonologique, se

106 CALBRIS, G & MONTREDON, J. (1975), Approche rythmique intonative et expressive du français

langue étrangère, Clé International, Paris.

107 WENK, B.J. (1991), Learner strategies for learner autonomy, Englewood Cliffs, Prentice-Hall.

108 MAJOR.R.C. (2001), Foreign accent: the ontogeny and phylogeny of second language phonology, New Jersey, Lawrence Erlbaum Associates.

109 ECKMAN, F.R. (1977), Markedness and the contrastive analysis hypothesis, Language Learning (27), 315-330.

110 Selon Gadet, "c’est N. Troubetzkoy qui, 1930, formule le fait que, des deux termes d’une opposition phonologique, l’un est pourvu de marque, et l’autre pas. " (1994 :81).

111 JAKOBSON, R&WAUGH, L. (1980), La charpente phonique du langage, Trad. A.Kihm, (Eds.) Minuits, Paris.

manifeste toujours la prééminence de l’un des deux opposés, l’un est psychologiquement non-marqué (neutre, universel, plus fréquent) et l’autre marqué (plus spécifique, moins fréquent, plus restreint).

Selon l’H.D.M., les difficultés des apprenants peuvent être prédites par les différences entre la LS et la LC ainsi que la relation de marquage universel existant entre ces différences. Les structures non-marquées superposées aux unités contrastives peuvent prédire le degré de difficulté et l’ordre d’acquisition. Alors, les structures qui sont différentes et aussi relativement plus marquées que leurs équivalents dans la langue source seront difficiles, tandis que les structures qui sont différentes mais pas plus marquées ne seront pas difficiles. Donc, le degré de difficulté correspond au degré de marquage entre les différences.

Bien que les différences entre les occlusives sonores et les fricatives en anglais et en allemand soient nécessaires pour expliquer les difficultés d’apprentissage, ces différences ne sont pas suffisantes pour prédire la directionalité des difficultés de l’acquisition de cette classe de sons. L’ H.D.M. prédit que les locuteurs germanophones dont la langue interdit le voisement des occlusives et des fricatives en fin de syllabe auraient des difficultés à prononcer correctement le mot anglais ‘head’ (tête) et les locuteurs anglophones dont la langue permet l’occurrence des occlusives et fricatives sourdes et sonores en fin de syllabe seraient incapables à reproduire le mot allemand ‘bad’ (salle de bain). En d’autres termes, les locuteurs anglophones présentent effectivement des difficultés à ignorer les formes marquées en parlant allemand et utilisent exclusivement leurs correspondants non-marqués.

La validité prédictive de cette hypothèse a été testée dans de nombreuses études, notamment celles qui traitent l’acquisition des groupes consonantiques et des structures syllabiques d’une langue seconde (Anderson 1987, Eckman&Iverson 1993). En général, les apprenants se montrent sensibles aux structures plus marquées dans la LC et le degré de leurs difficultés varie selon les contraintes typologiques universelles. Ces apprenants ont tendance à substituer les groupes consonantiques de façon à produire la structure CV en utilisant une gamme de procédés phonologiques de simplification (insertion d’une voyelle épenthétique, élision et syncope de quelques constituants, etc.).

En outre, Anderson112 (1987) a pu remarquer une différence quant à l’acquisition des attaques et des codas avec une fréquence d’erreurs relative aux codas. Tropf113 (1987) a montré également que les apprenants d’une langue seconde rencontrent plus de difficultés avec les structures de LC qui violent les contraintes de l’hiérarchie de sonorité114 dans la langue source. Roy115 a étudié aussi la production de groupes consonantiques du français par des locuteurs natifs du mandarin afin de vérifier les prédictions de l’H.D.M. Elle s’est interrogée sur les suites consonantiques qui constituent plus de difficultés aux apprenants chinois selon les règles du principe de sonorité. Pour cette fin, la production de 122 mots par six sujets chinois a été analysée.

Les résultats ont indiqué que les locuteurs du mandarin étaient confrontés à des problèmes pour réaliser les groupes consonantiques du français. Le degré de difficulté de production variait selon la nature des consonnes impliquées et la position du groupe à l’intérieur de la syllabe. Ces résultats corroborent les conclusions d’Anderson (1987): les codas complexes posent plus de problèmes que les attaques complexes.

Eckman (1991) propose un autre principe qui engloberait l’interlangue, il s’agit de "l’Hypothèse de la Conformité Structurelle" (désormais, H.C.S.). Cette hypothèse prédit que les généralisations des universaux fonctionnent aussi bien pour les langues primaires que pour les interlangues. Or, l’auteur116 souligne les motivations pour cette nouvelle hypothèse:

“Les motivations primaires pour une hypothèse de conformité structurelle (H.C.S.) est le schéma de L2, démontré dans Eckman (1996), mais pas

112 ANDERSON, J. (1987), The markedness differential hypothesis and syllable structure difficulty, In G. Loup&S. Weinberger (Eds.), Interlanguage phonology: the acquisition of a second Language sound

system, New York: Newbury House/Harper & Row, 279-291.

113 TROPF, H. (1987), Sonority as a variability in second language phonology, In Sound patterns in

second language acquisition (dir.) A.James & J.Leather, Dordrecht: Foris Publications, 173-191.

114 D’après le principe de la sonorité, les segments dans la syllabe sont classés selon un degré de sonorité ascendant de la frontière vers le noyau de la syllabe et selon un degré de sonorité descendant du noyau vers la coda, Kiparsky (1979)

115 ROY. C, Modification des groupes consonantiques du français par des locuteurs natifs du mandarin, http://www.er.uqam.ca/nobel/scilang/cesla02/Chantal.PDF

116 F.R.Eckman souligne que: "The primary motivation for the SCH is an L2 pattern, as argued in Eckman (1996), but not necessarily, an error pattern, in which the L2 structures adhere to markedness principles, but the constructions in question are not an area of difference between the NL and TL. Since the pattern does not arise in an area of NT-TL difference, it is not explained by the MDH. One way to address this shortcoming was to eliminate NL-TL differences as a criterion for invoking markedness to explain the L2 learning facts. Essentially, then, the SCH is the result of stripping NL-TL differences from the statement of the MDH. If it is reasonable to assume that a learner will perform better on less marked structures relative to more marked structures, then the MHD can be seen as a special case of the SCH, namely, the case in which universal generalizations hold for the interlanguage (IL) in question, and the structures for which the generalizations hold are ones in which the NL and TL differ." (2008:102-103)

nécessairement un trait d’erreurs dans lequel les structures de L2 sont en conformité avec le principe de marquage, mais les constructions en question ne sont pas des zones de différence entre LS et LC. Puisque le schéma n’apparaît pas dans une zone de différence entre L1/L2, il ne pourrait pas être expliqué par l’hypothèse de différence de marquage (H.D.M.). Une manière d’aborder cette insuffisance était d’éliminer les différences entre L1 et L2 comme un critère invoquant le marquage afin d’expliquer les difficultés d’apprentissage. L’H.C.S. est essentiellement le résultat d’enlever les différences entre L1 et L2 dans la proposition de l’H.D.M. Si est raisonnable d’admettre que l’apprenant réalisera mieux les structures les moins marquées relatives aux structures plus marquées, alors l’H.D.M. n’est qu’un cas spécial de l’H.C.S., notamment le cas dans lequel les généralisations universelles sont maintenues pour l’interlangue en question (IL), et les structures pour lesquelles les généralisations maintenues sont celles dans lesquelles LS et LC diffèrent.” (traduction)

Après avoir discuté les différentes hypothèses et approches ayant pour but l’explication des transferts résultant du contact entre la LS et la LC, nous nous intéressons à ce niveau aux facteurs influençant la construction d’un nouveau paysage sonore. Nous tenterons d’expliciter les variables qui se révèlent saillantes dans ce processus d’intégration de nouveaux éléments à un savoir-faire déjà acquis, tout en mettant en relief la double articulation activité physique/activité mentale de la production parolière. Cependant, il nous semble tout d’abord important d’éclairer les ambiguïtés relatives aux deux concepts respectifs "acquisition" et "apprentissage" pour parvenir enfin à expliciter la notion "d’appropriation" d’un système phonético-phonologique d’une nouvelle langue.

2. Apprentissage/enseignement de la prononciation